Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 2 juin 2022, n° 21/05180

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

— -------------------------

ARRÊT DU : 2 juin 2022

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 21/05180 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MJ72

CPAM DE LA GIRONDE

c/

Monsieur [E] [C]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 janvier 2018 (R.G. n°20163609) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suite cassation par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 9 septembre 2021 (20-17.137) de l’arrêt rendu le 18 juin 2020 (RG18/01186)par la chambre sociale de la cour d’appel de Bordeaux suivant déclaration de saisine le 15 septembre 2021

APPELANTE :

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au qiège social [Adresse 3]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [E] [C]

né le 08 Octobre 1980 à [Localité 2]

de nationalité Française

Profession : Masseur Kinésithérapeute, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 mars 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Monsieur Hervé Ballereau, conseiller,

Madame Elisabeth Vercruysse, vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de La cour.

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d’un contrôle, la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde (la cpam en suivant) a réclamé le 29 juin 2916 à M. [C], masseur- kinésithérapeute, la restitution de prestations d’assurance maladie servies entre le 20 juin 2014 et le 8 juin 2016 pour un montant total de 13993,21 euros, en raison de plusieurs anomalies tenant notamment à l’envoi hors délai des justificatifs correspondant aux feuilles de soins électroniques et à l’existence de prescriptions médicales irrégulières.

M. [C] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse, qui a rejeté son recours le 25 octobre 2016, puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde.

Par jugement du 18 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a:

— dit que la procédure de recouvrement des prestations indues n’est pas nulle

— annulé la notification de reversement de prestations indues en date du 29 juin 2016 adressée par la caisse d’un montant de 13 993,31 euros

— ordonné à la caisse de rembourser la somme de 13 993,21 euros à M. [C]

— débouté M. [C] de sa demande d’indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La caisse a relevé appel de la décision par une déclaration du 12 février 2018.

Par arrêt du 18 juin 2020, la cour d’appel de Bordeaux a :

— confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions

— débouté la caisse de toute ses demandes

— dit que la somme de 13 993,21 euros que la caisse doit rembourser à M. [C] portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt

— condamné la caisse à payer à M. [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné la caisse aux dépens d’appel.

La caisse a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 9 septembre 2021, la Cour de Cassation a :

— cassé et annulé, sauf en ce qu’il confirme le jugement du tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde en ce qu’il a dit que la procédure de recouvrement des prestations indues n’est pas nulle, l’arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux

— remis, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel autrement composée.

Dans ses dernières conclusions, enregistrées le 08 mars 2022, la caisse demande à la Cour de :

— infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu’il confirme que la procédure de recouvrement des prestations indues n’est pas nulle

— confirmer la décision de la commission de recours amiable du 25 octobre 2016

— condamner M. [C] au paiement de la somme de 13 993,21 euros en principal outre les intérêts de droit

— débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M.[C] à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 500 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La caisse fait valoir en substance que :

— la date du 28 janvier 2022 qui lui a été impartie pour conclure et communiquer ses pièces ayant été fixée hors les conditions de l’article 446-2 du code de procédure civile, les dates n’ayant pas été acceptées par les parties, M. [C] ne peut pas utilement s’en prévaloir; il résulte au surplus de l’alinéa 4 dudit article que la décision du juge d’écarter les prétentions et les pièces transmises après la date impartie relève d’une simple faculté et à la condition que la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense, nullement établie en l’espèce

— les prescriptions médicales/ordonnances sur la base desquelles M. [C] lui a facturé des soins ne satisfaisaient pas aux dispositions de l’article R161-5 du code de la sécurité sociale en ce qu’elles n’étaient pas datées; les ordonnances médicales rectifiées produites par M. [C] ne sont pas de nature à la priver du droit d’obtenir le remboursement des sommes indument versées ; M. [C] n’a d’ailleurs produit ces ordonnances rectifiées que devant le tribunal preuve s’il en est besoin qu’elles n’étaient pas encore rectifiées à la date de facturation des soins

