Cour d'appel de Bordeaux, 28 mai 2015, n° 13/06551

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 28 mai 2015, n° 13/06551
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 13/06551
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 14 octobre 2013, N° 12/05962

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION B


ARRÊT DU 28 Mai 2015

(Rédacteur : Monsieur Michel BARRAILLA, Président)

N° de rôle : 13/06551

LA S.A.R.L. TERRAQUITAINE

c/

Monsieur Y X

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 octobre 2013 (R.G. 12/05962- 7e chambre civile -) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 8 novembre 2013,

APPELANTE :

LA S.A.R.L. TERRAQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis XXX – XXX,

Représentée par Maître Charlotte DE LAGAUSIE, membre de la S.C.P. GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, Avocats Associés au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur Y X, né le XXX à XXX, de nationalité française, demeurant XXX,

Représentée par Maître Philippe-Adrien BONNET, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine FOURNIEL, Président,

Monsieur Michel BARRAILLA, Président,

Madame Catherine COUDY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Par acte authentique du 29 juillet 2010, M. et Mme X ont vendu à la Sarl Terraquitaine un terrain non bâti situé à Ambarès et Lagrave (33), sur lequel l’acquéreur devait créer un lotissement.

Le prix de vente a été fixé à 610 000,00 € dont 500 000,00 € ont été payés comptant et le solde, soit 110 000,00 €, se trouvait compensé par l’obligation pour l’acquéreur de viabiliser la parcelle cadastrée XXX devant former le lot n° 5 du lotissement, et de construire sur ce lot une maison à usage d’habitation pour M. et Mme X.

Ces travaux n’ont pas été réalisés par la société Terraquitaine.

Par acte du 22 juin 2012, la société Terraquitaine a assigné M. et Mme X devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en paiement d’une somme de 166 535,25 € HT à titre de dommages et intérêts au titre d’une action estimatoire en garantie des vices cachés fondée sur les articles 1641 et 1116 du code civil.

La société Terraquitaine faisait grief aux époux X de lui avoir dissimulé le fait que l’ensemble du terrain, et pas seulement les lots n° 9 et 10 mentionnés dans l’acte notarié, était une ancienne gravière entièrement remblayée, alors que les opérations de remblai avaient eu lieu du temps où les époux X étaient propriétaires du terrain.

Mme X, avec qui M. X était marié sous le régime de la communauté universelle, est décédé en cours d’instance le 15 mai 2013.

Dans ses conclusions au fond devant le tribunal, M. X a conclu au rejet des demandes de la société Terraquitaine et sollicité la condamnation de cette dernière à lui payer à titre reconventionnel une somme de 19 470,00 € au titre de la mise en place de micropieux, somme qu’il avait indûment payée alors que la société Terraquitaine devait assurer la totalité du coût de la maison, et au paiement d’une indemnité de 17 520,00 € au titre de l’exécution tardive de l’obligation de construire.

Par jugement du 15 octobre 2013 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— donné acte à M. X de ce qu’il venait aux droits de son épouse, Mme A B, décédée,

— débouté la société Terraquitaine de ses demandes,

— fait droit à la demande reconventionnelle de M. X et condamné la société Terraquitaine à lui payer la somme de 19 470,00 € avec intérêts légaux à compter du 25 juin 2012,

— condamné la société Terraquitaine à payer à M. X la somme de 5 840,00 € pour retard d’exécution,

— condamné la société Terraquitaine au paiement d’une somme de 4 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Terraquitaine a relevé appel de ce jugement le 8 novembre 2013.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 septembre 2014, elle demande à la cour de :

— réformer en toutes ses dispositions le jugement du 15 octobre 2013,

— la dire fondée en son action estimatoire à l’encontre de M. X,

— dire et juger que celui-ci ne peut, au regard du dol dont il s’est rendu coupable, opposer la clause d’exclusion de garantie,

— le condamner au paiement de la somme de 215 220,20 € TTC représentant le coût de la réalisation des micropieux nécessaires après déduction du coût de ceux devant être implantés dans les lots 9 et 10 dont le remblaiement avait été porté à la connaissance de la société dans l’acte de vente,

— condamner M. X au paiement de la somme de 8 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Terraquitaine soutient qu’elle n’avait connaissance que des remblaiements mentionnés dans l’acte de vente, et limités aux lots 9 et 10; qu’il n’est pas établi par M. X qu’elle ait été destinataire du même projet d’acte que celui qu’il produit et qui mentionne que le terrain avait été remblayé, alors qu’il est indiqué le contraire dans le compromis.

