Cour d'appel de Basse-Terre, 4 juillet 2018, 16/016171

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Sur la décision

Référence :
CA Basse-Terre, 03, 4 juill. 2018, n° 16/01617
Juridiction : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro(s) : 16/016171
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Basse-Terre, 12 octobre 2014, N° 11/00454
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037536567
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Sur les parties

Texte intégral

[…]

AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET No 600 DU 04 JUILLET 2018

RENVOI APRÈS CASSATION

No RG 16/01617 GB/EK

Décision déférée à la Cour : renvoi après arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Basse-Terre du 13 octobre 2014 enregistré sous le no 13/000225, statuant sur renvoi après arrêt de cassation partielle rendu le 30 juin 2016, décision attaquée, jugement au fond du conseil de prud’hommes, section encadrement de Pointe-à-Pitre du 22 Janvier 2013, enregistrée sous le no 11/00454

APPELANT :

Monsieur Laurent A…

[…] – […]

97111 MORNE A L’EAU /GUADELOUPE

représenté par Me Alain X…, (TOQUE 124) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

L’association « AGREXAM »

[…]

97139 ABYMES / GUADELOUPE

représentée par Me Hubert Y…, (TOQUE 43) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 mai 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Philippe CAVALERIE, premier président,

Mme Laure-Aimée GRUA-SIBAN, présidente de chambre,

M. Francis BIHIN, président de chambre,

Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,

Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 juillet 2018

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Monsieur Philippe CAVALERIE, premier président et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L’association guadeloupéenne de gestion et de réalisation des examens de santé et de promotion de la santé (AGREXAM), qui a pour mission de gérer le centre d’examen de santé, structure sanitaire faisant partie du dispositif général de la santé publique en Guadeloupe, a engagé à compter du 17 août 2009 M. B… Laurent en qualité de directeur administratif et financier.

Après avoir dénoncé au Procureur de la République, par lettre du 23 octobre 2010, les agissements d’un membre du conseil d’administration et du président de l’association, M. B… était licencié pour faute lourde, par lettre du 29 mars 2011.

M. B… saisissait le 23 mai 2011 le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation.

Par jugement du 22 janvier 2013, la juridiction prud’homale déboutait M. B… de l’ensemble de ses demandes et le condamnait aux dépens.

Par déclaration du 7 février 2013, M. B… formait appel dudit jugement.

Par arrêt rendu contradictoirement le 13 octobre 2014, la cour d’appel de Basse-Terre a :

— réformé le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

— dit que le licenciement de M. B… est sans cause réelle et sérieuse,

— condamné l’association AGREXAM à lui payer les sommes suivantes :

* 40000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3579 euros à titre de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire,

* 4473,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 3228,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

* 301,95 euros au titre du droit individuel à la formation,

* 4000 euros d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit que les entiers dépens sont à la charge de l’association AGREXAM.

Le 13 janvier 2015, M. B… formait un pourvoi contre cet arrêt et l’association AGREXAM a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Saisie d’un pourvoi contre cet arrêt et d’un pourvoi incident, la cour de cassation a, par arrêt du 30 juin 2016 :

— cassé et annulé, mais seulement en qu’il déboute le salarié de ses demandes en nullité de son licenciement et de réintégration dans ses fonctions et de sa demande en paiement d’un rappel de salaire liée à la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, l’arrêt rendu le 13 octobre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Basse-Terre,

— remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Basse-Terre, autrement composée,

— condamné l’association aux dépens,

— condamné l’association à payer à M. B… la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 26 octobre 2016, M. B… a saisi notre cour.

Par conclusions notifiées à l’intimée le 29 décembre 2017, auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, M. B… demande à la cour de :

— juger que son contrat de travail est à temps complet,

En conséquence :

— infirmer la décision entreprise et juger que son contrat de travail à temps complet devait être rémunéré sur une base de 151,57 h pour un montant de 5336 euros bruts mensuel,

— infirmer la décision entreprise et condamner l’association AGREXAM à lui payer la somme de 35,22 euros/h x 16h/mois x 22,5 mois, soit 12679 euros à titre de rappel de salaires d’août 2009 date de l’embauche à mars 2011 date du licenciement,

— infirmer la décision entreprise et juger nul et de nul effet son licenciement pour faute lourde,

En conséquence :

— ordonner sa réintégration au sein de l’association AGREXAM dans ses fonctions de Directeur administratif, financier et ressources humaines à effet du 1er avril 2011,

