Cour d'appel d'Angers, 29 septembre 2016, n° 15/00608

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

1ERE CHAMBRE SECTION B

XXX

ARRET N°:

AFFAIRE N° : 15/00608

Jugement du 02 Décembre 2014

Juge aux affaires familiales d’Angers

n° d’inscription au RG de première instance 11/00241

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2016

APPELANTE :

Madame Q H épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Cyrille GUILLOU de la SELARL BOIZARD – GUILLOU SELARL, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 140199

INTIME :

Monsieur O Y

né le 0XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me Sophia LOVAERT de la SELARL SOPHIA LOVAERT, avocat au barreau d’ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue en chambre du conseil à l’audience du 20 Juin 2016 à 13 H 45, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame GAXIE-LERICHE, Vice-Président placé AA a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame LE BRAS, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame N’GUYEN, Conseiller

Madame GAXIE-LERICHE, Vice-Président placé

Greffier lors des débats : Madame BOUNABI

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 29 septembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Marie LE BRAS, Conseiller faisant fonction de Président, et par Florence BOUNABI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

XXX

Madame Q H et Monsieur O Y se sont mariés le XXX à XXX, en ayant préalablement établi un contrat de mariage adoptant le régime de la séparation des biens, reçu par acte de Maître M N, notaire à XXX en date du 27 février 1985.

Deux enfants sont issus de leur union :

— Clément Y, né le XXX à XXX

— A Y, née le XXX à Anatihazo-Isotry (Madagascar)

Un jugement du juge des tutelles d’Angers en date du 29 juillet 2010 a placé Madame Q H-Y sous curatelle renforcée pour une durée d’un an et désigné l’UDAF du Maine et Loire pour l’exercice de la mesure AA ne sera pas renouvelée à l’issue du délai.

Monsieur O Y a présenté une requête en divorce enregistrée au greffe le 18 janvier 2011.

Par ordonnance de non-conciliation du 28 juin 2011, suite à une audience en présence de l’UDAF de Maine et Loire, le juge aux affaires familiales d’ANGERS a :

— retenu qu’il n’existait plus de logement familial,

— ordonné à chacun des époux de remettre à l’autre ses vêtements et objets personnels,

— constaté l’accord de Monsieur O Y pour assumer les frais d’entretien des enfants mineurs encore à charge.

Monsieur O Y a fait assigner son épouse en divorce sur le fondement des dispositions des articles 237 et 238 du code civil selon actes d’huissier délivrés le 28 juillet 2011 à l’UDAF de Paris et le 3 août 2011 à Madame Q H-Y.

Saisi par conclusions d’incident déposées par Madame Q H-Y le 14 janvier 2013, pour solliciter une pension au titre du devoir de secours et de voir statuer sur le sort des revenus d’un bien immobilier indivis situé à IBIZA, le juge aux affaires familiales a d’abord rendu une ordonnance de radiation le 11 avril 2013 en raison d’un changement de conseil de Madame Q H-Y, puis, saisi à nouveau par conclusions d’incident du 24 juin 2013, a par ordonnance en date du 15 octobre 2013 :

— déclaré recevable l’incident formé par Madame Q H- Y,

— écarté des débats les pièces numérotées de 77 à 144 produites par Madame Q H-Y,

— attribué la jouissance à titre onéreux du bien immobilier indivis situé à IBIZA à Monsieur O Y, lequel devra en assumer les charges et en percevra les fruits constitués par les loyers des sous-locations,

— débouté Madame Q H-Y de sa demande rétroactive de la jouissance de ce bien ainsi que de sa demande de reversement des revenus des sous-locations à hauteur de 1.100 euros par mois,

— fixé à la somme de 930 euros par mois la pension alimentaire due par l’époux au titre du devoir de secours,

— débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conservera ses propres dépens.

