Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 1er septembre 2021, n° 20/00838

  • Salarié·
  • Licenciement·
  • Véhicule·
  • Employeur·
  • Mise à pied·
  • Sanction disciplinaire·
  • Travail·
  • Géolocalisation·
  • Faute grave·
  • Chauffeur

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

S.A.R.L. FRANCE BALAYAGE

C/

X

copie exécutoire

le 1/09/2021

à

SELARL VAUTRIN

SELARL BERTHAUD

CB/IL/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2021

*************************************************************

N° RG 20/00838 – N° Portalis DBV4-V-B7E-HUYB

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEAUVAIS DU 05 FEVRIER 2020 (référence dossier N° RG 19/00063)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. FRANCE BALAYAGE

[…]

[…]

représentée et concluant par Me Gwenaelle VAUTRIN de la SELARL VAUTRIN AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE substituée par Me Nicolas NOURRY, avocat au barreau de COMPIEGNE

ET :

INTIME

Monsieur Z X

né le […] à PARIS

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté et concluant par Me Thierry BERTHAUD de la SELARL BERTHAUD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de BEAUVAIS substituée par Me Marine SALMON, avocat au barreau de BEAUVAIS

DEBATS :

A l’audience publique du 09 juin 2021, devant M. A B, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

M. A B indique que l’arrêt sera prononcé le 01 septembre 2021 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. A B en a rendu compte à la formation de la 5e chambre sociale, composée de :

M. A B, Président de Chambre,

Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller,

Mme Agnès DE BOSSCHERE, Conseiller,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 01 septembre 2021, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Fabienne BIDEAULT, Conseiller pour le Président de Chambre empêché et Mme Isabelle LEROY, Greffier.

.

*

* *

DECISION :

Vu le jugement en date du 5 février 2020 par lequel le conseil de prud’hommes de Beauvais, statuant dans le litige opposant monsieur Z X à son ancien employeur la Sarl France Balayage a :

— dit bien fondée la contestation de la sanction disciplinaire prononcée le 25 janvier 2018 à l’encontre de Monsieur Z X et l’annule subséquemment,

— prononcé la nullité du licenciement de Monsieur X.

— condamné la SA FRANCE BALAYAGE à payer à Monsieur Z X les sommes suivantes :

1019,97 euros à titre de rappel de salaire, outre 101,99 euros de congés payés y afférents

28 982,28 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul au visa de l’article L 1235-3-1 du code du travail à titre principal, et de l’article L 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire.

4 830,38 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 483,03 euros au titre des congés payés y afférents.

9 124,07 euros à titre d’indemnité légale de licenciement

2 039,95 euros brut de rappel de salaire correspondant à sa perte de salaire durant sa période de mise à pied, outre 203,99 euros de congés payés y afférents.

1184,40 euros à titre d’indemnité de salissure

1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

— ordonné la remise, par la SA FRANCE BALAYAGE, des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés pour tenir compte des données de I’espèce,

— ordonné l’exécution provisoire de droit.

— débouté la SA FRANCE BALAYAGE de ses demandes reconventionnelles.

— débouté les parties de leur plus amples demandes.

Vu l’appel interjeté le 20 février 2020 par la société France Balayage à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.

Vu la constitution d’avocat de l’intimé effectuée par voie électronique le 27 mars 2020.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 octobre 2020 et régulièrement communiquées, par lesquelles la partie appelante, poursuivant l’infirmation du jugement, soutenant le bien fondé de la sanction disciplinaire et du licenciement pour faute grave prononcés, contestant que le salarié pouvait prétendre à la prime de salissure, sollicite le débouté intégral des demandes du salarié et sa condamnation à une indemnité de procédure.

