Cour d'appel de Bastia,Ch. civile B, 6 avril 2011, 09/00284

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bastia, ch. civ. b, 6 avr. 2011, n° 09/00284
Juridiction : Cour d'appel de Bastia
Numéro(s) : 09/00284
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Ajaccio, 22 mars 2009, N° 2007 4667
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000023872270
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Ch. civile B

ARRET du 06 AVRIL 2011

R. G : 09/ 00284 R-C-JB

Décision déférée à la Cour :

jugement du 23 mars 2009

Tribunal de Commerce d’AJACCIO

R. G : 2007 4667

X…

C/

Y…

Z…

Y…

A…

Y…

A…

Y…

B…

Y…

Z…

S. C. P JEAN FRANCOIS G…-FRANCOIS MATHIEU H…

D…

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SIX AVRIL DEUX MILLE ONZE

APPELANT :

Maître Maître Joseph X…

Pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur J… Maurice Daniel

20000 AJACCIO

représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour

assisté de la SELARL CABINET JURIDIQUE P. MARCIALIS, avocats au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

INTIMES :

Monsieur Jean Marie Y…

20000 AJACCIO

représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assisté de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Madame Régina Z…

Y…

20000 AJACCIO

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assistée de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Monsieur Vincent A…

20000 AJACCIO

représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assisté de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Madame Marie Claude Y…

A…

20000 AJACCIO

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assistée de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Monsieur Jean Michel Y…

20000 AJACCIO

représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assisté de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Madame Fabienne B…

Y…

20000 AJACCIO

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assistée de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

Monsieur Raymond Z…

26130 ST PAUL TROIS CHATEAUX

représenté par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour

assisté de Me Lucien FELLI, avocat au barreau d’AJACCIO plaidant en visioconférence

S. C. P JEAN FRANCOIS G…-FRANCOIS MATHIEU H…

Prise en la personne de son représentant légal en exercice.

20000 AJACCIO

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour

assistée de Me Antoine RETALI, avocat au barreau de BASTIA

Monsieur Gilles D…

20000 AJACCIO

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 octobre 2010, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, dont l’un d’eux a été chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre

Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller

Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2010, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 06 avril 2011.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée le 06 juillet 2010 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Réputé contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Vu le jugement du Tribunal de commerce d’AJACCIO du 23 mars 2009 qui :

«  Vu l’ensemble des décisions rendues par la Justice pénale dans l’instance pour escroquerie intentée par Maître X…, ès-qualités, à l’encontre de Monsieur Jean Y…,

constate que la convention du 15 juillet 1998 a été purement et simplement annulée par le protocole amiable du 29 novembre 1999,

en conséquence, valide le protocole amiable du 29 novembre 1999 qui seul peut régler les conséquences juridiques et financières de la rupture des relations commerciales entre Monsieur J… Maurice et Monsieur Jean Y…, ès-qualités d’actionnaire majoritaire de la SFI du PARC BERTHAULT,

dit et constate que l’ensemble des demandes formulées par les parties aux présentes n’ont pas pour base la convention amiable du 29 novembre 1999,

en conséquence, dit que juge que ces demandes sont mal fondées et seront dès lors purement et simplement rejetées,

met hors de cause la SCI H…-G… et Monsieur Gilles D… dans la mesure où il n’est nullement établi qu’ils aient commis une quelconque faute et de plus ils n’ont nullement participé à l’établissement du protocole d’accord amiable du 29 novembre 1999,

dit que chaque partie conservera ses frais à sa charge,

rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires à la présente décision ".

Vu la déclaration d’appel de Maître X… pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Maurice J… déposée au greffe de la Cour le 3 avril 2009.

Vu l’ordonnance de désistement à l’égard de Monsieur D… du 9 septembre 2009.

Vu les dernières conclusions de l’appelant en date du 6 avril 2010 aux fins d’infirmation de la décision entreprise et tendant à voir, après avoir écarté la prescription et l’autorité de la chose jugée des décisions pénales, à titre principal prononcer la résolution de l’action de cession des actions de la SFI en date du 15 juillet 1998 et la nullité du protocole d’accord du 29 novembre 1999, la cession des parts de la SFI étant juridiquement impossible et ce protocole d’accord étant intervenu en période suspecte ainsi que condamner les consorts Y… et le notaire à lui payer la somme de 825 697 euros.