Par jugement en date du 2 décembre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d’ANGERS a, notamment :

— prononcé le divorce des époux Y-H à leurs torts partagés,

— condamné Monsieur O Y à payer à Madame Q H-Y une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— condamné Madame Q H-Y à payer à Monsieur O Y une somme de 1 euro à titre de dommage-intérêt symbolique sur le fondement de l’article 1382 du code civil,

— débouté Madame Q H-Y de sa demande de pouvoir conserver l’usage du nom de l’époux,

— ordonné le liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

— dit n’y avoir lieu à désignation d’un notaire,

— déclaré irrecevables devant le juge du divorce la demande de Madame Q H-Y au titre de l’indemnité d’occupation du bien indivis ainsi que les demandes de Monsieur O Y au titre de la date de son occupation du bien indivis et de l’indemnité de gestion du même bien,

— débouté Madame Q H-Y de sa demande de prestation compensatoire sous forme d’une rente viagère,

— condamné Monsieur O Y à payer à Madame Q H-Y une prestation compensatoire sous la forme d’un capital de 10.000 euros,

— débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de toutes leurs prétentions plus amples ou contraires,

— dit que les dépens seront partagés par moitié.

Madame Q H-Y a formé un appel général du jugement selon une déclaration enregistrée par le greffe le 25 février 2015.

Monsieur O Y a constitué avocat selon une déclaration enregistrée par le greffe le 5 mars 2015.

Saisi par Monsieur O Y d’une demande de réduction de la pension alimentaire due à Madame Q H-Y au titre du devoir de secours, par voie d’incident, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 20 janvier 2016, l’en a débouté.

Cette même ordonnance a rejeté la demande reconventionnelle de Madame Q H-Y en augmentation de la pension.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2016 et l’affaire a été plaidée le 20 juin 2016.

EXPOSE DES MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 mai 2016, Madame Q H-Y conclut à l’infirmation du jugement dont appel et demande à la cour de prononcer le divorce aux torts exclusifs de Monsieur O Y sur le fondement de l’article 242 du code civil et de le condamner à lui payer une somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 266 du code civil. Sur les conséquences du divorce, Madame Q H-Y indique qu’elle reprendra l’usage de son nom de jeune fille. Elle sollicite l’infirmation de la disposition concernant la prestation compensatoire et demande que Monsieur O Y soit condamné à lui verser un capital de 125.000 euros et une rente mensuelle de 930 euros. Elle demande la confirmation du jugement en ce que la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux a été ordonnée, mais demande à la cour de dire que Monsieur O Y lui devra depuis le 1er octobre 2012 une indemnité liée à son occupation de l’immeuble indivis situé à IBIZA.

Elle demande la condamnation de Monsieur O Y à lui payer une somme de 8.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par ses écritures signifiées en date du 26 mai 2016, Monsieur O Y forme un appel incident partiel du jugement entrepris. Il demande que Madame Q H-Y soit déboutée de sa demande en divorce et qu’au contraire, la cour, recevant sa demande en divorce fondée sur l’article 242 du code civil, prononce le divorce aux torts de l’épouse. Il sollicite par ailleurs la désignation d’un notaire en la personne de Maître M N ou tel autre notaire pour procéder aux opérations de compte-liquidation et partage du régime matrimonial des époux.

Il demande à la cour de constater qu’il n’occupe plus la maison indivise depuis le mois d’octobre 2012 et de ce qu’il assume la charge financière de l’enfant majeure A. Il propose de régler au titre de la prestation compensatoire une rente mensuelle de 412,50 euros durant huit années et demande à la cour de déclarer cette offre satisfactoire. Il demande que Madame Q H- Y soit déboutée de sa demande de dommages-intérêts, et au contraire condamnée à lui verser sur le fondement de l’article 1382 du code civil une somme de 1.000 euros.

Il sollicite enfin la condamnation de Madame Q H-Y à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rejet de pièces produites par Madame Q H-Y

Madame Q H-Y a produit un courrier de l’avocat de Monsieur O Y adressé à son propre conseil le 29 novembre 2007 AA porte la mention 'strictement confidentiel’ (pièce N° 75).

L’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par l’article 34 de la loi du 11 février 2004 dispose que toute correspondance d’un avocat dépourvue de la mention 'officielle’ est couverte par le secret professionnel et ne peut être produite.

