Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 4 novembre 2021, n° 18/03082

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 4 nov. 2021, n° 18/03082
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/03082
Décision précédente : Tribunal d'instance de Bordeaux, 8 février 2018, N° 14-000493
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 04 NOVEMBRE 2021

(Rédacteur : Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller)

N° RG 18/03082 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KOQC

Madame H L M épouse X

Monsieur G N X

c/

Madame D Z épouse F

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 09 février 2018 (R.G. 14-000493) par le Tribunal d’Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 mai 2018

APPELANTS :

H L M

née le […] à TAUNTON (ROYAUME-UNI)

de nationalité Britannique,

demeurant […], […], […]

et élisant domicile au Cabinet ARCC, […]

G N X

demeurant […], […], […]

et élisant domicile au Cabinet ARCC, […]

Représentés par Me Yolène DAVID, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

D Z épouse F

née le […] à BOURLENS

de nationalité Française,

demeurant […]

Représentée par Me Philippe DE FREYNE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 septembre 2021 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant un acte authentique reçu le 15 décembre 2010 par Me Deche, notaire à Sauveterre de Guyenne, M. G X et Mme H I épouse X ont acquis une résidence située au numéro 3, […], dans la commune de Fosses et […], […].

Leur propriété est contigue de celle de Mme D Z épouse F qui possède notamment les parcelles cadastrées section ZE 137 et 138.

Par acte d’huissier en date du 12 février 2014, Mme Z épouse F, faisant valoir qu’un arbre, en l’occurrence un cupressus, implanté sur la parcelle appartenant aux époux X débordait sur sa propriété et que les aiguilles tombaient dans sa piscine, a assigné ces derniers devant le tribunal d’instance de Bordeaux afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, leur condamnation, notamment :

— à couper toutes les branches de l’arbre qui dépassent sur sa propriété et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement,

— à arracher les plantations de plus de 2 mètres qui ne sont pas situées à plus de 2 mètres ou plus de sa propriété,

— au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de

son préjudice de jouissance et de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement rendu le 27 juin 2016 par le tribunal d’instance de Bordeaux a ordonné une mesure d’expertise et désigné M. K A en qualité d’expert avec mission, notamment, de se rendre sur le lieux, les décrire dans leur état actuel et en dresser le plan en tenant compte, le cas échéant, des bornes existantes et proposer la délimitation des parcelles et l’emplacement des bordes à installer.

Le rapport d’expertise a été déposé le 29 décembre 2016.

Dans un nouveau jugement rendu le 9 février 2018, le tribunal d’instance de Bordeaux a :

— fixé la ligne divisoire entre les parcelles situées au lieu-dit les Philiberts à Fosses-et-Baleyssac en Gironde cadastrée […], propriété des époux X et ZE 137 et ZE 138, propriété de Mme Z épouse F, selon la ligne brisée joignant successivement les points A à G tels qu’ils sont désignés sur le croquis en pièce n°2 du rapport d’expertise de M. A en date du 29 décembre 2016 ;

— ordonné, en tant que de besoin, et à frais communs, l’implantation des bornes selon les délimitations proposées par l’expert et commis à cet M. A ;

— condamné M. et Mme X, sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé le délai d’un an à compter de la signification du jugement, à couper les branches du cyprès implanté sur leur fonds qui avancent au dessus de la propriété de Mme Z épouse F ;

— dit que cette astreinte provisoire est fixée pour une durée de quatre mois, passée laquelle elle devra être liquidée et il pourra être prononcée une nouvelle astreinte

provisoire ou définitive ;

— débouté les parties en leurs demandes en dommages et intérêts ;

— fait masse des dépens en ce inclus les frais d’expertise et les a partagés par moitié entre Mme B épouse F d’une part et M. et Mme X d’autre part ;

— laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

— dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 28 mai 2018, M. et Mme X ont relevé appel de la décision en ce qu’elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts, a partagé par moitié les frais d’expertise entre les parties et laissé à leur charge les frais irrépétibles de la procédure.

Dans leurs dernières conclusions du 8 septembre 2021, M. et Mme X demandent à la cour :

— de confirmer le jugement du 9 février 2018 en ce qu’il a :

— fixé la ligne divisoire proposée par le rapport d’expertise de M. A en date du 29 décembre 2016.

