Cour d'appel de Bordeaux, 30 juin 2015, n° 10/05790

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 30 juin 2015, n° 10/05790
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 10/05790
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 15 septembre 2010, N° 2010F036

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 30 JUIN 2015

(Rédacteur : Madame Edith O’YL, Présidente)

N° de rôle : 10/05790

Monsieur I E

c/

Monsieur Z Y

XXX

SARL D

Monsieur M C

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 septembre 2010 (Chambre : 6°, RG : 2010F036) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 30 septembre 2010

APPELANT :

Monsieur I E, né le XXX à XXX, de nationalité Française, demeurant XXX

représenté par Maître Olivier BOURU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur Z Y, demeurant XXX – XXX

représenté par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Cédric JOURNU, avocat au barreau de BORDEAUX

XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

SARL D, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentées par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistées de Maître Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANT :

Monsieur M C, en remplacement de Maître Q R, pris en sa qualité de mandataire ad hoc, aux fins d’être substitué aux associés défaillants, demeurant 27 bis cour de Verdun – XXX

non représenté, régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 mars 2015 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Edith O’YL, Président,

Monsieur Thierry RAMONATXO, Conseiller,

Madame Chantal WAGENAAR, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

Les sociétés D (monsieur F), CFCR (messieurs E et H), et CFPCA (monsieur H) qui avaient une activité concurrente de formation professionnelle et conduite poids lourds tout en étant membres de la même association, l’ECOLE DE CONDUITE FRANCAISE ( ECF), se sont rapprochées sous l’égide du président de cette association qui a rendu une décision d’arbitrage le 23 avril 1996 organisant la prise de participation de ces sociétés les unes dans les autres et la mise en place d’un contrat de collaboration ;

Ainsi notamment pour l’essentiel :

Le capital social de la SARL CFCR, (centre de formation des conducteurs routiers) qui a pour activité la formation aux métiers de conducteurs de transports en commun et de véhicules poids lourds a été réparti à égalité entre la SARL D représentée par monsieur F, monsieur E, et monsieur Y chacun à proportion d’un tiers ; son gérant est monsieur Y, monsieur E ayant été nommé co gérant le 30 juin 2007 ;

Une XXX, ayant pour activité principale la formation professionnelle de conducteur routier et toutes activités de formation professionnelle aux métiers de la route, a été créée par fusion absorption de la SARL CFPCA ; son capital social a été réparti ainsi que suit :

—  70% pour la société D représentée par monsieur F

—  26,7% pour monsieur I E

—  3,3% pour monsieur Z Y ;

Elle a été cogérée par monsieur F et monsieur Y du 9 juillet 1997 au 6 juin 2005 ; puis à compter de cette date par monsieur F ;

Un contrat de collaboration a été signé le 27 juin 1996 entre la société ECF CESR FP et la société CFCR à effet au 1er juillet 1996 conformément à la décision d’arbitrage ;

Des dissensions sont apparues entre les associés au cours de l’année 2004 ;

Au mois de décembre 2004 les marques CITY PRO et CITY ZEN ont été déposées à l’INPI par madame K E, fille d’I E, pour le compte d’une SAS RC&S en formation dont monsieur Y est devenu le président et dont l’un des associés est la société CESAM (anciennement ECF CONDUITE 33) gérée par monsieur E ;

Le 4 janvier 2005 monsieur Y a démissionné de ses fonctions au sein de la direction générale et du conseil national de l’association ECF et de ses mandats de président départemental et régional ECF ; monsieur E et monsieur Y ont respectivement démissionné de l’association ECF les 14 et 24 janvier 2005 ainsi que leurs sociétés ;

Monsieur E et monsieur Y ont créé leur propre réseau CITY ZEN et CITY PRO ;

Lors d’une AGE des associés d’ECF CESR FP réunie le 6 juin 2005 monsieur Y a été révoqué de son mandat de co-gérant ; il a démissionné ensuite de ses fonctions de directeur ;

Le 4 juillet 2005 la SARL CFCR a mis fin au contrat de collaboration la liant à la XXX et exercé sous l’enseigne CITY ;

