Cour d'appel d'Amiens, Referes 1er pp, 16 janvier 2020, n° 19/00126

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ORDONNANCE

du 16 Janvier 2020

A l’audience publique des référés tenue le 12 Décembre 2019 par Monsieur Christophe BACONNIER, président de chambre délégué par ordonnance de Mme la Première Présidente de la Cour d’Appel d’AMIENS en date du 17 septembre 2019

Assisté de Madame LEPECQUET, Greffier.

Dans la cause enregistrée sous le N° RG 19/00126 – N° Portalis DBV4-V-B7D-HRVL du rôle général.

ENTRE :

Monsieur D B C

Ferme de Saint-Ladre

[…]

[…]

Assignant en référé suivant exploit de la SCP BELLANGER-Y, Huissiers de Justice, en date du 20 Novembre 2019, d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS le 27 Juin 2019.

Représenté, concluant par Maître LE ROY de la SELARL LEXAVOUÉ, avocat postulant au barreau d’Amiens et plaidant par Maître HUBERT, avocat au barreau de Beauvais.

ET :

Madame E B C

[…]

[…]

DÉFENDERESSE au référé.

Représentée, concluant et plaidant par Maître DEVILLERS, avocat au barreau de Beauvais.

Monsieur le Président après avoir constaté qu’il s’était écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée puisse se défendre.

Après avoir entendu :

— en ses assignation et plaidoirie : Maître HUBERT, conseil de M. B C,

— en ses conclusions et plaidoirie : Maître DEVILLERS, conseil de Mme B C.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 Janvier 2020 pour rendre l’ordonnance par mise à disposition

au Greffe de la copie.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme E B C est propriétaire d’un immeuble sis à Erquery composée d’une maison et d’une dépendance se trouvant à proximité de la propriété de M. D B C, frère de la requérante, qui y exploite un centre équestre et deux carrières d’équitation.

Des désordres sont apparus dans la dépendance de Mme E B C notamment des écoulements d’eau pluviale dans la cave.

Par une ordonnance rendue le 15 janvier 2015, le juge des référés a ordonné une expertise dont le rapport a été déposé le 28 juillet 2015.

Saisi par Mme E B C d’une demande tendant à voir déclarer M. D B C responsable des désordres affectant son fonds, le tribunal de grande instance de Beauvais, par jugement rendu le 27 juin 2019 a notamment :

— déclaré M. D B C responsable des troubles anormaux du voisinage subis par Mme E B C du fait des ruissellements fautifs provenant de son fonds et de la présence et de l’utilisation d’un câble électrique situé sur le fonds de Mme E B C ;

— dit n’y avoir lieu à expertise ;

— condamné M. D B C à exécuter ou faire exécuter sur son fonds et entre les deux propriétés des parties, en contrebas de leurs parcelles respectives et selon les préconisations de l’expert judiciaire, une tranchée drainante ou un caniveau en forme de noue entre les deux propriétés des parties, afin de canaliser les eaux de ruissellement en provenance de son fonds vers un exutoire à créer en contrebas des parcelles ;

— dit que ces travaux seront exécutés conformément au devis de l’EURL LEDRU et que leur coût supporté par M. D B C ;

— dit qu’en cas de non exécution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, M. D B C sera redevable au profit de Mme E B C d’une astreinte provisoire de 1 000 € par jour de retard pendant six mois ;

— dit que le tribunal réserve la liquidation de l’astreinte ;

— condamné M. D B C à payer à Mme E B C la somme de 4 024 € en réparation des désordres affectant la cave de son immeuble et la somme de 704 € au titre de la suppression du branchement électrique situé sur son fonds ;

— débouté Mme E B C de ses demandes au titre du préjudice de jouissance et de la résistance abusive,

— débouté M. D B C de ses demandes reconventionnelles

— dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande aux fins de compensation

— condamné M. D B C aux dépens qui pourront être directement recouvrés par maître X incluant le coût des procès-verbaux des 4 septembre et 3 octobre 2014

— condamné M. D B C à payer à Mme E B C la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision.