Dès lors le document visé, AA porte une mention de confidentialité, ne peut être a fortiori versé devant la présente juridiction et doit être écarté des débats.

Il a également été produit une attestation délivrée par Clément, le fils du couple.

Monsieur O Y invoque un grief concernant l’abandon moral et financier de la famille en 2008 par Madame Q H-Y sur lequel s’exprime indirectement Clément.

Cette pièce N° 112 sera également rejetée des débats sur le fondement des dispositions de l’article 259 du code civil.

De même seront rejetées les pièces N° 15 et 19 correspondant à des mails échangés par Monsieur O Y avec la fille du couple, A.

Sur l’étendue de l’appel

L’appel formé est général mais la décision porte sur les dispositions suivantes :

— le prononcé du divorce

— les dommages-intérêts

— la prestation compensatoire

— l’indemnité d’occupation de l’immeuble et date de point de départ

— la désignation d’un notaire

— l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dépens.

Les autres dispositions seront en conséquence confirmées par la cour.

Sur le divorce

Chacun des époux forme une demande en divorce pour faute. Le premier juge a prononcé le divorce aux torts partagés en retenant que Monsieur O Y n’a pu ignorer l’état de fragilité de son épouse et à compter des années 2002-2003, le trouble de bipolarité diagnostiqué et qu’il ne lui a pas apporté la protection et le secours nécessaires, alors même qu’elle assumait les moyens matériels du foyer en ayant perdu la propriété de son entreprise.

Le juge aux affaires familiales a considéré par ailleurs que les nombreuses liaisons amoureuses de Madame Q H-Y, établies à compter de septembre 2007, et son comportement compulsif constituaient des faits fautifs d’autant que l’époux a tenté une reprise de vie commune en 2008, et ce même si l’attitude de l’épouse pouvait être mise en lien avec sa maladie psychiatrique.

Il est établi que Madame Q H-Y connaît depuis de nombreuses années des fragilités importantes pour lesquelles un diagnostic de bipolarité a été posé par les psychiatres dès 2002.

Si Monsieur O Y a pu méconnaître la terminologie précise de l’affection de son épouse, il ne pouvait ignorer son état de santé psychiatrique très perturbé puisqu’il ressort d’un compte-rendu d’hospitalisation du centre hospitalier Sainte-C à PARIS du 10 avril 2008 (pièce N°31) qu’au titre des antécédents, Madame Q H-Y a fait une tentative de suicide en 2000 AA était la troisième, ayant entraîné une hospitalisation à Sainte-C et une autre en 2001 AA a entraîné une hospitalisation à la clinique de Garches. Ces événements se sont donc produits après le mariage célébré en mars 1985.

Il résulte des pièces échangées (nombreuses attestations, échanges de mails, déclarations fiscales) que Madame Q H-Y a développé une activité libérale d’attachée de presse (sous le nom de MLB) AA a rapidement connu un bel essor et s’est révélée très lucrative et que Monsieur O Y, quant à lui, a laissé son épouse assumer exclusivement la charge financière du foyer, sa part dans l’éducation des enfants alors qu’il a cessé lui-même tout exercice professionnel pour se consacrer à des activités liées à ses passions musicales notamment. Plus tard, il s’installera dans leur propriété d’Ibiza où il faisait de la musique en développant la création d’un journal local.

Les époux étant mariés sous un régime séparatiste, Monsieur O Y s’est fait consentir sous la forme d’un don manuel, la clientèle de Madame Q H-Y (MLB), évaluée à la somme de 220.000 francs le 15 octobre 1993 (pièce N°56), dont il a ensuite fait apport à une SARL BACH et X (pièce N° 47), en devenant détenteur de 9998 parts sur 10.000 et donc largement majoritaire, alors que son épouse ne détenait qu’une part de même que son fils B issu d’une précédente union.

L’acte de donation mentionne que cette libéralité était consentie par convenance personnelle et pour permettre à Monsieur O Y d’en conserver la valeur, ce dernier devant reprendre lui-même l’activité. Il faut préciser que Madame Q H-Y aura en 1993 une dépression d’épuisement, concomitamment à cet acte de don manuel.

