Cour d'appel de Bordeaux, Premiere chambre civile - section b, 16 mai 2012, n° 10/07295

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, premiere ch. civ. - sect. b, 16 mai 2012, n° 10/07295
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 10/07295
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Périgueux, 15 novembre 2010, N° 08/02144

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 16 MAI 2012

(Rédacteur : Monsieur Pierre Louis Crabol, conseiller,)

N° de rôle : 10/07295

Monsieur B X

Madame F G épouse X

c/

Monsieur D Y

Madame N O épouse Y

Monsieur H I

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 novembre 2010 (R.G. 08/2144) par le Tribunal de Grande Instance de PERIGUEUX suivant déclaration d’appel du 9 décembre 2010,

APPELANTS :

1°/ Monsieur B X, né le XXX à XXX, de nationalité française, maçon,

2°/ Madame F G épouse X, née le XXX à XXX, de nationalité française, sans profession,

lesdits époux demeurant ensemble XXX,

Représentés par la S.C.P. Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assistés de la ASS Gérard GRAND- Eric BARATEAU – Murielle NOEL, Avocats Associés au barreau de PERIGUEUX,

INTIMÉS :

1°/ Monsieur D Y, né le XXX à XXX, de nationalité française,

2°/ Madame N O épouse Y, née le XXX à XXX, de nationalité française,

lesdits époux demeurant ensemble XXX,

Représentés par Maître Béatrice TRARIEUX, substituant Maître David BERTOL, Avocat au barreau de PERIGUEUX,

3°/ Monsieur H I, (exerçant sous l’enseigne CABINET IMMOBILIER DU PERIGORD), demeurant XXX,

Représenté par la S.C.P. Annie TAILLARD et Valérie JANOUEIX, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Philippe CORNET, membre de la S.E.L.A.R.L. PLUMANCY, Avocats Associés au barreau de PERIGUEUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 février 2012 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,

Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,

Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Aux termes d’une promesse synallagmatique de vente et d’achat faite à Périgueux (Dordogne) en date du 6 mai 2008, les époux Y ont vendu aux époux X, par l’entremise des 'Agences Danièle I’ (siège social XXX à Périgueux) représentée par H I, agent immobilier, un immeuble situé XXX à Perigueux au prix de 151.000,00 euros, sous condition suspensive de l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’un montant global de 113.310,00 euros le 6 juillet 2008 au plus tard, étant précisé à l’acte que l’acquéreur fournissait un apport personnel de 48.562,00 euros.

La fiche de présentation de l’immeuble objet du mandat numéro 9927 par le Cabinet Immobilier du Périgord, XXX à XXX, établissement secondaire de H I, à l’enseigne 'Agence Danièle I', suivant l’extrait K bis du registre du commerce produit, mentionne expressément 'Immeuble à rénover', 'Travaux à prévoir’ et 'Etat intérieur à rénover'.

Ainsi, par courrier en date du 2 juin 2008 aux époux X, acquéreurs, la Banque Tarnaud a proposé un prêt de 170.000,00 euros ventilé en une somme de 70.000,00 euros pour les travaux et de 100.000,00 euros pour l’acquisition de l’immeuble.

Malgré sommation en date du 2 septembre 2008 d’avoir à réitérer la vente devant notaire le 16 septembre 2008, les époux X ne se présentaient pas ; le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés.

Saisi, suivant assignation enrôlée le 2 décembre 2008 par les époux Y, vendeurs, contre les époux X, acquéreurs, et H I, agent immobilier, d’une action en paiement par les époux X de la somme de 30.200,00 euros en application de la clause pénale et en paiement de dommages et intérêts (10.000,00 euros) pour immobilisation abusive du bien et, suivant assignation délivrée le 11 août 2009, par les époux X contre l’agent immobilier H I, d’une demande tendant à être relevés indemnes par ce dernier, le tribunal de grande instance de Périgueux par jugement en date du 16 novembre 2010 a prononcé la caducité de l’acte sous seing privé et a condamné les époux X à payer d’une part aux époux Y les sommes de 30.200,00 euros (clause pénale) et 1.000,00 euros (dommages et intérêts) et à H I la somme de 11.000,00 euros (dommages et intérêts).