— Subsidiairement si la Cour estimait, comme l’ont fait les premiers juges que la convention du 15 juillet 1998 ne pouvait plus être annulée du fait de la signature du protocole et que seule la convention du 29 novembre 1999 pouvait recevoir application, dire que Monsieur J… devait recevoir la propriété par la dation en paiement total, définitif et irrévocable des travaux effectués par son entreprise, de même qu’en cas de vente du programme immobilier à un éventuel repreneur et dire que Monsieur Y… en conservant les 32 garages construits par Monsieur J… qu’il a vendus près de 10 000 euros l’un, outre une dation en paiement des 1/ 9 des constructions a violé le protocole d’accord du 29 novembre 1999 et l’AGE du 30 novembre 1999 engageant sa responsabilité contractuelle avec celle de ses associés au lieu et place de la SFI maintenant dissoute, enfin faire droit en conséquence à la demande principale sauf à déduire les 30 500 euros (200 000 francs) indiqués comme revenant à Monsieur Y… au titre du dédommagement découlant de l’immobilisation sur la période des actions à lui restituées.

— En tout état de cause, constatant que Maître H… est le rédacteur de la convention du 15 juillet 1998 et qu’il a manqué à son devoir de conseil à l’égard de Monsieur J…, condamner in solidum la SCP H…-G…, notaires associés à AJACCIO, rédacteur de la convention du 15 juillet 1998 et conseil de Monsieur J… à payer les sommes dues au titre des travaux et le dommage découlant directement de la faute du notaire qui a laissé son client s’engager dans cette opération.

— Condamner les intimés en tous les dépens.

Vu les dernières conclusions des consorts Y… du 28 mai 2010 aux fins de confirmation du jugement dont appel en ce qu’il a constaté que la convention a été purement et simplement annulée par le protocole amiable du 29 novembre 1999 et en ce qu’il a validé ce protocole qui seul peut régler les conséquences juridiques et financières de la rupture des relations commerciales entre Monsieur J… et Monsieur Y… ès-qualités d’actionnaire majoritaire de la SFI du PARC BERTHAULT et débouté Maître X… de ses demandes.

Ils demandent en outre à la Cour de constater que l’autorité de la chose jugée a vocation à s’appliquer en l’espèce, de constater que la prescription de cinq ans pour invoquer la nullité du protocole du 29 novembre 1999 est acquise, de prononcer la nullité des délibérations de l’assemblée générale extraordinaire et du conseil d’administration de la SFI en date du 29 septembre 1998 nommant Monsieur J… en tant que Président directeur général de la SFI, de prononcer en conséquence la nullité des actes subséquents à savoir les travaux commandés par Monsieur J… au nom de la SFI et de débouter Maître X… de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 595 697 euros au titre des dits travaux contractés illégalement par Monsieur J… et dire que la facturation de ces travaux est nulle en application du protocole du 29 novembre 1999.

A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour de constater qu’hormis Monsieur Jean Marie Y…, aucun des intimés n’a jamais été ni administrateur de la société ni directeur général et qu’en application de l’article L 225-251 du code de commerce, ils ne peuvent voir leur responsabilité engagée, étant précisé que si la Cour entendait tout de même retenir la responsabilité de tous les intimés, condamner chacun des intimés à s’acquitter auprès de Maître X… de somme que décidera la Cour, proportionnellement au nombre d’actions, détenues par chacun des intimés au sein de la SFI.

Ils concluent en tout état de cause à la condamnation solidaire de Maître X…, Monsieur D…, la SCP G…-H… ainsi que Maître H… à verser :

— la somme de 605 984, 56 euros aux intimés en réparation de leur préjudice financier outre 377 885 euros au titre des intérêts moratoires soit la somme totale de 983 869, 56 euros outre 115 338 euros en remboursement de la TVA due par Monsieur J… au 1er trimestre 1999, 30 000 euros à Monsieur Jean Marie Y… et 5 000 euros à chacun des autres intimés en réparation de leur préjudice moral ainsi que 5 000 euros à Monsieur Jean Marie Y… au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dépens.