Plusieurs procédures ont été initiées dont la présente qui n’est qu’un élément d’un ensemble plus vaste opposant les parties ;

Par acte en date du 7 février 2008 les sociétés ECF CESR FP et D ont fait assigner monsieur I E et monsieur Z Y devant le tribunal de commerce de BORDEAUX lui demandant pour l’essentiel de :

— juger que les refus de voter les résolutions proposées par la gérance de la XXX aux assemblées générales des 18 octobre 2006 et 17 octobre 2008 sont constitutives d’un abus de minorité

— désigner un mandataire ad hoc pour représenter messieurs E et Y à la prochaine assemblée générale extraordinaire et voter en leurs noms et dans le sens des résolutions proposées par la gérance ayant pour objet :

. la régularisation de la situation par augmentation du capital social de 409 956 € par la création de 26 000 parts nouvelles à libérer intégralement en numéraire et par compensation avec des créances certaines liquides et exigibles sur la société et selon les modalités et conditions suivantes : souscrites par les associés proportionnellement au nombre de parts leur appartenant ; à défaut, le sparts sociales qui seraient disposnibles car non souscrites pourraient l’être par tout associé ou tiers agréé par l’assemblée des associés

. le pouvoir donné au porteur d’une copie ou d’un extrait des procès verbaux d’assemblée à l’effet d’accomplir toutes les formalités légales et statutaires

— condamner in solidum messieurs E et Y à payer à la XXX la somme de 50 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

Par jugement en date du 26 juin 2009 le tribunal de commerce de BORDEAUX a :

— déclaré recevable l’action des demanderesses

— rejeté la demande en annulation de l’assemblée générale du 27 juin 2007 présentée par monsieur E

— désigné maître G en qualité de mandataire ad hoc aux fin d’être substitué aux associés défaillants monsieur E et monsieur Y lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire convoquée aux diligences de son gérant, convocation ayant pour seule fin de régulariser la situation de la société par augmentation du capital social de 409 956 € par la création de 26 000 parts nouvelles à libérer intégralement en numéraire et par compensation avec les créances liquides et exigibles sur la société et pouvant être souscrites par les associés proportionnellement au nombre de parts leur appartenant ou à défaut par les autres associés ou des tiers agréés

— ordonné l’exécution provisoire

— fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ce jugement a été frappé d’appel par monsieur Z Y ; cet appel est pendant ;

En exécution de ce jugement assorti de l’exécution provisoire une assemblée générale extraordinaire des associés de la XXX a été réunie le 1er décembre 2009 ; elle a voté l’augmentation de capital de la société ECF CESR FP dans les termes de la proposition faite lors de l’assemblée générale extraordinaire du 17 octobre 2008 par monsieur F, gérant de la SARL ECF CESR, monsieur E et monsieur Y étant représentés par le mandataire ad hoc ;

Au motif que ni lui ni monsieur Z Y n’avaient été convoqués à cette assemblée générale, monsieur I E a fait assigner les 29 décembre 2009 et 4 janvier 2010 devant le tribunal de commerce de BORDEAUX la XXX, la SARL D et maître G es qualités pour obtenir sa nullité ; monsieur Y est intervenu volontairement aux débats ;

Par le jugement critiqué en date du 16 septembre 2010 le tribunal de commerce de BORDEAUX a :

. constaté la non comparution de maître G es qualités de mandataire ad hoc

. déclaré recevable l’assignation de messieurs I E et Z Y

. débouté monsieur E et monsieur Y de leur demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009 de la XXX

. rejeté la pièce n°120 figurant au dossier des demandeurs

. condamné monsieur E et monsieur Y à payer in solidum à la XXX et à la SARL D une somme de 2000 € chacune de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 1500 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Monsieur I E en a relevé appel le 30 septembre 2010 ;

Par arrêt du 22 février 2012 la cour a renvoyé l’affaire à l’audience du 9 janvier 2013 pour qu’elle soit jugée à la m^me audience que trois autres affaires pendantes devant la cour relatives aussi aux conséquences des dissensions existant entre les mêmes parties ; un renvoi a été ordonné à la suite d’une communication de pièces inexploitable dans l’un de ces trois dossiers ;