Dans leurs dernières écritures déposées le 13 septembre 2011 au soutien de leur appel, les époux X concluent à la résolution de l’acte sous seing privé pour absence de cause (pas de financement compatible avec les conditions de l’acte), prétendent que le non accomplissement de la condition suspensive ( prêt de 113.310,00 euros) ne leur est pas imputable, demandent la réduction de la clause pénale, d’autant que l’immeuble a été vendu le 14 février 2009 à un tiers pour 135.000,00 euros, enfin à l’égard de l’agent immobilier qui a omis de mentionner à l’acte la nécessité de travaux à réaliser pour remettre l’immeuble en état et dégager des loyers, ils concluent qu’il a engagé sa responsabilité et qu’il doit les relever indemnes ; ils s’opposent au versement d’une indemnité forfaitaire de 11.000,00 euros à l’agent immobilier contraire aux dispositions de la loi de 1970 ; ils demandent la restitution du dépôt de garantie (2.000,00 euros), concluent à un préjudice moral (4.000,00 euros) et réclament une indemnité de procédure (3.500,00 euros).

Les époux Y, par écritures du 25 juillet 2011 relèvent l’existence d’une cause objective à l’acte sous seing privé, distincte du mobile, qui assure la validité de l’acte (la contre prestation) et la défaillance des acquéreurs qui avaient obtenu un prêt bancaire d’un montant de 170.000,00 euros (supérieur à celui défini à l’acte pour 113.310,00 euros) qui était suffisant si les époux X avaient présenté une demande conforme aux stipulations du contrat ; ils demandent l’application de la clause pénale (30.200,00 euros) qui a pour fonction de garantir l’exécution ; enfin, ils demandent pour l’immobilisation du bien des dommages et intérêts (1.000,00 euros) que le contrat distingue bien de la clause pénale ; finalement, ils concluent à la confirmation du jugement et à une indemnité de procédure (3.500,00 euros).

L’expert immobilier H I, produisant le mandat de vente numéro 9927, conteste sa responsabilité en sa qualité de rédacteur d’acte et conclut à la confirmation du jugement avec indemnité de procédure (2.000,00 euros).

SUR CE :

Sur la nullité de l’acte sous seing privé :

Attendu que la cause, au sens de l’article 1131 du code civil, est la contre prestation de l’obligation souscrite ;

Qu’en l’espèce, l’engagement des époux X de payer le prix financé par un emprunt était déterminé par la livraison de l’immeuble des époux Y ;

Attendu que l’obligation avait une cause, la demande de nullité de la promesse synallagmatique de vente sera rejetée ;

Sur la résolution du contrat :

Attendu qu’il est de principe (pourvoi numéro K 97-10.195) qu’il appartient à l’emprunteur de démontrer qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente et que, faute d’avoir demandé un tel prêt, la condition suspensive doit être réputée accomplie par application de l’article 1178 du code civil ;

Qu’en l’espèce, les emprunteurs qui ne produisent pas leur demande de prêt à la banque, ont néanmoins obtenu une somme globale supérieure à celle nécessaire au financement de l’acquisition fixée à la promesse de vente ;

Attendu que les réserves faites par les emprunteurs sur la ventilation du prêt par la banque, laquelle n’est pas opposable aux vendeurs dès lors qu’aucune ventilation du prêt n’avait été spécifiée à l’acte sous seing privé et que le prêt global est supérieur à celui mentionné à l’acte, n’empêchent pas que la condition suspensive a été accomplie;

Que c’est donc à juste titre que le tribunal, devant le refus des acquéreurs de passer l’acte authentique, a retenu la caducité de la promesse de vente ;

