Cour d'appel de Bordeaux, 6 avril 2016, n° 14/05037

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 6 avr. 2016, n° 14/05037
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 14/05037
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 4 août 2014, N° 13/05938

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A


ARRÊT DU : 06 AVRIL 2016

(Rédacteur : E-Pierre FRANCO, conseiller,)

N° de rôle : 14/05037

XXX

c/

SARL ADVENTO

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 août 2014 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 7°, RG : 13/05938) suivant déclaration d’appel du 20 août 2014

APPELANTE :

XXX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX – XXX

représentée par Maître Grégory BELLOCQ, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL ADVENTO, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis XXX

représentée par Maître Philippe LIEF de la SCP GRAVELLIER – LIEF – DE LAGAUSIE – RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 février 2016 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant E-Pierre FRANCO, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Catherine FOURNIEL, président,

E-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE :

Le 27 mars 2005, un incendie a détruit l’immeuble appartenant à la XXX (ci-après désignée la SCI), situé XXX à Bordeaux, assuré auprès de la compagnie Y, et dans lequel la SARL Le Fournil de Paludate exploitait un fonds de commerce de boulangerie.

Suivant lettre d’acceptation d’indemnités en date du 20 juin 2006, la SCI a accepté la proposition d’indemnisation faite par l’assureur après expertise, soit 731638 euros payables immédiatement et 607039 euros sous forme d’indemnité différée, à verser après reconstruction sur présentation des factures (la reconstruction devant être achevée avant le 31 décembre 2008).

Par contrat portant l’en-tête de sa société CAP X en date du 3 juin 2006, la SCI a confié une mission complète de maîtrise d''uvre à M. Z, architecte, qui a obtenu un permis de construire le 5 mars 2007; toutefois les travaux de reconstruction n’ont pas été terminés avant le 31 décembre 2008 et l’assureur a refusé de payer la totalité de l’indemnité différée.

Par jugement en date du 29 novembre 2011, confirmé sur ce point par arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 30 septembre 2013, le tribunal de grande instance de Bordeaux a débouté la SCI de la demande en paiement de l’indemnité différée engagée à l’encontre de la société Y.

Se fondant sur le contrat d’architecte conclu le 3 juin 2006, et sur les dispositions de l’article 1147 du code civil, la SCI a, par acte d’huissier en date du 14 juin 2013, fait assigner la SARL ADVENTO venant aux droits de la société CAP X devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en indemnisation de son préjudice, en exposant que par suite du retard apporté au dépôt du permis de construire et au choix des entreprises, puis du départ en retraite de M. Z, architecte signataire du contrat, les travaux de reconstruction n’avaient pu être menés à leur terme avant l’échéance fixée par l’assureur, de sorte qu’elle avait perdu le bénéfice de l’indemnité différée.

Par jugement en date du 5 août 2014, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— dit que le contrat d’architecte du 3 juin 2006 liait la XXX et la SARL CAP X, devenue la SARL ADVENTO,

— débouté la XXX de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la SARL ADVENTO,

— rejeté les autres demandes,

— condamné la XXX aux dépens.

Le tribunal a estimé que la preuve n’était pas rapportée d’un lien de causalité entre les lenteurs ou erreurs reprochées à la société d’architectes et le préjudice résultant de la perte d’une partie de l’indemnité différée due par Y.

XXX a relevé appel de ce jugement le 20 août 2014 et par dernières conclusions déposées et notifiées le 19 novembre 2014, elle demande à la cour, au visa de l’article 1147 du Code civil :

— de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat d’architecture avait bien été conclu avec la SARL CAP X, devenue ADVENTO,

— de réformer le jugement pour le surplus,

— de déclarer la société ADVENTO responsable de ses préjudices en raison du retard dans la réalisation du chantier, et de la condamner en conséquence à lui payer à titre de dommages-intérêts les sommes suivantes :

—  295350,37 euros au titre du solde de l’indemnité différée non versée par la compagnie d’assurances,

—  158221,94 euros au titre de l’indemnité pour les frais de mise en conformité, non versée par Y,

— la taxe d’encombrement, sur justification des services de la mairie,

—  14465 € au titre de l’indemnité pour l’assurance dommage ouvrage non versée par Y,