Par arrêt en date du 10 septembre 2014 la cour statuant sur un incident de communication de pièces sur renvoi du le conseiller de la mise en état a constaté que les pièces communiquées sur support CD l’avaient été aussi sur support papier et qu’il n’y avait donc pas lieu à incident ; l’affaire était fixée à l’audience du 2 décembre 2014 et la clôture au 18 novembre 2014 ;

Une proposition de médiation a été refusée ;

Par conclusions déposées et signifiées le 5 mars 2014 monsieur I E demande à la cour de :

— faire droit à son appel

— constater que le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives est une disposition d’ordre public qui est distincte du droit de voter aux dites assemblées et que la mission impartie au mandataire ad hoc est de voter dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social mais ne portant pas atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires

— constater que maître G n’a été investi que d’un simple droit de vote et n’a donc pu le représenter à l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a déclaré recevable en sa demande de nullité de cette assemblée générale

Pour le surplus,

— constater qu’il n’a pas été convoqué à l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009 et constater que celle-ci s’est tenue en fraude de son droit d’associé

— constater que faute de convocation monsieur E n’a pu participer à cette assemblée et faire état au mandataire ad hoc des conclusions du rapport de monsieur B selon lequel la reconstitution des capitaux propres selon les conditions du projet d’augmentation du capital social proposé lors de l’AG du 17 octobre 2008 ne permettent pas de reconstituer les capitaux propres à hauteur de la ½ du capital social et profitent exclusivement à l’associée majoritaire la D

— constater que faute de convocation il n’a pu participer à cette assemblée et faire état auprès du mandataire des solutions alternatives évoquées par monsieur B selon lequel la reconstitution des capitaux propres pouvait être réalisée soit par une augmentation de capital de 186 333 € ou une réduction de 14 442 €

— constater qu’en ne convoquant pas les associés minoritaires et en se privant par conséquent de la discussion précitée, le vote effectué par le mandataire ad hoc a conduit à l’adoption d’une résolution qui n’est pas conforme à l’intérêt social et qui au surplus porte atteinte à l’intérêt légitime des associés minoritaires

— constater que ce faisant le mandataire ad hoc n’a pas exécuté son mandat conformément aux principes posés par l’arrêt de cassation du 9 mars 1993

— réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté ainsi que monsieur Y de leur demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009, en ce qu’il les a condamnés à payer de s dommages et intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— juger nulle l’AGE du 1er décembre 2009

— faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions déposées et signifiées le 7 mars 2014 monsieur Z Y qui forme appel incident , demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable son action

— le réformer pour le surplus

Vu les articles 1844 al. 1er du code civil L 222-27 et L 223-28 du code de commerce

— constater qu’il n’a pas été convoqué à cette assemblée générale extraordinaire

— juger nulle et de nul effet cette assemblée générale extraordinaire

— débouter les sociétés ECF CESR FP et D de leurs demandes

— condamner la SARL D au paiement de la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions déposées et signifiées le 26 mars 2013 les sociétés ECF CESR FP et D demandent au visa des articles L 223-27 du code de commerce, 455 et 122 du code de procédure civile, de :

— constater que messieurs E et Y étaient valablement représentés par maître G qui les substituait à l’occasion de l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009 et ce conformément au jugement rendu le 1er décembre 2009 par le tribunal de commerce de BORDEAUX

— juger que les demandes de monsieur E et de monsieur Y irrecevables et subsidiairement mal fondées et rejeter leur demande d’annulation de cette assemblée générale

— écarter la pièce n° 120 du dossier de monsieur E ou subsidiairement la déclarer dénuée de toute portée légale et probatoire

— condamner in solidum monsieur E et monsieur Y à leur payer à chacune une somme de 5000 € de dommages et intérêts et une indemnité de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Maître X es qualités a été remplacé par ordonnance en date du 15 avril 2013 par maître C ; celui-ci a été appelé à la cause par assignation du 10 mars 2014 par monsieur E, les parties lui ont notifié leurs conclusions ;