Cependant, Madame Q H-Y a continué à travailler comme elle le faisait auparavant et elle a assuré la formation de son beau-fils.

Il résulte ainsi des pièces versées aux débats par Madame Q H- Y, notamment de l’attestation de Madame AB AC (Pièce N°81), assistante de direction de 1998 à 2002, que Madame Q H-Y faisait fonctionner l’agence à tous les niveaux d’intervention et qu’elle formait au métier d’attaché de presse B Y. En revanche, cette personne atteste n’avoir jamais eu de relation avec Monsieur O Y. Les autres attestations confirment le rôle de Madame Q H-Y (pièces N° 79, 80, 82, 83, 84 et 85) et établissent qu’elle a beaucoup travaillé pour diriger cette agence, qu’elle était la seule interlocutrice et qu’elle jouissait d’une excellente réputation auprès de sa clientèle.

Monsieur O Y prétend qu’il aurait tout appris à son épouse du métier et qu’il avait une fonction au sein de la SARL BACH et X dans le domaine administratif et financier. Or, il ne démontre nullement l’effectivité d’une telle participation, AA n’est corroborée par aucun document et affirmée sur la seule foi d’une expérience antérieure. L’attestation de Madame D (pièce N°79) indique qu’elle a formé une équipe professionnelle performante et complice avec Madame Q H-Y et que lors de réunions de travail, elle s’est trouvée mal à l’aise devant l’attitude hautaine, condescendante et peu impliquée de Monsieur O Y. L’attestation de Monsieur I J (Pièce N° 80) confirme ce que Monsieur O Y a d’ailleurs déclaré lors de l’évaluation sociale (Pièce N°39) effectuée en vue de l’adoption de A, à savoir qu’il conseillait son épouse mais pratiquait assidûment le piano, en faisant de la recherche musicale et en étudiant la musicologie à la Sorbonne.

En septembre 2007, Madame Q H-Y va être révoquée de ses fonctions de co-gérant de la société BACH et X, compte tenu d’achats compulsifs payés sur le compte de la société, et d’un manque d’assiduité au travail.

Monsieur O Y établit effectivement que Madame Q H-Y aura à cette époque un comportement erratique : elle aura plusieurs liaisons dont elle ne se cache pas, fera des dépenses compulsives en prélevant sur la société.

Monsieur O Y, de son côté, effectue également des prélèvements importants sur le compte joint (pièce 69 et 70) au moment de la révocation.

Monsieur O Y invoquera alors la clause de non-concurrence insérée dans l’acte de don manuel qu’il opposera à son épouse.

Il cherche ensuite à définir des accords avec son épouse. Un protocole d’accord est établi en 2008 prévoyant une reprise de vie commune avec une période probatoire, puis un second protocole le 23 octobre 2008, AA prévoit des dispositions financières suite à une décision commune de vie séparée au 1er août 2008.

Plusieurs procédures de divorce seront ensuite engagées, arrêtées, puis reprises.

Madame Q H-Y va connaître alors de nombreuses hospitalisations et faire plusieurs tentatives d’autolyse. Elle tentera également de reprendre son activité professionnelle sans succès.

Monsieur O Y, après être allé en Martinique, au Cameroun, s’est fixé à IBIZA.

Sur la base de l’ensemble de ces éléments, le premier juge a pu à bon droit considérer que Monsieur O Y a eu un comportement fautif en n’apportant pas l’assistance et le secours nécessaires à son épouse alors qu’il ne pouvait pas méconnaître son état de fragilité psychiatrique.

Monsieur O Y s’est en effet prioritairement attaché à préserver sa propre situation au mépris des contraintes professionnelles importantes que Madame Q H-Y subissait, AA ne pouvaient qu’aggraver son état. Les mails qu’il adresse au psychiatre de sa femme (pièces 71 et 72), le docteur de Baudouin, le 11 décembre 2008 sont à cet égard édifiants puisqu’il est principalement évoqué des questions financières et d’avenir, Monsieur O Y indiquant 'si Marine sort de l’hospitalisation mais n’est pas capable de travailler, il y aura alors un problème majeur dont je ne vois pas l’issue pour le moment.'

