Cour d'appel de Besançon, 12 mai 2015, n° 14/00367

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

XXX

COUR D’APPEL DE BESANÇON

— XXX

ARRÊT DU 12 MAI 2015

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 31 mars 2015

N° de rôle : 14/00367

S/appel d’une décision

du tribunal de commerce de BELFORT

en date du 17 décembre 2013 [RG N° 13-2064]

Code affaire : 34C

Demande en nullité des actes des assemblées et conseils

A B C/ Y B, SA MCT B & COMPAGNIE MECANIQUE ET CONSTRUCTIONS TE TECHNIQUES

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur A B

né le XXX à XXX

XXX

APPELANT

Représenté par Me Bruno GRACIANO, avocat au barreau de BESANCON et

Me Philippe MARIA, avocat au barreau de GRASSE

ET :

Monsieur Y B

né le XXX à XXX

XXX

SA MCT B & COMPAGNIE MECANIQUE ET CONSTRUCTIONS TE

dont le siège est sis Rue Pierre Dreyfus – Technoparc Franco-Suisse – 90100 DELLE

INTIMÉS

Représentés par Me Michel MIGNOT de la SELARL JURIDIL, avocat au barreau de BELFORT et Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.

ASSESSEURS : Mesdames V. GAUTHIER (magistrat rapporteur), et V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

lors du délibéré :

PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre

ASSESSEURS : Mesdames V. GAUTHIER, et V. LAMBOLEY-CUNEY, Conseillers.

L’affaire, plaidée à l’audience du 31 mars 2015 a été mise en délibéré au 12 mai 2015. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SA MCT B & Cie a été constituée le 1er janvier 1956. Son conseil d’administration est composé de trois administrateurs : M. Y B, président directeur général, M. A B, son frère, et Mme X B. Un conseil d’administration et une assemblée générale se sont tenus le 27 juin 2012.

M. A B a engagé en avril 2013 une action tendant, notamment, à la nullité des décisions prises le 27 juin 2012. Par jugement du 17 décembre 2013, le tribunal de commerce de Belfort a débouté les parties de toutes leurs demandes et condamné M. A B aux dépens.

M. A B a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 17 février 2014.

Il demande à la Cour de :

— prononcer la nullité des délibérations prises lors du conseil d’administration du 27 juin 2012,

— condamner en conséquence M. Y B à restituer la somme de 191 408 euros perçue au titre de la rémunération décidée lors de ce conseil,

— prononcer la nullité de l’assemblée générale du 26 juin 2012,

— condamner M. Y B à lui payer la somme de 4 637,17 euros, outre intérêts à compter de l’assignation, en remboursement du préjudice causé par les irrégularités dans la direction de la société MCT B & Cie,

— condamner in solidum la SA MCT B & Cie et M. Y B à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

S’agissant du conseil d’administration, il invoque :

— un manquement par son président à son obligation de communication et d’organisation,

— la différence entre l’ordre du jour fixé et l’objet des délibérations,

— l’absence de mise au vote des projets de délibération figurant sur un procès-verbal pré-rédigé,

— le caractère disproportionné de la rémunération allouée à son président.

Quant à la nullité de l’assemblée générale, elle est selon lui justifiée par :

— l’irrégularité de la convocation, n’émanant pas d’un conseil d’administration valide,

— des manquements du président à son devoir d’information, avant et pendant l’assemblée,

— l’absence de procès-verbal retranscrivant les débats tenus.

La SA MCT B & Cie et M. Y B concluent à la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions, et à la condamnation de M. A B à leur payer une somme de 3 000 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que la désorganisation dans la tenue du conseil d’administration et de l’assemblée générale du 27 juin 2012 est imputable à la mésentente existant entre MM Y et A B, mais considèrent que les délibérations prises sont régulières.

