Cour d'appel de Bordeaux, 29 juin 2016, n° 15/03383

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 29 juin 2016, n° 15/03383
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 15/03383
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Périgueux, 3 mai 2015, N° F14/00093

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


ARRÊT DU : 29 JUIN 2016

(Rédacteur : Madame Isabelle Lauqué, Conseiller)

PRUD’HOMMES

N° de rôle : 15/03383

Madame A Y-Z

c/

SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique venant aux droits de la Financière de l’Immobilier Sud Atlantique (FISA)

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 4 mai 2015 (RG n° F 14/00093) par le Conseil de Prud’hommes – formation paritaire – de Périgueux, section Commerce, suivant déclaration d’appel du 3 juin 2015,

APPELANTE :

Madame A Y-Z, née le XXX à Bergerac

(XXX, de nationalité française, demeurant XXX

Représentée par Maître Frédéric Coiffe, avocat au barreau de Périgueux,

INTIMÉE :

SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique venant aux droits de la Financière de l’Immobilier Sud Atlantique (FISA), siret n° 391 761 137, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, 11, cours du XXX Juillet – 33000 Bordeaux,

Représentée par Maître Brigitte Looten de la SELAS Fidal, avocate au barreau de Bordeaux,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 mai 2016 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle Lauqué, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Maud Vignau, Président,

Madame Marie-Luce Grandemange, Conseiller,

Madame Isabelle Lauqué, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Anne-Marie Lacour-Rivière.

ARRÊT :

— contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Madame A Y-Z a été embauchée par la société Financière de l’Immobilier Sud Atlantique aux droits de laquelle intervient la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique, à compter du 19 avril 2004, en qualité d’assistante commer-ciale dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Par avenant du 12 décembre 2004, elle a été promue conseillère en financement.

Le 17 février 2009, au cours d’une réunion de l’ensemble des équipes commerciales, la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique a exposé un projet de re-définition des modalités de rémunération des conseillers en financement.

Par courrier du 2 mars 2009, Madame Y-Z a demandé à son employeur de formaliser cette demande de modification du contrat de travail au visa de l’article L 1222-6 du code du travail.

Suite à ce courrier, elle a été reçue le 9 mars 2009 par la Direction de la société.

Par courrier du 24 mars 2009, la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique a confirmé à Madame Y-Z sa position sur le projet de re-définition du mode de rémunération, lui a reproché le ton de son courrier du 2 mars et son insolence lors de l’entretien du 9 mars.

Au terme de son courrier, elle l’a convoquée à un entretien préalable en vue d’une éventuelle mesure de licenciement fixé au 7 avril 2009.

Par courrier du 7 avril 2009, une nouvelle convocation à un entretien préalable lui a été adressée pour le 21 avril 2009.

Par courrier du 27 avril 2009, la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique a notifié à Madame Y-Z son licenciement pour faute grave aux motifs suivants : 'comportement irrespectueux et insolent envers sa hiérarchie’ et 'critique généralisée des dispositifs de l’entreprise'.

Le 7 avril 2014, Madame Y-Z a saisi le Conseil de Prud’hommes de Périgueux pour contester le bien fondé de son licenciement et réclamer le paiement de ses indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement du 4 mai 2015, le Conseil de Prud’hommes de Périgueux a débouté Madame Y-Z de l’ensemble de ses demandes.

Madame Y-Z a régulièrement interjeté appel de cette décision le 3 juin 2015.

Par conclusions régulièrement déposées le 3 mai 2016, développées oralement à l’audience du 24 mai 2016 auxquelles la Cour se réfère expressément, Madame Y-Z conclut à la réformation du jugement attaqué.

Elle demande à la Cour de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique à lui payer les sommes suivantes :

—  3.917,22 € à titre d’indemnité de licenciement,

—  7.537,48 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  753,74 € bruts au titre des congés payés afférents,

—  68.000,00 € à titre de dommages et intérêts,

—  2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement déposées le 4 avril 2016, développées oralement à l’audience du 24 mai 2016 auxquelles la Cour se réfère expressément, la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique conclut à la confirmation du jugement attaqué et demande à la Cour de condamner Madame Y-Z à lui payer la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

La lettre de licenciement pour faute grave dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit :

'Je vous ai convoqué par lettre du 7 avril 2009 à un entretien préalable prévu le 21 avril 2009 auquel vous ne vous êtes pas présentée. Je vous informe en conséquence que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave, et ce pour les motifs suivants :

Vous avez, à plusieurs reprises, eu un comportement irrespectueux et insolent envers votre hiérarchie. À titre d’exemple, je citerais les propos que vous m’avez tenus lors de notre entretien du 9 mars dernier suite à mon incompréhension concernant les termes de votre courrier du 2 mars : 'Pourtant, il est écrit en français'.

Vous avez dénigré l’entreprise notamment en remettant en cause, sans fondement, la compétence du service des Engagements et en critiquant de manière généralisée les dispositifs de notre société (communication, procédures, outils…).

Vous adoptez également un comportement de défiance vis à vis de la direction caractérisée notamment par une suspicion systématique de tous ses propos et actions. J’en veux pour exemple votre exigence de formalisation écrite de tous nos échanges.

De plus, vous ne respectez pas les procédures et les consignes de l’entreprise. Notamment, vous ne formalisez pas vos plans de tournée (en dépit des multiples demandes) et ne transmettez vos reporting d’activité qu’après des relances régulières.