Elle fait valoir que si le rapport de la société AIS établi en 2008 mentionne la nécessité de procéder à un complément d’étude de sol, cette étude n’avait été faite que dans l’optique de la réalisation des travaux de voirie pour pouvoir chiffrer les travaux VRD et qu’elle n’avait pas vocation à concerner l’ensemble du terrain acquis.

La société Terraquitaine ajoute qu’elle n’est pas un professionnel de la construction, mais seulement un aménageur lotisseur; qu’ainsi même si elle connaissait l’existence du vice, elle n’était pas en mesure d’en apprécier l’ampleur et les conséquences.

Elle indique que les travaux de remblaiement ont été faits à une époque où M. et Mme X étaient déjà propriétaires de la parcelle, qu’ils en étaient donc nécessairement informés et qu’ils ne peuvent en conséquence se prévaloir de la clause de non garantie.

La société Terraquitaine conclut par ailleurs au rejet de la demande reconventionnelle de M. X tendant à la prise en charge de la pose de micropieux pour son habitation et au paiement de dommages et intérêts pour retard dans l’exécution, en faisant valoir que le terrain sur lequel devait être édifiée la construction des époux X se situait hors du champ de la vente, ceux-ci s’en étant réservé la propriété, d’autre part que les travaux ne pouvaient être entrepris tant que les époux X n’avaient pas signé l’engagement de prendre en charge le coût des micropieux.

Par conclusions remises et notifiées le 3 mars 2014, M. X demande à la cour de:

— débouter la société Terraquitaine de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu’il a condamné la société Terraquitaine au paiement de la somme de 19 470,00 € avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012,

— condamner la société Terraquitaine au paiement de la somme de 17 520,00 € à titre de dommages et intérêts pour l’inexécution tardive de l’obligation de construction,

— condamner la société Terraquitaine au paiement de la somme de 5 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il soutient que la société Terraquitaine était parfaitement informée de l’état du terrain au moment de la vente. Il rappelle que le projet d’acte que lui avait adressé le notaire, qui était celui de la société Terraquitaine, mentionnait bien la déclaration des vendeurs selon laquelle le terrain avait été remblayé, et ce sans distinction de lots. La clause de non garantie doit donc recevoir application. Cette situation a également été portée à la connaissance de la société Terraquitaine par l’étude de sol réalisée auparavant par la société AIS.

M. X maintient par ailleurs sa demande reconventionnelle. Il fait observer qu’il appartient à la société Terraquitaine d’exécuter l’engagement qu’elle a pris de construire sur le lot n° 5, dont le terrain n’a jamais fait l’objet d’un remblaiement, en assumant le coût des micropieux. Il ajoute que la construction n’a été achevée que le 25 juillet 2013 alors que l’acte authentique a été signé le 29 juillet 2010. M. X demande à être indemnisé sur la base d’un retard de construction de deux ans sur la base d’une valeur locative de 730,00 €.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mars 2015.

Motifs :

1) – Sur la demande principale de la société Terraquitaine :

Le vendeur, tenu aux termes de l’article 1641 du code civil de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue, n’est toutefois pas tenu, selon l’article 1642, des vices apparents et dont il a pu se convaincre lui-même.

Dans l’acte authentique de vente signé entre les parties le 29 juillet 2010, les vendeurs ont déclaré que le terrain vendu avait été partiellement remblayé, à l’emplacement des futurs lots 9 et 10, ce dont l’acquéreur déclarait vouloir faire son affaire personnelle, sans recours contre le vendeur. Dans un projet d’acte, certes non daté et non signé par les parties, figure une mention selon laquelle le vendeur déclare que le terrain vendu a été remblayé. Le compromis du 29 mars 2010 indique en revanche que le vendeur déclare que l’immeuble n’a jamais été remblayé.

