Confirmation 30 octobre 2024
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Sur la décision
| Référence : | CA Bordeaux, ch. soc. sect. a, 30 oct. 2024, n° 22/00665 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Bordeaux |
| Numéro(s) : | 22/00665 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Conseil de prud'hommes de Bordeaux, 6 janvier 2022, N° F19/01129 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 4 mars 2025 |
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Texte intégral
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
— -------------------------
ARRÊT DU : 30 OCTOBRE 2024
PRUD’HOMMES
N° RG 22/00665 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRDX
Monsieur [W] [T]
c/
S.A.S. [P] SERVICES
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 janvier 2022 (R.G. n°F 19/01129) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d’appel du 08 février 2022,
APPELANT :
Monsieur [W] [T]
né le 15 Septembre 1983 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Ingrid DESRUMAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SAS [P] Services, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]
N° SIRET : 383 610 623
représentée par Me Julie AMIGUES de la SELARL ACT, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 23 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Hélène Diximier, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Laure Quinet, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
— contradictoire
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [W] [T], né en 1983, a été engagé en qualité de manutentionnaire par la société Commagnac distribution, par contrat de travail à durée déterminée le 29 juillet 2003 puis ensuite d’un contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2003.
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [T] occupait le poste de responsable d’exploitation.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Par jugement rendu le 25 juin 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société, convertie en liquidation judiciaire le 29 avril 2015.
Par jugement du 17 juin 2015, le tribunal de commerce de Nanterre a ordonné la cession des actifs de la société à la SAS [P] Services, laquelle a repris le contrat de travail de M. [T].
Le 30 juin 2016, M. [T] a été élu en qualité de suppléant du deuxième collège du comité d’entreprise et de délégué du personnel suppléant.
Début 2018, souhaitant aller vivre au Brésil, le salarié a sollicité une rupture conventionnelle et a démissionné le 10 avril 2018 de son mandat au sein du comité d’entreprise.
La société a refusé de faire droit à la demande de rupture conventionnelle.
A compter du 2 mai 2018, M. [T] ne s’est plus présenté à son poste et, par courrier du 9 mai 2018, la société [P] lui a demandé de justifier ses absences.
Le 23 mai 2018, M. [T] est parti au Brésil.
Par lettre datée du 25 juin 2018, M. [T] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 juillet 2018 et, le 3 juillet 2018, le comité d’entreprise s’est prononcé favorablement quant à son licenciement.
Le 10 août 2018, la société [P] a sollicité l’autorisation de la Direccte de procéder au licenciement de M. [T] pour faute grave.
Par courriel du 23 août 2018, M. [T] a indiqué à l’inspecteur du travail être 'totalement d’accord avec ce licenciement’ mais l’inspection du travail a refusé de donner son autorisation en raison d’un vice de procédure.
Au début du mois de septembre 2018, un échange de courriels a eu lieu entre M. [T] et la société [P], concernant la procédure en cours.
Par lettre datée du 13 septembre 2018, M. [T] a été convoqué à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 septembre 2018 et le comité d’entreprise s’est prononcé favorablement ce même jour.
Par courrier du 2 octobre 2018, la société [P] a de nouveau sollicité de l’inspection du travail l’autorisation administrative de licencier M. [T] ce que celle-ci a refusé, le 30 octobre 2018, le délai de 5 jours entre la convocation et l’entretien préalable n’ayant pas été respecté.
Le 29 octobre 2018, M. [T] a de nouveau été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 novembre 2018 puis a été licencié pour faute grave par lettre datée du 12 novembre 2018, l’employeur lui reprochant son absence non justifiée depuis le 2 mai 2018.
A la date du licenciement, M. [T] avait une ancienneté de 15 années et 3 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Le 1er août 2019, M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Bordeaux contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire, la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires.
Par jugement rendu le 7 janvier 2022, le conseil de prud’hommes a :
— jugé que le licenciement de M. [T] n’est pas nul et repose sur une faute grave,
— débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes,
— débouté la société [P] Services de ses demandes reconventionnelles,
— condamné M. [T] à payer les dépens.