— ordonné aux frais communs l’implantation des bornes selon les délimitations proposées par

l’expert,

— rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme Z épouse F,

— d’infirmer la décision sur les autres chefs du jugement et, statuant à nouveau :

— de prendre acte de la cession de leur bien immobilier et de la perte de leur qualité de propriétaire du bien en cause,

— de juger qu’ils conservent un intérêt à agir au titre de leur action personnelle contre Mme Z épouse F,

— constater en conséquence le caractère abusif de la procédure diligentée à leur encontre,

— condamner Mme Z épouse F au paiement :

— de la somme de 25.000 euros en réparation des préjudices subis par la procédure abusive,

— des entiers dépens de première instance incluant les frais d’expertise judiciaire,

— de la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce inclus la première instance et l’instance d’appel,

— des entiers dépens d’appel dont distraction sera prononcée au bénéfice du cabinet ARCC conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant ses dernières écritures du 31 octobre 2018, Mme Z épouse F demande à la cour de :

— déclarer recevable mais mal fondé l’appel des époux X,

— débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes,

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

— condamner M. et Mme X au paiement de la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate qu’aucune des parties ne critique les chefs du dispositif du jugement relatifs à la fixation de la ligne divisoire des fonds et à l’application de l’article 673 du code civil imposant l’obligation pour les appelants de couper les branches de leur arbre qui dépassent sur le fonds de Mme Z épouse F.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. et Mme X sollicitent devant la cour l’octroi de dommages et intérêts chiffrés à la somme globale de 25 000 euros en raison de l’abus du droit d’agir dont se serait rendue coupable Mme Z épouse F. Ils lui reprochent notamment son désintérêt pour

la procédure qu’elle a elle-même diligentée. Ils soutiennent en outre avoir subi un préjudice financier résultant de la quote-part des frais de bornage mise à leur charge à hauteur de 2 000 euros. Ils estiment par ailleurs que l’acharnement procédural de leur voisine ne leur a pas permis de vendre le bien immobilier au prix escompté et revendiquent également l’existence d’un préjudice moral qu’ils évaluent à la somme de 3 000 euros.

Sur l’abus de droit

En vertu des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice constitue en son principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que s’il caractérise un acte de mauvaise foi ou de malice ou une erreur grossière équipollente au dol

Le tribunal a rejeté la demande présentée sur ce fondement aux motifs que Mme Z épouse F n’avait pas formé une action tendant à ce que le cyprès soit coupé mais seulement demandé, et à bon droit, que les branches qui empiétaient son fonds soient coupées. La décision a ajouté que M. et Mme X ont eux-mêmes sollicité l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire aux fins de bornage, précisant enfin qu’il n’est pas établi qu’il ait été proposé à Mme Z épouse F de mettre un terme à la procédure de manière amiable.

Aux éléments visés ci-dessus peuvent être ajoutées les considérations suivantes :

L’absence de Mme Z épouse F lors de la réunion organisée par l’expert judiciaire ne peut être qualifiée de fautive car elle n’a eu aucune incidence sur la suite de la procédure. Il en est de même pour ce qui concerne son prétendu 'désintérêt’ du litige suite au dépôt du rapport de M. A dans la mesure où la décision de première instance lui a partiellement donné raison. Le premier juge a en effet condamné sous astreinte M. et Mme X à couper les branches du cyprès implanté sur leur fonds qui avançaient au dessus de sa propriété en prenant en considération le procès-verbal dressé le 14 mars 2013 par Me Wlostowicer produit par celle-ci.

En outre, d’autres chefs du dispositif, acceptés par chacune des parties, ont permis ainsi de mettre un terme au conflit les opposant relatif à la limite de leurs propriétés respectives.

Dès lors, les appelants ne peuvent donc soutenir que l’action en justice a été intentée dans l’intention de leur nuire.

L’absence de signification de la décision de première instance par Mme Z épouse F ne peut également caractériser un abus du droit d’ester en justice.

Enfin, la loi prévoit que les frais de bornage doivent être acquittés par moitié entre les parties de sorte que le grief tiré de la mise à la charge de M. et Mme X d’une partie du coût de cette opération ne peut constituer un préjudice indemnisable.