*

* *

Monsieur E à l’appui de sa demande de nullité de l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009 fait valoir pour l’essentiel d’une part que ni lui ni monsieur Y n’y ont été convoqués alors qu’ en application des articles 1844 al 1er du code civil et L 223-28 du code de commerce le droit de participer aux décisions collectives de tout associé est d’ordre public et n’a pas été exclu par le jugement du 26 juin 2009, seul le droit de voter ayant été confié à maître G ; d’autre part, rappelant que le mandataire a pour mission de voter dans le sens de décisions conformes à l’intérêt social mais sans porter atteinte à l’intérêt des associés minoritaires, il estime que la participation des associés minoritaires à cette assemblée aurait permis de porter à la connaissance du mandataire les conclusions de monsieur B qui critique l’augmentation de capital telle que réalisée et propose des solutions alternatives et aurait ainsi permis au mandataire de voter de façon éclairée ;

Monsieur Y comme monsieur E fait valoir que la désignation de maître G pour voter à leur place ne justifie pas qu’ils aient été écartés de la participation à cette assemblée générale extraordinaire ; à cet effet il relève que le tribunal a statué au vu des comptes des exercices 2005 à 2007 et d’une situation prévisionnelle pour 2008 et que l’assemblée générale n’ayant été réunie que le 1er décembre 2009 les termes du débat avaient changé et qu’il importait qu’ils puissent participer à la discussion préalable au vote pour éclairer le mandataire ; il invoque en outre les dispositions de l’article 1844 du code civil et la distinction existant entre droit de vote et participation aux assemblées ;

Les sociétés ECF CESR FP et D soulèvent tout d’abord l’irrecevabilité des demandes de messieurs Y et E sur le fondement de l’article L 223-2 du code de commerce tous deux étant représentés lors de l’assemblée générale critiquée ; à titre subsidiaire elles font valoir que le tribunal n’a pas violé les dispositions des articles 1844 du code civil et L 233-28 du code de commerce : il lui était possible de désigner un mandataire ad hoc pour représenter deux associés coupables d’abus de minorité et la mission confiée à maître G n’est pas une mission impérative ; enfin elles soulignent que monsieur G es qualités auquel ont été notamment remis le rapport de monsieur B et la note de monsieur A et qui bénéficie d’une expérience et d’une compétence reconnues a été mis en mesure d’émettre un vote éclairé ;

*

*sur la recevabilité

La SARL D et la XXX n’invoquent plus la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée par le jugement du 26 juin 2009 qu’elles soutenaient en première instance et que le tribunal de commerce a justement écartée par des motifs que la cour fait siens ;

En revanche elles invoquent l’irrecevabilité de l’action de monsieur Y et de monsieur E en nullité de l’assemblée générale du 1er décembre 2009 sur le fondement de l’article L 223-27 du code de commerce ;

Il est justifié que les capitaux propres de la SARL ECF CESR lors de l’exercice 2006 étaient inférieurs à la moitié du capital social et qu’en application de l’article L 223-42 du code de commerce les associés devaient soit dissoudre à titre anticipé la société soit prendre les mesures propres à reconstituer les capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social et ce dans le délai de deux ans ;

Messieurs E et Y, associés minoritaires, après avoir rejeté le principe de la dissolution de la XXX, ont à deux reprises lors des assemblées générales extraordinaires tenues les 18/10/2006 et 17/10/2008 refusé de voter l’augmentation de capital proposée par monsieur F gérant de la société et de la SARL D, associée majoritaire ;

Par le jugement en date du 26 juin 2009 le tribunal de commerce de BORDEAUX a jugé que le refus de monsieur E et de monsieur Y était constitutif d’un abus de minorité et a désigné maitre G en qualité de mandataire ad hoc « aux fin d’être substitué aux associés défaillants, monsieur E et monsieur Y, lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire convoquée aux diligences de son gérant , convocation ayant pour seule fin de régulariser la situation de la société par augmentation du capital social de 409 956 € par la création de 26 900 parts nouvelles à libérer intégralement en numéraire et par compensation avec les créances liquides et exigibles sur la société et pouvant être souscrites par les associés proportionnellement au nombre de parts leur appartenant ou à défaut par les autres associés ou des tiers agréés » ;

