Cour d'appel d'Angers, 1ère chambre section b, 9 juin 2010, n° 09/01776

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  • Vente·
  • Préjudice

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1re CHAMBRE B

XXX

ARRET N°

AFFAIRE N° : 09/01776

. Jugement du 29 Juin 2009

Tribunal d’Instance d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 08/001615

ARRET DU 09 JUIN 2010

APPELANT :

Maître A X

XXX

XXX

XXX

représenté par la SCP CHATTELEYN ET GEORGE, avoués à la Cour – N° du dossier 32257

assisté de Maître A. FOUQUET, avocat au barreau d’ANGERS

INTIMEE :

Madame C D Z

née le XXX à XXX

XXX

XXX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2009/006195 du 2 Décembre 2009 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’ANGERS)

représentée par Me Jacques VICART, avoué à la Cour – N° du dossier 00013914

assistée de Maître C. EON, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Mai 2010 à 13 H 45, en audience publique, Monsieur DELETANG, président, ayant été préalablement entendu en son rapport, devant la Cour composée de :

Monsieur DELÉTANG, président de chambre

Monsieur TRAVERS, conseiller

Monsieur TURQUET, vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame PARENT-LENOIR

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 09 juin 2010, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELETANG, président, et par Madame PARENT-LENOIR, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

Vu les dernières conclusions de M. A X en date du 5 janvier 2010

Vu les dernières conclusions de Mme C-D Z en date du 2 avril 2010

Vu l’ordonnance de clôture en date du 26 avril 2010

FAITS ET PROCÉDURE

Le 23 mai 2002, le tribunal correctionnel de Dijon a condamné Mme Z épouse Y, par jugement contradictoire à signifier, pour troubles à la tranquillité d’autrui par appels téléphoniques malveillants réitérés, à la peine de 300 € d’amende, ainsi qu’au paiement de la somme de 1500 € à chaque victime.

Ce jugement a été signifié en Mairie par l’étude de Me X, huissier de justice à Angers, et le courrier recommandé avec accusé de réception a été retourné avec la mention « NPAI » portant l’adresse barrée de Mme Z.

Le 25 janvier 2005, Me X a reçu de l’un de ses confrères la copie exécutoire de ce jugement afin de procéder à son exécution.

Le 15 juin 2005, l’huissier a délivré un commandement de payer à Mme Z pour un montant total de 3 840,03 €. Par une lettre du 16 juin 2005, il l’a invitée à prendre contact avec son étude.

En juin 2005, Mme Z s’est constituée partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’Angers contre Me X du chef de tentative d’extorsion de fonds sur une personne particulièrement vulnérable. Le 20 juin 2005, Mme Z a adressé un courrier à Me X l’informant de cette plainte. Le 10 mai 2006 a été rendue une ordonnance de refus d’informer.

Le 13 octobre 2005, l’huissier s’est présenté au domicile de Mme Z pour procéder à une saisie vente de ses biens meubles.

Le 10 novembre 2005, Mme Z a saisi le Juge de l’exécution d’Angers, puis l’affaire a été retirée du rôle en attente de la décision pénale à intervenir, une requête en rectification d’erreur matérielle ayant été déposée par le ministère public, tendant à la requalification du jugement contradictoire à signifier du tribunal correctionnel de Dijon, en jugement par défaut. La rectification est intervenue par jugement du 9 novembre 2005.

Le 13 juin 2006, sur opposition, le tribunal correctionnel de Dijon, par jugement contradictoire, a ramené la condamnation indemnitaire de Mme Z à la somme de 1 000 € par victime. Cette décision a été confirmée sur l’action civile par un arrêt de la cour d’appel de Dijon du 27 octobre 2006.

Le 1er mars 2007, Mme Z a mis en demeure Me X de lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le 26 juillet 2007, Mme Z a fait assigner Me X devant le tribunal d’instance d’Angers en paiement de 6 000 € en réparation de son préjudice moral et 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été retirée du rôle par ordonnance du 1er décembre 2008, puis réinscrite à la demande du conseil de Mme Z par courrier reçu au greffe le 15 décembre 2008.

Par jugement en date du 29 juin 2009, le tribunal a condamné M° X à payer à Mme Z 1 500 € à titre de dommages-intérêts, et 600 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Me X a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 30 juillet 2009.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

— Me X demande à la cour de :

' dire son appel recevable et sa demande reconventionnelle recevables et bien fondés ;

' infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions ;

' Vu l’article 1382 ;

' déclarer Mme Z entièrement responsable du préjudice qu’elle lui a infligé et par conséquent dire qu’elle lui devra la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal ;

' condamner Mme Z aux entiers dépens et à la somme de 1 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et la même somme au titre de ceux en cause d’appel.