Vu les dernières conclusions de la SCI G…-H… en date du 30 octobre 2009 aux fins de confirmation de la décision entreprise et de débouté de l’appel et si par impossible la Cour venait à infirmer la décision de :

constater et dire que l’appelant ne justifie pas de l’insolvabilité des consorts Y… et que les voies d’exécution qui pourront être le cas échéant entreprises à leur encontre, dans l’hypothèse d’une condamnation, seront vouées à l’échec,

constater et dire que l’appelant ne justifie pas d’un préjudice actuel et certain permettant une condamnation du notaire à garantir les restitutions consécutives à la résolution demandée.

Très subsidiairement, la SCP G…-H… demande à la Cour de constater et au besoin de dire que c’est de son initiative et de manière délibérée que Monsieur J… s’est engagé dans les opérations litigieuses pour lesquelles réparation est demandée, en dehors de l’acte de réitération devant constater la réalisation des conditions suspensives à laquelle la cession était subordonnée, dire n’y avoir lieu en conséquence à la responsabilité du notaire et enfin débouter dans tous les cas l’appelant de sa demande et le condamner à lui payer la somme de

3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 30 juin 2010.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

L’acte introductif d’instance et les conclusions des consorts Y… permettent de tenir pour acquis les faits suivants :

Monsieur J… dont la SARL qu’il dirigeait avait été mise en liquidation des biens le 6 juillet 1992, qui à titre personnel bénéficiait d’un plan de continuation suite au redressement judiciaire du 13 décembre 1993 et qui était à la recherche de chantiers pour relancer son activité est entré en contact avec la Société Foncière Immobilière du PARC BERTHAULT (SFI) dont le représentant légal était Monsieur Jean Marie Y… en vue de prendre le contrôle de cette société.

Après tractations auxquelles ont participé son comptable Monsieur D… et son notaire Monsieur H… membre de la SCP H…-G… une convention sous-seing privé dont il n’est pas contesté qu’elle ait été rédigée par le notaire était signée le 15 juillet 1998.

Aux termes de ce protocole, Monsieur Jean-Marie Y… se portant fort pour le compte des autres actionnaires s’engageait à céder l’intégralité des actions composant le capital social de la SFI ainsi qu’aux autres personnes que ce dernier se réservait de désigner pour constituer au moins le nombre minimum d’actionnaires dans le cadre d’une société anonyme.

L’avant contrat qui était soumis à diverses conditions suspensives prévoyait une réitération devant intervenir par acte authentique au plus tard le 1er octobre 1988.

Sans attendre, Monsieur J… débutait des travaux de construction dès le 29 juillet 1998.

Le 29 septembre 1998, une assemblée générale extraordinaire de la SFI autorisait la poursuite de la vente et entérinait la démission de Monsieur Y… de son poste de Président directeur général et celle du conseil d’administration.

Le même jour, une assemblée générale extraordinaire se tenait sous la présidence de Monsieur J… titulaire potentiel des actions de la SFI qui après avoir remis une action à deux personnes tiers à la convention formait avec elles un nouveau conseil d’administration qui sans désemparer le désignait comme nouveau Président directeur général.

Monsieur J… qui avait caché à ses vendeurs sa difficile situation économique ne parvenait pas à obtenir le financement de l’opération et s’abstenait de contracter une assurance dommages-ouvrage. Il n’en continuait pas moins les travaux qu’il facturait à la SFI dont il était le Président directeur général sans autre forme.

Pressé par Monsieur Y… de signer l’acte authentique (mise en demeure du 19 mai 2009 et du 7 juillet 1999), il faisait savoir à Monsieur Y… le 20 octobre 1999 qu’il n’était pas en mesure de régler les échéances du prix restant dues et après un échange de lettres, les parties se rapprochaient et signaient le 29 novembre 1999 mettant un terme amiable à leurs relations.

Aux termes de ce protocole auquel n’ont participé ni le comptable ni le notaire, Monsieur J… indiquait qu’il n’était plus en mesure de poursuivre cette affaire et déclarait y mettre un terme définitivement.

Le protocole précisait que « toutes facturations établies par l’entreprise J… à la SFI, ainsi que les engagements de toute nature qui auraient pu être pris au nom de cette même société par Monsieur J… seront annulés » sauf « si la négociation particulière à intervenir entre Monsieur Y… et un éventuel repreneur se réalisait sur les bases du protocole du 15 juillet 1998 ».

