Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 23 septembre 2021, n° 18/05579

  • Transport·
  • Poste·
  • Préjudice·
  • Incidence professionnelle·
  • Sociétés·
  • Rente·
  • Consolidation·
  • Titre·
  • Victime·
  • Capital

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 23 sept. 2021, n° 18/05579
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/05579
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 11 septembre 2018, N° 14/11877
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 23 SEPTEMBRE 2021

(Rédacteur : Bérengère VALLEE, conseiller,)

N° RG 18/05579 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KVSN

Z X

c/

CPAM DE LA GIRONDE

SAS VEOLIA TRANSPORT BORDEAUX

SAS TRANSDEV URBAIN

Nature de la décision : AU FOND

JONCTION AVEC DOSSIER RG 18/06469

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 septembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 14/11877) suivant deux déclarations d’appel du 16 octobre 2018 (RG 18/05579) et du 4 décembre 2018 (RG 18/06469)

APPELANTE :

Z X

née le […] à […]

de nationalité Française

[…]

Représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée par Maître Maryannick BRAUN de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Maître LECONTE substituant A B de la SELARL B &

ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

SAS VEOLIA TRANSPORT BORDEAUX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […]

Non représentée, assignée à personne habilitée

SAS TRANSDEV URBAIN venant aux droits de la société VEOLIA TRANSPORT BORDEAUX par fusion du 1er décembre 2017, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis […]

Représentée par Maître Guillaume SAPATA de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 juin 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Marie-Françoise DACIEN

Greffier lors du prononcé : Séléna BONNET

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 septembre 2006 à Bordeaux, Mme Z X a été victime d’une chute à bord d’un tramway, causé par le freinage brusque du conducteur pour éviter de percuter une poussette qui se trouvait sur sa voie de circulation. Cette chute a provoqué une entorse du ligament latéral externe du genou gauche de Mme X et un traumatisme dudit genou.

La société Veolia exploitante du tramway a reconnu sa responsabilité et le droit de la victime à une indemnisation intégrale.

Un accord est intervenu entre les parties quant à l’organisation d’un compromis d’arbitrage

avec le Professeur Gromb en qualité d’expert médico légal amiable, dont il était convenu que les conclusions auraient valeur d’expertise judiciaire.

Dans son rapport déposé le 23 août 2011, l’expert a conclu :

— Consolidation au 17 juillet 2009

— Arrêts de travail imputables jusqu’à la date de consolidation

— DFT total :

du 14/09/06 au 30/09/06

du 12 au 14/09/07

du 26 au 30/03/09

— DFT partiel à 25% durant les périodes intermédiaires

— DFP 7%

— SE 4/7

— PE 1,5/7

— Incidence professionnelle : possibilité de reprendre une activité professionnelle sans port de charge, sans flexion-extension répétéee, sans accroupissement, montée ou descente d’escabeau et une fatigabilité plus rapide lors de piétinement

— Préjudice d’agrément : limitation de l’endurance, des activités sportives

— Possibilités d’aggravation.

La société Veolia a versé une provision à hauteur de 30.808,90 euros.

Faute d’accord entre les parties, Mme Z X a assigné la société Veolia Transport Sud Ouest et la CPAM de la Gironde, par actes des 6 et 10 novembre 2014, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, afin qu’il soit statué sur l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 12 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— Constaté l’intervention volontaire de la SAS Veolia Transport Bordeaux,

— Dit que la SAS Veolia Transport Bordeaux est responsable de la survenance de l’accident du 14 septembre 2006,

— Dit que le droit à indemnisation de Mme Z X est entier,

— Fixé le préjudice subi par Mme Z X, suite aux faits dont elle a été victime le 14 septembre 2006, à la somme totale de 107.987,58 euros, suivant le détail suivant :

* dépenses de santé actuelles DSA : 4.319,39 euros

* frais divers FD : 3.024,39 euros

* perte de gains actuel PGPA : 37.743,80 euros

* perte de gains professionnels futurs PGPF : Rejet

* incidence professionnelle IP : 25.000 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 6.950 euros

