Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 3 mai 2021, n° 18/03088

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 3 mai 2021, n° 18/03088
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/03088
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 13 mai 2018, N° 2016F00491
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 03 MAI 2021

(Rédacteur : Monsieur Robert CHELLE, Président)

N° RG 18/03088 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KOQN

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU -CHARENTES

c/

SARL MENIM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mai 2018 (R.G. 2016F00491) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 28 mai 2018

APPELANTE :

CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU -CHARENTES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL MENIM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis, […]

représentée par Maître Bénédicte IMPERIAL, avocat au barreau de BORDEAUX assistée par Maître Fréderic COSSERON avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 29 mars 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Robert CHELLE, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Catherine BRISSET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 septembre 2004, la SA Caisse d’Epargne Aquitaine Nord, aux droits de laquelle vient la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, a consenti un prêt à la SARL Menim d’un montant de 920 000 euros, sur 120 mois, au taux contractuel de 3,35% l’an pour un TEG de 4,18%.

Le 10 mars 2011, un avenant à ce contrat a été conclu pour, ramenant le taux d’intérêt contractuel à 3,30% l’an, le TEG étant fixé à 3,005% l’an, pour un taux de période de 0,250%.

En 2015, la société Menim a entendu contester le TEG du contrat de prêt.

Par exploit d’huissier du 3 mars 2016, la société Menim a assigné la Caisse d’Epargne devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins notamment de voir prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels.

Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

— Dit que l’action de la société Menim est recevable et non prescrite,

— Dit que la Caisse d’Epargne a enfreint les dispositions de l’article L. 313-4 du code monétaire et financier,

— Ordonné la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel dans le contrat de prêt initial et dans l’avenant au contrat de prêt à compter de leur souscription,

— Condamné la Caisse d’Epargne à rembourser à la société Menim les intérêts perçus à tort entre le 29 septembre 2004 et la date de signification du jugement, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2016,

— Débouté la société Menim de sa demande de dommages-intérêts,

— Condamné la Caisse d’Epargne à payer à la société Menim la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 28 mai 2018, la Caisse d’Epargne a interjeté appel de cette décision à l’encontre de l’ensemble des chefs de la décision, qu’elle a expressément énumérés, intimant

la société Menim.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions déposées en dernier lieu le 25 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la Caisse d’Epargne demande à la cour de :

— Vu les articles L 313-1 du Code de la consommation, L 312-4 à L 312-8 du Code de la consommation,

— R 313-1 du Code de la consommation,

— L 312-33 du Code de la consommation,

— REFORMER le jugement du tribunal de commerce de BORDEAUX en date du 14 mai 2018, en ce qu’il a :

— Dit que l’action de la société MENIM SARL est recevable et non prescrite,

— Dit que la CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES a enfreint les dispositions de l’article L. 313-4 du Code monétaire et financier,

— Ordonné la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel dans le contrat de prêt initial et dans l’avenant au contrat de prêt à compter de leur souscription, soit le 29 septembre 2004 pour le contrat initial et le 10 mars 2011 pour son avenant,

— Condamné la CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES à rembourser à la société MENIM SARL les intérêts perçus à tort entre le 29 septembre 2004, date de signature du contrat, et la date de signification du présent jugement, avec intérêt au taux légal à compter du 3 mars 2016, date de l’assignation,

— Condamné la CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES à payer à la société MENIM SARL la somme de 1.000,00€ (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné la CAISSE D’EPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES aux dépens.

