Cour d'appel d'Amiens, 2e protection sociale, 17 mars 2025, n° 24/00237
TGI Douai 1 décembre 2023
>
CA Amiens
Infirmation 17 mars 2025

Arguments

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  • Accepté
    Manquement à l'obligation de sécurité

    La cour a constaté que l'employeur n'avait pas évalué les risques liés à l'intervention de Monsieur [G], ce qui constitue une faute inexcusable.

  • Accepté
    Droit à une rente majorée en cas de faute inexcusable

    La cour a ordonné la fixation au maximum de la majoration de la rente versée à Monsieur [G], en précisant qu'elle suivra l'évolution de son taux d'incapacité.

  • Accepté
    Nécessité d'une expertise pour évaluer les préjudices

    La cour a ordonné une expertise médicale pour déterminer les préjudices subis par Monsieur [G] en lien avec l'accident.

  • Accepté
    Droit à remboursement en cas de faute inexcusable

    La cour a ordonné à la société [11] de rembourser à la CPAM les sommes avancées en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Résumé par Doctrine IA

Dans cette décision, M. [L] [G] a interjeté appel d'un jugement du tribunal judiciaire de Douai qui avait débouté sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [11]. La cour d'appel a examiné si les circonstances de l'accident étaient suffisamment établies pour engager la responsabilité de l'employeur. Le tribunal de première instance avait conclu à l'indétermination des circonstances de l'accident, mais la cour d'appel a estimé que les preuves démontraient une absence d'évaluation des risques par l'employeur, constituant une faute inexcusable. Par conséquent, la cour a infirmé le jugement de première instance, a reconnu la faute inexcusable de l'employeur, a ordonné une expertise pour évaluer les préjudices de M. [G], et a fixé la majoration de sa rente au maximum.

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, 2e protection soc., 17 mars 2025, n° 24/00237
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 24/00237
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Douai, 30 novembre 2023
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 22 mars 2025
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Sur les parties

Texte intégral

ARRET

[G]

C/

S.A. [11]

CPAM DU HAINAUT

Copie certifiée conforme délivrée à :

— M. [L] [G]

— S.A. [11]

— CPAM DU HAINAUT

— Me Laurent ROBERVAL

— Me Anthony BRICE

— Régie

— Docteur [X] [I]

— tribunal judiciaire

COUR D’APPEL D’AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 17 MARS 2025

*************************************************************

N° RG 24/00237 – N° Portalis DBV4-V-B7I-I63V – N° registre 1ère instance : 23/00040

Jugement du tribunal judiciaire de Douai (pôle social) en date du 01 décembre 2023

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [L] [G], représenté en application d’un jugement d’habilitation familiale générale en date du 15 novembre 2019 par Madame [J] [G], demeurant [Adresse 3] et Madame [N] [C], demeurant [Adresse 5].

[Adresse 3]

[Localité 7]

Comparant

Représenté et plaidant par Me Laurent ROBERVAL, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEES

S.A. [11]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté et plaidant par Me Anthony BRICE de la SELARL EXIGENS, avocat au barreau de LILLE

CPAM DU HAINAUT

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Représentée et plaidant par M. [Z] [Y], muni d’un pouvoir régulier

DEBATS :

A l’audience publique du 16 décembre 2024 devant M. Renaud DELOFFRE, conseiller, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 mars 2025.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Nathanaëlle PLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

M. Renaud DELOFFRE en a rendu compte à la cour composée en outre de :

M. Philippe MELIN, président,

Mme Claire BIADATTI-BERTIN, présidente,

et M. Renaud DELOFFRE, conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 17 mars 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.

*

* *

DECISION

M. [L] [G] était embauché par la société [11] en qualité de dépanneur au sein de l’établissement service après-vente [11] de [Localité 12].

Il a été victime d’un accident de travail en date du 21 mai 2015 qui a été décrit comme suit dans la déclaration d’accident de travail effectuée par la société [11] en date du 21 mai 2015 :

« le 21 mai 2015 à 12h55, chez M. [A], [Adresse 4] (client). A la fin de l’intervention (pose antenne hertzienne), [L] [G] est monté sur l’échelle pour retirer l’amarrage qui la tenait sur le toit (…) le client a vu de la fenêtre [L] [G] tomber sans voir les circonstances de la chute (…) [L] [G] est tombé au niveau de la descente de garage de la maison du client. [U] [P] et le client ont retrouvé [L] [G] allongé sur le dos et conscient » selon déclarations reprises sur la déclaration d’accident de travail effectuée par la société [11] en date du 21 mai 2015.