— rappeler en tant que de besoin le montant modifié à 5336 euros bruts/ mensuel de son salaire à temps complet,

— condamner l’association AGREXAM à lui verser la somme de 517592 euros soit 97 mois x 5336 euros (salaire d’avril 2011 à mars 2017 sur 14 mois de salaires annuels) avec intérêts légaux et capitalisation desdits intérêts sous réserve d’actualisation de 5336 euros bruts mensuels en cas de report de la date de plaidoirie à la date effective du 11 septembre 2017,

— ordonner à l’association AGREXAM la remise des bulletins de paie d’avril 2011 à septembre 2017 sous réserve d’actualisation le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,

— condamner l’association AGREXAM à lui verser la somme de 30000 euros au titre de dommages-intérêts,

— condamner l’association AGREXAM à l’indemniser à hauteur de 2500 euros pour les frais engagés devant le conseil des prud’hommes, 6000 euros devant la chambre sociale de la cour d’appel de Basse-Terre, 600 euros devant la chambre sociale de la cour d’appel sur renvoi après cassation,

— condamner l’association AGREXAM aux entiers dépens.

Il soutient que :

— s’agissant de son licenciement :

* la plainte qu’il a déposée pour dénoncer des faits délictueux ne peut constituer un motif de licenciement,

* au regard des fonctions qu’il exerçait, il ne peut lui être reproché d’avoir informé les autorités judiciaires des dysfonctionnements qu’il constatait à l’occasion de l’exercice de son contrat de travail,

* le remboursement des sommes indûment perçues par le Directeur médical du centre d’examen de santé démontre la vraisemblance des faits et le bien-fondé de la démarche auprès des autorités judiciaires,

* en tout état de cause, la CGSS a constaté la réalité desdits dysfonctionnements,

* la plainte n’a pas été déposée dans le but de nuire à l’image de l’association,

* le grief relatif à la divulgation de documents internes et la violation du secret de la correspondance n’est pas établi,

* les actes d’insubordination reprochés dans la lettre de licenciement ne sont pas davantage démontrés par les pièces versées aux débats, en particulier les attestations, alors qu’ils sont directement liés à son refus opposé lors de la modification unilatérale de son contrat de travail,

* les malversations invoquées à l’appui de son licenciement sont inexactes,

* il est fondé à solliciter la nullité du licenciement, sa réintégration, le versement de ses salaires et le paiement de dommages et intérêts liés aux conditions vexatoires de son licenciement,

— s’agissant de la requalification de son contrat de travail, à défaut de mention de durée du temps de travail et sa répartition, celui-ci doit être requalifié à temps complet.

Par conclusions notifiées le 10 janvier 2018 à l’appelant, auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, l’association AGREXAM demande à la cour de :

— juger la demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein mal fondée,

— débouter en conséquence Monsieur B… de sa demande de réintégration et de la demande de salaires à hauteur de 517592 euros calculée sur une période de 97 mois,

— débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts de 30000 euros en application des articles L 2145-1 et L 2411-8 du code du travail,

— le débouter de toutes les sommes réclamées de façon fantaisiste au titre de l’article 700 du CPC.

Elle expose que :

— En ce qui concerne le licenciement du salarié :

* la dénonciation par le salarié de faits auprès Procureur de la République est entachée de mauvaise foi et de volonté de nuire à l’association, qui rendent injustifié l’exercice du droit d’alerte par ledit salarié,

* l’insubordination du salarié est caractérisée par les pièces du dossier,

* en tout état de cause, le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et, en cas de nullité, il convient de constater que la réintégration du salarié s’avère impossible et, à tout le moins, que ses revenus de remplacement doivent être déduits de l’indemnisation sollicitée,

* le salarié n’est pas fondé à solliciter des dommages et intérêts relatifs aux conditions vexatoires qu’il allègue dans le cadre de son licenciement,

— En ce qui concerne le contrat de travail:

* le salarié, rédacteur de son contrat de travail, ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude et invoquer l’imprécision de son contrat dont la responsabilité lui incombe,

* le salarié, qui était un cadre dirigeant, ne peut bénéficier de l’application de la réglementation relative à la durée du travail,

* le salarié, qui n’était pas à disposition complète de son employeur, ne peut solliciter la reconnaissance d’un temps complet.