* déficit fonctionnel permanent : 12.950 euros

* souffrances endurées : 15.000 euros

* préjudice esthétique permanent PEP : 2.000 euros

* préjudice d’agrément : 1.000 euros

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à Mme Z X la somme de 36.038,62 euros à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, après déduction de la créance des tiers payeurs et des provisions de 30.808,90 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de ce jour,

— Déclaré le présent jugement commun à la CPAM de la Gironde,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 38.682,74 euros en remboursement des prestations qu’elle a été amenée à verser pour son assuré social, Mme Z X,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à la CPAM de la Gironde les arrérages à échoir de la rente accident du travail imputable à hauteur de 7% sur le capital de 35.104,63 euros, soit 2.457,32 euros, soit au fur et à mesure du versement des arrérages, soit par le versement immédiat du capital représentatif de 2.457,32 euros,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et une somme de 1.066 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

— Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour en faveur de la CPAM de la Gironde,

— Dit que les intérêts échus des capitaux dus à la CPAM de la Gironde produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1342-2 nouveau du code civil,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux aux dépens et à payer à Mme Z X la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourraient, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

— Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l’indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

Mme Z X a relevé appel de ce jugement à l’encontre de la CPAM de la Gironde et de la SAS Veolia Transport Bordeaux par déclaration faite le 16 octobre 2018, et à

l’encontre de la SAS Transdev Urbain, intervenue volontairement à l’instance et venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux, par déclaration faite le 4 décembre 2018.

Les deux instances ont été jointes.

Par conclusions déposées le 1er juillet 2019, l’appelante, Mme Z X, demande à la cour de :

— Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 12 septembre 2018 en portant les sommes qui ont été allouées à Madame X, après prise en compte des créances des tiers payeurs, au titre :

o De la perte de gains professionnels actuels à 4.981,49 euros,

o De la perte de gains professionnels futurs à 135.066,27 euros

o De l’incidence professionnelle à 62.892,80 euros,

— Confirmer le jugement sur les autres postes de préjudice,

— Constater que la créance de la CPAM de la Gironde s’élève à 41.587,77 euros,

— En conséquent, liquider le préjudice subi par Mme X suite à l’accident dont elle a été victime le 14 septembre 2016 à la somme 285.456,72 euros,

— Constater que le montant des provisions versées s’élève à la somme totale de 30.808,90 euros et que les sommes perçues au titre de l’exécution provisoire pour deux tiers s’élèvent à 24.025,74 euros,

— Allouer à Mme X, après déduction de la créance de la CPAM poste par poste et des sommes déjà perçues, une somme de 189.034,31 euros,

— Condamner la SAS Transdev Urbain à payer lesdites sommes, avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel en application de l’article 1231-7 du code civil,

Y ajoutant,

— Déclarer l’arrêt à intervenir commun à la CPAM de la Gironde,

— Condamner la SAS Transdev Urbain aux dépens d’appel et à payer à Madame X la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 9 avril 2019, la CPAM de la Gironde demande à la cour de :

— Dire et juger la CPAM de la Gironde recevable et bien fondée en ses conclusions, fins et prétentions,

En conséquence,

— Statuer ce que de droit sur les demandes formulées par Madame Z X, appelante à la présente procédure,

— Débouter la SAS Transdev Urbain venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux de l’ensemble de ses contestations éventuelles, fins et conclusions,

— Confirmer le jugement déféré s’agissant des chefs du jugement concernant les demandes formulées par la CPAM de la Gironde sauf à actualiser la condamnation de la SAS Transdev Urbain venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux à verser à la CPAM de la Gironde :

*38.779,77 euros au titre de ses débours ;

* Les arrérages à échoir de la rente accident du travail imputable à hauteur de 7% sur le capital de 40.114,32 euros, soit 2.808 euros soit au fur et à mesure du versement des arrérages, soit par le versement immédiat du capital représentatif de 2.808 euros,

* l’indemnité forfaitaire de gestion à hauteur de 1.080 euros en remplacement des 1.066 euros alloués en première instance en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996,

Y ajoutant,

— Condamner la SAS Transdev Urbain venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à la CPAM de la Gironde, une indemnité complémentaire de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— Condamner la SAS Transdev Urbain venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux aux entiers dépens de l’appel dont distraction au profit de Maître A B sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile ;