Le certificat médical initial établi par le docteur [M] en date du 21 mai 2015 fait état d’une « fracture T II instable avec paraplégie complète. Fracture occipitale et pétreuse droite ».

La caisse primaire a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle ce dont elle a informé M. [L] [G] et la société [11] par courriers en date du 24 juin 2015.

Suivant avis du service médical, l’état de santé de M. [L] [G] a été considéré comme consolidé à la date du 1er décembre 2017 avec séquelles indemnisables.

Le taux d’incapacité permanente partielle initial de M. [L] [G] a été fixé à 70 % par le médecin conseil de la caisse puis, sur recours de M. [G], a été porté à 90 % par jugement du tribunal de grande instance de Lille du 4 avril 2019.

Par courrier en date du 11 février 2019, M. [L] [G], par l’intermédiaire de son conseil, a saisi la caisse primaire d’une demande en conciliation pour reconnaissance de la faute inexcusable de la société [11].

En l’absence de réponse de cette dernière, un procès-verbal de carence a été dressé par la caisse en date du 30 novembre 2022.

Par requête réceptionnée au greffe de cette juridiction le 3 février 2022, M. [L] [G] représenté par Mme [J] [G] et [N] [C] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Douai afin de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [11].

Par jugement du 9 octobre 2023, le tribunal a décidé ce qui suit :

« Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort par mise à disposition au greffe,

Déboute M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, de sa demande formée à l’encontre de la SAS [11] en reconnaissance de sa faute inexcusable dans la survenance de l’accident de travail dont il a été victime le 21 mai 2015 au [Localité 13] ;

Déboute M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, aux dépens ;

Ordonne l’exécution provisoire de ce jugement ».

Appel général de ce jugement a été interjeté par M. [G] représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] par courrier électronique de leur avocat du 9 janvier 2024.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 24/00237.

Appel du même jugement a également été interjeté par M. [G] représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] par courrier de leur avocat du 9 janvier 2024 expédié au greffe de la cour le 10 janvier 2024.

Cette procédure a été enregistrée par le greffe sous le numéro de registre général 24/00308.

Cette dernière procédure a été jointe à la procédure 24/00237 par ordonnance du magistrat chargé d’instruire l’affaire du 30 janvier 2024.

Par conclusions visées à l’audience par le greffe et soutenues oralement par avocat, M. [L] [G] représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] demande à la cour de :

Infirmer le jugement conteste du 1er décembre 2023 en ce qu’il :

déboute M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, de sa demande formée à l’encontre de la SAS [11] en reconnaissance de sa faute inexcusable dans la survenance de l’accident de travail dont il a été victime le 21 mai 2015 au [Localité 13] ;

déboute M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamne M. [L] [G], représenté par Mme [J] [G] et Mme [N] [C] en vertu d’un jugement d’habilitation familiale générale du 15 novembre 2019, aux dépens ;

ordonne l’exécution provisoire de ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Juger que l’accident du travail dont a été victime M. [L] [G] résulte de la faute inexcusable de son employeur

Fixer au maximum la majoration de la rente versée à M. [L] [G],

Juger que cette majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité de M. [L] [G] en cas d’aggravation de son état de santé,

Ordonner une mesure d’expertise judiciaire,

Désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction avec pour mission de se prononcer sur les postes de préjudices suivants :

frais divers (à l’exception de l’assistance temporaire d’une tierce personne et des frais de transports)

déficit fonctionnel temporaire

le préjudice sexuel

les frais de logement adapté

les frais de véhicule adapté

l’assistance par tierce personne avant consolidation

le préjudice d’établissement

les préjudices permanents exceptionnels

les souffrances physiques et morales endurées

le préjudice esthétique

le préjudice d’agrément

la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle

Surseoir à statuer sur la liquidation du préjudice intégrale dans l’attente du rapport d’expert,

Ordonner le renvoi de l’affaire à une date ultérieure, juger que les frais d’expertise seront consignés par la caisse primaire d’assurance maladie.

Il fait en substance valoir que l’employeur a effectué une évaluation des risques insuffisante, que son document unique d’évaluation des risques est vague et incomplet et dépourvu de tout caractère concret, qu’il n’y avait pas d’évaluation des risques avant le chantier, que l’inspection du travail a relevé qu’il n’y avait pas d’impossibilité technique à mettre en 'uvre des mesures de protection collective, que l’accident ne se serait pas produit si l’échelle avait été tenue par le second salarié, que sa formation était insuffisante.