Vu les conclusions enregistrées au greffe le 2 septembre 2020 et régulièrement communiquées, par lesquelles la partie intimée, réfutant l’argumentation et les moyens de la partie appelante, contestant la licéité et la légitimité de son licenciement et de la sanction disciplinaire, sollicite la confirmation du jugement qui a fait droit partiellement à ses demandes, la réformation de celui-ci qui l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et la condamnation de l’employeur à lui payer à ce titre la somme de 10000' ainsi qu’à une indemnité de procédure et aux dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 27 mai 2021 renvoyant l’affaire pour plaidoirie à l’audience du 9 juin 2021.

Vu les conclusions transmises le 19 octobre 2020 par l’appelant et le 2 septembre 2020 par l’intimé

auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel.

SUR CE,

La société France Balayage est spécialisée dans le nettoyage, balayage et lavage des voies privées et publiques. Elle emploie plus de 11 salariés et relève de la convention collective des activités du déchet du 11 mai 2000.

Monsieur X a été embauché à effet du 11 juin 2014 en qualité de chauffeur dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Sa rémunération moyenne mensuelle brute était fixée à 2415,19'.

Le salarié a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire le 27 janvier 2016, d’un avertissement le 20 septembre 2016 , d’une mise à pied disciplinaire le 6 octobre 2017 et d’une nouvelle mise à pied disciplinaire du 25 janvier 2018, objet du présent litige.

Convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 6 avril 2018 par lettre du 23 mars précédent avec mise à pied à titre conservatoire, monsieur X a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception le 23 avril 2018.

Contestant la légitimité de la sanction disciplinaire du 25 janvier 2018, la licéité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l’exécution et la rupture de son contrat de travail, monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Beauvais qui par jugement du 5 février 2020 dont appel s’est prononcé comme rappelé précédemment.

- sur la sanction disciplinaire :

La teneur de cette sanction prise le 25 janvier 2018 est la suivante :

'… Suite à l’entretien du 15 janvier 2018, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur Frédéric GUILLAUME, Conseiller du salarié, nous vous notifions par la présente une mise à pied à titre disciplinaire de 10 jours ouvrés qui donnera lieu à retenue sur salaire, pour les motifs suivants :

Déplacements injustifiés avec le véhicule professionnel confié pour l’exercice de vos fonctions;

Insubordination;

Inexécution de votre prestation de travail, préjudiciable aux intérêts de l’entreprise.

Pour mémoire, vous avez été embauché par la Société FRANCE BALAYAGE à compter du 11 juin 2004 et vous occupez un poste de Chauffeur.

A ce titre, et conformément aux dispositions de votre contrat de travail, vous êtes notamment amené à effectuer des déplacements pour vous rendre sur les chantiers, qui peuvent parfois être éloignés de votre domicile, raison pour laquelle Ie véhicule confié pour l’exercice de vos fonctions est équipé d’une couchette.

Dans ce cadre, vous pouvez donc être amené à ne pas pouvoir rentrer quotidiennement à votre domicile et à « découcher » sur votre lieu de chantier ou à proximité immédiate d’une zone de confort (toilettes, douches … ), en contrepartie d’une indemnité forfaitaire de 48,87 ' par Jour de « découche ".

Vous connaissez parfaitement cette procédure interne, qui existe depuis de nombreuses années et qui a vocation à améliorer les temps de repos et de consommation de carburants de nos chauffeurs.

Notamment, vous savez que vous n’êtes pas autorisé à vous déplacer à votre convenance avec le véhicule confié pour I’exercice de vos fonctions.

A ce titre, vous avez déjà été sanctionné par un avertissement en date 20 septembre 2016. Depuis, et quasiment chaque mois, nous sommes contraints de vous rappeler à l’ordre verbalement à ce propos, mais rien n’y fait vous persistez à faire comme bon vous semble.