La société SAS Transdev Urbain, venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux, a constitué avocat mais n’a pas conclu. La déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées à personne morale par actes des 10 décembre 2018 et 17 janvier 2019. Les conclusions de la CPAM de la Gironde lui ont été signifiées par acte du 11 avril 2019.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 17 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

La société SAS Transdev Urbain venant aux droits de la SAS Veolia Transport Bordeaux, qui n’a pas conclu, est réputée s’approprier les motifs du jugement attaqué en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

I – Sur le droit à indemnisation

Le droit à indemnisation intégrale de Mme X n’est pas contesté et le jugement l’ayant constaté ne fait pas l’objet de litige sur ce point.

II – Sur l’évaluation des préjudices

L’appel de Mme X porte sur les postes de préjudice suivants : perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle.

La CPAM de la Gironde sollicite la confirmation du jugement sauf à actualiser les montants de la condamnation de la société Transdev Urbain au titre de ses débours, des arrérages à échoir de la rente accident du travail, de l’indemnité forfaitaire de gestion. a) Perte de gains professionnels actuels (PGPA)

La perte de gains professionnels actuels concerne le préjudice économique de la victime imputable au fait dommageable, pendant la durée de son incapacité temporaire.

Il est constant que la durée de l’incapacité temporaire totale est en l’espèce de 1038 jours, soit entre le 14 septembre 2006, date du dommage et le 17 juillet 2009, date de la consolidation.

Au moment de l’accident, Mme X était employée en qualité de conseillère de vente en esthétique par la parfumerie Douglas. Elle percevait alors un salaire net mensuel de 1.099,61 euros, soit 36,65 euros par jour et non 36,05 euros comme retenu par erreur par le premier juge.

Elle aurait donc dû percevoir, pendant la durée de son incapacité temporaire, la somme de 1038 jours x 36,65 euros = 38.042,70 euros.

Ce poste de préjudice ayant été partiellement compensé par les indemnités journalières versées par l’organisme social à hauteur de 33.646,37 euros, il reste dû de ce chef à la victime la somme de 38.042,70 – 33.646,37 = 4.396,33 euros.

Conformément à la demande de l’appelante, il convient d’actualiser, au jour de la décision, l’indemnité allouée en fonction de la dépréciation monétaire. La perte réelle de gains professionnels actuels de Mme X après prise en compte de l’inflation s’élève en conséquence à la somme de 4.981,49 euros.

b) Perte de gains professionnels futurs (PGPF)

S’agissant de la perte de gains futurs alléguée par Mme X, le tribunal a rejeté la demande aux motifs que s’il est établi que cette dernière a perdu son emploi à cause de l’accident et qu’elle a dû suivre une formation afin de retrouver une activité compatible avec les préconisations de l’expert, le premier juge n’était pas en capacité d’apprécier la réalité des ressources de la victime et par conséquent la perte alléguée depuis la consolidation.

Mme X sollicite l’infirmation du jugement en faisant valoir principalement qu’elle a été licenciée pour inaptitude, son poste de travail ne pouvant être adapté pour tenir compte des restrictions médicales, et qu’elle ne peut plus exercer les métiers de la vente et de l’esthétique impliquant une station debout et/ou de la manutention, ce qui l’a contrainte à une réorientation professionnelle avec une formation en couture pendant deux ans, non rémunérée. Elle affirme que son inaptitude est imputable aux séquelles de l’accident et que contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, elle rapporte la preuve de la perte de ses revenus. Elle réclame la somme de 135.066,27 euros à titre d’indemnisation, qu’elle calcule sur la base du salaire qu’elle percevait au moment de l’accident, soit le SMIC à temps plein, avec réactualisation, déduction faite de la rente accident du travail versée par la CPAM.

Il est rappelé que ce poste de préjudice est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour elle d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Sur l’imputabilité de la perte d’emploi à l’accident

En l’espèce, il est établi qu’à la date de l’accident, Mme X occupait au sein de la Parfumerie Douglas, un poste de conseillère de vente en esthétique en contrat à durée indéterminée depuis 2004, d’abord à temps partiel puis à temps complet.