Par conclusions visées à l’audience par le greffe et soutenues oralement par avocat, la société [11] demande à la cour :

Vu l’indétermination des circonstances et des causes exactes de l’accident du 21 mai 2015,

Vu l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale,

Vu la charge de la preuve de la faute inexcusable,

De débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

De confirmer en conséquence le jugement du tribunal judiciaire de Douai du 1er décembre 2023 dans l’ensemble de ses dispositions.

Elle fait pour l’essentiel valoir que :

Les circonstances de l’accident du travail et notamment de la chute de M. [G] ne sont pas connues de manière exacte et certaine.

On ignore en particulier si M. [G] se trouvait sur l’échelle et non pas sur le toit au moment de sa chute.

Si M. [G] n’a pas respecté le mode opératoire prévu en travaillant en hauteur seul sans son collègue, rien ne permet de dire que le respect du mode opératoire prévu aurait empêché sa chute puisque l’on ne sait pas s’il était sur l’échelle et qu’il n’est donc pas possible de dire que la présence de ce collègue au pied de l’échelle aurait empêché la chute.

Compte tenu de l’indétermination des circonstances de l’accident M. [G] ne rapporte pas la preuve de l’existence de sa faute inexcusable car il ne rapporte pas la preuve que l’employeur n’ait pas pris les mesures nécessaires pour le protéger et que cette carence ait un lien avec l’accident.

Par conclusions visées à l’audience la CPAM du Hainaut demande à la cour de :

Donner acte à la caisse primaire de ce qu’elle s’en rapporte à la sagesse de la cour sur la reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur ;

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur,

Condamner l’employeur au paiement des sommes dues au titre de la faute inexcusable dont la CPAM aura à faire l’avance en vertu des articles l452-2 et l452-3 du code de la sécurité sociale ;

Elle fait en substance valoir que :

Elle s’en remet à la sagesse de la cour sur la reconnaissance de la faute inexcusable et, si cette dernière est reconnue, sur l’évaluation des préjudices subis, sous réserve que la réalité desdits préjudices soit établie et demande à la cour de bien vouloir prendre acte du fait qu’elle n’est pas opposée à la demande d’expertise médicale afin d’évaluer lesdits préjudices.

Elle rappelle qu’en cas de reconnaissance de faute inexcusable, la caisse primaire sera tenue de faire l’avance des sommes dues à la victime en réparation des différents préjudices subis, et ce, en application des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (notamment cass. 2ème civ. 4 avril 2012 n°1112.299), que la caisse primaire, tenue de faire l’avance desdites sommes, dispose d’une action récursoire contre l’employeur dont la faute inexcusable a été reconnue.

S’agissant des modalités de recouvrement par la caisse de la majoration de rente, l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale prévoit que la caisse récupère immédiatement le capital représentatif de la majoration de rente auprès de l’employeur tenu de supporter les conséquences de la faute inexcusable.

Toutefois, s’agissant de la récupération du montant de la majoration de l’indemnité en capital, l’action récursoire de la caisse ne pourra s’exercer que dans la limite du taux d’incapacité permanente initialement fixé opposable à l’employeur, soit 70 %, sans que la décision rendue par le tribunal de grande instance de Lille le 4 avril 2019 dans les rapports entre la caisse et l’assuré soit opposable à l’employeur.

MOTIFS DE L’ARRET

SUR LA DEMANDE DE M. [G] AU TITRE DE LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE LA SOCIETE [11] ET SUR SES DEMANDES ACCESSOIRES AU TITRE DES ARTICLES L. 452-2 ET L. 452-3 DU CODE DE LA SECURITE SOCIALE.

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (en ce sens 2e Civ., 16 novembre 2023, pourvoi n° 21-20.740) et qu’il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié mais qu’il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée.

