Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 13 septembre 2022, n° 21/01861

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N°

CE/SMG

COUR D’APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 17 mai 2022

N° de rôle : N° RG 21/01861 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EN4S

S/appel d’une décision

du Pole social du TJ de BESANCON

en date du 14 septembre 2021

Code affaire : 88B

Demande d’annulation d’une mise en demeure ou d’une contrainte

APPELANTE

URSSAF DE FRANCHE COMTE sise [Adresse 2]

représentée par Me Séverine WERTHE, avocat au barreau de BESANCON, présente

INTIMEE

S.A.S. [4] sise [Adresse 1]

représentée par Me Thierry DRAPIER, avocat au barreau de BESANCON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 17 Mai 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 12 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de cet arrêt a été prorogée au 13 septembre 2022.

**************

Statuant sur l’appel interjeté le 8 octobre 2021 par l’URSSAF de Franche-Comté d’un jugement rendu le 14 septembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon qui, dans le cadre du litige l’opposant à la SAS [4], a :

— déclaré la société [3] recevable et bien fondée en son opposition à contrainte,

— dit que la mise en demeure de l’URSSAF du 22 janvier 2020 est frappée de nullité,

— dit que la contrainte de l’URSSAF du 2 mars 2020 est frappée de nullité,

— débouté l’URSSAF de Franche-Comté de ses prétentions,

— condamné l’URSSAF de Franche-Comté à payer à la société [3] la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les conclusions visées par le greffe le 6 mai 2022 aux termes desquelles l’URSSAF de Franche-Comté, appelante, demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— déclaré la société [3] recevable et bien fondée en son opposition à contrainte,

— dit que la mise en demeure de l’URSSAF du 22 janvier 2020 est frappée de nullité,

— dit que la contrainte de l’URSSAF du 2 mars 2020 est nulle,

— débouté l’URSSAF de Franche-Comté de ses prétentions,

— condamné l’URSSAF de Franche-Comté au paiement de la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles,

statuant à nouveau,

— débouter la société [3] de l’intégralité de ses demandes,

— valider la mise en demeure du 22 janvier 2020,

— valider la contrainte en date du 2 mars 2020,

— condamner la société [3] au paiement de la somme de 19 498 euros,

— condamner la société [3] au paiement de la somme de 72,70 euros correspondant aux frais de signification de la contrainte ainsi qu’aux dépens,

— condamner la SAS [3] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles à l’URSSAF de Franche-Comté,

Vu les conclusions visées par le greffe le 17 mai 2022 aux termes desquelles la société par actions simplifiée (SAS) [3] exerçant sous l’enseigne « CABINET ROSTAING », intimée, demande à la cour de :

— déclarer l’absence de conformité à la jurisprudence de la mise en demeure,

— déclarer l’absence de conformité de la contrainte à la jurisprudence,

— en conséquence débouter l’URSSAF de ses prétentions,

— condamner l’URSSAF à payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— en conséquence confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

La cour faisant expressément référence, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, aux conclusions susvisées soutenues à l’audience,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

La société [3] est immatriculée au sein des services de l’URSSAF de Franche-Comté en qualité d’employeur du régime général depuis le 1er janvier 1999.

La société [3] n’ayant pas réglé intégralement les cotisations dues au titre du mois de décembre 2019 à la date d’exigibilité, l’URSSAF lui a adressé le 22 janvier 2020 une mise en demeure de payer la somme de 19.498 euros, représentant un montant de cotisations de 18.536 euros majoré de la somme de 963 euros au titre des majorations de retard et tenant compte d’un versement de un euro.

L’URSSAF a émis le 2 mars 2020 une contrainte de même montant, signifiée le 5 mars 2020.

C’est dans ces conditions que le 6 mars 2020 la société [3] a formé opposition à la contrainte susvisée devant le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon.