L’accident du 14 septembre 2006 a été à l’origine d’une entorse tibio-péronière haute avec petit épanchement dont les suites ont été marquées par la persistance d’importantes douleurs, la découverte tardive d’un petit kyste externe qui a fait l’objet d’une chirurgie laquelle a été compliquée par l’apparition de l’algodystrophie nécessitant des injections de calcitonine pendant deux mois et deux infiltrations locales. Suite à cet accident, les arrêts de travail de Mme X se sont succédés de manière continue jusqu’au mois de novembre 2009, date à laquelle une reprise à mi-temps thérapeutique a été tentée avec un aménagement de son poste. Mme X a toutefois été de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 28 décembre 2009 jusqu’au 30 mai 2010.

Par décision du 29 avril 2010, l’inspecteur du travail a considéré :

— d’une part, que Mme X était apte au poste antérieurement occupé de conseillère de vente sous réserve des conditions suivantes : emploi à temps partiel, autorisation de s’asseoir en caisse, pas de montée et descente d’escalier répétées, pas de port de charges, pas de piétinement, pas d’accroupissement,

— d’autre part, que le poste de travail ne pouvant être adapté pour tenir compte de ces restrictions, Mme X devait a contrario être considérée inapte à ce poste,

— enfin, que l’entreprise la Parfumerie Douglas disposait d’un délai d’un mois pour reclasser ou licencier Mme X, les recherches de reclassement pouvant être orientées vers des postes de type administratif ou d’assistance commerciale téléphoniques.

Le 24 juin 2010, Mme X a été licenciée pour inaptitude professionnelle, en l’absence de possibilité de reclassement, les propositions faites par son employeur impliquant une mutation géographique à plusieurs centaines de kilomètres de son domicile.

Dans son rapport du 23 août 2011, l’expert judiciaire conclut que Mme X conserve les séquelles suivantes : douleurs de la face externe du genou avec une limitation de la flexion et des irradiations douloureuses vers le mollet et la cuisse, justifiant un DFP de 7%. L’expert note également que son arrêt de travail est imputable à l’accident jusqu’à la date de consolidation et qu’à cette date, Mme X peut reprendre une activité professionnelle sans port de charge, sans flexion-extension répétée, sans accroupissement, montée ou descente d’escabeau, avec une fatigabilité plus rapide lors de piétinement.

Il résulte de l’ensemble de ces élément que la perte de son emploi est entièrement imputable à l’accident.

Sur l’évaluation de la perte de gains professionnels futurs

Il résulte des pièces versées aux débats que Mme X, qui a été reconnue travailleur handicapée par la MDPH pour la période du 1er décembre 2009 au 30 novembre 2014, a cherché à se réorienter vers un métier compatible avec son état séquellaire. C’est ainsi qu’elle a réalisé une formation couture non rémunérée de janvier 2011 à mars 2012 et obtenu un CAP couture le 28 juin 2012. Ses recherches d’emploi n’ont néanmoins pas été couronnées de succès et à ce jour, Mme X justifie être toujours à la recherche d’un emploi. Depuis son licenciement, elle n’a perçu pour seuls revenus que les indemnités Pôle Emploi dont il est constant que ne revêtant pas un caractère indemnitaire, elles ne peuvent par conséquent être déduites du préjudice professionnel d’une victime.

S’agissant du revenu de référence, Mme X invoque avec pertinence son revenu imposable au moment de l’accident, soit le SMIC à temps plein avec réactualisation (1.148,96 euros par mois soit 38,30 euros par jour). Elle sollicite l’indemnisation de sa perte de gains entre le 17 juillet 2009, date de la consolidation et le 30 juin 2019, date de ses écritures, étant relevé qu’elle ne réclame aucune somme au titre de la période future.

La perte de gains ainsi subie par Mme X entre le 17 juillet 2009 et le 30 juin 2019, soit 3636 jours est donc évaluée comme suit :

38,30 euros x 3636 jours = 139.258,80 euros

à déduire : 566,52 euros au titre des revenus perçus lors de sa reprise à mi-temps thérapeutique du 25 novembre 2009 au 28 décembre 2009

soit la somme de 138.692,28 euros.