Par conclusions notifiées à l’intimée le 11 mai 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l’audience des débats, M. B… demande à la cour :

— d’actualiser le montant des salaires dus à la somme de 533600 euros, compte tenu de l’actualisation du mois de juin 2018,

— ordonner à l’association AGREXAM la remise des bulletins de paie d’avril 2011 à juin 2018, le tout sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir.

Lors de l’audience des débats, l’association AGREXAM a fait valoir devant la cour qu’elle renonçait à ses chefs de demandes relatifs au licenciement pour faute grave.

Vu la note en délibéré et les pièces déposées par M. B… au greffe de la cour le 12 juin 2018.

MOTIFS :

Sur la note et les pièces communiquées en cours de délibéré :

La note et les pièces communiquées par M. B… en cours de délibéré, le 12 juin 2018, sans y avoir été autorisé, ne pourront qu’être écartées des débats.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein :

Aux termes de l’article L 3123-14 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :1o La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; 2o Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ; 3o Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ; 4o Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Selon l’article L3111-2 du même code, les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III. Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

En premier lieu, l’association AGREXAM fait valoir que les fonctions de cadre dirigeant exercées par le salarié excluent, selon l’article L 3111-2 du code du travail, l’application des règles relatives à la durée du travail. Toutefois, la cour observe que l’association AGREXAM se borne à invoquer les fonctions de directeur administratif, financier et ressources humaines mentionnées dans le contrat de travail du salarié, son haut niveau de rémunération, sa position au sommet de la hiérarchie et ses responsabilités, notamment en termes de gestion des quatre sites de l’association et du personnel dédié, sans verser aux débats de pièces justificatives relatives à ces trois derniers points. En tout état de cause, ces seuls éléments, en l’absence de précisions sur le degré d’autonomie, d’indépendance dans l’exercice des fonctions du salarié et sur les modalités de participation de M. B… à la direction de l’association, ne peuvent suffire à caractériser les fonctions de cadre dirigeant au sens de l’article L 3111-2 du code du travail et à écarter l’application des dispositions de l’article L 3123-14 du même code.

En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail à temps partiel de M. B…, qui ne mentionne pas la durée du travail et sa répartition, est présumé conclu pour un emploi à temps complet.

L’employeur, qui conteste cette présomption ne saurait valablement invoquer l’impossibilité pour le salarié de se prévaloir de sa propre turpitude, en ce qu’il est le rédacteur de son propre contrat, dès lors qu’il pouvait bénéficier, ainsi qu’il vient d’être démontré, de l’application des dispositions de l’article L 3123-14 du code du travail et qu’il appartenait à l’employeur d’y veiller.

La circonstance que M. B… exerçait également des fonctions de coordonnateur administratif pour l’association EDGUPS, suivant un contrat à durée indéterminée, durant la relation de travail avec l’association AGREXAM permet seulement de démontrer qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur. L’association AGREXAM ne démontre toutefois pas la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle convenue, ni que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler.

Par suite, et à défaut pour l’employeur de rapporter la preuve qui lui incombe, le salarié est fondé à solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à plein temps.

S’agissant du versement du rappel de salaire, si l’employeur conteste la somme réclamée à ce titre par le salarié, et plus particulièrement son niveau de classification, il ne justifie pas de la réduction, dont il ne précise au demeurant pas l’étendue, en l’absence de référence à des dispositions contractuelles ou conventionnelles applicables. La seule production d’une grille indiciaire prenant effet au 1er mai 2012 et d’un barème des appointements de l’année 2009 sont insuffisants pour établir le bien fondé de sa contestation des sommes réclamées par le salarié, alors qu’il est établi par les pièces du dossier que celles-ci correspondent à la différence entre le salaire versé et celui qu’il aurait du percevoir.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié relative au paiement d’une somme de 12679 euros à titre de rappel de salaires à compter du mois d’août 2009 jusqu’à la date de son licenciement.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement du salarié :

En ce qui concerne la demande de nullité du licenciement :

L’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaît le droit à la liberté d’expression.

En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 29 mars 2011, qui fixe les limites du litige, précise qu’il est reproché au salarié la dénonciation de faits auprès du Procureur de la République et quelques actes d’insubordination.