Un tel comportement rend difficile l’exercice, par votre hiérarchie, des contrôles

de base sur l’exercice de votre métier et donc sur le respect des règles internes

(exemple : contrôle de cohérence concernant vos notes de frais).

A plusieurs reprises, au cours d’entretiens, par des messages électroniques ou des courriers (cf. nos courriers des 28 mars 2008 et 24 mars 2009), nous vous avons demandé de modifier votre attitude. Or, nous ne pouvons que constater aujourd’hui que votre comportement ne s’est pas amélioré.

Enfin, je tiens à vous rappeler un fait particulièrement grave. Suite à la réalisation, fin mars 2009, au sein de l’entreprise, d’une mission générale de contrôle interne concernant le versement des commissions aux prescripteurs, nous avons constaté, début avril 2009, que vous avez fait verser par la société des commissions qui n’étaient pas dues. En effet, vous nous avez expressément indiqué que des contacts de prospects avaient été 'apportés’ par un prescripteur, induisant le paiement à ce prescripteur d’une commission pour la prestation de service réalisée, alors que ces clients ont attesté avoir pris contact avec notre société par un autre canal. Outre le préjudice financier subi, l’atteinte à l’image et à la notoriété de notre société induit par un tel comportement est inacceptable.

En conséquence, votre maintien dans la société s’avère impossible. Je vous notifie donc par la présente votre licenciement pour faute grave qui prendra effet à la première présentation de la présente, sans indemnité de préavis de licenciement.

Je fais préparer par nos services les documents de fin de contrat qui vous seront transmis dans les prochains jours.

Enfin, je vous prie de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires pour restituer, le 29 avril 2009 à 14h00, l’agence de Périgueux, auprès de Monsieur X, l’ensemble des accessoires de travail mis à votre disposition par la société, à savoir notamment ordinateur portable, téléphone mobile, clés de l’agence…'

En application de l’article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur.

Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur et tel est le cas en l’espèce.

La Cour rappelle que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Il est tout d’abord reproché à Madame Y-Z son comportement irrespectueux et insolent envers sa hiérarchie et notamment lors de l’entretien du 9 mars.

Les propos tenus lors de l’entretien du 9 mars 'pourtant, il est écrit en français’ s’inscrivent dans un contexte particulier de tension. Le courrier du 2 mars 2009 aux termes duquel Madame Y-Z expose ses réticences et ses incompréhensions face à un projet de modification de sa rémunération, est certes rédigé en des termes mesurés dépourvus d’outrance mais il est emprunt d’une forme d’autorité déplacée assortie de la menace sous-entendue de donner de la publicité au conflit soulevé.

Madame Y-Z ne conteste pas avoir utilisé l’expression reprise dans la lettre de licenciement et la Cour considère que l’expression, même replacée dans un contexte de contestation et d’opposition quant à la modification de ses modalités de rémunération, était déplacée dans le cadre d’un entretien hiérarchique.

La Cour note que Madame Y-Z s’était déjà, par la passé, illustrée par son attitude et le ton employé dans ses relations avec sa hiérarchie comme en atteste le mail du 18 octobre 2006 (pièce 15).

Son attitude était manifestement devenue un problème au sein de la société comme le démontre le mail du 8 janvier 2008 adressé par C. X à sa propre supérieure hiérarchique au sujet du comportement de Madame Y-Z (pièce 29).

Il apparaît que malgré les relances de son employeur, Madame Y-Z exerçait son activité de commerciale sans se soumettre au contrôle de son employeur. Il est ainsi démontré qu’elle prenait des initiatives sans en informer son supérieur hiérarchique, qu’elle ne remettait qu’avec retard et après de nombreuses relances ses plans de tournées et les éléments permettant de contrôler son activité.

Ces manquements ont été à de nombreuses reprises évoqués lors des entretiens d’évaluations de Madame Y-Z qui ne pouvait donc pas ignorer ce qui était attendu d’elle.

Ces éléments qui s’échelonnent sur plusieurs années d’activité démontrent que Madame Y-Z s’était installée dans une forme de refus de contrôle et d’opposition vis à vis de sa hiérarchie qui a trouvé son point d’orgue dans l’attitude adoptée à l’occasion du projet de modification de la rémunération en mars 2009.

Les attestations produites par l’appelante qui vantent ses qualités profes-sionnelles, les bonnes relations entretenues avec les prescripteurs ou certaines collègues ne remettent pas en question les relations difficiles avec la hiérarchie qui est le c’ur du litige entre Madame Y-Z et la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique.

La Cour considère que le comportement adopté par Madame Y-Z en mars 2009 en ce qu’il s’inscrit dans le prolongement d’une attitude d’opposition répétée et de refus de tout contrôle hiérarchique constitue un manquement aux obligations contractuelles de la salariée qui, compte tenu de la forte dégradation de la relation de confiance, empêchait le maintien de la relation de travail pendant la durée du préavis.

En conséquence, la Cour estime que le licenciement pour faute grave de Madame Y-Z est bien fondé et confirme en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud’hommes de Périgueux.

Madame Y-Z succombe à nouveau en cause d’appel.

Elle sera donc condamnée à payer à la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

' Confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué.

Y ajoutant :

' Condamne Madame Y-Z à payer à la SA Crédit Immobilier de France Sud Atlantique la somme de 1.000 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

' Condamne Madame Y-Z aux dépens.

Signé par Madame Maud Vignau, Président, et par Monsieur Hervé Goudot, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Hervé Goudot Maud Vignau

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