Au cours de la période postérieure à la consolidation, Mme X a perçu, selon décompte actualisé de la CPAM de la Gironde au 8 avril 2019 :

— des arrérages échus de rente AT à hauteur de 11.685,86 euros pour la période comprise entre le 31 mai 2010 et le 15 janvier 2019

— une rente capitalisée en 2019 d’un montant de 40.114,32 euros.

Compte tenu de l’attestation d’imputabilité produite par la CPAM selon laquelle la rente accident du travail allouée est imputable à la société Veolia à hauteur de 7%, la créance de la CPAM au titre de la rente s’élève à la somme de 818,01 euros au titre des arrérages échus et celle de 2.808 euros au titre du capital.

Après imputation, il revient donc à Mme X la somme de 138.692,28 euros – 3.626,01 euros = 135.066,27 euros.

Il sera fait droit à la demande en ce sens.

c) Incidence professionnelle

Le tribunal a alloué à ce titre à Mme X la somme de 25.000 euros en tenant compte de ce que si la poursuite de la profession de vendeuse et esthéticienne en parfumerie ne lui était pas impossible, elle lui était néanmoins plus difficilement accessible, les restrictions mentionnées par l’expert limitant l’éventualité d’une reprise de cette activité qui requiert des stations debout prolongées, des piétinements et des manutentions de marchandises.

Mme X conclut à l’infirmation du jugement et réclame une indemnisation de l’incidence professionnelle imputable à l’accident à hauteur de 62.892,80 euros dont les composantes sont ainsi détaillées :

— inaptitude à la profession pour laquelle elle était diplômée, perte de l’expérience professionnelle antérieure : 20.000 euros

— dévalorisation sur le marché professionnel : 20.000 euros

— pénibilité et fatigabilité accrue : 22.892,80 euros.

L’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à

l’invalidité, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l’obligation de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

En l’espèce, l’accident est bien à l’origine de la perte de l’emploi de Mme X (après deux ans d’ancienneté dans le cadre d’un CDI) et de l’abandon du métier qu’elle avait choisi (les métiers de la vente impliquent généralement une station debout et des manutentions, de même que les métiers de l’esthétique nécessitent le maintien de la station debout prolongée avec piétinements et accroupissement), lui imposant une reconversion au profit d’un poste sans lien avec son CAP et BEP obtenus en 1996 et son CAP esthétique cosmétique obtenu en 2001. Il en résulte une dévalorisation sur le marché du travail ainsi qu’une pénibilité au travail.

Au vu de ces éléments et s’agissant d’une incidence professionnelle subie de l’âge de 39 ans (à la date de la consolidation), à l’âge de 62 ans, âge de la retraite, ce poste de préjudice sera évalué à hauteur de 50.000 euros.

Au total, le préjudice de Mme X sera donc liquidé comme suit :

Poste de préjudice

Evaluation du

préjudice

dû à la

victime

dû à la

CPAM

Dépenses de santé actuelles

4.319,39

4

4.315,39

Frais divers

3.024,39

3.024,39

Perte de gains professionnels actuels

38.627,86

4.981,49

33.646,37

Perte de gains professionnels futurs

138.692,28

135.066,27

3.626,01

Incidence professionnelle

50.000

50.000

Déficit fonctionnel temporaire

6.950

6.950

Souffrances endurées

15.000

15.000

Déficit fonctionnel permanent

12.950

12.950

Préjudice esthétique permanent

2.000

2.000

Préjudice d’agrément

1.000

1.000

Sous- Total

272.563,92

230.976,15

41.587,77

sommes déjà versées au titre de la provision et de l’exécution provisoire

54.834,64

Total

176.141,51

Déduction faite de la créance de la CPAM poste par poste et des sommes déjà versées par la société Veolia Transport Bordeaux, il reste dû à Mme X la somme de 176.141,51 euros, au paiement de laquelle la société Transdev Urbain venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux sera condamnée.

Les sommes allouées à Mme X produiront intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, conformément à l’article 1153 alinéa 2 devenu 1231-7 alinéa 2 du code civil qui dispose que les intérêts moratoires courent sur les créances indemnitaires à compter du jour de la décision.