Il soutient que la demanderesse, qui s’est fondée sur l’article 1382 du code civil, n’a pas rapportée la preuve qui lui incombait d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Par ailleurs, il estime qu’il a fait preuve de prudence, loyauté et de diligence dans la mise en 'uvre de la procédure d’exécution qui lui était confiée. Il considère, contrairement à ce que soutient l’intimée qu’il n’avait pas à dresser un procès verbal de recherches infructueuses prévu à l’article 560 du code de procédure civile, ayant en effet constaté que l’intéressée habitait bien à l’adresse visée dans l’acte. Il estime également que Mme Z ne justifie pas de la réalité du préjudice qu’elle invoque et, qu’au contraire, il est fondé en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts du fait de la mauvaise foi et de la volonté de nuire de son adversaire à son encontre, et d’autant plus qu’il estime qu’elle a abusé de son droit d’ester en justice.

— Mme Z demande à la cour de :

' dire Me X irrecevable, en tout cas non fondé en son appel ainsi qu’en ses demandes, fins et conclusions ;

' dire ses demandes, fins et conclusions recevables ;

' condamner Me X à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l’article 1382 du code civil, ainsi que 600 € au titre de l’article 700 et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que Me X a manqué à son devoir de prudence et de diligence, qu’il s’est acharné, en toute connaissance de cause, à exécuter un jugement alors qualifié de contradictoire à signifier, mais justement non signifié. Elle constate que lors de la délivrance du commandement de payer par l’huissier, l’acte ne comporte pas la date de signification du jugement en cause. Qu’en outre elle affirme lui avoir précisé qu’une requête en rectification d’erreur matérielle était pendante et tendait à faire requalifier le jugement en jugement par défaut. Elle invoque également le fait que l’huissier n’a pas accompli de diligences pour vérifier son adresse, et qu’il aurait du dresser un procès verbal de recherches infructueuses en application de l’article 560 du code de procédure civile. Elle estime que ces éléments démontrent que Me X a commis une faute professionnelle qui engage sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du code civil et que sa faute est d’autant plus caractérisée qu’il a déjà été sanctionné sur le plan disciplinaire en raison de ces faits. Elle expose que le comportement agressif de l’huissier lors de sa visite pour dresser le procès verbal de saisie vente, est à l’origine d’un malaise qui l’a contrainte à aller voir son médecin qui l’a adressée à un cardiologue et que, par conséquent, elle est fondée à demander la réparation du préjudice moral qu’elle a effectivement subi du fait de cette saisie illégale. Elle conteste avoir abusé de son droit d’ester en justice et soutient qu’au contraire, elle n’a fait que répondre à l’invitation à agir sur le plan civil que lui a faite tant le juge d’instruction que le procureur de la République.

MOTIFS

Pour faire droit à la demande de dommages-intérêts de Mme Z, le tribunal d’instance d’Angers a retenu que Me X avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle au sens de l’article 1382 du code civil, à l’origine du préjudice de Mme Z confrontée à une procédure de saisie vente non valablement engagée à l’initiative de l’huissier qui avait agi avec une précipitation blâmable, que ce dernier n’avait pas cru devoir se conformer aux prescriptions de l’article 560 du code de procédure civile, et qu’il ne rapportait pas la preuve d’une falsification grossière par raturage lors de la signification du jugement du tribunal correctionnel.

Il résulte des pièces versées que M° X, chargé de l’exécution d’un jugement du tribunal correctionnel de Dijon du 23 mai 2002 a délivré le 15 juin 2005 un commandement de payer à Mme Z et que, le 13 octobre 2005, il s’est présenté au domicile de l’intéressée, accompagné de deux témoins et d’un serrurier pour procéder à une saisie.

Toutefois, le commandement de payer indiquait, de manière inexacte, que le jugement avait été rendu contradictoirement, alors qu’il s’agissait d’un jugement contradictoire à signifier, et ne comportait aucune indication sur le mode de signification. Dès le 20 juin suivant, Mme Z a alerté la chambre départementale des huissiers de justice de la difficulté, la décision ne lui ayant pas été signifiée et M° X a été rendu destinataire de ce courrier par sa Chambre. A nouveau prévenu par Mme Z alors qu’il procédait à la saisie vente le 13 octobre 2005, ce qu’il consigne dans son procès-verbal 'La signifiée s’oppose au règlement et indique être dans l’attente d’un nouveau jugement', il a néanmoins poursuivi les actes d’exécution. Il s’est ainsi trouvé à effectuer une saisie vente en exécution d’un jugement qui devait être requalifié en jugement par défaut le 9 novembre 2005, faire l’objet d’une opposition et donner lieu à un nouveau jugement, contradictoire, le 13 juin 2006, lequel a fait l’objet d’un appel, suivi d’un arrêt de la cour d’appel de Dijon.