M. D B C a relevé appel de ce jugement par déclaration d’appel en date du 13 août 2019.

Par acte d’huissier du 20 novembre 2019, M. D B C a fait assigner Mme E B C devant la première présidente de la cour d’appel d’Amiens, au visa de l’article 524 du code de procédure civile aux fins de voir :

« CONSTATER que l’exécution provisoire du Jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS en date du 27 juin 2019 risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives en ce que ledit jugement :

- impose la réalisation de travaux selon le devis LEDRU impliquant la mise en place de 135 tonnes de cailloux sur une longueur de 110 m à l’intérieur d’une piste équestre servant à des concours de saut d’obstacle (CSO) et entraînant ainsi une mise en danger la sécurité des cavaliers et des équidés et une violation des règles de conception des pistes équestres pour les concours de saut d’obstacles (CSO) ;

- assortit l’absence de réalisation desdits travaux selon le devis LEDRU d’une astreinte de 1000 € par jour de retard pendant six mois représentant un risque de condamnation à la somme totale de 180 000 € qui placerait l’exploitation équestre en état de cessation des paiements alors que le requérant a fait procéder à des travaux similaires mettant un terme au problème de ruissellement des eaux de pluie de la piste équestre vers la petite maison très ancienne et non habitée de Mme E B C.

EN CONSÉQUENCE, ARRÊTER l’exécution provisoire attachée au jugement du Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS en date du 27 juin 2019 mais uniquement en ce qu’il :

- Condamne Monsieur D B C à exécuter ou à faire exécuter sur son fonds et entre les deux propriétés des parties, en contrebas de leurs parcelles respectives et selon les préconisations de l’expert judiciaire, une tranchée drainante ou un caniveau en forme de noue entre les deux propriétés des parties, afin de canaliser les eaux de ruissellement en provenance de son fonds vers un exutoire à créer en contrebas des parcelles,

- Dit que ces travaux seront exécutés conformément au devis de EURL et leur coût sera supporté par Monsieur D B C

- Dit qu’en cas de non exécution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, Monsieur D B C sera redevable au profit de Madame E B C d’une astreinte provisoire de 1000 (mille) euros par jour de retard pendant six mois.

- Dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte.

REJETER l’ensemble des demandes fins et conclusions de Madame E B C.

CONDAMNER Madame E B C à verser à Monsieur D B C une indemnité de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile;

LA CONDAMNER aux dépens dont distraction au profit de Maître Jérôme LE ROY, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile. »

Lors de l’audience, monsieur D B C s’est fait représenter, a fait déposer des conclusions analogues à l’assignation précitée et a maintenu sa demande d’arrêt de l’arrêt de l’exécution provisoire.

M. D B C fait valoir que l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel aurait pour lui des conséquences manifestement excessives en ce que :

— la réalisation d’une bande de cailloux de 110 mètres de long mettrait en danger les cavaliers et les équidés ; ces travaux rendraient la carrière non conforme au règlement de saut d’obstacles (pièce n° 14), les cailloux étant proscrits pour la réalisation d’une piste de CSO du fait du danger auquel il expose les cavaliers et les équidés (pièce n° 5)

— l’astreinte est exorbitante (180.000 €) et elle est de nature à ruiner son entreprise qui est déficitaire et supporte de lourds emprunts (pièce n° 16) alors qu’il a exécuté des travaux similaires efficaces ; il a en effet rehaussé de 10 cm la piste équestre et créer un dénivelé qui permet d’évacuer les eaux de ruissellement vers la parcelle en contrebas (pièce n° 15) étant précisé que cette parcelle lui appartient et qu’aucun écoulement ne va plus sur la parcelle de Mme E B C comme elle l’a elle-même dit à l’huissier de justice, Me Y le 22 octobre 2019 (pièces n° 7 et 17).

M. D B C précise que :

— la réalisation des travaux réduirait de 3 m de largeur la carrière qui n’aurait alors plus ni les 50 m de largeur, ni les 4000 m² requis pour le CSO (pièce n° 24 et 26), en sorte que l’activité de CSO importante pour le centre équestre qu’il exploite (pièce n° 4) devrait être arrêtée

— pour maintenir cette activité de CSO, il devrait alors entreprendre des travaux d’envergure pour modifier les deux carrières en les élargissant, travaux qu’il n’a pas les moyens de financer.