Il est établi par ailleurs, devant la cour, par Madame Q H- Y que Monsieur O Y a entretenu plusieurs liaisons extra-conjugales après 2007. Il est parti en Martinique en novembre 2008 chez son amie Josska comme le démontre le mail qu’il a adressé à G H (pièce N° 32). Il a enfin depuis mai 2011 une liaison avec K L AA l’a rejoint à Ibiza en 2012 (pièce N°18) et s’occupe avec lui des locations saisonnières.

Dès lors, la cour confirmera de plus fort la décision dont appel AA a retenu que Madame Q H-Y démontrait une violation renouvelée des devoirs et obligations du mariage par l’époux AA ont rendu intolérable le maintien de la vie commune, le premier juge ayant considéré toutefois qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’infidélité de son mari.

Le premier juge a fait droit également à la demande en divorce pour faute du mari fondée sur les liaisons amoureuses que Madame Q H- Y a entretenues et d’ailleurs relatées à Monsieur O Y, et le comportement AA a abouti à sa révocation.

Or, de nombreuses pièces produites aux débats démontrent l’état psychiatrique très altéré de Madame Q H-Y, AA n’est pas contesté, et le juge aux affaires familiales a pu considérer justement que les agissements compulsifs pouvaient être mis en lien avec la maladie psychiatrique.

Toutefois, le juge a aussi considéré que Monsieur O Y n’était pas seul responsable de l’échec du mariage, puisque la tentative de reprise de vie commune en 2008 a échoué.

Or, l’état psychique de Madame Q H-Y n’a pas pu s’améliorer et le certificat du docteur F (pièce N° 3) du 6 novembre 2008, précise que 'la dégradation rapide de la situation conjugale n’a pas permis à Madame Q H-Y de retrouver un équilibre psychologique suffisant pour, soit reconstruire son couple, soit pour mener la procédure de séparation. Un passage à l’acte par IVM à Ibiza au printemps dernier a précipité cette dégradation et la menace de mise sous tutelle par son mari a contribué à sa fragilité.'

Madame Q H-Y sera placée sous curatelle renforcée par jugement du 29 juillet 2010 pour un an et le médecin a préconisé la désignation d’un curateur institutionnel et non celle de Monsieur O Y.

Le compte-rendu d’hospitalisation à l’hôpital Saint-C, du 7 mars 2008 au 4 avril 2008, suite à cette tentative de suicide, démontre que pendant cette période de reprise de vie commune, l’état de Madame Q H-Y était critique (six tentatives de suicide entre 2007 et 2009 pièce N° 104 CR d’hospitalisation du Dr E de la Clinique du Parc à NANTES).

Il est produit de part et d’autre la littérature médicale sur le trouble de bipolarité AA décrit les phénomènes compulsifs (conduites sexuelles inconséquentes, dépenses excessives) et l’exaltation de l’humeur en phase maniaque ou mixte (pièce N°55, 65 ou N° 169).

Devant la cour, Monsieur O Y invoque l’abandon du domicile conjugal par Madame Q H-Y le 26 septembre 2007 et l’abandon de famille et le non-respect de ses obligations financières envers son mari et ses enfants.

Le divorce pour faute ne peut être prononcé à l’encontre d’un époux que pour des faits AA lui sont imputables et AA constituent une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune. Or, en septembre 2007, Madame Q H-Y s’est trouvée dans l’incapacité de continuer son travail du fait de la révocation et de la clause de non-concurrence que lui opposait son mari, mais surtout parce qu’elle connaissait une phase de dégradation de son état psychique, AA s’est poursuivie et amplifiée lors de la tentative de reprise de vie commune en 2008.

Dès lors les faits AA lui sont reprochés ne sont que la conséquence des troubles mentaux de sorte qu’ils ne peuvent lui être imputés à faute et le premier juge ne pouvait pas retenir des violations par Madame Q H-Y de ses devoirs d’épouse.

La cour ne peut pas plus retenir les griefs invoqués par Monsieur O Y en appel.

Le jugement, AA a prononcé le divorce aux torts partagés, sera en conséquence infirmé et le divorce prononcé aux torts exclusifs du mari.

