Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre, 17 octobre 2019, n° 18/01129

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  • Intérêt

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Besançon, 1re ch., 17 oct. 2019, n° 18/01129
Juridiction : Cour d'appel de Besançon
Numéro(s) : 18/01129
Décision précédente : Tribunal d'instance de Montbéliard, 6 mars 2018, N° 16-000454
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

BM/DB

COUR D’APPEL DE BESANÇON

— […]

ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2019

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Contradictoire

Audience publique

du 12 Septembre 2019

N° de rôle : N° RG 18/01129 – N° Portalis DBVG-V-B7C-D7CS

S/appel d’une décision

du Tribunal d’Instance de Montbéliard

en date du 07 mars 2018 [RG N° 16-000454]

Code affaire : 51D

Demande du locataire ou de l’ancien locataire tendant au maintien dans les lieux

A X C/ C Y, E Y

PARTIES EN CAUSE :

Madame A X

née le […] à […]

de nationalité française – Profession : Responsable de vente,

demeurant […]

APPELANTE

Représentée par Me Anne-laure MAUVAIS, avocat au barreau de BELFORT

ET :

Monsieur C Y

né le […] à […],

demeurant […]

Madame E Y,

demeurant […]

INTIMÉS

Représentés par Me Stéphanie QUENOT de la SCP SCHNEIDER – QUENOT, avocat au barreau de BELFORT et par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats :

MAGISTRAT RAPPORTEUR : Madame B. MANTEAUX, Conseiller, conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, avec l’accord des Conseils des parties.

GREFFIER : Madame D. BOROWSKI, Greffier.

Lors du délibéré :

Madame B. MANTEAUX, Conseiller, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur E. MAZARIN , Président et Madame Bénédicte UGUEN LAITHIER, Conseiller

L’affaire, plaidée à l’audience du 12 septembre 2019 a été mise en délibéré au 17 octobre 2019. Les parties ont été avisées qu’à cette date l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétention des parties

Mme A X était locataire d’un logement appartenant à M. C Y et à Mme E Z, son épouse, (les époux Y) situé […] à Exincourt (25) qu’elle a quitté le 30 juillet 2016 à la suite d’un congé pour reprise que ses bailleurs lui ont délivré le […]. Ayant par la suite découvert que ce logement était de nouveau mis en location sur le site 'Le bon coin', elle demande réparation de son préjudice.

Par jugement rendu le 7 mars 2018, le tribunal d’instance de Montbéliard a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme X à l’encontre des époux Y, l’a condamnée aux dépens et dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu que le congé pour reprise délivré était en fait un congé pour vendre mais a rejeté la demande de dommages et intérêts considérant qu’elle ne prouvait pas son grief puisqu’elle n’invoquait pas sa volonté d’acheter le bien.

Par déclaration parvenue au greffe le 19 juin 2018, Mme X a relevé appel de ce jugement et, par dernières conclusions transmises le 23 août 2018, elle demande à la cour de l’infirmer et de :

— juger que le congé pour reprise délivré le […] par les époux Y est nul pour cause de fraude ;

— à titre subsidiaire, juger que ce congé est nul pour défaut de respect des mentions obligatoires ;

— à titre plus subsidiaire, juger que le congé, requalifié en congé pour vendre, est nul pour défaut de respect des mentions obligatoires ;

— en tout état de cause, condamner solidairement les époux Y à lui verser 1 408,20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions transmises le 18 mars 2019, les époux Y demandent à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner Mme X à leur verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Ils exposent que le congé a bien été délivré pour pouvoir loger la mère de Mme Y mais que celle-ci ayant été par la suite accueillie chez son fils, l’appartement a été vendu, étant précisé qu’un mandat de vente existait avant même l’arrivée de Mme X, ce que cette dernière savait parfaitement.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions ci-dessus rappelées.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2019 et l’affaire a été appelée à l’audience du 12 septembre 2019 et mise en délibéré au 17 octobre 2019.

Motifs de la décision

L’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que le congé (pour reprise, vente ou motif légitime et sérieux) doit, à peine de nullité, indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire et la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise. Le bailleur doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire est jointe au congé.

Le congé délivré par les époux Y à Mme X le […] est clairement qualifié de congé pour reprise et précise que celle-ci sera réalisée au bénéfice de Mme F Z, mère de Mme Y, à titre de résidence principale.

Le congé n’a pas été accompagné de la notice d’information relative aux obligations du bailleur, aux voies de recours et d’indemnisation du locataire et ne mentionne pas l’adresse du bénéficiaire de la reprise. Par ailleurs, si Mme Z a occupé le logement au départ de Mme X, elle ne l’a fait que très brièvement puisqu’elle l’a quitté dès le mois de septembre et que le logement a ensuite été proposé à la location avant d’être vendu.

La brièveté de la reprise, l’absence d’explication sur ce délai, et la remise en location du logement dès le mois de septembre pour une libération fin juillet, établissent que le congé pour reprise a été délivré en fraude des droits du locataire.

Dès lors, la cour, réformant le jugement, prononce la nullité du congé.

La sanction civile d’une telle fraude se résout en dommages et intérêts. Il appartient à Mme X de justifier des préjudices qu’elle allègue qui découlent de ce congé frauduleux.

Les frais exposés pour son déménagement sont réels. Les factures versées seront retenues en ce qui

concerne les frais de déménagement (1 000 euros au profit de la société Demeco). Les achats de meubles ne sont pas directement liés au déménagement, l’appartement qu’elle occupait n’étant pas un meublé.

L’augmentation des frais de nourrice résultent davantage d’un choix de Mme X que d’une nécessité liée au déménagement, vu la proximité entre ses deux lieux d’habitation.

La cour retient par ailleurs la somme de 500 euros au titre de son préjudice moral en raison des tracas qui lui ont été causés par cet événement.

Les dépens seront mis à la charge des époux Y, lesquels seront condamnés à verser à l’appelante la somme de 1 400 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, les chefs de décision précités impliquant, par voie de conséquence évidente, le rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par les époux Y pour procédure abusive et de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement rendu entre les parties le 7 mars 2018 par le tribunal d’instance de Montbéliard.

Statuant à nouveau :

Prononce la nullité pour fraude du congé pour reprise que M. C Y et Mme E Z épouse Y ont délivré à Mme A X le […].

Condamne in solidum M. C Y et Mme E Z épouse Y à verser à Mme A X la somme totale de mille cinq cents (1 500) euros à titre de dommages et intérêts et celle mille cinq cents (1 500) euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Condamne in solidum M. C Y et Mme E Z épouse Y aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été signé par M. Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Dominique Borowski, greffier.

Le greffier, le président de chambre



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