Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 4 octobre 2019, n° 18/01728

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Besançon, ch. soc., 4 oct. 2019, n° 18/01728
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 18/01728
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Vesoul, 13 septembre 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N° 19/

PB/CM

COUR D’APPEL DE BESANCON

— […]

ARRET DU 04 OCTOBRE 2019

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 06 Septembre 2019

N° de rôle : N° RG 18/01728 – N° Portalis DBVG-V-B7C-EAK4

S/appel d’une décision

du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE VESOUL

en date du 14 septembre 2018

code affaire :

80C

Demande d’indemnités ou de salaires

APPELANTE

Madame X Y, demeurant […]

représenté par Me Emmanuelle HUOT, avocat au barreau de BESANCON

INTIMEE

SAS CADUCIEL INFORMATIQUE, demeurant […]

représenté par Me Christine MAYER BLONDEAU, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 06 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur BOURQUIN Patrice, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre

Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Cécile MARTIN, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 04 Octobre 2019 par mise à disposition au greffe.

**************

FAITS ET PROCEDURE

Mme X Y a été embauchée par la Sas Caduciel Informatique selon contrat à durée indéterminée, à compter du 11 septembre 2006, en qualité de responsable des services administratif, comptable, gestion et financier.

Selon avenant du 21 avril 2009 le temps de travail a été fixé sur une base annuelle de 218 jours pour une durée hebdomadaire ne pouvant pas dépasser 38,5 heures, et ce, moyennant une rémunération brute mensuelle fixée en dernier lieu à 4400 € mensuels.

Le contrat de travail a pris fin le 30 novembre 2016 à la suite d’une rupture conventionnelle.

Le 29 mars 2018, Mme X Y a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir un rappel de salaire à hauteur de 83'814€.

Elle a été déboutée de ses demandes par jugement du 14 septembre 218, chacune de parties conservant la charge de ses propres dépens.

Par requête enregistrée au greffe de la cour le 4 octobre 2018, elle a interjeté appel de la décision.

Selon conclusions du 3 juin 2019 elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande la condamnation de la Sas Caduciel Informatique lui payer la somme de 83'814€ au titre des heures supplémentaires effectuées au cours des années 2014, 2015 et 2016 outre celle de 8381 € au titre des congés afférents, ainsi que celle de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions enregistrées le 26 août 2019, la Sas Caduciel Informatique conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Mme X Y à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’avenant au contrat de travail du 21 avril 2009, compte-tenu de la nature des tâches à accomplir et du niveau d’autonomie, le temps de travail de la salariée est fixé sur une base annuelle de 218jours, pour un horaire hebdomadaire ne pouvant dépasser 38.5h semaine, Mme X Y soutenant que son horaire hebdomadaire réel était de 55 heures.

Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures effectuées, l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d’instruction qu’il estime utile.

Il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, en apportant le cas échéant, la preuve contraire.

Mme X Y verse aux débats les pièces suivantes :

— un courriel du 24 décembre 2015 comportant la mention ' en quelques mots je suis épuisée, même si la charge de travail est démesurée et absolument anormale, ce n’est pas cette raison qui m’épuise', Mme X Y énumérant ensuite divers problèmes qu’elle dénomme 'irritants'.

— deux courriels des 6 janvier 2016 et 15 avril 2016, par lesquels elle demande des moyens supplémentaires pour son service compte-tenu de la charge de travail.

La Sas Caduciel Informatique fait valoir que les courriels que lui a adressés Mme X Y font état pour l’essentiel d’une mauvaise organisation du travail ou de problèmes matériels mais non d’heures supplémentaires non payées.

— un certificat médical du Dr A B, du 21 juin 2017 précisant que Mme X Y est venue le consulter le 19 mars 2016 et présentait un burn out, pour lequel il lui a proposé un arrêt de travail qu’elle a refusé.

— un relevé établi par la société de sécurité Kheops, qui fait apparaître sur la période du 2 mai au 21 juillet 2016, pour chaque jour, l’heure à laquelle le système de surveillance à été désactivé le matin par le premier arrivé et activé le soir par le dernier salarié ayant quitté l’entreprise.

Sur cette période, soit environ 60 jours de travail, il apparaît qu’ à 34 reprises c’est Mme X Y qui a activité le système de surveillance systématiquement au -delà de 19h30, à douze reprise après 22 heures et ce jusqu’à 2h du matin, alors que l’entreprise comporte une cinquantaine de salariés.

L’employeur soutient que ce relevé ne permet pas d’établir la durée du travail, ni le fait que Mme X Y a accompli des heures au-delà du forfait convenu.

Or, s’il n’est pas contesté que Mme X Y avait une large autonomie dans l’organisation de son travail et si un témoignage produit par l’employeur établit 'qu’elle arrivait souvent après 9 heures',il n’en reste pas moins qu’il n’a jamais été reproché à la salariée d’arriver trop tardivement à son travail voire en début d’après-midi, de sorte que ce relevé établi qu’au moins un jour sur deux, Mme X Y dépasse largement la durée du travail, compatible avec un horaire hebdomadaire de 38h30.

— un relevé de mails du 18 décembre 2013 au 25 novembre 2016, faisant apparaître des envois au-delà de 20 heures jusqu’à des heures tardives.