Sur les demandes de dommages-intérêts

En raison de ce AA précède, Monsieur O Y, AA ne peut démontrer l’existence d’une action fautive de son épouse, ne peut voir sa demande de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil, accueillie.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il lui a accordé l’euro symbolique de dommages-intérêts.

En revanche, le divorce étant prononcé aux torts et griefs exclusifs du mari, la demande de Madame Q H-Y fondée sur les dispositions de l’article 266 du code civil est recevable.

L’attitude du mari AA a laissé son épouse, affectée de troubles psychiatriques graves, assumer la charge financière du foyer et l’a ensuite délaissée, après avoir consolidé sa propre situation financière, cause à Madame Q H-Y un préjudice que la cour estime pouvoir fixer à la somme de 5.000 euros.

Le jugement sera donc infirmé sur cette disposition.

Sur la prestation compensatoire

Il ressort de l’article 270 du code civil, qu’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge.

Aux termes de l’article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à AA elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. À cet effet, le juge prend en considération notamment :

— la durée du mariage ;

— l’âge et l’état de santé des époux ;

— leur qualification et leur situation professionnelles ;

— les conséquences des choix professionnels fait par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

— le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

— leurs droits existants et prévisibles ;

— leur situation respective en matière de pensions de retraite.

Par ailleurs, l’article 272 du même code indique notamment que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire par le juge, les parties fournissent une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

L’appel étant général, la cour doit dès lors évaluer la situation des époux, à la date où elle statue.

En l’état des explications échangées entre les parties ainsi que des pièces justificatives produites et régulièrement communiquées, leurs situations respectives s’établissent comme suit :

La durée du mariage aura été de 31 ans dont 23 ans de vie commune.

Le couple a eu deux enfants.

Pour Madame :

Elle est âgée de 55 ans, puisque née le XXX.

Elle présente un trouble bipolaire et se trouve en invalidité de catégorie 2 depuis le 16 novembre 2014.

Le médecin psychiatre AA la suit depuis de nombreuses années, le docteur F, indique dans un certificat du 19 avril 2016 (pièce N°8) que l’on peut considérer que son invalidité est définitive car elle ne pourra plus retrouver un travail ni se remettre dans un circuit de recherche.

Elle perçoit une pension d’invalidité mensuelle d’un montant de 504,28 euros.(pièces 4,5,6,7).

Elle a justifié de ses charges courantes (électricité, eau, assurances, taxes, téléphonie), d’un montant de 550 euros environ outre un loyer de 450 euros.

Elle rembourse des dettes par des versements mensuels de 30 et 128,66 euros.

Elle expose par ailleurs des frais de transport pour se rendre à des consultations médicales mensuelles. Elle a des frais dentaires importants à effectuer.

La projection de ses droits à la retraite (pièce N° 114) établit qu’elle pourra prétendre à ses 62 ans, soit dans sept ans, percevoir une rente mensuelle de 903 euros (comprenant régime de base et complémentaire).

Elle justifie avoir perçu suite au décès de ses parents en avril 2012, une somme de 23.994 euros.

Pour Monsieur

Il est âgé de 69 ans comme étant né le XXX.

Il n’évoque aucun problème de santé.

Il est à la retraite et perçoit diverses rentes d’un montant de 1.574, 36 euros. La déclaration fiscale 2015 fait apparaître des pensions perçues en 2014 de 23.132 euros soit 1.927 euros par mois.

Il perçoit en outre le prix de la cession de ses parts sociales de la société BACH et X à son fils B mensuellement, soit 830,60 euros.

L’acte (pièce N° 116) du 19 mars 2009 prévoyait un règlement semestriel de 4.783 euros outre l’indexation jusqu’en 2020.

Monsieur O Y soutient que le dernier versement aura lieu en juin 2018 en raison de règlements anticipés et il produit un mail de son fils (pièce 129) sans apporter les justificatifs de ces anticipations.

Monsieur O Y perçoit en outre des revenus locatifs provenant du bien locatif indivis, dont la réalité est établie mais le montant difficile à déterminer au regard des explications fournies par Monsieur O Y.