En application de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, la société Transdev Urbain sera condamnée à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme de 38.779,77 euros au titre des débours exposés pour son assuré social. De même, elle sera condamnée à lui rembourser les arrérages à échoir de la rente accident du travail imputable à hauteur de 7% sur le capital de 40.114,32 euros, soit au fur et à mesure du versement des arrérages, soit par le versement immédiat du capital représentatif de 2.808 euros.

La CPAM de la Gironde est en outre bien fondée à demander l’actualisation du montant de l’indemnité forfaitaire de gestion qui lui a été allouée en première instance en application des articles 9 et 10 de l’ordonnance 96-51 du 24 janvier 1996. Il lui sera donc alloué la somme de 1.080 euros.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement du 12 septembre 2018 en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Sur ce fondement, la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître A B en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, sera condamnée à payer la somme de 2.500 euros à Mme X et celle de 800 euros à la CPAM de la Gironde en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du 12 septembre 2018 en ce qu’il a :

— Constaté l’intervention volontaire de la SAS Veolia Transport Bordeaux,

— Dit que la SAS Veolia Transport Bordeaux est responsable de la survenance de l’accident du 14 septembre 2006,

— Dit que le droit à indemnisation de Mme Z X est entier,

— Condamné la société Veolia Transport Bordeaux à payer à Mme X en réparation de son préjudice corporel, avant déduction de la provision de 30.808,90 euros, les sommes de :

* 4.319,39 euros au titre des dépenses de santé actuelles DSA,

* 3.024,39 euros au titre des frais divers FD,

* 6.950 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 12.950 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 15.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 2.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent PEP

* 1.000 euros au titre du préjudice d’agrément,

— Déclaré le présent jugement commun à la CPAM de la Gironde,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de ce jour en faveur de la CPAM de la Gironde,

— Dit que les intérêts échus des capitaux dus à la CPAM de la Gironde produiront intérêts dans les conditions fixées par l’article 1342-2 nouveau du code civil,

— Condamné la SAS Veolia Transport Bordeaux aux dépens et à payer à Mme Z X la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourraient, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

L’infirme sur l’indemnisation des autres postes de préjudice et sur le montant de la somme globale revenant à Mme X et l’actualise sur le montant revenant à l’organisme de sécurité sociale,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit que le préjudice de Mme X sera liquidé suivant le détail ci-après :

Poste de préjudice

Evaluation du

préjudice

dû à la

victime

dû à la

CPAM

Dépenses de santé actuelles

4.319,39

4

4.315,39

Frais divers

3.024,39

3.024,39

Perte de gains professionnels actuels

38.627,86

4.981,49

33.646,37

Perte de gains professionnels futurs

138.692,28

135.066,27

3.626,01

Incidence professionnelle

50.000

50.000

Déficit fonctionnel temporaire

6.950

6.950

Souffrances endurées

15.000

15.000

Déficit fonctionnel permanent

12.950

12.950

Préjudice esthétique permanent

2.000

2.000

Préjudice d’agrément

1.000

1.000

Sous- Total

272.563,92

230.976,15

41.587,77

sommes déjà versées au titre de la provision et de l’exécution provisoire

54.834,64

Total

176.141,51

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à Mme X, provisions et sommes versées en vertu de l’exécution provisoire déduites, la somme de 176.141,51 euros,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en date du 12 septembre 2018 à concurrence des sommes allouées par ledit jugement, et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 38.779,77 euros au titre des prestations d’ores et déjà versées pour le compte de Mme X,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à la CPAM de la Gironde les arrérages à échoir de la rente accident du travail imputable à hauteur de 7% sur le capital de 40.114,32 euros, soit au fur et à mesure du versement des arrérages soit par le versement immédiat du capital représentatif de 2.808 euros,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 1.080 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion,

Dit que les sommes susdites allouées à la CPAM de la Gironde porteront intérêts au taux légal à compter du jugement en date du 12 septembre 2018 à concurrence des sommes allouées par ledit jugement, et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à Mme X la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Transdev Urbain, venant aux droits de la société Veolia Transport Bordeaux, aux dépens d’appel dont distraction au profit de Maître A B en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 23 septembre 2021, n° 18/05579