Par déclaration du 8 février 2022, M. [T] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 13 janvier 2022.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 octobre 2022, M. [T] demande à la cour de :
— d’infirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Bordeaux en date du 7 janvier 2022,
Statuer à nouveau,
— de le recevoir en ses demandes, fins et conclusions,
— de le déclarer bien fondé en son appel,
En conséquence,
A titre principal,
— prononcer la nullité de son licenciement
— condamner la société [P] à lui payer les sommes suivantes :
* 6.707,78 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 670,78 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 14.347,20 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* 60.370,02 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (18 mois),
* 10.061,67 euros, soit 3 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances particulièrement vexatoires du prononcé de son licenciement,
A titre subsidiaire,
— prononcer que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
— condamner la société [P] à lui payer les sommes suivantes :
* 6.707,78 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 670,78 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 14.347,20 euros à titre d’indemnité de licenciement
* 43.600,57 euros, soit 13 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.061,67 euros, soit 3 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral résultant des circonstances particulièrement vexatoires du prononcé de son licenciement,
— condamner la société [P] à rembourser les indemnités chômages conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d’allocations,
En tout état de cause,
— condamner la société [P] à lui payer les sommes suivantes :
* 850 euros au titre de rappels de salaires sur ce prêt entreprise,
* 1.400 euros au titre de rappels de salaires sur un acompte exceptionnel inventé,
* 120.740,04 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur,
* 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— fixer la moyenne des trois derniers mois à la somme de 3.353,89 euros,
— prononcer que les sommes susvisées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter du prononcé de la décision à intervenir pour les sommes ayant le caractère de dommages et intérêts, avec capitalisation des intérêts,
— débouter la société [P] de l’ensemble de ses demandes,
— condamner la société [P] aux éventuels dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 mai 2023, la société [P] Services demande à la cour de :
Sur le licenciement,
Sur la nullité du licenciement :
Au principal :
— confirmer la décision déférée,
— débouter M. [T] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, à savoir:
* de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents,
* de l’indemnité de licenciement,
* des dommages et intérêts pour licenciement nul,
* des dommages et intérêts pour préjudice moral,
Subsidiairement :
— juger que l’indemnité de licenciement ne saurait excéder 14.347,20 euros,
— juger que les dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues ne sauraient excéder 6 mois de salaire, soit la somme de 20.123,34 euros,
Sur le bien-fondé du licenciement :
Au principal :
— confirmer la décision déférée,
le licenciement reposant sur une faute grave, débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, au titre :
* de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents,
* de l’indemnité de licenciement,
* des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* des dommages et intérêts pour préjudice moral,
Subsidiairement, si le licenciement était jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse :
— juger que l’indemnité de licenciement ne saurait excéder 14.347.20 euros,
— juger que les dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues ne sauraient excéder 3 mois de salaire, soit la somme de 10.061.67 euros,
— débouter M. [T] de ses plus amples demandes,
Sur les rappels de salaire,
— confirmer la décision déférée,
— Sur le prêt, débouter le salarié de ses demandes,
— sur l’acompte exceptionnel, débouter le salarié de ses demandes,
— sur les indemnités pour violation du statut protecteur, débouter le salarié de ses demandes,
— sur l’article 700 du code de procédure civile, débouter le salarié de ses demandes
— débouter M. [T] de ses plus amples demandes,
Reconventionnellement, sur l’appel incident de la société [P],
— réformer la décision dont appel,
— condamner M. [T] à lui rembourser la somme de 4.000 euros indument encaissée en l’absence d’accord transactionnel,
— condamner M. [T] au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner Monsieur [T] aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 23 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du licenciement
Pour voir infirmer la décision entreprise qui l’a débouté de ses demandes à ce titre, s’il ne conteste plus avoir démissionné le 10 avril 2018 de son mandat au sein du comité d’entreprise, M. [T] soutient en revanche ne pas avoir mis fin à son mandat de délégué du personnel suppléant de sorte que son licenciement, intervenu sans l’autorisation de l’inspection du travail est nul en raison de sa qualité de salarié protégé. Il affirme que la société ne produit aucune lettre de démission et déduit du procès-verbal de réunion exceptionnelle des représentants du personnel qui s’est tenue le 24 septembre 2018 relative à la consultation nécessaire à son licenciement, qu’il était encore titulaire d’un tel mandat.
En réponse, la société affirme qu’au moment de son licenciement, l’appelant ne bénéficiait plus de la protection attachée à son mandat de délégué du personnel suppléant dont il avait démissionné en décembre 2016.
* * *
L’article L.2411-1 du code du travail, en vigueur depuis le 1er janvier 2018, dispose que :« bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l’un des mandats suivants :
1 °Délégué syndical ;
2° Membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique ;
3° Représentant syndical au comité social et économique ».