Monsieur O Y soutient dans ses écritures qu’il n’occupe plus la maison indivise depuis le mois d’octobre 2012 alors même que plusieurs pièces qu’il a lui-même versées sur les charges qu’il assume démontrent le contraire.

Madame Q H-Y a produit des documents établissant que Monsieur O Y louait des chambres d’hôte à Ibiza, le bien indivis se composant de plusieurs immeubles (pièces 124-125). En mai 2015, c’est d’ailleurs l’amie de Monsieur O Y, K AA en faisait la promotion sur internet. Elle estime les revenus que Monsieur O Y en tire à environ 9.000 euros par mois.

Puis, sans doute à la faveur de la procédure, le site n’a plus été actualisé, et Monsieur O Y soutient qu’il n’effectue plus de locations, lassé par les démarches administratives et fiscales, mais il reconnaît néanmoins deux locations jusqu’en octobre 2016 pour 400 euros et jusqu’en avril 2016 pour 550 euros.

Monsieur O Y a justifié de charges AA ont, pour partie, été réglées en espèces, selon un usage espagnol, comme il le soutient, ce AA pourrait être identique pour les rentrées.

Monsieur O Y n’expose pas de loyer à proprement parler bien qu’il aura à régler une indemnité d’occupation, la jouissance de l’immeuble lui ayant été accordée à titre onéreux.

Monsieur O Y invoque des charges courantes et par ailleurs des frais exposés pour A, qu’il estime à la somme de 400 euros par mois, ce AA apparaît très excessif, puisqu’elle réside à son domicile.

A a 24 ans prochainement et il est justifié qu’elle a été inscrite comme demandeur d’emploi en novembre 2015, sans autre précision sur sa situation.

Suite au décès de sa mère, Monsieur O Y a perçu une somme de 160.768,19 euros en septembre 2014. (Pièce N°132)

****

Les époux se sont mariés sous le régime de la séparation des biens.

Il résulte de l’ensemble des éléments ci-dessus qu’il existe une très importante disparité dans la situation financière respective des parties.

Si Madame Q H-Y a vocation à récupérer la moitié de la valeur du bien immobilier indivis, il faut relever qu’il se situe en Espagne, que Monsieur O Y l’occupe et l’exploite. Il l’a mis en vente sans qu’aucun acquéreur ne se soit manifesté jusqu’à présent.

Monsieur O Y verse une estimation du bien non datée, pour 1.169.000 euros, mais cette valeur doit être ramenée à la somme de 889.150 euros selon un document de novembre 2007 (pièce 156) en raison de constructions sans autorisation et de l’existence d’une hypothèque légale datant de 1932 AA devrait être levée.

Madame Q H- Y a, pendant de longues années et par son seul travail, assuré la charge matérielle du ménage, tout en prenant sa part dans l’éducation des enfants (attestations du pasteur RAMEHNA pièce N°113, de Madame Z pièce N° 48).

Ce n’est qu’en raison de l’aggravation de son état psychiatrique, qu’elle n’a pu assumer ses obligations maternelles, et d’ailleurs en 2012, à la faveur d’une amélioration, A est revenue vivre auprès d’elle. Madame Q H-Y justifie qu’elle a procédé à des règlements dans l’intérêt de ses enfants. (Pièces 106 et 107).

Or, Madame Q H-Y, en dehors de la constitution de droits à la retraite AA ont été examinés plus haut, n’a pas pu percevoir la totalité des fruits de son travail, puisqu’elle a fait don à son mari de sa clientèle lors d’un épisode dépressif tout en ayant continué à travailler seule contrairement aux accords pris avec son mari.

Monsieur O Y, AA a fait apport de cette clientèle à la société BACH et X a pu céder ses parts à son fils pour la somme de 110.000 euros.

La disparité créée dans les conditions de vie des parties est due à la rupture du mariage et elle doit être compensée.

Le juge aux affaires familiales a donc à bon droit retenu le principe d’une prestation compensatoire que ne méconnaît d’ailleurs pas Monsieur O Y.