En effet, le 16 novembre 2017, alors que vous étiez affecté sur un chantier à CHALIFERT (77), vous avez utilisé le véhicule en fin de journée pour vous rendre rue C D à COMPANS (77) sans commodités et à plus de 19 kilomètres de votre chantier, alors qu’il vous était loisible de passer par le […]) pour votre confort (douche, toilettes … ), étant précisé que le lendemain vous étiez affecté de nouveau à CHALIFERT (77) et qu’ à moins de 10 kilomètres se trouvait le relais TOTAL de BUSSY SAINT GEORGES (77) avec toutes commodités. Cette situation s’est répétée à plusieurs reprises, notamment les 23 et 29 novembre 2017 puis du 11 au 14 décembre 2017 inclus, dates auxquelles vous étiez affecté sur un chantier à GONESSE (95) et vous vous êtes rendu à chaque fois en fin de journée avec le véhicule rue C D à COMPANS (77) sans commodités et à plus de 18 kilomètres, sans passer par le […]) pour votre confort (douche, toilettes … ), alors que le lendemain votre chantier se situait de nouveau à GONESSE (95) et qu’à 11 kilomètres se trouvait le relais TOTAL de LA COURNEUVE (93) avec toutes commodités.

II est fort regrettable de constater que vous persistez à contrevenir aux procédures internes, malgré nos directives. Nous vous mettons en demeure de respecter à I’avenir ces directives internes.

Nous déplorons également de votre part une attitude inappropriée les 24 novembre 2017 et 8 décembre 2017, dates auxquelles la durée de votre chantier a été modifiée, passant d’une journée à une demi- journée. Or, sans même prévenir Ie service exploitation. vous avez décidé de votre propre initiative de rentrer au siège de l’entreprise à VIEFVILLERS (60) alors que des chantiers sur votre secteur initial étaient en attente d’être dispatchés, l’un d’eux aurait ainsi pu vous être confié.

En ne respectant pas cette règle élémentaire fondamentale au bon fonctionnement de I’entreprise, vous êtes une fois de plus l’auteur d’actes d’insubordination, non sans conséquences car dans le cas présent et par vos agissements nous n’avons pas satisfait la demande de notre clientèle, alors que vous étiez disponible dès la fin de matinée.

Nous vous rappelons enfin que la Société FRANCE BALAYAGE a déjà dû utiliser son pouvoir disciplinaire à votre encontre à de nombreuses reprises, notamment dans les conditions suivantes :

-Mise à pied de 3 jours le 27 janvier 2016 pour insatisfaction d’un client et état manifeste d’ébriété constaté à plusieurs reprises;

- Avertissement le 20 septembre 2016 pour déplacement injustifié avec le véhicule confié pour I’exercice de vos fonctions ;

- Mise à pied de 3 jours le 6 octobre 2017 pour agression verbale et propos abusifs et excessifs à I’égard de votre employeur.

A I’occasion de cette dernière sanction, vu la réitération de vos comportements fautifs, nous vous avions alors demandé de vous ressaisir sans délai, sous peine de sanction pouvant aller jusqu’à votre licenciement. Cette ultime sanction était initialement envisagée en I’espèce. Cependant, il nous est apparu important de vous laisser une dernière chance de vous reprendre. En conséquence, compte tenu de tout ce qui précède, nous avons décidé de vous notifier une mise à pied disciplinaire de 10 jours ouvrés qui sera classée dans votre dossier. La chance qui vous est laissée suppose bien évidemment que vous changiez radicalement d’attitude en adoptant un comportement professionnel irréprochable et en vous abstenant d’accomplir des déplacements injustifiés avec Ie véhicule professionnel mis à votre disposition pour I’accomplissement de vos fonctions. Nous tenons d’ores et déjà à vous avertir que dans I’hypothèse ou il était de nouveau porté à notre connaissance d’autres faits répréhensibles, nous serions dans I’obligation d’envisager à votre encontre une sanction plus lourde pouvant aller jusqu’à votre licenciement immédiat. Nous vous signalons que la mise à pied de 10 jours prendra effet le 05/02/2018 jusqu’au 16/02/2018 inclus et donnera donc lieu à une retenue sur salaire. Comptant sur votre changement radical d’attitude … '

Une sanction disciplinaire ne peut être prononcée qu’en raison de faits constituant un manquement du salarié à ses obligations professionnelles envers l’employeur, qui a la charge de fournir les éléments retenus pour prendre la sanction par application de l’article L 1333-1 du code du travail, le salarié fournissant pour sa part les éléments à l’appui de ses allégations.