Il résulte en outre des textes précités et de l’article 1315 devenu 1356 du code civil ainsi que de l’article 9 du code de procédure civile que d’une part la charge de la preuve de la faute inexcusable, en ses deux composantes que sont la conscience du danger et l’absence de mesures de nature à prévenir la réalisation du risque, incombe à la victime, que d’autre part la preuve de la faute inexcusable inclut nécessairement la preuve des circonstances exactes de l’accident, et enfin que la faute inexcusable de l’employeur ne peut être retenue lorsque les juges du fond constatent que les circonstances de l’accident demeurent indéterminées, (en ce sens notamment : 2e Civ., 1 juillet 2003, pourvoi no 02-30.542, Bulletin civil 2003, II, no 219 ; 2e Civ., 6 avril 2004, pourvoi no 0200980 ; 2e Civ., 22 mars 2005, pourvoi n° 03-20.044, Bull. 2005, II, n° 74 ;2e Civ 17 janvier 2007, n° 05-21.895 ; 2e Civ., 13 octobre 2011, pourvoi n° 10-21.398 ; 2e Civ., 13 septembre 2012, pourvoi no11-19.454 ; 2e Civ., 20 juin 2013, pourvoi no12-21.315 ; 2e Civ., 15 décembre 2016, pourvoi n° 15-26.682).

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction applicable :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail dans sa rédaction applicable :

« L’employeur met en 'uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

Il résulte de ces textes que l’employeur, compte tenu de la nature des activités de l’établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des équipements de travail (en ce sens notamment 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 20-23.725).

En l’espèce, la société [11] soutient que les circonstances de la chute ne sont pas connues puisque l’on ne sait pas si M. [G] est tombé de l’échelle ou s’il est tombé du toit et qu’en supposant même, pour les besoins du raisonnement, qu’il soit tombé de l’échelle, on ignore totalement si l’échelle a glissé en entraînant sa chute ou si sa chute a entraîné celle de l’échelle.

En réalité, les circonstances de la chute de M. [G] résultent clairement d’un examen attentif des différentes pièces du dossier.

Le collègue de travail de M. [G] indique que ce dernier s’est équipé de son harnais de sécurité pour monter sur le toit, qu’il a installé l’antenne puis qu’il lui a crié avoir terminé son installation et qu’alors que lui-même effectuait des réglages dans l’habitation du client, ce dernier lui a indiqué qu’une masse venait de passer devant la fenêtre de la cuisine.

L’analyse des causes de l’accident produit par [11] en pièce n° 7 fait quant à elle apparaître que M. [G] s’est équipé de ses équipements de protection individuelle (ci-après EPI) à savoir casque, harnais, porte-outils à la ceinture), qu’il a effectué son intervention de pose d’antenne puis qu’il est redescendu de la toiture, a retiré les équipements en question puis est remonté sur l’échelle sans EPI pour retirer l’ancrage en point haut de l’échelle.

L’apparente contradiction entre les versions résultant de l’audition du collègue de M. [G] et de l’analyse des causes de l’accident s’explique par le fait que le collègue de travail de M. [G] était occupé par les réglages de l’installation du client et qu’il a n’a pas eu d’informations sur ce qu’a fait ce dernier entre la fin de l’installation et sa chute.

Or, il est évident que M. [G] n’est pas resté sur le toit après avoir terminé l’installation et qu’il est nécessairement redescendu en retirant ses EPI et remonté sans ces derniers car à défaut il aurait été trouvé au sol avec son harnais dont il s’était équipé lors de sa première montée sur le toit, ce qui n’est pas le cas comme en témoignent les photographies de la victime, étant d’ailleurs expressément reconnu par [11] en page 11 de ses conclusions que M. [G] ne portait pas ses EPI lors de sa chute.

Il convient donc de retenir par voie de présomptions graves précises et concordantes que M. [G] a effectué l’installation de l’antenne sur la toiture alors qu’il était porteur de ses EPI, qu’il est descendu de la toiture après avoir terminé l’installation et qu’il est remonté sur l’échelle, cette fois-ci sans EPI, pour retirer l’ancrage en point haut de l’échelle et que c’est lors de cette opération que sa chute est survenue.

Or, il ne résulte aucunement du document unique d’évaluation des risques produit pas la société [11] que cette dernière ait aucunement évalué le risque afférent à cette phase finale de l’intervention de ses antennistes, ce document indiquant de manière extrêmement générale l’existence de moyens de prévention consistant à s’assurer du bon état et de la conformité du matériel (plateforme mobile, échelle') et de la mise à disposition d’un matériel d’accès en hauteur adapté et en nombre suffisant et faisant état du port d’EPI antichute (harnais) et d’autres EPI adaptés mais ne décomposant aucunement les différentes phases de l’intervention des salariés, et notamment la phase finale lors de laquelle l’accident est survenu, en identifiant les risques afférents et les mesures de protection permettant de les supprimer ou de les limiter.

Il ne résulte pas non plus des règles de sécurité à respecter par les antennistes (pièce n° 8 de la société [11]) la référence à la moindre procédure concernant la phase finale précitée de l’intervention de ses antennistes.