Toutefois l’appréciation du montant de la prestation n’est pas en adéquation avec la situation réelle des parties.

L’article 274 du code civil prévoit la fixation de la prestation compensatoire en capital, mais en l’espèce, il sera fait application des dispositions de l’article 276 du code civil, au regard de l’âge et de la situation précaire de Madame Q H-Y pour fixer en partie une rente viagère à la charge de Monsieur O Y.

Monsieur O Y sera ainsi condamné à verser à Madame Q H-Y une prestation compensatoire sous le forme d’un capital de 40.000 euros et une rente de 900 euros par mois pendant huit ans avec indexation.

Sur l’indemnité d’occupation

A ce stade de la procédure, c’est à bon droit que le premier juge a constaté que les demandes formées, en l’absence de projet de liquidation des intérêts patrimoniaux des parties, ne relevaient pas de sa compétence au regard des dispositions de l’article 267 du code civil.

Sur la désignation d’un notaire

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des parties.

La nouvelle rédaction de l’article 267-1 du code civil pouvait laisser penser qu’il n’était plus nécessaire de commettre lors du prononcé du divorce et de l’ouverture des opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux, un notaire chargé d’y procéder.

Or, il y a bien lieu de désigner un notaire.

Monsieur O Y sollicite la désignation de Maître M N, notaire à PARIS, et Madame Q H-Y celle de Maître DALLAY, notaire à ANGERS.

Dès lors, constatant que les parties ne sont pas d’accord sur le choix d’un notaire déterminé, il y a lieu de commettre Monsieur le président de la chambre des notaires du Maine et Loire ou son délégataire, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux du couple, sauf accord des parties sur le nom d’un notaire.

Sur les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Monsieur O Y , AA succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant infirmé sur ce point.

Il ne serait pas équitable de laisser à Madame Q H-Y la totalité des frais qu’elle a dû exposer et Monsieur O Y sera condamné à lui payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe après débats en chambre du conseil,

ECARTE des débats les pièces N°75, 112, 15 et 19 produites par Madame Q H-Y dans le cadre de la procédure d’appel,

INFIRME le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance du MANS du 2 décembre 2014, sur ses dispositions relatives au prononcé du divorce, aux dommages-intérêts, au montant de la prestation compensatoire, à la désignation du notaire et aux dépens.

Statuant à nouveau,

PRONONCE le divorce aux torts exclusifs de l’époux de :

— O Y, né le XXX à XXX

et

— Q G M H, née le XXX à XXX

unis en mariage le XXX par devant l’officier de l’état civil de la maire de PARIS (6e)

DIT que la mention du dispositif du présent arrêt sera portée en marge de l’acte de mariage ainsi que de l’acte de naissance de chacun des époux ;

CONDAMNE Monsieur O Y à payer à Madame Q H-Y une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 266 du code civil,

CONDAMNE Monsieur O Y à payer une prestation compensatoire sous la forme du versement d’un capital de 40.000 euros et d’une rente mensuelle de 900 euros durant huit années,

DIT que la rente sera indexée sur l’indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains, hors tabac, dont le chef est ouvrier ou employé (poste des dépenses : 295, série France entière, publié par l’INSEE, (cf. sur Internet www.insee.fr ou téléphone : 09.72.72.40.00), le calcul pouvant être effectué sur le site http://www.service-public.fr/calcul-pension/index.html) à la diligence du débiteur lui-même, le 1er janvier de chaque année, et pour la première fois le 1er janvier 2018, l’indice de base étant celui de la présente décision selon la formule :

(montant initial de la pension) x (nouvel indice)

indice de base

DESIGNE Monsieur le président de la chambre des notaires du Maine et Loire, ou son délégataire, pour procéder aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux du couple, sauf accord des parties sur le nom d’un notaire,

CONFIRME les autres dispositions du jugement entrepris,

CONDAMNE Monsieur O Y à verser à Madame Q H-Y une somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE tout autre chef de demandes des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,

CONDAMNE Monsieur O Y aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

F. BOUNABI M. LE BRAS

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Angers, 29 septembre 2016, n° 15/00608