— M. [C] lui a transmis les ordonnances correspondant aux feuilles de soins ayant fait l’objet d’une télétransmission le 8 juin 2016 par un courrier du 29 août 2016 soit au-delà du délai de 8 jours tel qu’il résulte des dispositions de l’article 7.3.5 de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les masseurs kinésithérapeutes libéraux et l’assurance maladie et des dispositions des articles R161-42, R161-47 et R161-48 du code de la sécurité sociale

— M.[C] a facturé des soins à 100 % et obtenu le paiement correspondant alors que les ordonnances ne comportaient pas en méconnaissance des dispositions de l’article R161-45, I, 5° du code de la sécurité sociale la mention de la disposition législative en vertu de laquelle la participation financière de l’assuré est limitée ou supprimée, peu important la production a posteriori d’ordonnances bizones

— il serait inéquitable qu’elle conserve la charge des frais qu’elle a du engager.

Dans dernières conclusions, enregistrées le 3 mars 2022, M. [C] demande à la Cour de :

— in limine litis, écarter des débats les prétentions, moyens et pièces transmises par la caisse postérieurement au 28 janvier 2022, en tirer toutes les conséquences de droit et confirmer le jugement déféré

— à titre subsidiaire, confirmer le jugement déféré dans ses dispositions qui annulent la notification de reversement des prestations indues en date du 29 juin 2016 pour un montant de 13 993,21 euros

— en toute hypothèse, condamner la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M.[C] fait valoir en substance que :

— le délai imparti à la caisse pour conclure n’a pas été respecté, sans justification

— il ne saurait être déduit de la transmission d’une ordonnance non datée la preuve qu’il n’était pas en possession d’une prescription conforme lorsqu’il a débuté les soins

— en lui adressant la notification de reversement des prestations indues avant même l’expiration du délai prévu à l’article 5.4.1 de la convention nationale des masseurs kinésithérapeutes la caisse a méconnu la procédure

— il ne résulte aucunement des dispositions des articles L133-4 et R161-47 du code de la sécurité sociale que la transmission tardive soit sanctionnée par une absence de remboursement

— il serait inéquitable qu’il conserve la charge des frais qu’il a du engager.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

La Cour relève que la régularité de la procédure de recouvrement des prestations ne peut pas être de nouveau discutée, par l’effet de l’autorité de la chose jugée qui s’attache au dispositif de l’arrêt rendu par la Cour de cassation qui a cassé et annulé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale sauf en ce qu’il dit que la procédure de recouvrement n’est pas nulle.

Sur la recevabilité des conclusions, moyens et pièces transmis postérieurement au 28 janvier 2022

Suivant les dispositions de l’article 446-2 du code de procédure civile, le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

Le 22 décembre 2021, le magistrat en charge de l’instruction du dossier a, pour mettre l’affaire en état d’être jugée le 9 mars 2022, enjoint à la caisse de communiquer ses pièces et ses conclusions pour le 28 janvier 2022.

Il est constant que la caisse a communiqué ses pièces et ses conclusions le 8 février 2022, soit postérieurement à la date impartie. Pour autant, il ne résulte d’aucun des éléments du dossier qu’il en est résulté pour M. [C], qui disposait ainsi d’un mois pour établir ses conclusions et qui a conclu le 3 mars 2022, une atteinte à ses droits attachés à sa défense. L’exception tirée de l’irrecevabilité des pièces et des conclusions tenant à la date de leur transmission n’est en conséquence pas fondée et M. [C] doit être débouté de la demande qu’il a formée à ce titre.

Sur la facturation de soins sur la base de prescriptions médicales non datées

Il résulte des dispositions combinées des articles L133-4, L162-1-7 et R161-45 du code de la sécurité sociale que la prise en charge par l’assurance maladie des actes effectués personnellement par un masseur kinésithérapeute implique que ceux-ci aient fait l’objet, antérieurement à l’engagement des soins, d’une prescription médicale écrite, mentionnant quel que soit le support, la date à laquelle elle est faite.