Selon l’article L 1332-2 du code du travail le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou disproportionnée à la faute commise.

Monsieur X ne conteste pas la matérialité des faits (utilisation de la balayeuse pour se rendre sur un lieu autre que le dépôt ou une station service et retour directement les 24 novembre et 8 décembre 2017 au dépôt à la fin du chantier) mais soutient d’une part que la sanction prise est disproportionnée aux faits fautifs énoncés et d’autre part que son employeur lui a imposé des déplacements de nature à l’empêcher de rentrer quotidiennement à son domicile et ce en violation des dispositions de l’article L1121-1 du code du travail et alors même que de telles modalités de travail ne sont pas prévues par la convention collective applicable, l’indemnité ad hoc versée n’étant ni contractuellement ni conventionnellement prévue, restant à la discrétion de l’employeur. Il conteste aussi la mise en oeuvre d’un système de géolocalisation sur les balayeuses comme moyen de traçage de ses déplacements y compris personnels . Il sollicite la confirmation du jugement qui a annulé la sanction et condamné l’employeur à un rappel de salaire et congés payés pour la mise à pied injustifiée.

L’employeur rappelle les dispositions du contrat de travail de monsieur X qui stipule en son article 7 'la prise de poste de monsieur Z X est situé à […]. Chaque fin de journée, le véhicule devra impérativement être ramené à ce dépôt où l’entretien courant pourra être effectué, sauf en cas de déplacement . En effet monsieur Z X accepte de se voir attribuer une balayeuse avec couchette afin d’effectuer des déplacements. A chaque retour de déplacement le véhicule devra également être ramené à cette adresse . Monsieur Z X accepte par avance toute mutation géographique que les nécessités de l’entreprise justifieraient’ .

Si effectivement l’indemnité forfaitaire de déplacement n’était ni contractuellement ni conventionnellement prévue, il n’est pas contesté par les parties que le salarié la percevait lors des 'découche’ et ce dans le cadre général du remboursement des frais liés aux repas et à l’hébergement, incombant à l’employeur et celui-ci rappelant sans être utilement contredit sur ce point, qu’aucune disposition de la convention collective ne vient faire obstacle à ce que le salarié puisse être amené à découcher.

Il justifie par la production du règlement intérieur qu’il est stipulé en son article 25 'les véhicules de l’entreprise peuvent être équipés d’un système de géolocalisation déclarés à la CNIL,les utilisateurs des véhicules d’entreprise sont informés que le système de géolocalisation peut notamment être utilisé par l’entreprise pour contrôler la durée du travail, le respect du temps de repos , ainsi que les déplacements des salariés. Il est interdit sous peine de sanction disciplinaire prévue au présent règlement intérieur de désactiver le système de géolocalisation embarqué dans le véhicule d’entreprise, sauf pendant les temps de pause et en dehors des horaires de travail du salarié' et

produit aussi la déclaration faite à la CNIL, éléments non utilement contredits par le salarié.

Aux termes de l’article L1121-1 du code du travail, la cour rappelle que l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant leur temps de travail à la condition que ce contrôle soit justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.

En l’espèce la cour considère que la mise en place de ce système de contrôle de géolocalisation porté à la connaissance du salarié est justifié par la nécessité de pouvoir localiser le véhicule en cas de vol et de connaître le kilométrage effectué.

Or il n’est pas utilement contredit que les allers-retours de monsieur X ont rajouté plus de 250 km par jour au kilométrage du camion et de la fatigue et du risque supplémentaire pour les temps de conduite alors qu’en tant employeur il lui incombe de respecter une obligation de sécurité, aucun contrôle de sa vie privée n’ayant été mise en place.