Ils soutiennent en particulier :

— que M. A B n’a jamais sollicité communication d’une quelconque information sur l’ordre du jour du conseil d’administration,

— qu’un débat a eu lieu sur la rémunération du président directeur général de la société, et que M. A B a pu exprimer son avis,

— que M. A B ne s’est jamais déplacé au siège de la société pour prendre connaissance des documents sollicités par lui.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions transmises le 30 octobre 2014 par l’appelant et le 29 décembre 2014 par les intimés.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur le conseil d’administration :

Attendu qu’aux termes de l’article L.235-1 du code de commerce, la nullité d’actes ou délibérations ne modifiant pas les statuts ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre 2 du code de commerce, ou des lois qui régissent les contrats ;

Attendu que M. A B demande que soit prononcée la nullité des délibérations prises lors du conseil d’administration du 27 juin 2012 en raison de diverses irrégularités :

1. manquement à l’obligation de communication et d’organisation du président du conseil d’administration

Attendu que M. A B fait valoir qu’aucun document ne lui a été adressé préalablement au conseil d’administration, ou n’a été mis à sa disposition lors de la tenue du conseil d’administration, afin de lui permettre de se prononcer utilement sur l’ordre du jour, c’est-à-dire la décision à prendre sur une gratification à allouer au président du conseil d’administration ;

Attendu que l’article L.225-35 du code de commerce dispose que le président ou le directeur général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;

Attendu que M. A B a adressé à la société B le 18 juin 2012 une demande de communication de pièces comptables et administratives très large, qui semble cependant concerner plutôt l’assemblée générale ; qu’il n’a pas fait de demande précise concernant la rémunération du président du conseil d’administration ; que les débats du 27 juin 2012 ont fait l’objet d’une transcription par Maître Z, huissier de justice ; que ce dernier a noté la remise par M. Y B, pendant la réunion, de divers documents, notamment résultats financiers de la société au cours des cinq derniers exercices et rapport du commissaire aux comptes ;

Attendu que M. A B n’a jamais indiqué, lors de la réunion du conseil d’administration ou dans le cadre de la procédure engagée par lui, quelles sont les pièces dont il aurait eu besoin pour se prononcer sur l’ordre du jour, et qui ne lui auraient pas été communiquées ; que la retranscription effectuée par l’huissier, qui est par ailleurs très révélatrice de l’état d’esprit de l’appelant et de la difficulté à mener les débats, montre qu’une discussion a bien eu lieu sur l’ordre du jour, et que M. A B a pu exprimer son avis ;

2. différence entre l’ordre du jour fixé et l’objet des délibérations

Attendu que l’appelant indique que l’ordre du jour évoquait une gratification, et que les délibérations ont finalement porté sur la rémunération du président du conseil d’administration ; que si la notion de rémunération est plus large que celle de gratification, il ne peut pas être considéré qu’il s’agit d’un changement significatif, entraînant une modification de l’objet des débats ;

3. absence de mise au vote des projets de délibération figurant sur un procès-verbal pré-rédigé

Attendu qu’il a bien été établi un procès-verbal de la réunion du conseil d’administration en date du 27 juin 2015, avec constat de la délibération prise ; que les textes n’imposent pas une retranscription détaillée des débats, ni la mention des oppositions formées par l’un des membres ; qu’il y a bien eu débat et vote sur le point figurant à l’ordre du jour, même si en raison du contexte familial les discussions sont allées bien au-delà ;

4. caractère disproportionné de la rémunération

Attendu qu’il n’appartient pas au juge de prononcer sur l’opportunité des décisions prises, mais seulement sur leur régularité ;

Attendu qu’ainsi, aucune des irrégularités alléguées par l’appelant ne justifie que soit prononcée la nullité des délibérations prises lors du conseil d’administration du 27 juin 2012 ; qu’il y a lieu à confirmation du jugement déféré sur ce point, et en conséquence sur le rejet de la demande de restitution ;

— Sur l’assemblée générale :

Attendu qu’il convient là encore d’examiner successivement les griefs soulevés par M. A B :