A la suite de ce protocole d’accord, Monsieur Y… reprenait la propriété des actions de la SFI et procédait à la liquidation amiable de la société en se faisant affecter la propriété des immeubles restant encore libres au PARC BERTHAULT en compensation de son compte courant (5 septembre 2000).

Le 29 décembre 2000, Monsieur J… déposait plainte à l’encontre de Monsieur Y…, Monsieur Y… en faisant de même le 12 janvier 2001 à l’encontre de Monsieur J….

Le 8 janvier 2001, la liquidation judiciaire de Monsieur J… était prononcée, la date de cessation des paiements étant fixée au 8 juillet 1999.

Sur la plainte de Monsieur J…, Monsieur Y… était renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour escroquerie.

Par jugement du 6 octobre 2006, le Tribunal correctionnel d’AJACCIO relaxait Monsieur Y… des fins de la poursuite en indiquant :

que les non conformités du permis de construire, régularisables étaient sans incidence en l’espèce dans la mesure où cet élément n’était pas déterminant pour la prise de décision de Monsieur J…,

qu’aucune manoeuvre ne pouvait être reprochée à Monsieur Y…, la décision d’achat des actions ayant été précédée après avis du notaire de Monsieur J…, de plusieurs mois de discussions et échange de documents,

que les réductions de capital antérieures étaient connues de Monsieur J…,

que les difficultés financières rencontrées par Monsieur J… paraissent davantage la conséquence d’une situation financière trop faible de sa société que le résultat d’une escroquerie dont les éléments constitutifs n’étaient pas réunis.

Par arrêt du 31 octobre 2007, la Cour d’appel de BASTIA confirmait ce jugement, le pourvoi en cassation formé par Monsieur J… étant rejeté le 19 février 2008.

Le 18 novembre 2007, Maître X… présentait au Tribunal de commerce une requête aux fins d’assigner à bref délai, l’assignation au fond intervenant après autorisation du juge le 13 décembre 2007 et contenant les demandes aujourd’hui reprises devant la Cour.

Le jugement dont appel retient l’autorité de la chose jugée des décisions de la juridiction pénale quant à la validité des conventions du 15 juillet 1998 et du 29 novembre 1999.

Il estime que le litige entre les parties doit trouver sa solution dans la stricte application de ce protocole et constatant que les parties n’ont pas conclu sur ce point les déboute de leurs demandes et met hors de cause la SCI H…-G… et Monsieur D… qui n’ont pas participé à l’établissement de cet accord du 29 novembre 1999.

Devant la Cour, les parties ont repris les moyens développés devant le Tribunal et proposent à la Cour de tirer les conséquence de ce protocole si son annulation n’est pas prononcée.

MOTIFS :

Sur la convention du 11 juillet 1998 et le protocole du 29 novembre 1999 :

Il convient de rappeler que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache qu’au dispositif de la décision de la juridiction pénale et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

En l’espèce, l’arrêt de la Cour d’appel de BASTIA du 31 octobre 2007 retient dans ses motifs que même si en tant que président de la société mise en vente, Monsieur Y… a conclu un acte de vente sans que préalablement cette décision ait été approuvée par un organe devant intervenir en ce sens, il ne s’agirait pas d’une fausse qualité au sens de l’article 313-1 du code pénal. Il ajoute en outre que la mention d’un capital social supérieur au capital réel, tout comme l’existence d’une procédure judiciaire contre un architecte ou les difficultés d’implantation du garage peuvent avoir une incidence civile entre les deux parties mais ne constituent pas une manoeuvre pénalement punissable.

Mais au surplus, l’action de Maître X… sur ce point n’est pas seulement une action en nullité mais ainsi qu’il le conclut également indifféremment, une action en résolution de cette convention.

Sur la nullité, en reprenant l’ordre des griefs invoqués par Maître X…:

Il n’est pas exact de prétendre que la nature structurelle de la SFI ne permettait pas la cession d’actions dans la mesure où parfaitement informé de la forme juridique de la société anonyme dont s’agit par les conseils de son expert-comptable et son notaire ainsi que par les documents produits lors des longues négociations ayant précédé la signature du protocole, Monsieur J… n’ignorait pas la portée de l’acquisition des actions, étant précisé qu’il avait le choix soit d’un paiement « en espèces » soit d’une dation en paiement qu’il lui appartenait éventuellement de mettre en place dans le respect du droit des sociétés.