— Et, statuant à nouveau :

— DIRE ET JUGER que le tribunal de commerce de BORDEAUX a statué au-delà de la demande de la SARL MENIM, en ce qu’il a ordonné la substitution du taux légal au taux contractuel du prêt initial du 29 septembre 2004, et condamné la CAISSE D’EPARGNE à rembourser les intérêts trop perçus à compter de cette date, et jusqu’à l’avenant du 10 mars 2011

— DIRE ET JUGER que l’action engagée par la SARL MENIM est en tout état de cause prescrite, concernant tant la stipulation d’intérêts prévue au prêt du 29 septembre 2004, que la stipulation d’intérêt prévue à l’avenant du 10 mars 2011 ;

— CONSTATER que les contestations développées par la SARL MENIM sur régularité du TEG mentionné à l’avenant du 10 mars 2011, sont infondées

— En conséquence :

— DEBOUTER la SARL MENIM de l’intégralité de ses demandes,

— En toutes hypothèses :

— DEBOUTER la SARL MENIM de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

— CONDAMNER la SARL MENIM au paiement d’une indemnité de 4.500 € au titre des frais irrépétibles exposés par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE AQUITAINE POITOU CHARENTES en première instance et en appel, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile – CONDAMNER la même aux entiers dépens.

La Caisse d’Epargne fait notamment valoir que le tribunal a statué au-delà de la demande de la société Menim tendant à voir prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels ; que le prêt professionnel souscrit datant du 29 septembre 2004, la société Menim disposait d’un délai expirant en 2009 pour contester le TEG ; que la mention d’un TEG dans l’avenant litigieux ne s’imposait nullement ; que les frais liés à l’assurance décès n’avaient pas à être intégrés au TEG de l’avenant ; que ni l’existence ni le quantum des frais litigieux ne sont démontrés par la société Menim ; que le contrat d’assurance vie a été souscrit avant le prêt originel ; qu’elle ne conditionne pas l’octroi du prêt à la souscription du contrat d’assurance ; que l’arrondi à la troisième décimale du TEG est obligatoire ; qu’elle n’a pas commis de manquement à ses obligations.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 9 octobre 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Menim demande à la cour de :

— Vu les faits,

— Vu les pièces,

— Vu la jurisprudence,

— Vu l’article L 313-4 du Code monétaire et financier

— Vu les articles L 313-1 et R313-1 du Code de la Consommation,

— Vu les articles 1907 et 1147 du Code Civil

— CONFRIMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Bordeaux en date du l4 mai 2018 en ce qu’i1 a :

— DIT que l’action de la société MENIM SARL est recevable et non prescrite

— DIT que la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou Charentes a enfreint les dispositions de l’article L 313-4 du Code monétaire et financier

— ORDONNE la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt conventionnel dans le contrat de prêt initial et dans l’avenant au contrat de prêt à compter de leur souscription, soit le 29 septembre 2004 pour le contrat initial et le 10 mars 2011 pour son avenant

— CONDAMNE la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou Charentes à rembourser a la société MENIM SARL les intérêts perçus à tort entre le 29 septembre 2004, date de signature du contrat, et à la date de signification du présent jugement, avec intérêt au taux légal à compter du 3 mars 2016, date de l’assignation

— CONDAMNE la Caisse d°Epargne Aquitaine Poitou Charentes à payer à la SARL MENIM la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— CONDAMNE la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou Charentes aux dépens

— SAUF en ce qu’il a dit que la SARL MENIM ne rapporte pas la preuve du paiement des frais de tenue de compte et du lien avec l’octroi du crédit

— Y AJOUTANT :

— Condamner la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-et intérêts pour manquement a ses obligations d’information, de loyauté et d’honnêteté

— Condamner la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de Particle 700 du code de procédure civile

— Condamner la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou Charentes aux entiers dépens.

