Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 26 mai 2021, n° 18/06913

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, ch. soc. sect. a, 26 mai 2021, n° 18/06913
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/06913
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Libourne, 15 novembre 2018, N° F17/00174
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A


ARRÊT DU : 26 MAI 2021

(Rédacteur : Madame I J-K, présidente)

PRUD’HOMMES

N° RG 18/06913 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KZFP

Madame Z X

c/

Monsieur B Y

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 novembre 2018 (R.G. n°F17/00174) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 21 décembre 2018,

APPELANTE :

Madame Z X née E F G

née le […] à […], Vendeuse, demeurant 570, route de Salignac – 33240 SAINT-ANDRÉ DE CUBZAC

représentée et assistée de Me Z-paule COUPILLAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur B Y, exerçant sous l’enseigne 'Mon Coiffeur Mondressing', de nationalité Française, Coiffeur, demeurant […]

N° SIRET : 399 579 036

représenté et assisté de Me TANDONNET substituant Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 février 2021 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame L Pignon, présidente

Madame I J-K, présidente

Madame Sarah Dupont, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Z Lacour-H,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

— prorogé au 26 mai 2021 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame X a été engagée par la SARL Jumilore en qualité de vendeuse à temps partiel par contrat de travail à durée indéterminée du 23 avril 2013.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective du commerce de détail d’habillement.

Mme X a été placée en arrêt maladie à compter du 8 au 16 juillet 2016 , puis du 1er janvier 2017 au 30 juillet 2017.

Elle était reconnue travailleur handicapé le 5 juillet 2017.

Le 28 juillet 2017, l’ employeur a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail pour motif économique en lui proposant d’aller travailler à Tulle. Mme X a refusé cette modification.

Convoquée à un entretien préalable fixé le 1er septembre 2017, Mme X a accepté le contrat de sécurisation de l’emploi et la rupture est intervenue le 22 septembre 2017.

Par jugement du 16 novembre 2018, le conseil des prud’hommes de Libourne a :

— donné acte à M. Y de ce qu’il a remis à Mme X un chèque de 2 428,38 euros au titre en paiement du salaire du mois de septembre 2017 lors de l’audience de conciliation

— dit que le licenciement de Mme X est régulier et fondé comme reposant sur un motif économique avéré.

— condamné M. Y à payer à Mme X les sommes de :

-704,03 euros et 70,40 euros au titre de rappel de salaire sur heures compensatoires

—  1 000 euros sur le fondement de l’ article 700 du code de procédure civile

— ordonné la remise d’un bulletin de salaire correspondant à cette condamnation,

— débouté Mme X de ses autres demandes.

Mme X a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 21 décembre 2018 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 octobre 2020, Mme X demande à la cour de :

— débouter M. Y de sa demande de dire irrecevables les pièces 11,32 et 55,

— confirmer le jugement pour constater que M. Y a versé la somme de 2428,38 euros en cours de procédure de licenciement correspondant au salaire du mois de septembre 2017,

— réformer le jugement en portant le montant de la somme due au titre des heures complémentaires à la hauteur de 1 951 euros et congés payés afférents,

— condamner M. Y au paiement des sommes de :

° 2 646 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’ obligation de sécurité ;

° 713,14 euros à titre de dommages et intérêts pour 11,67 jours de congés payés capitalisés et non pris,

° 2 246 euros au titre d’un reliquat de congés payés avec remise d’un bulletin de paye rectifié ;

— dire son licenciement abusif et condamner M. Y au paiement d’une somme de 11 907 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’ article L 1235-3 du code du travail,

— ordonné la condamnation de M. Y au remboursement à Pôle emploi de la somme correspondant à six mois de salaire,

— débouter M. Y de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

— condamner M. Y aux dépens dont les frais d’exécution et des sommes retenues par l’huissier de justice selon arrêté du 26 février 2016

Aux termes de ses dernières conclusions du 10 juin 2020, M. Y prie la cour de débouter Mme X de ses demandes présentées au titre des heures supplémentaires et de confirmer le jugement pour le surplus.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2021.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Sur les pièces 11,32 et 55 de Mme X

M. Y inscrit cette demande dans le dispositif de ses écritures. Cependant, le corps celles ci indiquent que les pièces 32 et 55 sont régulièrement produites. Subsisterait la pièce 11 qui serait tronquée et incomplète.