MOTIFS

Sur la validité de la mise en demeure :

Il résulte des dispositions de l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à celui-ci d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation et préciser à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

Au cas présent, la mise en demeure du 22 janvier 2020 mentionne :

— la nature des cotisations : régime général

— le montant des cotisations réclamées : 18 536,00, un astérisque renvoyant à la mention complémentaire : « incluses contribution d’assurance chômage, cotisations AGS »

— le montant des majorations : 963,00

— le versement pris en compte le 15 janvier 2020 : 1,00

— le total à payer : 19 498,00 euros

— la période à laquelle elle se rapporte : décembre 2019

— le motif de mise en recouvrement : insuffisance de versement.

Il en résulte qu’elle précise bien la nature des cotisations et contributions réclamées, leur montant, en ventilant les sommes restant dues entre les cotisations proprement dites et les majorations et en tenant compte du règlement intervenu, la période à laquelle elles se rapportent et la cause de la mise en recouvrement (insuffisance de versement).

Pour néanmoins annuler cette mise en demeure, les premiers juges ont essentiellement relevé qu’elle ne mentionnait pas les différentes natures de cotisations, la mention « REGIME GENERAL » étant générale et peu précise, que celle-ci ne remplit pas les exigences de la Cour de cassation et que figure au niveau de l’astérisque, sans plus de précision et de ventilation entre les différentes cotisations, la mention pour le moins imprécise « INCLUSES CONTRIBUTION D’ASSURANCE CHOMAGE, COTISATIONS AGS ».

Mais contrairement à l’appréciation des premiers juges, la mention « régime général », complétée par la précision « incluses contribution d’assurance chômage, cotisations AGS » permet au cotisant d’avoir connaissance de la nature de son obligation.

Dans un litige identique, la cour d’appel de Versailles avait retenu, le 14 novembre 2019, que la mise en demeure relative à la période (') pour un montant de (…), ne comportait, sur la nature des cotisations appelées, que la mention « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné, que la mention « incluses contributions d’assurance chômage, cotisations AGS », figurant sous un astérisque, n’était pas suffisante pour assurer une information complète de la cotisante sur sa dette à défaut de se rapporter précisément à des cotisations d’assurance maladie, d’assurance vieillesse, d’allocations familiales ou d’accidents du travail, et qu’à défaut de connaître la nature des cotisations appelées, la société ne pouvait pas s’assurer que l’assiette de cotisations, puis les calculs opérés par l’URSSAF sont exacts, d’autant plus que seul un montant total de cotisations était indiqué, sans aucune ventilation entre les risques qu’il concerne.

Par un arrêt diffusé en date du 12 mai 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé cet arrêt en reprochant à la cour d’appel d’avoir statué ainsi « alors qu’il résultait de ces constatations que les mentions de la mise en demeure litigieuse permettaient à la société de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation » (n° 20-12.264).

C’est donc vainement que l’intimé cite d’autres arrêts de la deuxième chambre civile à l’appui de ses prétentions (en particulier 21 janvier 2016 n° 14-21.957, 4 avril 2018 n° 17-15.093 à 17-15.100, 14 février 2019 n° 17-31.796) alors que dans ces espèces, soit la cour d’appel n’avait pas constaté que la contrainte se référait à une mise en demeure comportant toutes les indications requises (1ère espèce), soit la mise en demeure visant exclusivement des majorations ne comportait aucune indication sur la nature des cotisations auxquelles elles se rapportaient (2ème espèce), soit la nature de la cotisation spécifique réclamée, à savoir le versement de transport, n’était pas mentionnée (3ème espèce).

Contrairement encore à l’argumentaire de la société, l’URSSAF n’est pas tenue d’indiquer dans la mise en demeure les taux et assiettes de calcul applicables.

Les mentions litigieuses lui permettaient d’autant plus d’avoir connaissance de la nature de son obligation que si elle remet en cause la pertinence du principe déclaratif, la société [3] ne conteste pas pour autant y être de fait soumise, ayant opté pour la déclaration sociale nominative (DSN), ce qui la conduit chaque mois à déclarer et à calculer les cotisations dues.