En conséquence, le jugement entrepris ayant rejeté les prétentions formulées par M. et Mme X sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile sera confirmé.

Sur la perte de chance

M. et Mme X considèrent avoir subi une perte de chance de pouvoir vendre leur bien immobilier en indiquant que la procédure diligentée par leur voisine et son refus de transiger ont fait échec à une offre d’achat formulée par Mme C à hauteur de la somme de 342 500 euros. Ils réclament le versement d’une somme de 20 000 euros à ce titre.

Cette prétention est rejetée par Mme Z épouse F.

Il est démontré que M. et Mme X ont finalement cédé leur bien immobilier le 30 juin 2021 pour la somme de 265 335 euros.

Pour autant, comme l’a justement relevé le tribunal, l’attestation de Mme C ne fait que reprendre les propos des appelants mais son auteur n’a pas pu personnellement constater la réalité et l’étendue du litige les opposant à Mme Z épouse F.

Ainsi, il n’est pas suffisamment établi que la différence entre le montant minoré du prix de vente obtenu par les vendeurs et celui escompté découle du conflit existant avec leur voisine et de l’instance judiciaire en cours.

En conséquence, la demande de versement de dommages et intérêts au titre d’une perte de chance sera rejetée de sorte que le jugement attaqué sera confirmé.

Sur les frais de bornage

Le tribunal a fait une juste application des dispositions de l’article 646 du code de procédure civile qui prévoit le partage par moitié du coût des opérations de bornage.

Il doit être ajouté que les appelants ne remettent pas en cause le prononcé de cette mesure par la décision attaquée de sorte qu’ils ne peuvent affirmer que le bornage leur a été imposé par Mme Z épouse F.

En conséquence, son coût ne peut constituer un préjudice indemnisable.

Sur le préjudice moral.

La décision attaquée a estimé que la pénétration par Mme Z épouse F sur la propriété de ses voisins, afin d’implanter des piquets et de prendre des photographies, n’est pas suffisamment démontrée.

Si l’expert judiciaire semble considérer que Mme Z épouse F s’est rendue sans autorisation sur la propriété de ses voisins pour réaliser un piquetage, cette affirmation, contestée par celle-ci, ne peut être confirmée avec certitude par d’autres éléments de preuve, nonobstant les traces oranges retrouvées sur les lieux. Une même observation prévaut pour ce qui concerne l’origine des photographies de la propriété des M. et Mme X qui ont été produites par Mme Z épouse F en cours d’instance.

En conséquence, aucun préjudice moral n’est démontré.

Sur les dépens de première instance

M. et Mme X réclament la mise à la charge exclusive de Mme Z épouse F des dépens de première instance comprenant notamment les frais de bornage et le coût de l’expertise judiciaire.

Comme indiqué ci-dessus, le jugement attaqué a ordonné des mesures, acceptées par les parties, permettant de mettre un terme au litige, s’agissant de l’instauration d’une mesure de bornage qui légalement doit s’effectuer à frais communs en application des dispositions de l’article 646 du code civil.

Il convient d’observer que la décision du tribunal d’instance, rejetant les demandes de

dommages et intérêts présentées par chaque partie, a cependant fait davantage droit aux prétentions de Mme Z épouse F dans la mesure où M. et Mme X ont été condamnés sous astreinte à élaguer leur arbre empiétant sur la propriété de leur voisine. Ces éléments, qui démontrent que Mme Z épouse F ne peut être considérée comme partie succombante au procès comme l’affirment à tort les appelants, ont donc justement motivé la répartition des dépens telle qu’ordonnée par le premier juge au regard de son pouvoir souverain d’appréciation, étant ajouté que les frais d’expertise judiciaire sont nécessairement compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 695 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande présentée par M. et Mme X sur ce point sera rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Le rejet par le juge de première instance des demandes présentées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile doit être confirmé. Il y a également lieu en cause d’appel de ne pas condamner l’une ou l’autre des parties sur ce fondement de sorte que les prétentions s’y rapportant seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 9 février 2018 rendu par le tribunal d’instance de Bordeaux ;

Y ajoutant ;

— Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne in solidum M. G X et Mme H I épouse X au paiement des dépens d’appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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