Monsieur F gérant de la XXX en exécution de ce jugement assorti de l’exécution provisoire n’a convoqué à l’assemblée générale extraordinaire devant statuer le 1er décembre 2009 sur cet ordre du jour que maître G substituant d’une part monsieur E et substituant d’autre part monsieur Y et n’a donc pas convoqué monsieur Y et monsieur E ;

Cette assemblée générale a décidé à l’unanimité de voter l’augmentation de capital proposée par monsieur F lors des assemblées générales des 18/10/2006 et 17/10/2008 ;

Il sera observé que le fait que messieurs Y et E n’aient pas été convoqués et n’aient ainsi pu faire connaître leur point de vue sur l’augmentation de capital projetée n’a pas été de nature à empêcher maitre G de voter en toute connaissance de cause : il était en possession du rapport de gérance, de la situation comptable au 30 juin 2008 et des budgets prévisionnels 2008 et 2009 et plus particulièrement du rapport de monsieur B expert mandaté par monsieur E sur lequel celui-ci s’appuie pour contester l’augmentation de capital décidée, tous les documents sociaux prescrits par les articles ayant été adressés aux associés ou à leur représentant en même temps que la convocation et tenus à leur disposition au siège social pendant un délai de 15 jours ayant précédé l’assemblée ; il a donc disposé d’informations claires spécifiques et détaillées sur les motifs, l’importance et l’utilité de l’opération au regard des perspectives d’avenir ;

Alors que selon L 223-27 in fine du code de commerce « '.. toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée ; toutefois , l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés », l’article L 223-28 du code de commerce dipose que « chaque associé à le droit de participer aux décisions … » et l’article 1844 du code civil que « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives » ;

S’il est vrai que le juge ne peut se substituer aux organes sociaux compétents, il est acquis qu’il lui est possible de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires opposants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social mais ne portant pas atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires ; en revanche il ne peut fixer le sens du vote du mandataire ainsi désigné ;

La distinction opérée par monsieur E et monsieur Y entre le droit de « participer à l’assemblée ou aux décisions collectives » et « le droit de voter » ne se comprend que lorsqu’il y a démembrement de la propriété des parts sociales :

En revanche dès lors qu’il n’y a pas démembrement de la propriété des parts sociales cette distinction entre « le droit de vote » et le « droit de participer à l’assemblée » est sans objet, voire artificielle, le droit de voter impliquant nécessairement celui de participer aux décisions collectives (et vice versa) ;

En l’espèce maître G qui a reçu du tribunal mission de se substituer aux deux associés minoritaires a reçu mission de les représenter ; en conséquence monsieur Y et E étant représentés à l’assemblée générale extraordinaire du 1er décembre 2009, l’action en nullité de cette assemblée qu’ils ont engagée est irrecevable en application de l’article L 223-27 in fine du code de commerce ;

En conséquence le jugement sera confirmé, étant précisé que l’action en nullité de l’assemblée générale du 1er décembre 2009 engagée par messieurs Z et Y est irrecevable ;

*sur la demande de dommages et intérêts, l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Formant appel incident les sociétés intimées demandent la condamnation in solidum de ses deux associés au paiement d’une somme de 5000 € pour procédure abusive ;

Le premier juge en leur allouant de ce chef une somme de 2000 € de dommages et intérêts a d’une part justement considéré que messieurs E et Y avaient abusé de leur droit d’ester en justice en cherchant à fragiliser la société ECF CESR FP et d’autre part justement évalué le préjudice en découlant ;

Le jugement sera en conséquence confirmé ;

L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés ECF CESR FP et D à hauteur chacune de 1500 € ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe,

— confirme le jugement déféré

— condamne monsieur I E et monsieur Z Y à payer à la XXX et à la SARL D une somme de 1500 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— les condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. Thierry RAMONATXO, conseiller, remplaçant Mme Edith O’YL, présidente empêchée, et par M. Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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