La pièce 11 de Mme X est composée de photographies d’écrans de portable qui font apparaître des messages que M. Y aurait envoyés ou reçus. Il ne dit pas la raison pour laquelle cette pièce serait tronquée et incomplète. La cour ne la dira pas irrecevable. Elle appréciera sa valeur probante.

M. Y sera débouté de sa demande tendant à dire irrecevables les pièces sus visées.

Sur le versement de la somme de 2 428,38 euros

La cour constate que M. Y – lors de l’audience de conciliation- a remis à Mme X un chèque de 2 428,38 euros en paiement du salaire du mois de septembre 2017.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme X demande la réformation du jugement en ce qu’il a retenu 67,05 heures complémentaires et condamné M. Y au paiement d’un rappel de salaire de 704,03 euros et congés payés afférents.

Elle fait valoir qu’elle devait déposer très régulièrement des fonds à la banque hors de ses horaires de travail (sur une temps quotidien de 15 minute). Mme X dénie toute valeur probante à la pièce 2 adverse (mail ) pour n’être pas imprimée à partir de la boîte d’envoi ou de réception. Elle dit n’avoir jamais reçu pour consigne de s’absenter pendant les horaires d’ouverture du magasin.

M. Y répond qu’en infraction de l’article 1353 du code civil, Mme X ne prouve pas avoir réalisé les heures dont elle demande paiement. Il fait valoir d’une part que le décompte versé en pièce 5 a été établi par la salariée sans justificatif et que d’autre part, il avait donné pour consigne à Mme X (selon mail du 25 avril 2014) de réaliser les dépôts bancaires pendant les horaires d’ouverture du magasin en apposant une pancarte « reviens de suite ».

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail réalisées, la preuve n’est pas recherchée au visa de l’article 1353 du code civil qui obligerait le salarié à établir seul la preuve des heures litigieuses.

Il revient au salarié de produire des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de produire les horaires effectivement réalisés.

Aux termes de son contrat de travail, Mme X a été engagée pour un travail à temps partiel selon les horaires suivants : du mardi au vendredi de 11 h à 12 h 30 et de 15 h à 19 heures et le samedi de 10 heures à 12 h 30 et de 15 h à 19 heures soit pour une durée hebdomadaire de 28,50 heures.

Il n’est pas contesté que Mme X avait pour mission de déposer les fonds à la banque.

Mme X verse en pièce 5 établie par elle un relevé – mois par mois- des heures complémentaires réalisées à compter du mois d’ avril 2013 jusqu’au mois de d’août 2016.

Y sont annexés des calendriers de ces années indiquant – pour chaque jour travaillé- un quart d’heure complémentaire de travail. Les périodes d’arrêt maladie et de prise de congés sont biffées.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à M. Y de produire les éléments établissant les horaires effectivement réalisés. Sa pièce 6 est un tableau des dates de remise de chèques en banque (généralement le mardi) sur la période d’ avril 2013 à juillet 2016 ; la pièce 3 est un tableau intitulé « résultats saint andré de cubzac 142 rue nationale » qui devrait démontrer la baisse du chiffre d’affaires de ce magasin qui aurait pour conséquence la réduction du nombre de dépôts de fonds.

Ces deux tableaux ne sont corroborés par aucune autre pièce, le signe CGL d’expertise comptable n’étant pas accompagné de la signature de l’auteur de ces tableaux.

En tout état de cause, le tableau des dates de remise de chèques n’indique pas qu’elles sont les mêmes que celles des remises d’espèces.

La pièce 2 – datée du 25 avril 2014- de l’employeur indique « lors de vos dépôts bancaire, merci de mettre la pancarte sur la porte de la boutique pour justifier de votre absence. Vous pouvez y aller avant 12 h 30 vous fermerez plus tôt ou après 15 heures vous décalez votre horaire d’ ouverture ».

Outre qu’il ne vise pas la période antérieure au 25 avril 2014 , ce document ne porte pas la marque certaine de son auteur et de son destinataire. Il n’a pas de valeur probante.