Lors de l’audience, Mme E B C s’est faite représenter et fait déposer des conclusions pour demander à la juridiction saisie de :

« DIRE ET JUGER Monsieur D B C tant irrecevable que mal fondé en ses demandes.

Par conséquent,

L’en DEBOUTER.

DIRE ET JUGER que Monsieur D B C ne justifie aucunement de ce que la réalisation des travaux ordonnée par le Tribunal de Grande Instance de BEAUVAIS dans son jugement du 27 juin 2019 emporterait des conséquences manifestement excessives.

DIRE ET JUGER que Monsieur D B C n’établit pas que la réalisation des travaux entraînerait mise en danger des cavaliers ou des équidés évoluant sur la carrière de son centre équestre.

DIRE ET JUGER par ailleurs que la réalisation des travaux est la seule solution, validée par l’Expert Judiciaire, permettant de mettre un terme aux troubles de voisinage résultant de l’écoulement des eaux pluviales sablonneuses dans la maison d’habitation de Madame B C.

CONDAMNER Monsieur D B C au paiement d’une indemnité de procédure de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au projet de Maître DEVILLERS »

Mme E B C fait valoir que :

— les moyens articulés par M. D B C ne résistent à l’examen

— selon M. D B C les cailloux doivent être proscrits à proximité d’une piste équestre car ils sont susceptibles de créer des accidents ; cependant il s’agit d’une affirmation mais aucune démonstration n’est faite ; l’attestation de M. Z (sic) est dépourvue de valeur probante au regard du rapport de l’expert judiciaire

— le centre équestre comporte deux carrières : la grande carrière qui fait approximativement 3.660 m² (soit 90 % de la surface seuil de la Fédération de 4.000 m²) et une petite carrière adjacente de 1.370 m² (pièces 36 & 37), soit 5.030 m² ; il peut tout à fait se conformer aux exigences de la fédération de CSO et respecter le seuil des 4000 m² mais en réalité « M. D B C ne veut juste pas réaliser les travaux »

— l’astreinte n’est pas excessive ; les travaux de rehaussement de la carrière pour créer un dénivelé qu’il a fait réaliser permettent effectivement l’écoulement des eaux de pluie vers un exutoire sur son fonds, mais ce n’est que provisoire ; si cette solution était suffisante, l’expert l’aurait retenue

— « le seul objectif poursuivi par M. D B C n’est pas d’assurer la sécurité des cavaliers ou des équidés évoluant sur la carrière, mais uniquement de ne pas avoir à effectuer des travaux à ses frais et surtout de ne pas avoir à payer une somme d’argent à sa s’ur avec laquelle il est en conflit depuis des années. »

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 décembre 2019 et examinée ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 16 janvier 2020 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC)

MOTIFS

Il résulte de l’article 524 du code de procédure civile que l’exécution provisoire ordonnée ne peut être arrêtée, en cas d’appel, par le premier président statuant en référé que si elle risque d’entraîner pour le débiteur des conséquences manifestement excessives compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier.

À l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la juridiction saisie dispose d’éléments suffisants pour retenir que M. D B C exploite un centre équestre dont l’organisation de concours de sauts d’obstacles (CSO) est vitale pour la poursuite de son activité.

Le règlement de saut d’obstacles de la Fédération Equestre Internationale (FEI) précise :

« 3. Les concours ne doivent pas être préjudiciables au bien-être des chevaux.

a) Pistes de concours

Les Chevaux doivent être entraînés et concourir uniquement sur des surfaces appropriées

et sans danger. Tous les obstacles et conditions d’épreuves doivent être conçus en gardant à l’esprit la sécurité du cheval.

a) Terrains

Tous les sols sur lesquels le Cheval marche, s’entraîne ou concoure doivent être conçus et entretenus afin de réduire les facteurs pouvant induire des blessures » (pièce n° 14, page 10)

« […]

(…)