La société Menim fait notamment valoir que le délai d’action court à compter de la signature de l’avenant et non de l’offre de prêt initiale ; que la banque est tenue de mentionner un TEG dans l’avenant qu’elle propose à l’emprunteur ; que le TEG est erroné ; que le caractère obligatoire de l’assurance souscrite ne peut être nié ; que les frais d’abondement obligatoire auraient dû être pris en compte dans l’assiette de calcul du TEG de l’avenant ; que le prêt était assorti d’une obligation de domiciliation bancaire dans les livres de la banque, ce qui génère des frais ; qu’il appartient à la banque de rapporter la preuve de la prétendue cause exonératoire de responsabilité ; que le taux mentionné par la banque comporte plusieurs décimales, ce qui implique que toutes les décimales annoncées soient exactes ; que la banque a manqué à ses obligations d’information, de loyauté et d’honnêteté.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 8 mars 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

La Caisse d’Epargne a formé appel principal contre les dispositions du jugement qui ont écarté la prescription qu’elle soulevait, et contre celles qui ont substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels tant du contrat initial que de l’avenant, et qui l’ont condamné à rembourser une partie des intérêts perçus.

La société Menim, qui omet toutefois de demander l’infirmation ou la confirmation d’un ou plusieurs chefs du jugement, demande de nouveau à la cour de condamner la Caisse d’Epargne à lui payer 10 000 euros de dommages-intérêts.

Sur l’appel principal de la Caisse d’Epargne

Sur la prescription alléguée

La Caisse d’Epargne soutient la prescription de l’action de la société Menim, qui a été écartée par le tribunal de commerce qui a dit l’action recevable. Cette défense, qui touche à la recevabilité de l’action, doit être examinée en premier lieu.

Elle fait valoir qu’en présence d’un avenant dépourvu d’effet novatoire, le délai de prescription commence à courir, pour l’ensemble, du prêt initial ; que l’action à l’encontre de

la stipulation d’intérêts de l’avenant est donc prescrite, d’autant que la mention d’un TEG dans l’avenant ne s’imposait nullement ; qu’aucune autre disposition du prêt de 2004 n’a été modifiée en dehors du taux contractuel des intérêts.

La société Menim oppose que l’assignation a été délivrée moins de cinq ans après l’avenant du 10 mars 2011, et qu’on ne voit pas comment elle aurait pu contester l’exactitude du TEG d’un avenant qui n’existait pas encore.

Elle en conclut que le délai d’action court à compter de cet avenant.

La société Menim oppose aussi que la banque est bien tenue de mentionner un TEG dans l’avenant qu’elle propose à l’emprunteur, pour pouvoir intégrer l’ensemble des frais à venir conformément à l’article L. 312-14-1 du code de la consommation, et que, d’ailleurs, la banque a mentionné un TEG dans l’avenant, sur l’exactitude duquel elle s’est engagée.

Aux termes de l’article L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause s’agissant d’un avenant du 10 mars 2011, en cas de renégociation de prêt, les modifications au contrat de prêt initial sont apportées sous la seule forme d’un avenant. Cet avenant comprend, d’une part, un échéancier des amortissements détaillant pour chaque échéance le capital restant dû en cas de remboursement anticipé et, d’autre part, le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir. Pour les prêts à taux variable, l’avenant comprend le taux effectif global ainsi que le coût du crédit calculés sur la base des seuls échéances et frais à venir jusqu’à la date de la révision du taux, ainsi que les conditions et modalités de variation du taux. L’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception des informations mentionnées ci-dessus.

C’est donc à juste titre, en application de ce texte, que la Caisse d’Epargne avait inclus dans l’avenant un échéancier détaillant pour chaque échéance le capital restant dû, mais aussi un taux effectif global, en l’espèce le taux de 3,005 % (page 3).

Il en résulte que la société Menim disposait d’un délai de cinq ans pour introduire une action à l’encontre de ce TEG à partir de la date de l’avenant, qui est celle à laquelle le taux a été connu de l’emprunteur, de sorte que, l’assignation ayant été délivrée le 3 mars 2016, l’action n’est pas atteinte par la prescription.

En revanche, une action contre le TEG figurant au contrat initial du 29 septembre 2004 serait atteinte par la prescription, la signature de l’avenant n’ayant pas eu pour effet de faire courir un nouveau délai de prescription pour une action déjà prescrite depuis le 29 septembre 2009.