La cour retient donc le principe de la réalisation d’ heures complémentaires et M. Y sera condamné à payer à Mme X la somme de 1 951,95 euros majorée des congés payés afférents. Le jugement sera réformé de ce chef.

Un bulletin de paye correspondant sera délivré à Mme X dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et sous astreinte journalière de 30 euros passé ce délai.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de sa demande de paiement de dommages et intérêts à hauteur de 2 646 euros, Mme X reproche à son employeur de n’avoir pas respecté l’obligation posée par l’ article L 1221-1 du code du travail d’exécuter le contrat de travail de bonne foi ni l’obligation de sécurité. Ses reproches seront successivement examinés.

a- absence de visite médicale d’embauche, de pré-reprise, et tous les deux ans

Se fondant sur les dispositions des articles R 4624-10 et suivants du code du travail, Mme X fait ensuite état des problèmes de santé qu’elle a rencontrés et qui auraient pu être évités si les visites avaient eu lieu.

M. Y oppose l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice.

Aux termes de l’ article R 4641-10 du code du travail dans sa rédaction ici applicable, le salarié bénéficie d’un examen médical par le médecin du travail avant son embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai.

Aux termes de l’article R 4624-16 du code du travail dans sa rédaction ici applicable , le salarié bénéficie d’examens médicaux périodiques au moins tous les 24 mois par le médecin du travail.

Aucune visite auprès du médecin du travail n’a été organisée par l’employeur alors que ces examens ont pour finalité de s’assurer que le salarié est et demeure médicalement apte au poste de travail, de favoriser son maintien dans l’emploi voire de préconiser des adaptations de ce poste. Mme X a été placée en arrêt de maladie pour une lombosciatique sur hernie discale (avis d’arrêt de travail) en 2016 et 2017 alors que son poste de vendeuse la conduisait à porter des vêtements en nombre.

L’absence de tout suivi de la part du médecin du travail constitue un manquement de l’employeur à ses obligations. Il a causé un préjudice à Mme X.

b- les heures complémentaires impayées

Il a été dit que des heures de travail ont été réalisées sans être rémunérées et alors que l’employeur n’a pas mis en place de procédure permettant de connaître les horaires effectués par la salarié. Ces faits participent d’une exécution déloyale du contrat de travail.

c- la remise de bulletins de paye irréguliers

Mme X fait état de la délivrance de bulletins de paye émis par des sociétés différentes y compris au nom de Mme D E épouse Y frappée d’une interdiction de gérer. Elle fait état de bulletins de paye irréguliers.

M. Y oppose des erreurs isolées sans conséquence pour les droits de la salariée et qu’il n’a pas voulu inquiéter Mme X des modifications structurelles de l’entreprise.

Le contrat de travail est signé par l’employeur et le salarié et les engage. Le salarié doit pouvoir connaître les modifications de la situation de l’employeur laquelle a des effets sur l’exécution par lui du contrat de travail et sur ses droits. Cette inconséquence constitue un manquement réitéré à l’exécution de bonne foi du contrat de travail.

d- paiement tardif des salaires

Le salaire du mois d’août 2017 a été payé le 14 septembre 2017 et le salaire de septembre 2017 l’a été en mars 2018 soit après la saisine du conseil des prud’hommes et sans que M. Y n’apporte d’explication à ces retards.

e- rémunération en tant que vendeuse

Mme X affirme avoir eu la charge de missions et responsabilités dont certaines relèvent d’un poste de responsable de boutique. M. Y le conteste.

La pièce 53 de la salariée n’a pas d’origine ni de date certaine et n’a pas de valeur probatoire. Mme X ne prouve pas son affirmation et ne demande par ailleurs aucun rappel de salaire de ce chef.

La mauvaise foi de l’employeur n’est ici pas établie.

f- absence d’ indemnités complémentaires maladie et difficultés pour obtenir les bulletins de paye dans le contexte de la maladie

Rappelant les dispositions de la convention collective du commerce de détail de l’habillement prévoyant les indemnités complémentaires maladie pour porter l’indemnisation totale à 90% pendant le premier mois et à 66, 67 % pendant le second mois, Mme X précise qu’elle a été placée en arrêt maladie du 8 au 16 juillet 2016 et à nouveau du 1er janvier au 3 août

2017.