L’employeur fait valoir que l’envoi par la salariée de courriers électroniques à des heures tardives n’implique pas, en soi, le dépassement de la durée du travail convenue, ni que la salariée ait travaillé sans interruption depuis le début de la journée dès lors qu’elle était libre

d’organiser son emploi du temps et que par ailleurs elle pouvait se connecter à son domicile.

Il doit toutefois être observé que, au moins sur la période concernée par le relevé des heures de sortie, il est établi que les mails tardifs ont été envoyés depuis l’entreprise,

— une attestation de M. C D, responsable des études et développements du 18 janvier 2010 au 10 mars 2016 indiquant que Mme X Y effectuait régulièrement des journées de travail de plus de 12heures et fréquemment au-delà de 22 heures et ce plusieurs fois par semaine.

Si l’employeur indique que ce témoignage est mensonger, dès lors que le témoin n’avait pas les mêmes horaires que Mme X Y , il n’en reste pas moins qu’il conforte les éléments objectifs tirés des pièces précédentes.

— un tableau de la répartition des activités hebdomadaires, qui fait apparaître une durée du travail à hauteur de 55 heures hebdomadaires, qui n’apparaît toutefois pas suffisamment précis, dès lors qu’il n’est pas appuyé sur des éléments de preuve concrets,

— un tableau récapitulatif des heures de travail effectuées sur les années 2014 à 2016.

Les éléments produits, soit les tableaux récapitulatifs, appuyés par l’analyse des horaires de sortie sur une période d’un trimestre, par les heures d’envoi des courriels, et l’attestation de M. C D, constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, en apportant le cas échéant, la preuve contraire.

Outre les contestations précédemment analysées l’employeur fait valoir les points suivants :

1- Mme X Y n’a jamais sollicité l’autorisation d’effectuer des heures supplémentaires au-delà de ce qui était convenu dans le contrat de travail

Or Mme X Y produit trois courriels échangés avec M. E F, directeur délégué:

— le 17 juin 2015 à 21h18, par lequel elle répond à une question posée par ce dernier et lui indique être au bureau,

— le 16 décembre 2015 à 21h23, il l’interroge lors d’un échange de courriels sur le point de savoir si elle est toujours au bureau, sans nullement faire mention de son étonnement ou de sa désapprobation,

— le dimanche 18 septembre 2016à 21h46 par lequel il interroge Mme X Y sur une situation de trésorerie.

Ces pièces démontrent que l’employeur était informé des horaires de travail de Mme X Y et qu’il existait un accord implicite de sa part.

Par ailleurs, Mme X Y a adressé plusieurs courriels relatif à sa charge de travail, qui n’ont jamais fait l’objet d’aucune réponse, l’employeur n’ayant jamais durant la relation de travail contesté les affirmations de la salariée.

2- Mme X Y était parfaitement informée de la réglementation concernant les forfaits jours et les heure supplémentaires, en tant que responsable administratif et comptable et elle n’a jamais pourtant réclamé le paiement d’heures supplémentaires , alors que c’est elle qui transmettait au cabinet comptable les divers éléments pour établir les bulletins de paie

dont le sien.

L’observation de l’employeur est exacte mais ne remet pas en cause la possibilité pour la salariée de solliciter a posteriori le paiement des heures supplémentaires.

3-les heures supplémentaires effectuées par les cadres peuvent être récupérées

L’employeur produit une attestation de M. G H, salarié cadre aux termes de laquelle 'les cadres peuvent réaliser un déclaratif d’heures supplémentaires. Ces heures font l’objet d’une récupération, ce qui a été le cas', ainsi que deux tableaux Excel comportant des heures supplémentaires à récupérer pour plusieurs salariés.

Pas plus que la précédente, cette observation ne constitue la justification par l’employeur des horaires de travail effectivement réalisés.

L’employeur conclut ensuite longuement sur le tableau relatif à quantification horaire hebdomadaire des différentes tâches réalisées par Mme X Y , ces contestations ne pouvant toutefois conduire à un rejet de la demande, mais au plus à une minoration du nombre des heures supplémentaires.

L’employeur ne donne donc pas les éléments permettant de justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée, alors que l’existence d’heures supplémentaires est avérée et le jugement sera infirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

En ce qui concerne son montant, il résulte effectivement des observations de l’employeur que les évaluations données par la salariée quant aux tâches réalisées majorent certaines d’entre elles.

Par ailleurs, Mme X Y ne conteste pas qu’elle a inclus dans le décompte les jours fériés, qui ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif et pris en compte pour ouvrir droit au paiement des majorations pour heures supplémentaires et il y a donc lieu de les exclure.

L’ensemble des éléments permet d’établir que Mme X Y a réalisé, sur les années 2014 à 2016, des heures supplémentaires à hauteur de 20000€ outre 2000€ au titre des congés payés afférents.

La somme de 2000€ sera en outre allouée à Mme X Y au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la Sas Caduciel Informatique à payer à Mme X Y la somme de 20000€ à titre de rappel de salaire outre 2000€ au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE la Sas Caduciel Informatique à payer à Mme X Y la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Sas Caduciel Informatique aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre octobre deux mille dix neuf, signé par Mme Christine DORSCH, Président de chambre et Mme Cécile MARTIN, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 4 octobre 2019, n° 18/01728