2 Un terrain en intérieur doit avoir une superficie minimale de 1200 m2 avec une largeur minimale de 25 mètres sur le petit côté. Un terrain en extérieur doit avoir une superficie minimale de 4000 m2 avec une largeur minimale de 50 mètres sur le petit côté. (…) » (pièce n° 25, page 16)

La juridiction saisie juge que la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est bien fondée au motif que monsieur D B C justifie que l’exécution provisoire ordonnée risque d’entraîner pour lui des conséquences manifestement excessives en ce qu’il rapporte suffisamment de preuves que :

— la réalisation d’une tranchée drainante ou d’un caniveau en forme de noue de 110 mètres de long rempli de cailloux rendrait la carrière non conforme aux dispositions précitées du règlement de saut d’obstacles, les cailloux étant proscrits pour la réalisation d’une piste de CSO du fait du danger auquel il expose les cavaliers et les équidés comme cela ressort de l’attestation de M. A (pièce n° 5) ;

— la réalisation des travaux réduirait de 3 m de largeur la carrière qui n’aurait alors plus ni les 50 m de largeur, ni les 4000 m² requis pour le CSO comme cela ressort des plans produits par M. D B C (pièce n° 26), en sorte que l’activité de CSO importante pour le centre équestre qu’il exploite (pièce n° 4) devrait être arrêtée ;

— pour maintenir cette activité de CSO, il devrait alors entreprendre des travaux ruineux pour lui pour modifier les deux carrières en les élargissant, ce que Mme E B C ne contredit aucunement et qui est suffisamment établi par le bilan qu’il produit (pièce n° 16)

— l’astreinte au paiement de laquelle il est exposé s’il n’exécute pas le jugement dans le cadre de l’exécution provisoire (180.000 €) est de nature à ruiner son entreprise qui est déficitaire et supporte de lourds emprunts comme le montre le bilan qu’il produit (pièce n° 16)

— qu’il a déjà fait réaliser des travaux de rehaussement de la piste équestre pour créer un dénivelé qui permet d’évacuer les eaux de ruissellement vers la parcelle en contrebas (pièces n° 5 et 15) étant précisé que cette parcelle lui appartient et qu’aucun écoulement ne va plus sur la parcelle de Mme E B C comme cela ressort des constats d’huissier dressés les 16 octobre 2019 (pièce n° 7) et 22 octobre 2019 (pièce n° 17) et comme elle l’a elle-même admis devant l’huissier de justice, Me Y, le 22 octobre 2019 ajoutant cependant « rien ne garantit que cela va continuer à fonctionner » (pièce n° 17).

Compte tenu de ce qui précède, il sera fait droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

L’équité commande de faire droit à la demande de M. D B C présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme E B C au paiement de la somme visée dans le dispositif de la présente décision ;

Mme E B C, succombant, est condamnée aux dépens de l’instance ;

L’avocat de M. D B C ne saurait prétendre à la distraction des dépens par application de l’article 699 du code de procédure civile dans une instance où son ministère n’est pas obligatoire ; la demande de ce chef est donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du tribunal de grande instance de Beauvais en date du 27 juin 2019 mais uniquement en ce qu’il :

— condamne Monsieur D B C à exécuter ou à faire exécuter sur son fonds et entre les deux propriétés des parties, en contrebas de leurs parcelles respectives et selon les préconisations de l’expert judiciaire, une tranchée drainante ou un caniveau en forme de noue entre les deux propriétés des parties, afin de canaliser les eaux de ruissellement en provenance de son fonds vers un exutoire à créer en contrebas des parcelles,

— dit que ces travaux seront exécutés conformément au devis de EURL et leur coût sera supporté par Monsieur D B C

— dit qu’en cas de non exécution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, Monsieur D B C sera redevable au profit de Madame E B C d’une astreinte provisoire de 1000 (mille) euros par jour de retard pendant six mois.

— dit que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte.

Condamnons Mme E B C à payer à M. D B C la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamnons Mme E B C à payer les dépens.

Rejetons le surplus des demandes plus amples ou contraires.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

A l’audience du 16 Janvier 2020, l’ordonnance a été rendue par mise à disposition au Greffe et la minute a été signée par M. BACONNIER, Président et Mme PILVOIX, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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