—  93636 € au titre de la perte de loyer à compter du 1er janvier 2009, sauf à parfaire,

ces sommes devant être réévaluées conformément à la variation de l’indice du coût de la construction depuis le 31 décembre 2008,

— de débouter la SARL de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et incidentes, et de la condamner au paiement de la somme de 5000 € pour frais irrépétibles, outre les dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 15 janvier 2015, la société ADVENTO forme appel incident, au visa des articles 1315, 1147 et 1998 du Code civil en demandant à la cour :

— de réformer le jugement en ce qu’il a indiqué qu’elle était engagée par les actes de M. Z,

— de la mettre hors de cause,

— à titre subsidiaire, de dire que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies et de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SCI de l’intégralité de ses demandes,

— à titre infiniment subsidiaire, de limiter la somme qui pourrait être due par la société ADVENTO au seul reliquat des sommes dues au titre de l’indemnité différée.

Elle réclame paiement d’une indemnité de 10000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère expressément aux dernières conclusions précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2016.

MOTIFS DE LA DECISION:

1- Sur les parties au contrat:

La société AVENTO soutient que M. Z n’était ni gérant ni salarié de la société Cap X mais simple sous-traitant; qu’il ne pouvait valablement l’engager vis à vis des tiers et que la SCI ne peut se prévaloir d’une croyance légitime susceptible de fonder son action au titre du mandat apparent.

Toutefois, par des motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a relevé à bon droit que le contrat d’architecte avait été conclu le 3 juin 2006 entre la SCI, maître d’ouvrage, et la société Cap X représentée par M. Z associé ; que le cachet de cette société était apposé sous la signature finale de M. Z; que les plans du permis de construire, le CCTP et le DPGF mentionnent également CAP X en qualité d’architecte, et que la note d’honoraires n° 1 du 3 novembre 2006 comporte l’en-tête de cette société, ainsi que son cachet au dessus de la signature de M. Z.

De plus, le maître d’ouvrage pouvait légitimement croire que M. Z avait le pouvoir d’engager la société puisque ce dernier avait effectivement la qualité d’architecte associé, ainsi que mentionné au contrat; qu’il travaillait dans les locaux de la société dans un bureau mis à sa disposition (page 8 des conclusions de l’intimée), et que selon l’article 31 des statuts mis à jour au 3 janvier 2005, «chaque architecte associé exerce sa profession au nom et pour le compte de la société.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement, en ce qu’il a dit que M. Z avait effectivement engagé la société Cap X devenue société Advento.

2- Sur la responsabilité de la société Advento:

Dès lors qu’elle recherchait la responsabilité contractuelle de l’architecte pour retard anormal dans l’accomplissement de sa mission, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, il incombait à la SCI de prouver la faute de la société Advento, l’existence d’un préjudice certain et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Aux termes du contrat du 3 juin 2006, la SCI a confié à la société Cap X une mission complète de maîtrise d''uvre, depuis les études préliminaires jusqu’à la réception de l’ouvrage, pour les opérations de reconstruction à l’identique d’un immeuble sinistré, qui devait être affecté à un usage de boulangerie et de logement.

Le contrat ne contient aucune stipulation concernant les délais impartis à l’architecte pour exécuter sa mission. Les parties n’ont pas renseigné les colonnes «délais d’exécution» et «délais d’approbation» en page 5 du contrat et n’ont rien mentionné à la rubrique P 8 «dispositions particulières» en page 6.

En l’absence de délai convenu, la société devait donc réaliser sa mission dans un délai raisonnable au regard de la nature, des difficultés et de l’importance de l’opération de construction.

Le premier dossier de permis de construire a été déposé par M. Z le 5 décembre 2006, soit 6 mois après la signature du contrat, ce qui ne constitue pas un délai anormal compte tenu des surfaces à réhabiliter (700 m²) et des diligences nécessaires pour les stades préalables (réunions, établissements des documents graphiques, descriptifs détaillés, estimations pour 13 lots).