Force est donc de constater qu’il n’existe dans l’entreprise aucune évaluation des risques s’agissant de la phase d’intervention du salarié lors de laquelle s’est produite l’accident ni aucune procédure destinée à éviter ou limiter les risques afférent à cette phase ni de moyens de protection spécifiques contre ces risques, les documents émanant de sa société de formation [10] ne faisant d’ailleurs apparaître aucune utilisation d’équipements de protection individuelle (EPI) pendant la phase d’utilisation d’une échelle comme moyen d’accès à la toiture, alors que ces documents font apparaître la nécessité de plusieurs EPI dont un casque, un ancrage, un harnais et un système d’antichute lorsque l’échelle est utilisée comme poste de travail.

La société [11] n’ayant procédé à aucune évaluation des risques et en particulier des risques afférents à la phase lors de laquelle l’accident est survenu et cette absence d’évaluation des risques constituant une des causes nécessaires de l’accident dans la mesure où ce dernier ne serait pas survenu si le risque avait été clairement identifié et si avaient été prévues des mesures de protection permettant de mettre en place un dispositif antichute lors de cette phase, il convient de retenir la faute inexcusable de la société [11] après réformation des dispositions en sens contraire du jugement déféré.

Aux termes des deux premiers alinéa de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l’employeur la victime qui s’est vu accorder une indemnité en capital reçoit une majoration ne pouvant excéder le montant de ladite indemnité et celle ayant obtenu le bénéfice d’une rente reçoit une rente majorée ne pouvant excéder soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité soit le montant de ce salaire dans le cas d’incapacité totale .

Il résulte de la combinaison du texte précité et des articles L. 434-2 et L. 453-1 du code de la sécurité sociale que seule la faute inexcusable du salarié est de nature à limiter la majoration de la rente à laquelle il est en droit de prétendre en raison de la faute inexcusable de son employeur et que présente un tel caractère la faute volontaire de la victime d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

En l’espèce, il n’est pas soutenu et encore moins démontré que M. [G] aurait commis une faute inexcusable ce qui justifie qu’il soit ordonné la fixation au maximum de la majoration de la rente versée à ce dernier en précisant que cette majoration suivra l’évolution de son taux d’incapacité en cas d’aggravation de son état de santé.

La cour ne disposant pas de suffisamment d’éléments pour statuer sur la fixation des préjudices de M. [G], il convient d’ordonner une mesure d’expertise selon les modalités prévues au dispositif du présent arrêt.

SUR L’ACTION RECURSOIRE DE LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU HAINAUT A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE [11].

Vu les articles L. 452-2, L. 452-3 et D. 452-1 du code de la sécurité sociale applicables au litige, ce dernier dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014.

Il résulte de ces textes que la majoration de rente allouée à la victime en cas de faute inexcusable de l’employeur est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l’employeur dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes allouées au titre de la réparation des préjudices mentionnés au deuxième.

La faute inexcusable de la société [11] ayant été reconnue, il convient de la condamner à rembourser à la CPAM du Hainaut les sommes dont cette dernière sera amenée à faire l’avance en application des articles précités, sauf à préciser que le capital représentatif de la majoration de la rente de M. [G] pouvant être récupéré par la caisse sera calculé en fonction du taux de 70 % reconnu dans les rapports entre la caisse et l’employeur.

SUR LES DEPENS ET LES FRAIS NON REPETIBLES

La cour n’étant pas dessaisie de la cause, il n’y a pas lieu de statuer en l’état sur les dépens.

Il convient donc de réserver les dépens de première instance et d’appel jusqu’à la solution du litige.

S’agissant des frais irrépétibles, M. [G] ne contestant pas les dispositions du jugement déféré l’en déboutant, ces dernières doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles relatives aux frais irrépétibles qu’il convient de confirmer et de celles relatives aux dépens qu’il convient de réserver.

Statuant à nouveau des chefs réformés ci-dessus et ajoutant au jugement,

Dit que la société [11] a commis une faute inexcusable qui constitue une des causes nécessaires de l’accident survenu le 21 mai 2015 à M. [L] [G].

Ordonne la fixation à son maximum de la majoration de la rente versée à ce dernier et dit que cette majoration suivra l’évolution de son taux d’incapacité en cas d’aggravation de son état de santé.