Le grief principal étant établi, il n’y a pas lieu d’examiner l’autre grief sur l’insubordination, un doute existant sur les consignes passées par l’employeur quant à une autorisation préalable pour regagner le dépôt en cas de réduction du temps de chantier.

Au vu des précédentes sanctions disciplinaires notifiées au salarié, la cour considère que la sanction prise est proportionnée aux faits fautifs énoncés et prévue par l’échelle des sanctions régie par le règlement intérieur.

Il convient d’infirmer le jugement déféré sur l’annulation et le rappel de salaire conséquent et de débouter monsieur X de ces chefs de prétentions.

- sur le licenciement :

La teneur de la lettre de licenciement est la suivante :

' .. Suite à I’entretien du 6 avril 2018, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur Pascal CRAPIER, Conseiller du salarié, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente votre licenciement pour faute grave, pour les motifs suivants :

Déplacements injustifiés avec le véhicule professionnel confié pour l’exercice de vos fonctions;

Insubordination.

Pour mémoire. vous avez été embauché par la Société FRANCE BALAYAGE à compter du 11 juin 2004 et vous occupez un poste de Chauffeur.

Vous avez fait I’objet de nombreux recadrages verbaux et de sanctions pour déplacements injustifiés avec Ie véhicule professionnel mis à disposition pour l’exercice de vos fonctions, notamment :

- Avertissement le 20 septembre 2016

- Mise à pied disciplinaire de 10 jours le 25 janvier 2018

Quasiment chaque mois, nous sommes contraints de vous rappeler à l’ordre verbalement à ce propos, mais rien n’y fait vous persistez à faire comme bon vous semble.

Lors de cette dernière sanction, nous vous avons alerté sur le fait que la mesure était clémente et qu’en cas de réitération de votre comportement fautif nous serions dans I’obligation d’envisager à votre encontre une mesure plus lourde pouvant aller jusqu’au licenciement.

Or, nous déplorons de nouveau de votre part des déplacements injustifiés avec le véhicule professionnel confié pour I’exercice de vos fonctions, malgré nos mises en garde.

En effet, nous constatons que vous êtes de nouveau rentré à votre domicile sans y être autorisé alors que vous étiez en déplacement loin de chez vous, aux dates suivantes :

- le lundi 12 mars 2018, fin de journée à ORMESSON SUR MARNE (94), Ie lendemain à […]

- le jeudi 15 mars 2018, fin de journée à ISSY LES MOULINEAUX (92), Ie lendemain à […]

- le lundi 19 mars 2018, fin de journée à ORMESSON SUR MARNE (94), Ie lendemain à COULOMMIERS (77) et […]

- le mardi 20 mars 2018, fin de journée à […], Ie lendemain à […]

- le mercredi 21 mars 2018, fin de journée à […], le lendemain à NANTERRE (92)

- le jeudi 22 mars 2018, fin de journée à NANTERRE (92), le lendemain à ILE SAINT DENIS (93) et PARIS (75018).

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 mars 2018, distribué Ie 13 mars 2018 concernant notamment les certificats médicaux que vous nous aviez adressés selon lesquels vous deviez être présent tous les soirs auprès de votre mère pendant deux mois. nous vous précisions que ceux-ci n’étaient pas opposables à I’entreprise, dans un contexte ou il s’agissait d’un événement tiré de votre vie privée qui ne saurait avoir un impact sur l’exécution de votre prestation de travail. Une fois de plus, vous n’avez pas jugé utile de tenir compte de nos indications.

Si vous souhaitiez rester auprès de votre mère il convenait de vous organiser en conséquence, éventuellement par l’intermédiaire d’une demande de congés payés, mais vous avez préféré agir à votre guise sans mesurer nécessairement les conséquences.