L’omission de certains équipements sanitaires réglementaires dans le premier projet déposé le 5 décembre 2006 (lave-mains, sanitaire, local poubelle) n’a pas eu d’incidence sur le délai d’instruction de la demande par les services de l’urbanisme puisque le permis a pu être délivré le 5 mars 2007, après modificatif déposé le 12 février 2007, soit dans le délai de 3 mois initialement prévu.

Il s’est ensuite écoulé près d’un an entre le 5 mars 2007 et les 26-27 février 2008, dates auxquelles laquelle l’architecte a rédigé la DPGF (décomposition du prix global et forfaitaire) puis le DCE (document de consultation des entreprises) qui détaillait les travaux et prescriptions techniques et fonctionnelles des différents lots.

Ce délai apparaît manifestement excessif, d’autant plus que l’architecte disposait dès le 28 février 2007 d’une étude sommaire préparée par la société maisons CMC avec un premier chiffrage de chaque lot, et qu’il n’est justifié d’aucune difficulté technique, architecturale ou administrative particulière, ni d’un défaut de collaboration de la part du maître d’ouvrage.

A cet égard, la société d’architectes ne rapporte pas la preuve, qui lui incombait, d’un défaut de transmission de documents nécessaires ni de demandes infructueuses qu’elle aurait adressées à la SCI.

Il convient donc de considérer qu’un architecte normalement diligent aurait accompli ces prestations dans un délai de quatre mois, et qu’un retard fautif de 8 mois est imputable à la société Cap X.

Par ailleurs, la résiliation du contrat d’architecte intervenue le 28 mars 2008, à la suite du départ en retraite de M. Z, a contraint la SCI à changer de maître d''uvre en pleine période de consultation des entreprises, ce qui a occasionné un nouveau retard d’un mois puisqu’un nouveau contrat de maîtrise d''uvre a pu être signé avec M. C le 1er mai 2008 ( la SCI ayant réagi très rapidement à cet imprévu).

Ce retard est également imputable à la société Cap X (devenue Advento) qui aurait dû anticiper le départ en retraite de son associé et en toutes hypothèses proposer la poursuite du contrat par un autre architecte de la société, ce qu’elle ne justifie pas avoir fait. L’argument selon lequel elle ignorait jusqu’à la signature de ce contrat est inopérant dès lors qu’elle est considérée par la cour comme juridiquement engagée par la convention.

Il y a lieu ensuite de prendre en compte un délai normal de deux mois pour sélectionner les entreprises et leur faire signer les marchés de travaux; les contrats ayant effectivement été signés le 1er juillet 2008 soit deux mois exactement après désignation de M. C en qualité de maître d''uvre, qui a repris les documents DCE et DPGF établis par son prédécesseur.

Le rapport de la société Qualiconsult du 17 juillet 2008 (pièce 60 de l’appelante) évalue à 7 mois la durée prévisionnelle des travaux, ce qui n’est pas discuté par la société d’architecture.

Toutefois, il convient de tenir compte également des délais nécessaires pour obtenir la validation des certificats de paiement visés par le maître d''uvre par le cabinet d’expertise désigné par Y, puis du délai de déblocage des fonds par cet assureur.

La durée totale de l’opération de reconstruction doit donc être évaluée à 7 + 5 = 12 mois.

Il apparaît en définitive qu’à partir de la délivrance du permis de construire (5 mars 2007), le délai d’achèvement de l’ouvrage pouvait raisonnablement être fixé à 18 mois (soit quatre mois pour la phase DCE, deux mois pour l’établissement des marchés de travaux et leur signature par les entreprises, et douze mois pour les opérations de construction).

Si l’architecte avait accompli les prestations à sa charge avant l’ouverture du chantier dans des délais normaux, la reconstruction aurait pu être achevée au 5 septembre 2008 et le maître de l’ouvrage aurait obtenu de la part de Y le paiement de l’indemnité différée.

La société intimée ne s’exonère pas de sa responsabilité, même partiellement, dans les conditions prévues à l’article 1148 du code civil.

