Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 22 décembre 2017, n° 16/01460

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, ch. soc., 22 déc. 2017, n° 16/01460
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 16/01460
Sur renvoi de : Cour de cassation, 4 octobre 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

EM-SD/AMG

R.G : 16/01460

--------------------

Mme Y Z

C/

Association MTN PREVENTION

--------------------

Expéditions aux parties le :

22.12.2017

Copie – Grosse

Me TANTON 22.12.17

(CE)

Me MAGNI-G. 22.12.17

(CE)

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 22 DÉCEMBRE 2017

N° 289 – 6 Pages

Décision prononcée suite à un arrêt de la Cour de cassation en date du 05 octobre 2016, cassant et annulant en toutes ses dispositions un arrêt rendu par la cour d’appel de RIOM en date du 24 février 2015 statuant sur appel d’un jugement du conseil de prud’hommes de MOULINS du 15 novembre 2012.

DEMANDERESSE AU RENVOI DE CASSATION, APPELANTE :

Madame Y Z

[…]

Représentée par Me Alain TANTON de la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES

DEFENDERESSE AU RENVOI DE CASSATION, INTIMÉE :

Association MTN PREVENTION

[…] […]

Représentée par Me Marika MAGNI-GOULARD de la SELARL LEXCONSEIL, avocat au barreau de NEVERS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme X, président de chambre, rapporteur

22 décembre 2017

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MOTTRY, adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

Lors du délibéré : Mme X, présidente de chambre

Mme POUGET, conseillère

Mme JACQUEMET, conseillère

DÉBATS : A l’audience publique du 27 octobre 2017, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 22 décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE – Prononcé publiquement le 22 décembre 2017 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

Vu le jugement contradictoire de départage du 15 novembre 2012 rendu par le conseil de prud’hommes de Moulins, dans le litige opposant l’association MTN PREVENTION (ci-après dite MTN) à Y Z, sur la licéité d’une clause de dédit-formation prévue au contrat de travail et ayant fait l’objet d’un avenant audit contrat,

Vu l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Riom du 24 février 2015, rendu ensuite de l’appel interjeté par Y Z,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 5 octobre 2016, qui, statuant sur le pourvoi formé par Y Z, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé, et remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt rendu le 24 février 2015 et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d’appel de Bourges, condamnant l’association MTN au paiement de 3.000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la déclaration de saisine du 20 octobre 2016, au nom de Y Z,

Vu les conclusions n°3, notifiées par RPVA et reçues au greffe le 4 avril 2017, déposées et soutenues à l’audience du 27 octobre 2017, de Y Z, appelante,

Vu les conclusions récapitulatives, notifiées par RPVA et reçues au greffe le 26 avril 2017, déposées et reprises oralement à l’audience, par l’association MTN, intimée,

Vu la note contradictoire en délibéré, autorisée lors de l’audience, du conseil de l’association intimée précisant qu’elle n’a en fait pas restitué la somme de 831,69 euros prélevée sur le solde de tout compte de Y Z, s’en étant tenue au jugement du conseil de prud’hommes de Moulins,

22 décembre 2017

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise, aux décisions subséquentes et aux écritures précédemment visées des parties soutenues à l’audience.

Il sera simplement rappelé que Y Z a été engagée à compter du 12 janvier 2009 par l’association MTN (médecin du travail de la Nièvre), selon contrat à durée indéterminée, en qualité d’infirmière en santé au travail (IST). L’article 3 de son contrat de travail, précisait qu’elle était titulaire du diplôme d’Etat d’infirmière, qu’elle s’engageait à compléter ses compétences dans la spécialité (Licence professionnelle en IST ou DIUST) et pour cela suivre aux frais de l’association une formation diplômante. Il était prévu en contrepartie de cette formation qu’une clause de dédit-formation de 3 ans à compter de la délivrance du diplôme serait établie par avenant.

C’est ainsi qu’un avenant a été conclu les 5 août et 14 septembre 2009, Y Z s’engageant à suivre du 1er octobre 2009 au 26 novembre 2010 la formation IST en vue de l’obtention de la licence santé 'mention santé publique parcours santé travail', le salaire ainsi que les frais de transport, d’hébergement et de repas étant versés durant la formation dont le coût global s’élevait à 16.400 euros. En contrepartie, Y Z s’engageait à rester au service de MTN pendant 3 ans à compter de la publication des résultats positifs et à rembourser notamment 3/3 des frais de formation en cas démission dans les 12 mois à compter de la date de départ de la clause.