Ainsi, la procédure protectrice contre le licenciement s’applique aux salariés bénéficiant d’un mandat de représentant du personnel et de représentant au CSE, tant en qualité de titulaires que de suppléants (article L.2411-5 du même code) et la rupture de leur contrat de travail obéit à certaines règles. Outre la consultation du CSE, le licenciement des salariés protégés est subordonné à l’autorisation de l’inspecteur du travail, à défaut de laquelle il est nul pour violation du statut protecteur.
Selon les dispositions de l’article L.1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa, notamment en cas de licenciement d’un salarié protégé. Dans ce cas, lorsque ce dernier ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En l’espèce, il n’est pas discuté que la société, au dernier état de la procédure, n’a pas sollicité l’autorisation de licencier le salarié auprès de l’inspection du travail.
Cependant, il résulte des explications et des pièces fournies par l’une et l’autre des parties et notamment du procès-verbal de la réunion des délégués du personnel du 15 décembre 2016 que contrairement à ce qu’il allègue, M. [T] a démissionné de son mandat de représentant suppléant. En effet, il y est mentionné que « il est à noter que nous avons reçu la démission de M. [T] [W] suppléant, au collège Cadres-TAM. » cet élément étant par ailleurs conforté par les convocations postérieures aux réunions des délégués du personnel sur lesquelles le salarié ne figure plus sans que ce dernier ne se soit manifesté à cet égard.
Le fait que le procès-verbal de réunion exceptionnelle du 24 septembre 2018 indique à l’ordre du jour : « consultation sur le projet de licenciement pour absence injustifiée de M. [W] [T] exerçant les mandats de titulaire pour le collège cadre au CE et DP depuis le 30 juin 2016 » est insuffisant à démontrer l’effectivité de son mandat de délégué du personnel suppléant lors de son licenciement dans la mesure où d’une part, s’agissant du mandat de suppléant pour le collège CE, il est acquis que le salarié en avait démissionné dès le 10 avril 2018 et d’autre part, s’agissant de son mandat de délégué du personnel suppléant, il ne s’est jamais manifesté pour contester l’absence de convocation aux réunions des délégués du personnel, s’il avait été, ainsi qu’il le prétend, encore en charge d’un tel mandat.
En outre, la cour observe que dans la perspective de son départ pour le Brésil et de sa demande de rupture conventionnelle, l’appelant a démissionné de son mandat de suppléant au collège cadres du CE, n’ignorant pas qu’il avait procédé ainsi précédemment pour son autre mandat.
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave
Sollicitant l’infirmation de la décision déférée l’ayant débouté de sa demande sur ce point, M. [T] affirme qu’informée de son projet de départ au Brésil, la société, qui a refusé la rupture conventionnelle sollicitée, lui a proposé de le licencier pour faute grave en contrepartie du versement d’une indemnité de 4 000 euros et de son engagement de former son successeur, ce qu’il avait accepté. Il conteste toute faute de sa part, soutenant ne plus s’être présenté à son poste de travail à la demande de l’employeur.
La société conteste les arguties de l’appelant et conclut que les absences injustifiées de ce dernier constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de la collaboration et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige évoque les absences non justifiées de M. [T] depuis le 2 mai 2018 désorganisant le service au sein duquel il évoluait et caractérisant un manque de professionnalisme et une insubordination.
* * *
L’employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d’un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise.
Les motifs retenus par l’employeur au soutien de la faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.
A l’appui des faits invoqués, l’employeur verse aux débats les éléments suivants :
son courrier de mise en demeure adressé le 9 mai 2018 à M. [T], doublé d’une lettre simple, réceptionné par le salarié le 11 mai 2018, constatant son absence depuis le 2 mai 2018 et lui demandant d’en justifier,
son courrier de convocation à un entretien préalable du 25 juin 2018,
'Ces missives étant demeurées sans réponse.
Il produit également :
son courrier du 12 septembre 2018 demandant à M. [T] ensuite de la décision de l’inspecteur du travail refusant l’autorisation de licenciement, de justifier de son absence depuis le 2 mai 2018,
le courriel de réponse du salarié du 12 septembre ainsi libellé : « 'je ne comprends pas la démarche sachant que nous avions un accord pour que je quitte [P] en bon terme. Malheureusement, au vu de la tournure des événements suite à l’erreur de procédure qui a amené le refus de mon licenciement par la Direccte, suite au faux qui a été envoyé à l’inspecteur du travail par Madame [B], je vous demande de bien vouloir me fournir un mail de confirmation afin de me couvrir personnellement’ »,
son courriel en retour du même jour : « je vous avoue ne pas saisir le sens de votre message. Vous avez abandonné selon toute vraisemblance votre poste et, vous semblez indiquer que cela aurait constitué un arrangement entre nous. Je m’inscris totalement en faux sur ce que vous indiquez’ Sans être absolument certain de ce que j’avance, il semblerait que vous soyez à l’étranger’ Quoi qu’il en soit, une procédure a été réenclenchée puisque vous ne reprenez pas votre travail. Si la procédure va au bout, vous recevrez votre solde de tout compte. Je n’ai par ailleurs pas connaissance d’un faux que Mme [B] aurait envoyé à la Direccte, ni d’un quelconque arrangement convenu entre nous. »,
la lettre de licenciement adressé au salarié le 12 novembre 2018,
le solde de tout compte adressé à M. [T] le 23 novembre 2018.