Dit que la société [11] remboursera à la CPAM du Hainaut le capital représentatif de la majoration de la rente versée à M. [G], calculée au taux de 70 % fixé dans les relations entre l’employeur et la caisse, ainsi que les indemnisations qui seront avancées par la caisse à M. [G] sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

Et avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices de la victime en application de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,

ORDONNE une expertise médicale judiciaire :

DÉSIGNE pour y procéder le docteur [X] [I], docteur en médecine, titulaire du CES en médecine légale, du CES de médecine du travail et du diplôme de réparation du dommage corporel, domiciliée [Adresse 1], inscrite sur la liste des experts judiciaires près la cour d’appel d’Amiens, qui pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix, avec pour mission, dans le respect du contradictoire, de :

1°) Convoquer les parties et recueillir leurs observations.

2°) Se faire communiquer et prendre connaissance de toute pièce médicale, toutes observations et documents utiles à la mission, notamment tous documents médicaux relatifs aux lésions subies en lien avec l’accident du travail survenu à la victime, M. [L] [G], le 21 mai 2015, aux examens, soins, interventions et traitements pratiqués sur la victime et le cas échéant, avec l’accord de cette dernière, le dossier médical détenu par tout tiers.

3°) Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, soit la période précédant la consolidation au cours de laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident en cause, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; préciser si ce déficit a été total ou partiel, en précisant le taux selon les périodes postérieures à l’accident.

4°) Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent lequel prendra en considération les trois composantes suivantes :

— L’altération permanente d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques en chiffrant le taux d’incapacité et en indiquant le barème médico-légal utilisé.

— Les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité.

— L’atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant le degré de gravité.

5°) Chiffrer le taux de ce déficit fonctionnel permanent en indiquant le barème médico-légal utilisé.

6°) Indiquer le cas le cas échéant, si l’assistance ou la présence constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire auprès de la victime durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé, en préciser la nature et la durée, de donner son avis sur d’éventuels aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, à la victime d’adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,

7°) Lorsque la victime allègue une perte ou une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, donner son avis sur le lien entre les lésions consécutives à l’accident et la perte ou la diminution alléguées.

8°) Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant l’accident traumatique (avant consolidation) du fait des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles ; les évaluer selon l’échelle de sept degrés.

9°) Donner un avis sur l’existence, la nature et l’importance du préjudice esthétique, en précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; s’il existe, l’évaluer selon l’échelle de sept degrés.

10°) Lorsque la victime allègue une impossibilité ou des difficultés pour se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir (préjudice d’agrément), donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation.

11°) Lorsque la victime allègue une impossibilité de réaliser un projet de vie familiale ' normale ' en raison de la gravité du handicap permanent (préjudice d’établissement) dont elle reste atteinte après sa consolidation, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation.

12°) Dire s’il existe un préjudice sexuel et l’évaluer ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel proprement dit (difficultés, perte de libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction).

13°) Dire s’il existe un préjudice permanent exceptionnel.

14°) Relater toute constatation ne rentrant pas dans le cadre des rubriques figurant ci-dessus que l’expert jugera nécessaire pour l’exacte appréciation du préjudice subi par la victime et en tirer toute conclusion médico-légale.

DIT que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera aussitôt pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de la mesure d’instruction.

Dit que les frais d’expertise, qui constituent un poste de préjudice régi par l’article L. 452-3 in fine, seront avancés par la CPAM des Flandres et pourront être recouvrés par elle à l’encontre de la société [11] et ordonne le versement par la caisse pour la date du 15 juin 2025 à titre de consignation à valoir sur les frais d’expertise d’une somme de 1500 euros entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la cour d’appel d’Amiens.

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises de la cour d’appel d’Amiens afin de surveiller les opérations d’expertise.

Dit qu’en cas d’empêchement, de carence ou de refus de l’expert, celui ci sera remplacé par ordonnance rendue d’office ou sur requête par ce magistrat.

DIT que l’expert dressera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu’il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations en leur fixant pour ce faire un délai d’au moins un mois.

DIT qu’après avoir répondu aux éventuelles observations formulées, l’expert devra déposer au greffe de la cour un rapport définitif en double exemplaire dans le délai maximal de 8 mois de sa saisine.

DÉCLARE le présent arrêt commun à la caisse primaire d’assurance maladie des Flandres.

Dit que la cause sera évoquée à une audience de mise en état du 04 novembre 2025 après dépôt du rapport d’expertise.

Réserve les dépens.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel d'Amiens, 2e protection sociale, 17 mars 2025, n° 24/00237