La société d’architectes ne peut utilement invoquer l’absence de relances de la part de la SCI, alors, d’une part, que par l’intermédiaire de son conseil technique M. D, celle-ci a adressé des courriers à M. Z les 11 février 2008, 21 février 2008 et 17 mars 2008 en soulignant la nécessité «d’aller très vite» et de terminer le chantier avant le 31 décembre 2008, et, d’autre part, que si les intérêts moratoires sont dûs seulement à partir de la mise en demeure, le débiteur est tenu de réparer le dommage qui a été causé par l’inexécution de ses obligations avant qu’il ait été mis en demeure.

Dès lors que le retard fautif de l’architecte est caractérisée à compter de juillet 2007 jusqu’à février 2008, et qu’il en est résulté des dommages pour la SCI, celle-ci est donc fondée à en obtenir réparation malgré l’absence de mise en demeure avant février 2008.

Il convient d’écarter l’argument de la société intimée selon lequel la SCI disposait des fonds suffisants pour terminer les travaux même sans l’octroi de l’indemnité différée, puisqu’en réalité celle-ci n’a perçu de Y que la somme de 326007 euros au titre de la première indemnité, dont 41603 euros TTC ont été consacrés au paiement des honoraires du cabinet d’expertise Noslier, ainsi que cela ressort de la correspondance de ce dernier en date du 22 juin 2006.

Sur le solde de 284404 euros au titre de l’indemnité immédiate, seule une somme de 120000 euros était affectée au bâtiment; le reste étant destiné aux frais de démolition et déblais (89939 euros), à la compensation des pertes de loyers (20544 euros) et aux biens immeubles par destination.

L’assureur a en outre réglé une partie de l’indemnité différée :

—  212745,64 euros par chèque du 1er octobre 2008, affectée à hauteur de 109294,98 euros à la reconstruction (outre 47726 euros pour les frais de démolition-déblais), ce qui a servi au paiement des acomptes demandés par les entreprises en juillet et août 2008,

—  72863,99 euros, pour un complément selon situation de travaux arrêtée au 12 décembre 2008.

Le total des versements soit 302157 euros était manifestement insuffisant pour réaliser la reconstruction totale de l’immeuble sinistré, qui avait été évaluée à 593849 euros par l’architecte Z, et à 487000 euros HT par M. C, dans les contrats de maîtrise d''uvre.

La faute de la société d’architecture a bien privé la SCI de la possibilité de percevoir le solde d’indemnité différée, soit 580960 ' (212745,64 + 72863,99) = 295350,37 euros; étant précisé à cet égard que contrairement aux affirmations de l’intimée, et à ce que M. A avait pu annoncer aux entrepreneurs le 13 octobre 2008, Y n’a jamais renoncé à se prévaloir de la date initialement fixée pour l’achèvement des travaux de reconstruction, ainsi que cela ressort très clairement de ses correspondances adressées à son assurée le 26 novembre 2008 («le versement de l’indemnité appelée valeur à neuf sera réglé selon les termes du contrat»), et le 5 février 2009 («nous vous confirmons que la date limite est toujours fixée au 31 décembre 2008 »).

Le constat d’huissier dressé à la requête de la société intimée le 18 février 2014 depuis la voie publique ne permet pas d’apprécier l’importance des travaux de démolition, déblais, terrassement et gros-oeuvre réalisés sur le bâtiment, tel qu’il se présentait à l’issue du sinistre.

En toutes hypothèses, la société Advento ne peut utilement souligner l’état d’abandon du chantier, alors que la reconstruction a précisément été interrompue du fait du dépassement de l’échéance du 31 décembre 2008, et de l’impossibilité dans laquelle la SCI se trouvait d’obtenir le remboursement des travaux réalisés après cette date.

Enfin, le fait que l’immeuble sinistré se trouve dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté Bordeaux Saint-E F, et qu’il puisse dès lors donner lieu à l’exercice d’un droit de préemption n’a aucune incidence sur le droit à réparation du maître de l’ouvrage à raison de l’exécution fautive du contrat d’architecte.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement, et de dire que la société AVENTO est responsable du préjudice subi par la SCI du fait du retard dans la réalisation du chantier.

Il convient d’évaluer comme suit la réparation du préjudice subi par la SCI:

— perte du solde de l’indemnité différée:

La société d’architectes conteste à tort le solde qui aurait dû être perçu par la SCI au titre de l’indemnité différée.