Les bulletins de paye des mois de juillet, août et septembre 2016 indiquent des absences pour maladie sans que soit indiqué le versement d’une indemnité complémentaire.

Ces divers manquements relèvent d’une exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l’employeur et du non respect de l’obligation de sécurité.

Ils ont causé à Mme X un préjudice financier et moral qui sera réparé à hauteur de 600 euros.

Les congés payés

Mme X reproche à M. Y de ne lui avoir pas réglé tous les jours de congés des années 2013 à 2016 (pièces cotées 67).

Mme X a établi un tableur tenant compte des jours de congés payés capitalisés, des jours de congés payés pris et d’un solde de 11,67 jours de congés payés non pris. L’employeur n’apporte aucun élément contraire. À ce titre, l’ employeur sera condamné à payer à Mme X la somme de 713,14 euros à titre de dommages et intérêts.

Deux bulletins de paye ont été émis pour le seul mois d’août 2015 pour le même montant de rémunération, mais l’un mentionnant une indemnité de congés payés de 7 jours et l’autre de 5 jours. Mme X entend obtenir paiement de la somme de 231,72 euros en paiement des 5 Jours (12-7). La remise de deux bulletins de paye mentionnant un nombre de congés payés différent ne permet pas de retenir de manière certaine que Mme X devait bénéficier de 5 jours de congés payés supplémentaires.

Mme X reproche ensuite à l’employeur d’avoir délivré tardivement le bulletin de paye du mois d’ août 2017 (le 14 septembre comme vérifié ci avant) et de l’avoir mise

en « congés payés forcés » en août 2017 après trois jours de prévenance et ce en infraction avec les dispositions contractuelles.

Le contrat de travail de Mme X mentionne que la salariée « bénéficiera des congés payés institués en faveur des salariés de l’entreprise soit 30 jours par an et que la période de ses congés est déterminée par accord entre la direction et mademoiselle Z- L E F G. » M. Y a opposé les dispositions de l’ article L 3141-17 du code du travail.

M. Y a versé à Mme X la somme de 1 170 euros au titre du mois d’août 2017 dont le bulletin de paye mentionne 23 jours de congés payés.

Les dispositions plus favorables du contrat de travail et de la convention collective s’appliquent mais le non respect du délai de prévenance et de l’accord de la salariée n’emporte pas un nouveau paiement des jours effectivement pris par la salariée.

Mme X fait valoir que l’employeur n’a jamais voulu présenter un tableur permettant de comprendre comment les indemnités de congés payés ont été réglées sur les bulletins de paye. Elle demande à la cour de prendre en compte le tableur qu’elle a édicté.

M. Y oppose le défaut de justificatif de la part de la salariée.

Le tableur réalisé par Mme X en pièce 71, dont les chiffres sont corroborés par les feuilles de paie cotées 4 indique le nombre de jours capitalisés, le nombre de jours de congés

pris comme indiqués par les bulletins de paye et le solde restant. La somme de 713,14 euros ayant été allouée, la cour condamnera l’employeur à verser à sa salariée une somme de 1 533,61 euros.

Sur le licenciement abusif

Mme X fait valoir que le motif économique de son licenciement ne lui a pas été notifié avant son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, que la fermeture d’une boutique ne constitue pas une cessation d’activité de l’entreprise dès lors qu’il s’agissait d’un des huit magasins exploités en nom propre par M. Y, que les difficultés économiques, la suppression du poste et le reclassement doivent être examinés dans le périmètre de tous le sites d’exploitation, que les difficultés économiques ne sont pas établies, que la baisse du chiffre d’affaires de ce magasin résulte de la légèreté blâmable de l’employeur qui a renoncé à exploiter un magasin florissant.

M. Y répond que le chiffre d’affaires réalisé par cette boutique a connu une baisse entrant dans l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel que prévu par l’ article L 1233- 3 du code du travail dans sa rédaction applicable.

Aux termes de l’article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou d’une modification d’emploi ou d’une modification refusée par le salarié d’un élément essentiel du contrat de travail consécutives :

— à des difficultés économiques caractérisées par la baisse significative d’au moins un des indicateurs économiques prévus par cette article,

— à des mutations technologiques,

— à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétivité

— à la cessation d’activité de l’entreprise.