Il verse enfin :
— le courriel que M. [T] a adressé à l’inspecteur du travail le 23 août 2018 ainsi rédigé : « Je viens de recevoir un courrier de votre part concernant mon licenciement demandé par la société SAS [P] Service à [Localité 3]. Sachez que je suis TOTALEMENT d’accord avec ce licenciement. Je souhaite en effet donner une nouvelle orientation à ma carrière professionnelle. De ce fait, je vous remercie de ne pas bloquer celui-ci et d’accepter la demande de la société. Merci de me confirmer votre accord’ ».
En réplique, M. [T] conclut à l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, évoquant l’existence d’un accord passé avec l’employeur afin qu’il ne se présente plus à l’entreprise et ce, devant témoins. Il veut en justifier en :
— produisant le courriel qu’il a adressé le 30 août 2018 à M. [U], un supérieur hiérarchique et en copie à M. [H], directeur du site, dont la teneur suit : « je te contacte afin de savoir quelle est la position de [P] pour mon licenciement. Pour rappel, il m’a été demandé, devant témoin de ne plus me présenter sur mon lieu de travail en date du 2 mai 2018 afin de me licencier pour faute grave avec indemnisation. Nous sommes aujourd’hui le 30 août 2018 et je fais toujours parti de tes effectifs. Je n’ai évidemment reçu aucune indemnité’Cette situation ne peut plus durer et j’estime avoir été extrêmement patient avant de te contacter. Je souhaite en finir avec cette histoire au plus vite ; Dans le cas où le dossier n’avancerait pas à cause de l’incompétence manifeste et avérée de la DRH de chez [P], je serais contraint de saisir les prud’hommes’ », ce qui est insuffisant ;
— affirmant avoir formé M. [O], simple manutentionnaire, pour le remplacer à son poste, avant son départ mais l’échange de SMS avec M. [O] qu’il produit à cet effet, non datés, fait état du refus de ce dernier de témoigner en sa faveur et les registres du personnel des 31 décembre 2018 et 31 décembre 2019 qui attestant, du poste de responsable d’exploitation occupé par ce dernier, ne sauraient le confirmer,
— indiquant que l’employeur avait connaissance de la date de son départ par la production de l’attestation de M. [N], un collègue, soulignant la présence de M. [H] à la fête de départ organisée par M. [T], sans plus de précision,
— produisant le transfert à son employeur de son mail, donnant son accord à l’inspection du travail, pour démontrer qu’il a tenu parole, ce qui est insuffisant,
— versant le courriel qu’il a adressé à l’inspecteur du travail le 27 août 2018 demandant ses disponibilités pour l’appeler, ce qui est insuffisant,
— affirmant avoir signé la remise en main propre du courrier du 25 juin 2018 de convocation à son entretien préalable, avant son départ pour le Brésil le 23 mai 2018, ce qui ne suffit pas à justifier de son absence à compter du 2 mai 2018, étant par ailleurs observé que cette procédure a fait l’objet d’un refus par l’inspection du travail et a de nouveau été initiée le 12 septembre 2018 sans qu’il n’ait justifié de ses absences alors qu’il a pu écrire le 23 août à l’inspection du travail consentir à son licenciement sans aucune réserve.
En conséquence, il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’en l’état de la procédure, les absences non justifiées de M. [T] constituent un comportement inadapté d’une gravité rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Nonobstant l’absence de précédentes sanctions, le licenciement pour faute grave est fondé et le salarié sera donc débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires formées au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc confirmé.
Sur la demande au titre du caractère vexatoire du licenciement
M. [T] expose avoir subi un préjudice moral en raison du caractère vexatoire du licenciement dont il a fait l’objet, estimant son caractère disciplinaire mensonger. En réparation, il sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser la somme de 10.061,67 euros.