Ainsi que l’a justement relevé le tribunal, ces mentions contradictoires auraient dû alerter la société Terraquitaine, lotisseur professionnel de surcroît, sur la nature du sol et l’éventualité de le doter de fondations adaptées à son état.

Il ressort par ailleurs des pièces produites qu’un projet de vente du même terrain avait été l’objet de pourparlers antérieurs entre M. et Mme X et une société EMT, laquelle avait fait effectuer une étude de sol dans le but de réaliser les travaux de voirie. L’auteur de cette étude, la société AIS, a établi le 30 janvier 2008 un rapport qui a relevé la présence d’un étang partiellement comblé en partie sud du site, et qui a relaté les propos du propriétaire selon lesquels l’ensemble du terrain avait été remblayé sur une épaisseur faible mais variable afin de le rendre plus plan. Or ainsi que l’a observé le tribunal, la société Terraquitaine a eu connaissance de l’étude de la société AIS, puisqu’une expertise amiable réalisée le 20 septembre 2011 par le cabinet Ecos pour le compte de l’assureur de la société Terraquitaine se réfère expressément à cette étude.

Contrairement à ce que soutient la société Terraquitaine, le fait que les sondages aient été réalisés en vue d’un prédimensionnement de la voirie n’affecte en rien la valeur des informations qui en sont résultées au sujet la nature du sol, et devait au contraire inciter la société Terraquitaine, munie de ce renseignement et confrontée aux déclarations contradictoires des époux X sur le remblaiement du terrain, à rechercher toutes informations complémentaires.

C’est par suite à bon droit que les premiers juges ont considéré que la présence de remblais ne constituait pas pour la société Terraquitaine un vice caché susceptible d’entraîner la mise à la charge de M. X du surcoût des fondations.

Le jugement sera par suite confirmé en ce qu’il a débouté la société Terraquitaine de ses demandes.

— Sur la demande reconventionnelle de M. X :

M. X sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société Terraquitaine à lui payer la somme de 19 470,00 € qu’il a dû régler pour la mise en place de micropieux afin de permettre la construction de la maison que la société Terraquitaine s’était obligée à prendre en charge pour paiement du solde du prix de vente du terrain.

L’acte de vente prévoit que la société Terraquitaine s’est engagée à payer le solde du prix de vente à hauteur de 110 000,00 € par compensation avec l’obligation de viabiliser la parcelle cadastrée XXX appartenant à M. X et d’y construire une maison à usage d’habitation. Il s’agit d’une obligation de faire dont l’acquéreur est tenu sans pouvoir exiger aucune somme supplémentaire de la part du vendeur, et pour l’exécution de laquelle il lui appartenait de prévoir des fondations adaptées à la nature du sol. M. X est par suite fondé à solliciter le remboursement d’une somme au paiement de laquelle il ne s’était pas obligé.

Par ailleurs en l’absence de vice caché faisant obstacle à ce que la responsabilité puisse en être imputée au vendeur, il apparaît que la construction n’a fait l’objet d’une réception que trois ans après l’acte authentique de vente, ce qui ne peut être considéré comme un délai raisonnable s’agissant de l’édification d’une simple maison individuelle. C’est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal a alloué à M. X une indemnité de 5 840,00 € pour ce chef de dommage.

Le jugement sera par suite confirmé en toutes ses dispositions.

La société Terraquitaine, tenue aux dépens de l’appel, sera condamnée à payer à M. X la somme de 2 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs ,

La cour,

Reçoit la société Terraquitaine en son appel.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 15 octobre 2013 par le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Y ajoutant,

Condamne la société Terraquitaine à payer à M. X la somme de 2 500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Terraquitaine aux dépens de l’instance d’appel.

Signé par Monsieur Michel Barrailla, Président, en l’empêchement légitime de Madame Catherine Fourniel, Président, et par Madame Marceline Loison, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel de Bordeaux, 28 mai 2015, n° 13/06551