Nous ne pouvons plus tolérer votre insubordination caractérisée, qui met en danger votre sécurité et pourrait engager la responsabilité pénale et/ou civil de l’entreprise et/ou de son dirigeant.

Ces déplacements supplémentaires pour retourner à votre domicile, alors que vous n’y êtes pas autorisé , peuvent être une source de danger pour votre santé et votre sécurité, ce dont nous sommes garants. Vous connaissez parfaitement cette procédure interne, qui existe depuis de nombreuses années et qui a pour vocation première d’améliorer les temps de repos de nos chauffeurs.

Votre comportement inacceptable et insubordonné remet en cause la nécessaire confiance régissant nos relations de travail.

Au regard de tous ces éléments, et au vu du caractère préjudiciable de votre comportement pour notre Société, votre licenciement prend donc effet immédiatement. sans préavis ni indemnités…. '

Le salarié n’a pas demandé à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement au visa des dispositions de l’article R1232-13 du code du travail

La lettre de licenciement et les précisions éventuelles apportées par l’employeur à la demande du salarié fixent les termes du litige.

La faute grave s’entend d’une faute d’une particulière gravité ayant pour conséquence d’interdire le

maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Les faits invoqués comme constitutifs de faute grave doivent par conséquent être sanctionnés dans un bref délai.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour justifier l’éviction immédiate du salarié de l’entreprise.

Monsieur X soutient de nouveau la nullité de son licenciement en reprenant son argumentation relative à l’annulation de la sanction disciplinaire. Au vu de ce qui a été jugé précédemment sur ce moyen, la cour considère que de nouveau il n’est pas fondé en l’espèce.

Le salarié ne conteste pas la matérialité des faits fautifs énoncés mais il soutient qu’il ne justifie pas un licenciement pour faute grave surtout dans le contexte où il devait impérativement rentrer quotidiennement au domicile de sa mère dont l’état de santé nécessitait sa présence, versant les pièces médicales corroborant ses dires.

Il n’est pas utilement contredit que le salarié était soumis contractuellement à des déplacements, bénéficiant ainsi d’avril 2017 à avril 2018 de 106 indemnités forfaitaires de déplacement pour un montant de 5122,07' soit une moyenne de 9 découchés par mois et que la seule interdiction posée était l’utilisation du véhicule professionnel à des fins personnelles en l’espèce en se rendant sur un autre lieu que le dépôt ou une station service comportant des commodités.

Si effectivement le salarié excipe de l’état de santé de sa mère nécessitant sa présence, celle-ci décédant le 5 avril 2018, il n’en reste pas moins qu’il n’a pas sollicité préalablement l’autorisation de son employeur de pouvoir se rendre quotidiennement à son domicile durant les déplacements avec le véhicule de service ou l’aménagement de son poste de travail ou la prise de congés pour pouvoir assumer cette tâche.

La cour constate par ailleurs que monsieur X ne justife pas par ailleurs de sa situation familiale ou personnelle et les démarches initiées pour une telle prise en charge.

Le fait pour un salarié de ne pas respecter sciemment les consignes de son employeur dont il avait connaissance, générant des frais supplémentaires dans l’entretien des véhicules mis à disposition à raison d’un kilométrage supplémentaire (1553 kms au lieu de 252 kms), se mettant dans une situation potentielle de danger à raison des heures de conduite supplémentaires et de la fatigue accumulée alors même qu’il avait fait l’objet de précédentes sanctions similaires et qu’il avait bénéficié d’une formation sur le risque routier professionnel constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement du fait de la violation délibérée des procédures internes et de la perte de confiance de l’employeur dans le sérieux du salarié à accomplir ses tâches professionnelles, faute suffisamment grave au vu de leur réitération, peu important le motif excipé pour empêcher le maintien de la relation de travail même durant le temps limité du préavis.

En conséquence, par infirmation du jugement, il y a lieu de dire fondé sur une faute grave le licenciement prononcé et de débouter monsieur X de l’ensemble de ses demandes à ce titre.