Sur la condamnation alléguée comme prononcée ultra petita

La Caisse d’Epagne fait valoir que, en prononçant sa condamnation au titre des intérêts conventionnels du prêt de 2004, le tribunal de commerce a statué ultra petita en ce que cette prétention n’était pas formée par la société Menim.

La société Menim, sans répondre plus précisément au moyen, se borne à opposer à opposer une formule sibylline selon laquelle « une telle demande ne pourra qu’être rejetée dès lors qu’il s’agit de l’avenant à l’offre de prêt visé ».

Il ne ressort pas clairement de l’exposé du litige par le tribunal si la demande de la société Menim portait seulement sur le TEG figurant à l’avenant, ce qui n’est pas contesté, ou aussi sur le TEG figurant dans le prêt initial.

Toutefois, il résulte de l’assignation du 3 mars 2016, dans son exposé des faits, que la société Menim ne fait état que de l’avenant du 10 mars 2011 et d’un TEG de 3,005 %, qui est bien celui de 2011.

De même, il résulte des dernières conclusions déposées par la société Menim devant le tribunal de commerce, le 27 novembre 2017, notamment page 11, que la société ne discutait que le seul TEG de l’avenant du 10 mars 2011, en contestant le taux de période de 0,250 % et le TEC de 3,005 %, ces chiffres étant différents pour les taux du prêt de 2004.

Ainsi, et même si elle se gardait de préciser dans le dispositif de quelle stipulation d’intérêts conventionnels elle demandait la nullité, ou encore les dates des échéances pour le remboursement de l’excédent d’intérêt, la demande de la société Menim ne pouvait porter que sur le TEG figurant à l’avenant.

Au demeurant, comme analysé Supra, une demande au titre du TEG du prêt initial aurait été atteinte par la prescription.

Le tribunal a donc bien statué ultra petita en condamnant la Caisse d’Epargne au titre du contrat de prêt initial.

C’est à tort que la société Menim demande confirmation du jugement de ces chefs.

Aux termes de l’article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé est seulement sur ce qui est demandé.

Les dispositions du jugement qui ordonnent la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel dans le contrat initial, et qui condamnent la Caisse d’Epargne à rembourser à la société Menim des intérêts perçus à tort à compter du 29 septembre 2004 ne peuvent qu’être infirmées.

Sur la contestation du TEG de 2011

Se fondant sur les articles L. 131-4 du code monétaire et financier et L. 313-1 du code de la consommation, ainsi que sur un rapport de M. Y X, expert (sa pièce n° 3), et d’une autre de Humania Consultants (sa pièce n° 4), la société Menim conteste le TEG de 3,005 % figurant à l’avenant du 10 mars 2011, en faisant valoir d’une part l’omission de frais : frais d’assurance décès obligatoire ; abondement obligatoire du contrat d’assurance-vie ; frais d’assurance incendie obligatoire ; frais de domiciliation bancaire obligatoire ; d’autre part, le fait que le TEG annuel et le TEG par période sont proportionnels, alors que, selon le taux par période annoncé de 0,250 %, le TEG annuel est de 3,0 % et non 3,005 %.

Il convient d’observer avec la société appelante que le « rapport d’expertise professionnel » (sic) de M. X, est en réalité constitué d’un seul feuillet recto-verso des plus sommaires, et que M. X s’il se prévaut par le timbre humide apposé de sa qualité d’expert judiciaire près la cour d’appel de Montpellier, n’est intervenu que de manière privée, sur demande et sur rémunération de l’emprunteur, sans aucun caractère contradictoire, et qu’il ne s’agit donc pas d’une expertise au sens judiciaire du terme, mais d’un avis privé versé aux débats parmi d’autres éléments.