La capacité du représentant légal de la SFI ne pouvait être contestée que par les actionnaires de la société qui ont d’ailleurs le 28 septembre 2008, consacré le projet de vente pour lequel Monsieur Y… s’était porté fort,

« La cession des actions » par la société elle-même qui à l’évidence n’est pas titulaire des actions est sans incidence sur la validité de la cession réalisée par Monsieur Y… lui-même pour les actions dont il était propriétaire et les autres actionnaires, pour lesquels il se portait fort,

Il était bien indiqué dans l’acte du 15 juillet 1998 que le capital social était de 1. 000. 000 francs alors qu’il avait subi deux réductions mais la procédure pénale a mis en évidence que Monsieur J… était au courant de l’existence exacte du passif social et fiscal de l’entreprise mise en vente,

Monsieur J… ne rapporte pas la preuve des irrégularités quant à la tenue des comptes sociaux et pas davantage sur l’incidence que pouvait avoir cet aspect sur son consentement et l’économie du contrat alors que la SFI avait précédemment procédé à des attributions sans difficulté particulière,

Sur les permis de construire le jugement du Tribunal correctionnel de BASTIA avait déjà relevé, ce que la Cour adopte, que le permis était régularisable, le délai pour y parvenir étant conditionné par la date des démarches et que cet élément n’était pas un élément déterminant de la convention,

Le contentieux avec l’architecte qui n’était pas terminé pouvait par ailleurs faire l’objet d’une demande en garantie en temps utile, ce qui n’a pas été utile puisque Monsieur Y… a réglé la question,

La connaissance juridique de la situation par Monsieur J… s’évince comme vu supra des conseils dont il s’est entouré et des documents fournis à son notaire, étant précisé que la consultation de Maître L… qui n’était pas au demeurant adressée à Monsieur Y… selon laquelle il n’était pas possible à la SFI de vendre les terrains non bâtis n’est pas significative. D’une part il appartenait à la société de déterminer si la perte de la transparence fiscale constituait un réel obstacle à une vente de terrains nus, d’autre part et surtout il résulte de la lettre du directeur des services fiscaux de la Corse du Sud du 22 mars 1990 que la crainte exprimée par Maître L… dans la consultation était vaine.

Il apparaît ainsi que Monsieur J… qui n’a été victime d’aucune manoeuvre frauduleuse comme l’ont définitivement jugé les juridictions pénales de la part de Monsieur Y… auquel il s’était présenté comme un entrepreneur solvable et capable de mener à bien cette importante opération ne peut invoquer ni un quelconque dol civil ni une erreur déterminante qu’il n’invoque aujourd’hui que pour les raisons de la cause.

Il a en revanche été particulièrement imprudent en commençant des travaux immédiatement après l’acte du 15 juillet 1998 alors que cet acte qui n’était qu’un avant-contrat devait être réitéré par acte authentique, qu’il ne pouvait obtenir les concours bancaires importants dont il avait besoin et ce en raison de la situation réelle et la taille de son entreprise et qu’il ne pouvait contracter une assurance dommage pourtant obligatoire pour un tel type d’opération même si les travaux ont été réalisés au moins avec l’accord tacite de Monsieur Y….

L’impossibilité d’obtenir les concours bancaires et la surface financière de son entreprise le conduisaient dès lors à demander la résolution de la convention, qui est aujourd’hui poursuivie par Maître X…. Cette résolution ne pouvait intervenir qu’à ses torts après qu’il ait confirmé qu’il n’était plus en mesure de poursuivre cette affaire et déclaré qu’il y renonçait définitivement.

Le protocole du 29 novembre 1999 règle à cet égard les conséquences de cette résolution.

Sur la demande en annulation du protocole, Maître X… fonde résolument son action sur l’article L 632-1 du code de commerce.

Mais outre les faits qu’il s’agit d’un acte tirant les conséquences d’une inexécution antérieure à la cessation des paiements et que les obligations de Monsieur J… n’excèdent pas notablement celles des vendeurs, cette action qui trouve son fondement dans la protection des créanciers de la procédure collective n’a pas le même objet ni ne concerne les mêmes faits que ceux qui ont été dénoncés dans le cadre de la procédure pénale de sorte que la plainte du 29 décembre 2000 n’a pu avoir aucun effet interruptif sur la prescription encourue.