Précisément, pour le mois de décembre 2019, la société [3] a transmis le 6 janvier 2020 à l’URSSAF une télédéclaration d’un montant total de 18.536 euros ainsi qu’un télépaiement de 1 euro (pièce n° 4 de l’appelante).

Il s’ensuit que la mise en demeure a été délivrée sur la base des cotisations déclarées par la société [3] elle-même, de sorte que les indications qui figuraient sur la mise en demeure litigieuse permettaient à celle-ci de connaître la cause, la nature et l’étendue de son obligation (Cass., Civ. 2, 24 mai 2017 n° 16-16.703).

Considérant l’ensemble de ces éléments, la cour retient que la mise en demeure litigieuse permettait à la société [3] d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation, le jugement entrepris étant donc infirmé en ce qu’il a dit la mise en demeure du 22 janvier 2020 frappée de nullité.

Sur la validité de la contrainte :

Il est de jurisprudence constante que la contrainte décernée en application des articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale doit, à l’instar de la mise en demeure, permettre à son destinataire d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation et préciser, à cette fin, à peine de nullité, la nature et le montant des cotisations et contributions réclamées et la période à laquelle celles-ci se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

Au cas présent, la contrainte émise le 2 mars 2020 pour un montant identique à celui de la mise en demeure mentionne :

— le montant de cotisations impayées : 18 535,00, le règlement de 1 euro étant donc déduit

— le montant des majorations de retard : 963,00

— la période à laquelle elles se rapportent : décembre 2019

— la référence de la mise en demeure qui l’a précédée : « 0040570397 en date du 22/01/20 »

— le motif : insuffisance de versement.

— les sommes restant dues : 19 498,00 euros.

Si, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, la rubrique « nature des cotisations » n’est pas renseignée, en revanche la contrainte fait expressément référence à la mise en demeure délivrée le 22 janvier 2020, dont il a été retenu qu’elle permettait à la société d’avoir connaissance de la nature de son obligation.

Dès lors et conformément à une jurisprudence constante sur ce point (Soc., 19 juillet 2001 n° 00-11.255, Civ. 2, 16 juillet 2020 n° 19-15.523, Civ. 2, 24 septembre 2020 n° 19-17.805), la cour valide la contrainte du 2 mars 2020, qui ne contient pas elle-même toutes les mentions requises mais se réfère à la mise en demeure du 22 janvier 2020 les comportant, de sorte qu’elle a mis la cotisante en mesure de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation.

La société [3] sera donc déboutée de l’ensemble de ses prétentions et la décision attaquée infirmée en ce qu’elle a dit nulle la contrainte de l’URSSAF du 2 mars 2020 et débouté l’URSSAF de Franche-Comté de ses prétentions.

La société [3] sera condamnée à payer à celle-ci la somme de 19.498 euros au titre des causes de la contrainte du 2 mars 2020.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement déféré est également infirmé en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles de première instance.

La présente affaire s’inscrivant dans une série de huit, il est équitable de limiter à la somme de 500 euros l’indemnité allouée à l’URSSAF de Franche-Comté au titre des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer depuis l’introduction de la procédure devant le pôle social.

La société [3], qui succombe, supportera les dépens de première instance (sur lesquels les premiers juges n’ont pas statué), qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (72,70 euros), et les dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme en ses dispositions frappées d’appel le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société [3] de l’ensemble de ses prétentions ;

Valide la mise en demeure du 22 janvier 2020 ;

Valide la contrainte du 2 mars 2020, signifiée le 5 mars 2020 ;

Condamne la société [3] à payer à l’URSSAF de Franche-Comté la somme de 19.498 euros au titre des causes de la contrainte du 2 mars 2020 ;

Condamne la société [3] à payer à l’URSSAF de Franche-Comté la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [3] aux dépens de première instance, qui comprendront le coût de la signification de la contrainte (72,70 euros), et aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le treize septembre deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,

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