M° X n’ignorait cependant pas l’ensemble des difficultés qui se présentaient dans ce dossier, pour avoir, antérieurement au commandement de payer, été saisi par le conseil de Mme Z, ayant lui-même interrogé le greffe du tribunal correctionnel de Dijon qui, le 20 mai 2005, l’avait informé que le jugement était un jugement contradictoire à signifier, signifié en mairie, lettre recommandée retournée 'n’habite pas à l’adresse indiquée', et ayant ultérieurement correspondu avec sa Chambre qui l’a interrogé suite à la plainte de l’intéressé après cette diligence.

M° X ne peut soutenir, dans ces conditions, qu’il n’a eu connaissance des difficultés que le 14 novembre 2005 lors de l’ouverture de la procédure devant le juge de l’exécution.

Il ne peut non plus prétendre avoir poursuivi la procédure d’exécution sur la base d’une décision régulièrement signifiée alors que, suite au retour de la lettre recommandée avec la mention 'NPAI', auraient dû être effectuées les démarches prévues par l’article 560 du Code de procédure pénale et des recherches auraient dû être faites, lesquelles auraient pu permettre une signification à personne.

En l’espèce, il résulte qu’un concours de circonstances, étranger à la solution du litige, a pu fausser l’appréciation de l’huissier : la signification du jugement du tribunal correctionnel de Dijon a été faite par sa propre étude, Mme Z n’a jamais cessé d’habiter son domicile XXX à Angers mais la signification a été délivrée au nom de Mme Y alors que la mise en cause avait repris son nom de jeune fille 'Z’ après son divorce et que ce seul non figurait sur sa boîte aux lettres, ce qui explique probablement la non délivrance de la lettre recommandée avec avis de réception par les services de la poste. Mais la connaissance personnelle par M° X du fait que Mme Y-Z avait toujours habité au lieu indiqué dans l’acte ne le dispensait pas du respect des règles générales de la procédure de signification.

Si, sur la foi de ses propres explications, M° X a pu recevoir l’aval de sa chambre départementale, il ne peut s’en prévaloir pour s’exonérer de sa responsabilité.

Mme Z ne peut en revanche, pour stigmatiser l’action de l’huissier, faire un amalgame avec d’autres interventions de celui-ci, qui ont été à l’origine d’une sanction disciplinaire mais qui n’incluaient pas les faits soumis à l’examen de la cour.

Le jugement qui a retenu la faute de M° X sera en conséquence confirmé.

Les opérations de saisie vente ont occasionné un trouble incontestable chez Mme Z. Le procès-verbal du 13 octobre 2005 mentionne lui-même : 'la signifiée a simulé une chute sans aucune gravité'. Il résulte toutefois des pièces versées qu’elle a dû consulter le jour même son médecin généraliste qui l’a adressée à un cardiologue, ce qui dément la simulation alléguée. Mme Z ne saurait cependant majorer son préjudice, qui est caractérisé par un 'malaise de type vagal lors d’un stress matinal’ chez une personne sous traitement médical et qui depuis trois-quatre mois était occasionnellement sujette à ce type de malaise au réveil. Il est incontestable, comme l’a retenu le tribunal qu’elle a aussi subi un préjudice moral du fait de ces procédures qui l’ont conduite à déposer plainte contre l’huissier, et à saisir la chambre départementale et le juge de l’exécution. Il peut néanmoins être observé qu’en saisissant plus tôt ce dernier, Mme Z aurait pu mettre plus rapidement un terme aux difficultés qu’elle rencontrait.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé sur la réparation et il sera alloué à Mme Z une somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts.

M° X sera débouté de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts, la faute de son adversaire n’étant pas établie dans le contexte ci-dessus rappelé,

Il lui sera également accordé une somme de 1 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile. M° X sera débouté de sa demande aux mêmes fins.

M° X qui échoue en son recours supportera les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement ;

Infirme partiellement le jugement déféré ;

Condamne M° X à verser à Mme Z une somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Le condamne à lui verser une somme de 1 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme la décision en ses autres dispositions ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M° X aux dépens d’appel et dit qu’ils seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

V. PARENT-LENOIR B. DELÉTANG

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