- sur la prime de salissure :

Aux termes de l’article 3-8 de la convention collective applicable, une indemnité mensuelle de salissure de 32,90' est allouée au personnel des niveaux 1 à 4 qui effectuent un travail à caractère salissant à raison du contact direct avec les déchets. Elle indemnise les salariés de leurs frais supplémentaires d’entretien.

Monsieur X sollicite la confirmation du jugement qui a fait droit à sa demande. Il rappelle que

dans le cadre de son activité professionnelle, il devait vider à plusieurs reprises la benne de son camion et procéder au nettoyage à l’aide d’un nettoyeur de type haute pression, opération durant laquelle il était selon lui éclaboussé par des salissures, son employeur ne mettant à sa disposition qu’un tee-shirt et des chaussures de sécurité.

En réponse l 'employeur sollicite l’infirmation du jugement , soutenant que le poste occupé par monsieur X étant celui de chauffeur, il n’était pas en contact direct avec les déchets, le nettoyage de la benne après chaque vidange ne caractérisant pas ce contact direct.

Il n’est pas contesté par les parties que le poste occupé par monsieur X était celui de chauffeur niveau II, avec comme stipulé dans son contrat de travail l’obligation de veiller au maintien de la propreté intérieure et extérieure de son véhicule, que d’ailleurs en première instance, l’employeur a reconnu que monsieur X devait opérer au nettoyage de la benne à l’aide d’un nettoyeur haute pression après chaque vidange, mettant à sa disposition un équipement ne comprenant pas un pantalon.

Il n’est pas utilement contredit que cette opération régulière de nettoyage occasionne des éclaboussures d’eau depuis la benne contenant des déchets et qu’ainsi monsieur X démontre qu’il était en contact direct avec ceux-ci, l’employeur étant défaillant à démontrer qu’il mettait à disposition de son salarié un équipement spécifique pour pallier à ces salissures.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.

- sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

La cour rappelle qu’un licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation. Il appartient au juge de vérifier si la rupture du contrat de travail n’est pas intervenue dans des conditions de nature à causer un préjudice distinct de celui de la perte de l’emploi. Il appartient au salarié d’établir les circonstances vexatoires de son licenciement, le préjudice résultant de la perte de son emploi étant réparé par l’allocation de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur X sollicite l’infirmation du jugement qui l’a débouté et la condamnation de son employeur à la somme de 10000' à ce titre. Il expose que sa mère était décédée la veille de son entretien préalable et que son employeur avait refusé un report malgré ses demandes en ce sens.

La cour constate que monsieur X ne produit aucun élément autre que ses propres dires pour caractériser ce préjudice distinct et qu’en conséquence il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a été débouté de ce chef de prétention.

Il convient aussi d’ordonner à l’employeur de remettre un bulletin de paie récapitulatif et un solde de tout compte conformes au présent arrêt.

sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les mesures accessoires prises à ce titre par le premier juge seront rapportées.

Les parties succombant mutuellement en leurs prétentions respectives, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre partie pour l’ensemble de la procédure et elles converseront la charge de leurs propres dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort.

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Beauvais du 5 février 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la société France Balayage à payer à monsieur X la somme de 1184,40' à titre de prime de salissure et en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Statuant à nouveau et y ajoutant.

Dit n’y avoir lieu à annulation de la sanction disciplinaire du 25 janvier 2018.

Dit fondé sur une faute grave le licenciement prononcé.

Déboute Monsieur Z X de ses demandes indemnitaires à ces titres.

Ordonne à la SA FRANCE BALAYAGE de remettre à Monsieur X un bulletin de paie récapitulatif et un solde de tout compte conformes au présent arrêt.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’une ou l’autre partie pour l’ensemble de la procédure.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, P/LE PRESIDENT.

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Cour d'appel d'Amiens, 5eme chambre prud'homale, 1er septembre 2021, n° 20/00838