La société s’oppose à cette demande.
La cour a retenu le bien fondé du licenciement de M. [T], qui ne justifie pas de circonstances vexatoires ou humiliantes ayant entouré la mesure, de sorte que la preuve d’une attitude fautive à cet égard fait défaut. Il doit en conséquence, par voie de confirmation, être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les rappels de salaire
— Au titre d’un prêt
Pour infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande à ce titre, M.[T], qui sollicite la condamnation de la société à lui rembourser la somme de 850 euros, affirme que du mois d’avril au mois d’août 2018, l’employeur a déduit de son salaire la somme de 150 euros, outre celle de 100 euros en septembre 2018, au motif qu’il lui aurait accordé un prêt entreprise, ce qu’il conteste. Selon lui, le montant de 850 euros indument déduit correspond en réalité à une prime exceptionnelle.
En réponse, la société affirme qu’il s’agit du remboursement d’un prêt au même titre que plusieurs autres prêts qui ont été consentis et remboursés par le salarié au cours de la relation contractuelle.
En effet et ainsi que le soutient la société, l’appelant n’a jamais contesté au cours de la relation contractuelle, les retraits opérés figurant sur ses bulletins de salaire, au titre du remboursement du prêt consenti. Il souligne à juste titre que pour les prêts d’un montant inférieur à 1 500 euros un écrit n’est pas obligatoire. Il justifie du virement d’un acompte de 650 euros sur le compte de M. [T] le 9 avril 2018, somme qui n’apparait pas au titre d’une quelconque prime sur le bulletin de salaire du mois d’avril 2018.
En conséquence, la demande de M.[T] à ce titre sera rejetée ainsi que les premiers juges l’ont retenu.
— Au titre d’un acompte exceptionnel
Sollicitant le remboursement d’une somme de 1 400 euros qui aurait été indument retenue sur son salaire de novembre 2018, M. [T] conteste qu’elle puisse correspondre à un acompte exceptionnel consenti par l’employeur ainsi que ce dernier le fait valoir.
Pour s’y opposer, la société produit un document bancaire attestant du virement de 1 400 euros à destination du compte bancaire de l’appelant le 14 septembre 2018 à titre d’acompte de sorte que la demande du salarié sera rejetée. Le jugement sera confirmé.
Sur l’indemnité au titre de la violation du statut protecteur
L’appelant demande l’allocation d’une somme de 12 740, 04 euros en réparation de la violation de son statut protecteur, ce que conteste la société.
M. [T] ayant démissionné des deux mandats bénéficiant de la protection visée à l’article L.2411-1 du code du travail plus de six mois avant son licenciement, il ne peut qu’être débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera en conséquence confirmé.
Sur la demande au titre du protocole transactionnel
Pour solliciter l’infirmation de la décision déférée ayant rejeté sa demande, la société intimée soutient qu’à défaut de signature par le salarié, le protocole est dépourvu de cause et réclame le remboursement de la contrepartie qui lui a été consentie à hauteur de 4.000 euros, ce que conteste M. [T].
***
L’article 2044 du code civil dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
Les articles 2048 et 2049 du même code précisent que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. Elles ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.
La transaction entraînant des concessions réciproques, le salarié ne doit plus être sous un lien de subordination pour pouvoir valablement décider de renoncer aux éventuels droits qu’il pouvait tenir de son licenciement, et étant un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, il est nécessaire que le salarié ait une connaissance parfaite et indiscutable des motifs de son licenciement avant de transiger sur les conditions de la rupture de son contrat.
En l’espèce, il se déduit du fait que la société a adressé un chèque d’un montant de 4.000 euros, son acquiescement au protocole en cause qui a été exécuté nonobstant l’absence de signature.
En conséquence et en l’absence de contestation des motifs du protocole transactionnel, la cour confirme la décision déférée qui a débouté la société de sa demande tendant au remboursement de la somme de 4.000 euros.
Sur les autres demandes
Partie perdante à l’instance et en son recours, M. [T] sera condamné aux dépens de la procédure d’appel ainsi qu’à payer à l’intimée la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche la demande de M. [T] présentée à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. [T] de sa demande au titre du caractère vexatoire de la procédure de licenciement,
Condamne M. [T] à verser à la société [P] Services la somme de 800 euros au titre de ses frais irrépétibles pour la procédure de première instance et en cause d’appel,
Déboute M. [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [T] aux dépens de la procédure d’appel.
Signé par Madame Marie-Hélène Diximier, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Marie-Hélène Diximier
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