Il y a dès lors lieu de déclarer l’action principale en nullité prescrite par application de l’article 1304 du code civil.

Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu’il a validé le protocole du 29 novembre 1999 sur la base duquel doivent être réglées les conséquences de la rupture des relations entre Monsieur J… et Monsieur Y….

Les conséquences du protocole du 22 novembre 1999 :

Aux termes de cet protocole, il est expressément prévu que « toutes facturations établies par l’entreprise J… à la SFI du Parc Berthault ainsi que les engagements de toute nature qui auraient pu être pris au nom de cette même société par Monsieur Y…(…) sauf si la négociation particulière à intervenir entre Monsieur Y… et un éventuel repreneur se réalisait sur la base du protocole du 15 juillet 1998 ».

Monsieur J… affirme avoir procédé à des travaux de terrassement et de construction facturés à la SFI pour un montant total de 595. 697 euros dont 474. 305, 04 euros déclarés à la liquidation judiciaire.

Les intimés opposent à sa demande en premier lieu que la désignation de Monsieur J… en qualité de président directeur général de la SFI est irrégulière, d’autre part que les facturations faites par Monsieur J… à la SFI qui mettent en évidence un conflit d’intérêts sont nulles, enfin que les travaux réalisés sont largement surévalués et pour certains d’entre eux inutiles.

Il convient au préalable de souligner que contrairement à ce qui avait été prévu lors du protocole « la négociation particulière à intervenir avec un éventuel repreneur », Monsieur Y… a précipité la liquidation amiable de la société SFI est s’est fait attribuer de manière abusive l’ensemble des propriétés immobilières qui restaient encore la propriété de celle-ci ce qui lui a valu une condamnation par le Tribunal correctionnel d’AJACCIO le 20 juin 2008 pour violation des dispositions de l’article L 237-7 du code de commerce.

Les conventions devant être exécutées de bonne foi, le comportement de Monsieur Y… ne peut porter atteinte aux droits de Monsieur J… quant à la plus value apportée aux terrains alors que la convention prévoit expressément que Monsieur J… conservera la propriété des travaux réalisés et qu’il pourra négocier à sa convenance la valeur de ces travaux avec un repreneur éventuel auquel il devra en facturer le coût.

Les circonstances de la nomination de Monsieur J… en qualité de président directeur général de la SFI et les travaux entrepris par lui-même pour cette société sans qu’un accord des organes de la société soit produit, étaient connus de Monsieur Y… lors de la signature du protocole.

La nullité des commandes et des facturations n’entraînerai au surplus que la remise des parties en l’état antérieur, ce qui ne priverait pas Monsieur J… de son droit à réclamer le montant des travaux réalisés.

En réalité c’est bien le montant et l’utilité des travaux qui seuls peuvent être discutés en l’absence de constat et d’évaluations contradictoires, le constat de Maître O… tardif et non contradictoire ne constituant qu’un élément de preuve non décisif.

Une mesure d’instruction dix ans après s’avérerait sur ce point inutile.

Compte tenu des explications fournies par les consorts Y… concernant la réalité des travaux de terrassement en prévision des blocs B et C ainsi que le bâtiment Alba commencé par Monsieur J… mais également compte tenu de l’embryon de gros-oeuvre concernant les garages sans déduction de la somme de 30. 500 euros indiquée comme revenant à Monsieur Y… au titre du dédommagement se compensant avec les acomptes payés mais dont le remboursement est prévu en cas de repreneur, le montant des travaux à régler à Monsieur J… doit être évalué à la somme de 250. 000 euros.

Le protocole du 22 novembre 2009 stipule cependant que « Monsieur J… répondra à titre personnel des créances et de tout le passif qu’il aurait pu provoquer au nom de la SFI du PARC BERTHAULT pour la période du 15 juillet 1998 au 30 novembre 1999 qui relèvent de sa seule responsabilité, ainsi que des taxes, charges et impôts à l’exclusion de la taxe locale d’équipement ».

C’est donc à bon droit que Monsieur Y… sollicite le règlement du remboursement de la taxe à la valeur ajoutée du premier trimestre 1999 s’élevant à 115. 338 francs (17. 294, 65 euros) qui viendra en déduction de la somme due à Monsieur J….