En l’espèce, le 29 août 2016, M. [C] a écrit à la commission de recours amiable: '(…) L’erreur principale vient du fait que je ne savais pas que la date sur les ordonnances était nécessaire , donc lorsque je demandais un renouvellement pour mes patients chroniques à un docteur et qu’il me demandait la date, je disais que je ne savais pas. Dorénavant, je pourrais éviter de problème et cela ne se reproduira plus (…) ' et il a joint à son courrier autant de nouvelles prescriptions. La preuve est ainsi rapportée qu’à la date des soins litigieux M. [C] ne disposait pas d’ordonnances datées, de sorte que les soins correspondants ne pouvaient pas donner lieu à leur prise en charge. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur la transmission des ordonnances correspondantes aux feuilles de soins ayant fait l’objet d’une télétransmission le 8 juin 2016

Il résulte des dispositions de l’article L. 161-33, alinéas 1 et 3, du code de la sécurité sociale que lorsque le professionnel de santé a transmis les ordonnances sur support papier correspondant aux feuilles de soins électroniques hors le délai prévu par l’article R. 161-48,I du même code, singulièrement huit jours ouvrés, l’organisme d’assurance maladie peut exiger de lui la restitution de tout ou partie des prestations servies à l’assuré.

En l’espèce, il ne résulte d’aucun des éléments du dossier que les feuilles de soins concernant les lots 874,876,877,878,879,884,889,895 et 899 transmises par voie électronique le 8 juin 2016 étaient accompagnées des ordonnances correspondantes, la lettre de retour sur le traitement des lots reçue de la caisse le 10 juin 2016 dont M. [C] se prévaut n’y suppléant pas. Lesdites prescriptions ayant été reçues par la caisse le 29 août 2016, soit plus de deux mois après le délai imparti, les soins dispensés ne pouvaient pas donner lieu à leur prise en charge. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Sur les facturations à 100%

Il résulte des dispositions combinées des articles L133-4, L162-1-7 et R161-45 du code de la sécurité sociale que la prise en charge par l’assurance maladie des actes effectués personnellement par un masseur kinésithérapeute implique que ceux-ci aient fait l’objet, antérieurement à l’engagement des soins, d’une prescription médicale écrite, mentionnant quel que soit le support, le cas échéant la mention de la disposition législative en vertu de laquelle la participation financière de l’assuré est limitée ou supprimée.

En l’espèce, il n’est pas discutable que M. [C] a facturé (lots 875 et 97) des soins à 100 % alors que les ordonnances correspondantes ne mentionnent aucune limitation ou suppression de la participation des assurés concernés, de sorte que lesdits soins ne pouvaient pas donner lieu à leur prise en charge, peu important la production ultérieure des ordonnances bizones. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.

Il résulte de l’ensemble des éléments susexposés que la décision de la commission de recours amiable qui a rejeté le recours de M. [C] doit être validée et M. [C] condamné au paiement de la somme de 13993,21 euros.

Sur les dépens et les frais non répétibles

M. [C], qui succombe devant la Cour, doit supporter les dépens d’appel au paiement desquels il sera condamné en même temps qu’il sera débouté de sa demande au titre de ses frais non répétibles.

L’équité commande de ne pas laisser à la caisse la charge de ses frais non compris les dépens. En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, M. [C] sera condamné au paiement de la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

DEBOUTE M.[C] de sa demande en rejet des prétentions, moyens et pièces transmis par la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde postérieurement au 28 janvier 2022

INFIRME le jugement déféré dans ses dispositions qui annulent la notification de reversement adressée par la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde à M. [C] le 29 juin 2016, qui ordonnent à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde de rembourser à M. [C] la somme de 13993,21 euros

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

VALIDE la décision de la commission de recours amiable du 25 octobre 2016

CONDAMNE M. [C] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde 13993,21 euros

CONDAMNE M. [C] aux dépens d’appel ; en conséquence le DEBOUTE de la demande qu’il a formée au titre de ses frais non répétibles

CONDAMNE M. [C] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Signé par madame Marie Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

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