Par ailleurs, l’employeur doit notifier les motifs économiques de la rupture du contrat de travail du salarié par un document écrit avant l’acceptation par ce dernier du contrat de sécurisation professionnelle.

La convocation de Mme X à l’entretien du 1er septembre 2017 ne comporte pas le motif économique. Le jour de cet entretien, aucun document écrit n’a été remis à Mme X pour notification du motif économique justifiant son licenciement.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 28 juillet 2017, M. Y a écrit à Mme X dans les termes suivants:

«  proposition de modification de votre contrat de travail pour motif économique (…)

Les faits et les raisons économiques suivants : fermeture définitive de la boutique de Saint André de Cubzac nous contraignent à envisager une modification de votre contrat de travail.

Cette modification prendrait alors la forme d’un reclassement sur une autre boutique où il y a un poste à pourvoir aux mêmes conditions. Par conséquent, nous vous proposons d’exercer désormais votre activité à l’adresse suivante : boutique Mon Dressing […]…"

Cette lettre antérieure à l’adhésion de Mme X au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle ne comporte pas le motif de « cessation d’activité de l’entreprise » mentionné à l’article L 1233-3 sus visé, étant précisé qu’au moment du licenciement, M. Y exerçant son activité en nom personnel exploitait plusieurs magasins.

Par ailleurs, les pièces produites par M. Y au soutien de difficultés économiques ne sont pas probantes dès lors d’une part que les tableaux qu’il produit ne sont corroborés par aucune pièce comptable ni certification par un expert comptable et d’autre part en ce que ces pièces n’intéressent que la boutique de Saint André de Cubzac.

En conséquence, le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Mme X fait valoir que la rupture de son contrat de travail est intervenue le 22 septembre 2017 au terme des 21 jours suivant la remise du contrat de sécurisation professionnelle accepté le 1er septembre 2017 et qu’à ce titre, l’ordonnance dite Macron publiée au Journal Officiel du 23 septembre 2017 n’est pas applicable.

Mme X a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er septembre 2017 et un délai de réflexion de 21 jours a couru qui a pris fin le 22 septembre 2017 à 24 heures. L’ordonnance qui a modifié l’évaluation du préjudice, publiée au JO du 23 septembre 2017 n’est ici pas applicable.

Au regard de l’ancienneté de Mme X, de son âge lors du licenciement (51 ans) des circonstances de la découverte de la fermeture de la boutique (plusieurs semaines plus tard sans information de la part de l’employeur), de son handicap reconnu en juillet 2017 et de la date à laquelle elle a retrouvé un emploi de secrétaire (3 juin 2019), M. Y sera condamné à lui verser la somme de 9 000 euros.

Compte tenu de l’incertitude quant au nombre de salariés employés par M. Y , la cour n’ordonnera pas le remboursement par lui des indemnités de chômage versées à Mme X.

Vu l’équité, M. Y sera condamné à payer à Mme X la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel.

Succombant, M. Y supportera les dépens des procédures de première instance et d’appel , en ce compris les frais d’exécution.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a constaté que M. Y a remis un chèque de 2 428,38 euros le jour de l’audience de conciliation pour paiement du salaire du mois de septembre 2017,

et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Mme X est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. Y B à payer à Mme X les sommes suivantes :

*1 951,95 euros au titre des heures complémentaires réalisées et congés payés afférents (195,19 euros)

avec délivrance du bulletin de paye correspondant dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte journalière de 30 euros passé ce délai,

*600 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

*713,14 euros à titre de dommages et intérêts pour jours de congés payés capitalisés et non pris,

*1 533,61 euros au titre de reliquat de congés payés avec délivrance d’un bulletin de paye correspondant dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et passé ce délai sous astreinte journalière de 30 euros,

*9 000 euros pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne M. Y à payer à Mme X la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel ;

Déboute les parties des autres demandes ;

Condamne M. Y aux entiers dépens des procédures de première instance et d’appel en ce compris les frais d’exécution.

Signé par Madame I J-K, présidente et par A.-Z Lacour-H, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Z Lacour-H I J-K

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