Au total, c’est la somme de 232. 705 euros qui sera mise à la charge de Monsieur Y….

Il convient enfin de souligner que Monsieur J… ne saurait imputer à Monsieur Y… la responsabilité de sa mise en liquidation judiciaire alors qu’il résulte du dossier qu’à la tête d’une entreprise fragile, il a procédé à des travaux sans les concours bancaires nécessaires jusqu’à épuisement de sa trésorerie étant ainsi à l’origine de sa cessation des paiements.

Compte tenu des circonstances de la liquidation de la société SFI les consorts Y… seront tenus in solidum au paiement de cette somme, leur responsabilité étant engagée au titre de la liquidation réalisée sans tenir compte du passif de la société SFI et dans des circonstances préjudiciables pour Monsieur J…, étant précisé qu’ainsi qu’ils le demandent la répartition de la condamnation entre eux interviendra proportionnellement au nombre d’actions qu’ils détenaient chacun.

Eu égard aux faits de l’espèce et de la responsabilité de chacune des parties dans le litige les demandes en dommages et intérêts pour préjudice moral ne sauraient prospérer.

Monsieur J… a eu un comportement léger à l’origine du litige alors que le harcèlement dont se plaignent les consorts Y… n’est pas démontré eu égard à leur succombance partielle et à l’absence de la part de Monsieur Y… de toute demande de dommages et intérêts pour constitution de partie civile abusive devant la juridiction compétente.

La demande reconventionnelle sur le préjudice financier ne peut davantage être accueillie, le protocole d’accord du 22 novembre 1999 réglant définitivement les comptes entre parties en ce y compris le remboursement de la taxe à la valeur ajoutée correspondant à des prestations ayant bénéficié à la SFI.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés non compris dans les dépens et de partager les dépens de l’instance par moitié.

Sur la responsabilité du notaire :

Chacune des parties tente de faire supporter au notaire les conséquences de sa légèreté, Maître X… lui reprochant d’une part de ne pas avoir vérifié à l’origine la conformité des plans avec ceux du permis de construire omettant que le spécialiste en la matière était Monsieur J… et non le notaire, d’autre part de ne pas avoir alerté Monsieur J… sur les dangers de l’opération alors qu’il est démontré que compte tenu des longues négociations et de la présence à ses côtés d’un expert-comptable, Monsieur J… n’a pas pu se méprendre sur la portée de ses engagements et qu’il n’a pas attendu la réitération de l’accord par acte authentique pour réaliser les travaux.

Il convient d’ajouter ainsi que le souligne le Tribunal que le notaire n’est pas intervenu lors de la résolution de la convention du 15 juillet 1998 et du règlement de ses conséquences.

Les consorts Y… lui reprochent de leur côté de ne pas avoir vérifié « l’état de santé de l’entreprise J… » alors que cette mission n’entre pas dans les prérogatives du notaire et que Monsieur Y… promoteur et homme d’affaires avisé pouvait mieux que lui juger de la solvabilité de son cocontractant.

Il y a donc lieu de mettre la SCP G…-H… hors de cause sans dépens.

Il n’est cependant pas inéquitable de laisser à sa charge les frais exposés non compris dans les dépens.

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du Tribunal de commerce d’AJACCIO du 23 mars 2009 en ce qu’il a constaté que la convention du 15 juillet 1998 a été annulée, en réalité résolue, par le protocole d’accord du 22 novembre 1999 et en ce qu’il a jugé que les conséquences de la rupture des relations entre les parties doivent être réglées en application du dit protocole,

Y ajoutant,

Déclare prescrite l’action en, nullité de Maître X…, ès qualités, à l’encontre de ce protocole,

Condamne in solidum les consorts Y… à payer à Maître X… ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de Monsieur Maurice J… suivant jugement du 8 janvier 2001 la somme de DEUX CENT TRENTE DEUX MILLE SEPT CENT CINQ EUROS (232. 705 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2007, date de l’assignation,

Dit que dans leurs rapports la charge de la condamnation sera supportée proportionnellement au nombre d’actions qu’ils détenaient chacun dans la société SFI du PARC BERTHAULT,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Met hors de cause la SCP G…-H…,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Partage les dépens par moitié entre Maître X…, d’une part, et les consorts Y… d’autre part.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Bastia,Ch. civile B, 6 avril 2011, 09/00284