1. convocation n’émanant pas d’un conseil d’administration valide

Attendu que le droit de convoquer l’assemblée appartient au conseil d’administration ; que M. A B soutient que le conseil d’administration du 27 juin 2012 était le premier à être réellement tenu ; qu’il ressort cependant de la retranscription effectuée par l’huissier que M. Y B a lu le 27 juin 2012 le procès-verbal d’un précédent conseil d’administration tenu le 10 mai 2012, ce qui contredit les déclarations de M. A B sur l’absence de réunions du conseil d’administration ;

Attendu qu’il n’est donc en aucune manière rapporté la preuve de l’irrégularité de la convocation de l’assemblée générale ;

2. manquements au devoir d’information, avant et pendant l’assemblée

Attendu que la demande de communication de pièces sollicitée par M. A B le 18 juin 2012, par son caractère très large, ne peut pas relever des dispositions spécifiques des articles R.225-83 et R.225-88 du code de commerce, les documents dont l’actionnaire peut demander l’envoi étant énumérés de manière limitative ; que M. A B ne s’est pas rendu au siège de la société pour prendre connaissance des documents qu’il réclamait ; que la plupart d’entre eux lui ont été remis le 27 juin 2012 ; que le procès-verbal de constat d’huissier montre également que M. A B a décidé de partir avant la fin de l’assemblée générale ;

Attendu que dans ces circonstances, aucun manquement au devoir d’information n’est établi ;

3. procès-verbal ne retranscrivant pas les débats tenus

Attendu qu’aux termes de l’article L.225-114 du code de commerce, les décisions de l’assemblée doivent être constatées par un procès-verbal dont les mentions sont déterminées par décret en Conseil d’Etat ; qu’en cas de non-respect du présent article, les délibérations de l’assemblée peuvent être annulées ;

Attendu que la SA MCT B & Cie et M. Y B ne versent pas aux débats le procès-verbal de l’assemblée générale tenue le 27 juin 2012 ; que M. A B produit un projet, incomplet ; qu’il est cependant possible de connaître le contenu des débats grâce aux retranscriptions effectuées par l’huissier et par la secrétaire de séance, jusqu’au départ de M. A B ; que celui-ci a indiqué qu’il voterait contre tous les points stipulés sur sa convocation ;

Attendu qu’en l’absence d’un procès-verbal constatant les décisions de l’assemblée, et d’éléments probants sur la manière dont ont voté les membres de l’assemblée autre que M. A B, il convient de prononcer la nullité des délibérations prises par l’assemblée générale tenue le 27 juin 2012 ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point ;

— Sur les dommages et intérêts :

Attendu que la seule irrégularité démontrée par l’appelant est l’absence d’un procès-verbal constatant les décisions de l’assemblée générale ; que cette irrégularité n’est pas à l’origine du préjudice invoqué par M. A B, consistant en des frais d’avocat, d’huissier et de déplacement ; que les frais d’avocat et d’huissier sont liés à une grave mésentente familiale, et au choix de M. A B d’engager diverses procédures ; que les frais de déplacement n’ont pas été inutilement exposés, le conseil d’administration ayant eu lieu ;

Attendu qu’ainsi, le rejet de la demande de dommages et intérêts doit être confirmé ;

— Sur les frais et dépens :

Attendu que chacune des parties succombant partiellement dans le cadre de la présente instance, chacune conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel ; que l’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique, et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Belfort le 17 décembre 2013 en ce qu’il a rejeté la demande de nullité des délibérations prises par l’assemblée générale tenue le 27 juin 2012, et condamné M. A B aux dépens.

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des délibérations prises par l’assemblée générale de la SA B & Cie, tenue le 27 juin 2012.

Confirme pour le surplus, le jugement entrepris.

Y ajoutant,

Rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

Ledit arrêt a été signé par Monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et Madame Dominique Borowski, greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Cour d'appel de Besançon, 12 mai 2015, n° 14/00367