A ce titre, est d’ailleurs versé aussi le document émanant de la Sarl Humania Consultants, société qui ne précise pas son champ d’activité, et qui apparaît comporter divers développements, juridiques mais surtout mathématiques, sur la notion de TEG, sans que ne soit explicité de lien avec la présente espèce.

Aux termes de l’article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à 2016 et applicable aux faits de la cause, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l’application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

Pour les contrats de crédit entrant dans le champ d’application du chapitre Ier du présent titre, le taux effectif global, qui est dénommé « Taux annuel effectif global », ne comprend pas les frais d’acte notarié.

Ainsi, pour déterminer le taux effectif global, qui représente le coût véritable du crédit pour l’emprunteur, il convient d’ajouter au taux d’intérêt : les frais qui conditionnent l’octroi du crédit ou sa modification ; les frais déterminables au jour de l’émission de l’offre de prêt ou d’avenant.

Or, en l’espèce, le prêteur peut utilement opposer qu’il n’y avait pas obligation de souscrire une assurance décès, mais de nantir le capital susceptible d’être versé au titre d’une assurance décès souscrite par la caution antérieurement au prêt initial.

L’argument est alors sans portée, les frais de la souscription de l’assurance-vie, souscrite indépendamment du prêt litigieux, n’avaient pas à être pris en compte dans le calcul du TEG. Au surplus, les frais en cause ne concernaient que le TEG du prêt initial, aucune modification n’ayant été apportée par l’avenant de 2011, et aucun frais à venir ne pouvant exister à ce titre en 2011.

De plus fort, le prêteur est fondé à opposer que l’existence et le quantum des autres frais invoqués ne sont aucunement démontrés par l’emprunteur, qui ne peut ainsi démontrer un inexactitude du TEG de 2011.

Surtout, il résulte des affirmations de la société Menim que le TEG aurait dû être de 3,0 % et non de 3,005 %.

Or, la charge de la preuve d’une erreur dans le calcul du TEG incombe à l’emprunteur, qui doit démontrer que le calcul est inexact au delà du seuil d’une décimale, comme prescrit par l’article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002 applicable au litige.

L’inexactitude alléguée, à la supposer démontrée, serait inférieure à une décimale, et l’action de la société Menim ne peut prospérer.

Le jugement qui a fait droit à ses demandes sera réformé.

Sur la demande de la société Menim

La société Menim présente de nouveau une demande indemnitaire de 10 000 euros pour manquement par la banque à ses obligations d’information, de loyauté et d’honnêteté.

Pour autant, elle ne forme pas pour autant appel incident contra le chef du jugement qui a rejeté cette demande, omettant d’en demander l’infirmation ou la réformation.

Au surplus, la demande est mal fondée, puisque l’indication d’un TEG erroné est déjà sanctionné par la déchéance au droit à percevoir les intérêts conventionnels, et que cette erreur ne saurait être sanctionnée deux fois, alors même qu’aucun préjudice supplémentaire n’est établi par la société Menim.

Enfin, en tout état de cause, la demande principale de la société Menim est rejetée.

La demande indemnitaire doit être rejetée.

Sur les autres demandes

Partie tenue aux dépens de première instance et d’appel la société Menim paiera à la Caisse d’Epargne la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevable l’action de la société Menim à l’encontre du TEG de l’avenant du 10 mars 2011,

Infirme les dispositions du jugement qui ordonnent la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel dans le contrat initial, et qui condamnent la Caisse d’Epargne à rembourser à la société Menim des intérêts perçus à tort à compter du 29 septembre 2004, en ce qu’elle statuent au-delà de ce qui était demandé au tribunal de commerce,

Déboute la société Menim de sa demande de confirmation du jugement de ces chefs,

Infirme le jugement pour le surplus, sauf en ce qu’il a débouté la société Menim de sa demande indemnitaire,

Et statuant à nouveau,

Déboute la société Menim de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la société Menim à payer à la Caisse d’Epargne Aquitaine Poitou-Charentes la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Menim aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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