Par courrier du 23 octobre 2010, le salarié s’adressait au Procureur de la République en précisant qu’il avait refusé de payer une facture de 15600 euros présentée par le directeur médical du centre d’examen de santé, M. Z…, alors que celui-ci n’avait pas réalisé les prestations correspondantes et qu’il avait également refusé de payer les salaires de ce dernier au regard du contrat de travail de l’intéressé présentant un caractère rétroactif au mois de novembre 2009, alors que M. Z… était administrateur de l’association AGREXAM et n’avait nullement travaillé. Il indiquait également avoir refusé d’exécuter ce contrat de travail au motif que l’intéressé ne travaillait toujours pas dans la structure. Il portait plainte contre X et faisait état de menaces contre sa personne, de tentative d’escroquerie ou d’extorsion de fonds sur l’association AGREXAM en se servant de sa signature.

Ces faits, qui sont manifestement à l’origine du licenciement du salarié, sont susceptibles d’être qualifiés d’infractions pénales.

La bonne foi du salarié au moment de la dénonciation des faits précités auprès du Procureur de la République ne saurait être remise en cause, eu égard aux observations antérieurement formulées par courrier de la CGSS du 30 septembre 2010 et identiques à celles de M. B….

L’association AGREXAM ne saurait valablement critiquer la bonne foi du salarié en alléguant l’existence d’un conflit entre M. B… et M. Z…, ainsi que son instrumentalisation, laquelle n’est pas démontrée par les pièces du dossier.

Par suite, le licenciement de M. B… prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, caractérisent une infraction pénale, est frappé de nullité en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression.

Le jugement est infirmé sur ce point.

En ce qui concerne les conséquences de la nullité du licenciement :

Quant à la demande de réintégration :

Tout licenciement nul entraîne un droit à réintégration pour le salarié, que la nullité du licenciement soit prononcée en vertu d’un texte ou en raison de l’atteinte que porte le licenciement à une liberté fondamentale. Ainsi le salarié dont le licenciement est nul, qui demande sa réintégration, y a droit dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent , sauf quand celle-ci est matériellement impossible.

M. B…, qui sollicite sa réintégration au sein de l’association est fondé dans sa demande dès lors que l’impossibilité de procéder à celle-ci invoquée par l’employeur n’est pas établie par les pièces du dossier.

La seule circonstance qu’en 2014 les fonctions de directeur administratif et financier aient été rattachées à celles de directeur médical, lequel exerce la direction générale et que deux postes aient été valorisés au niveau de cadres, est insuffisante pour démontrer, en l’absence de tout document actualisé, qu’aucun poste au sein de l’association ne pourrait être proposé au salarié. L’employeur ne peut davantage alléguer la précarité financière et économique de l’association, en l’absence de toute pièce justificative, pour écarter toute perspective de réintégration du salarié.

Par suite, il y a lieu d’ordonner la réintégration de M. B…, dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent.

Quant à la demande indemnitaire :

La liberté d’expression étant une liberté fondamentale consacrée par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme, le salarié, dont le licenciement est nul en raison de la violation de cette liberté, a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période.

Par suite, et compte tenu des justificatifs versés aux débats, il convient de faire droit à la demande de M. B… de versement d’une somme de 533600 euros à ce titre.

Sur les dommages et intérêts :

Il ne résulte pas des pièces du dossier que le licenciement se serait déroulé dans des conditions vexatoires justifiant une indemnisation autre que celle allouée au titre de la nullité de celui-ci.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande présentée à ce titre.

Sur la remise des bulletins de paie :

Il y a lieu d’ordonner à l’association AGREXAM la remise à M. B… des bulletins de paie des mois d’avril 2011 à juin 2018, sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les demandes accessoires :

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. B… les frais irrépétibles qu’il a exposés, il convient de lui allouer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens seront à la charge de l’association AGREXAM.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 22 janvier 2013 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre entre M. B… Laurent et l’association AGREXAM en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Prononce la nullité du licenciement de M. B…,

Ordonne la réintégration de M. B… dans son emploi ou tout emploi équivalent,

Condamne l’Association AGREXAM à verser à M. B… les sommes suivantes :

—  12679 euros à titre de rappel de salaires du mois d’août 2009 jusqu’à la date de son licenciement,

—  533600 euros au titre des salaires que M. B… aurait dû percevoir durant la période d’éviction, soit entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration effective,

Ordonne à l’association AGREXAM de remettre à M. B… Laurent les bulletins de salaires des mois d’avril 2011 à juin 2018,

Condamne l’association AGREXAM à verser à M. B… une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’association AGREXAM aux dépens de l’instance.

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffier Le premier président

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