Que l’inexécution de l’obligation des acquéreurs de passer l’acte authentique malgré l’accomplissement de la condition suspensive justifie l’application de la clause pénale dont le caractère prétendument excessif n’est pas démontré par les époux X ;

Sur la demande en dommages et intérêts de l’agent immobilier :

Attendu qu’il est de principe (pourvoi numéro 97-12.737) sur le fondement de la loi du 2 janvier 1970 qu’aucune somme d’argent quelconque ne peut être exigée par l’agent immobilier ayant concouru à une opération qui n’a pas été effectivement conclue ;

Que certes une clause de la promesse mentionne à la charge de la partie défaillante une indemnité pour dommages et intérêts compensatoire du préjudice subi par l’intermédiaire ;

Mais attendu que l’intermédiaire ne se fonde pas sur la responsabilité délictuelle de l’acquéreur dont le fait lui a causé préjudice mais au contraire, en visant dans ses conclusions les articles 1134, 1152 et 1226 du code civil, sur l’application d’une clause du contrat qui ne peut produire effet comme contraire aux dispositions d’ordre public de la loi Hoguet, dont l’application est justement relevée par les époux X dans les écritures d’appel, c’est à tort que le tribunal a fait droit à la demande en dommages et intérêts de l’agent immobilier ;

Sur la responsabilité de l’agent immobilier :

Attendu que le devoir de conseil de l’agent immobilier à l’égard de l’acheteur a un fondement délictuel ;

Qu’en l’espèce, alors même qu’il connaissait la nécessité de réaliser des travaux dans l’immeuble à rénover pour parvenir à le louer, l’agent immobilier a rédigé un acte qui, en ne précisant pas la ventilation du prêt constituant la condition suspensive au profit de l’acquéreur, en deux financements distincts, celui de l’acquisition et celui des travaux, ne correspond pas à l’économie du contrat ;

Attendu que cette négligence dans la rédaction de l’acte qui a conduit l’acquéreur à renoncer à l’acquisition, en raison d’un financement insuffisant du montant de l’acquisition limité à 100.000,00 euros par la banque, a engagé la responsabilité de l’acquéreur à l’égard du vendeur ;

Que l’agent immobilier responsable du dommage subi par l’acquéreur doit donc le relever indemne ;

Attendu par ailleurs que la clause pénale définie à l’article 1152 du code civil a vocation à réparer forfaitairement l’intégralité du préjudice il n’y a pas lieu à indemnité supplémentaire pour immobilisation du bien que les parties n’ont pas expressément stipulée en sus de la clause pénale ;

Attendu que le dépôt de garantie de 2.000,00 euros, séquestré entre les mains de l’agent immobilier, n’a pas été attribué par le premier juge et n’est pas revendiqué par les vendeurs, il sera restitué aux acquéreurs qui le demandent ;

Attendu que l’existence d’un préjudice moral des époux X n’est pas établi, leur demande de ce chef sera rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette l’exception de nullité de l’acte sous seing privé pour absence de cause,

Réformant partiellement le jugement,

Rejette la demande des époux Y en dommages et intérêts supplémentaires (1.000,00 euros),

Déboute H I en sa demande en dommages et intérêts (11.000,00 euros) et en indemnité de procédure (1.500,00 euros) formée contre les époux X,

Dit que H I supportera ses propres dépens exposés devant le tribunal,

Confirme le jugement déféré dans ses autres dispositions,

Y ajoutant :

Ordonne la restitution par H I, séquestre, du dépôt de garantie (2.000,00 euros) aux époux X,

Condamne H I à relever indemne B et F X des condamnations prononcées à leur encontre,

Rejette la demande des époux X en réparation d’un préjudice moral,

Dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure devant la cour,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.

Signé par Monsieur Pierre-Louis Crabol, conseiller, en l’empêchement légitime de Monsieur Louis-Marie Cheminade, président, et par Madame Marceline Loison, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT

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Cour d'appel de Bordeaux, Premiere chambre civile - section b, 16 mai 2012, n° 10/07295