Il ressort de la lettre d’acceptation d’indemnité du 20 juin 2006 comme du tableau récapitulatif du cabinet Noslier en date du 22 juin 2006 que le montant de l’indemnité différée s’élevait à 607039 euros TTC.

Or, Y n’a versé à ce titre que 212745,64 euros le 1er octobre 2008 (pièce 49 de l’appelante) et 72863,99 euros le 9 février 2009 (pièce 53 de l’appelante).

Le solde de 295350,37 euros n’a pas été payé en raison de la faute contractuelle de l’architecte et doit être mis à sa charge à titre de dommages-intérêts.

— surcoût de la mise en conformité: ce poste avait été réservé sur la lettre d’acceptation de l’indemnité du 20 juin 2006 ainsi que sur le tableau récapitulatif du cabinet Noslier avec la seule mention «à justifier»; et il n’existe aucune certitude que l’assureur aurait accepté de régler le surcoût de la mise en conformité pour 158221,94 euros, telle que chiffrée par l’architecte C puisqu’elle n’a pas donné lieu à validation par le cabinet G H. Il n’existe en outre aucune acceptation exprès de Y à ce titre. Cette demande sera donc rejetée.

— il ressort par ailleurs des termes de la lettre d’acceptation d’indemnités du 20 juin 2006 que le remboursement de la taxe d’encombrement de la voie publique et de la prime de l’assurance-dommage ouvrage étaient à justifier pour être remboursées, sans autre condition de délai. Seul le paiement de l’indemnité différée était assorti d’une condition de délai pour l’achèvement des travaux de reconstruction (31 décembre 2008).

Il convient dès lors de rejeter ces demandes qui ne correspondent pas à un préjudice certain.

— enfin, la SCI sollicite le paiement de la somme de 93636 euros, sauf à parfaire, au titre de sa perte des loyers, en soulignant que l’assureur ne lui a versé que 20544 euros pour la perte subie du 25 mars 2005 au 25 mars 2007, alors qu’en raison de la faute de l’architecte, elle se trouve toujours dans l’incapacité de remettre son bien en location.

Toutefois, ce préjudice n’est pas établi puisque rien ne démontre l’impossibilité dans laquelle se trouverait la SCI de reconstruire son immeuble par un financement classique, tel qu’un emprunt, afin de le remettre en location.

Cette réclamation devra donc être rejetée.

La demande de réévaluation selon la variation de l’indice INSEE du coût de la construction sera également rejetée à défaut de production de devis actualisé.

Il convient donc en définitive d’infirmer partiellement le jugement, de condamner la société Advento à payer à la SCI la somme de 295350,37 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêt à compter du présent arrêt conformément à l’article 1153-1 du code civil, et de le confirmer en ce qu’il a rejeté le surplus de ses demandes, ainsi que celle formée par la société Advento sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable d’allouer à la SCI une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société ADVENTO sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et doit en équité supporter ses frais de procédure irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement, en ce qu’il a :

— dit que le contrat d’architecte du 3 juin 2006 liait la XXX et la SARL CAP X, devenue la SARL ADVENTO,

— débouté la XXX de sa demande au titre de l’indemnité pour les frais de mise en conformité, pour la taxe d’encombrement, pour l’assurance dommage ouvrage et la perte de loyers à compter du 1er janvier 2009,

— rejeté la demande formée par la société ADVENTO sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que la société ADVENTO a commis une faute dans l’exécution du contrat d’architecte du 3 juin 2006, en raison du retard apporté à la rédaction de la DPGF (décomposition du prix global et forfaitaire) et du DCE (document de consultation des entreprises), et de la résiliation du contrat le 28 mars 2008 lors du départ en retraite de M. Z, architecte,

Déclare en conséquence la société ADVENTO responsable du préjudice subi par la XXX du fait du retard dans la réalisation du chantier,

Condamne la société ADVENTO à payer à la XXX la somme de 295350,37 euros, avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne la société ADVENTO à payer à la XXX la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute la société ADVENTO de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ADVENTO aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Grégory Bellocq par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Catherine FOURNIEL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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