Par courrier du 16 mars 2011, Y Z a démissionné de son poste d’IST et l’association MTN lui indiquait le 17 mars 2011 que le montant net global engagé pour la formation s’établissait à 15.402 euros déduction faite du versement d’un organisme, joignant un décompte mentionnant le coût d’inscription (6.000 €), les frais (4.835 €) et les salaires (7.100 €).

Après plusieurs échanges de courriers, elle a mis en demeure le 11 juillet 2011 Y Z de rembourser ce montant, la salariée dénonçant le 16 juillet 2011 ce comportement, relevant notamment qu’elle n’avait toujours pas reçu le paiement du salaire du mois de mai 2011, et qu’elle procéderait à un remboursement sous réserve de la validité de la clause de dédit formation.

L’association a ensuite adressé le 20 juillet 2011 un solde de compte déduction faite d’une somme de 3.412 euros 'au titre du 1er règlement <>' proposant un échelonnement en 30 mensualités et Y Z a notamment fait état le 28 juillet 2011 de son désaccord sur l’inclusion des salaires dans les frais de formation et la retenue sur salaire opérée.

Après nouvelle mise en demeure du 23 décembre 2011, l’association MTN a saisi le conseil de prud’hommes de Moulins aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 11.990 euros, outre le remboursement de frais irrépétibles.

Selon jugement dont appel, les premiers juges ont rappelé que par décision du 16 avril 2012 ils avaient ordonné le remboursement d’une provision sur salaire (2.580,31 euros) et ont dit la clause de dédit-formation légale, condamnant Y Z à rembourser la somme réclamée en dernier lieu de 14.570,31 euros tenant compte de la retenue sur salaire de 831,69 euros (après remboursement de la provision précitée), et ce, en 30 échéances à compter de janvier 2013 et à payer 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour d’appel de Riom a confirmé cette décision en toutes ses dispositions et condamné Y Z à payer 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

22 décembre 2017

La Cour de cassation, a, au visa de l’article L 6321-2 du code du travail, ensemble l’article 1134 du code civil dans sa rédaction alors applicable, cassé l’arrêt de la cour d’appel, après avoir notamment rappelé que pour faire droit à la demande de remboursement des frais de formation, il énonce que les premiers juges ont justement relevé que la convention particulière de dédit-formation précisait la date, la nature de la formation, son coût réel pour l’employeur, ainsi que le montant et les modalités de remboursement à la charge de la salariée, et que dans ces conditions elle était légale et que l’association était fondée à demander, conformément aux stipulations de l’avenant le remboursement de cette formation.

Elle a jugé qu’en se déterminant ainsi, alors que toute action de formation suivie par un salarié pour assurer son adaptation au poste de travail constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération, la cour d’appel, qui n’avait pas recherché comme il lui était demandé, si le coût total de la formation prévu dans la clause comprenait sa rémunération, a privé sa décision de base légale.

C’est dans ces circonstances, que Y Z demande actuellement de condamner l’association MTN à lui payer des dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure abusive (2.500 €), à lui rembourser 831,69 € au titre de la retenue sur salaire pratiquée à tort sur son salaire du mois de mai 2011, et à lui payer 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la clause de dédit formation est nulle, ne précisant pas le coût réel de la formation supporté par l’employeur et que l’association MTN ne pouvait intégrer dans le coût réel de formation restant à sa charge les salaires. Subsidiairement, elle invoque l’absence de proportionnalité de l’obligation de remboursement et le non respect en fait du droit à la démission. Elle s’oppose enfin au remboursement des frais engagés (hors salaires).

L’association MTN maintient devant la présente cour de renvoi que la clause de dédit-formation serait licite, estimant que la formation ne relèverait pas des dispositions de l’article L 6321-2 du code du travail, que le coût réel en serait précisé et que l’engagement de Y Z, qui a pu démissionner 4 mois après la publication de sa réussite à l’examen, ne serait pas disproportionné. Elle demande le paiement sur 30 mois à compter de la notification de l’arrêt de 14.570,31 euros avec intérêts au taux légal, subsidiairement, le paiement de 8.302 euros au titre des frais de formation autres que les salaires, et en tout état de cause de 6000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il ressort du contrat de travail que Y Z a été embauchée pour exercer les fonctions d’IST. Il a été prévu, à l’embauche, son engagement à compléter ses compétences dans la spécialité et l’établissement d’une clause de dédit formation. Cette clause a été établie près de 7 mois après, avant le début de la formation, par un avenant prévoyant que durant cette formation le salaire serait intégralement versé. Par lettre du 4 août 2011 l’association MTN a notamment indiqué que la salariée se devait d’accepter de suivre la formation.

Il ne s’agissait pas ainsi d’une formation suivie à la demande de la salariée, ou ayant pour objet un développement de compétence pour obtenir un poste convoité par cette dernière, mais bien d’une formation imposée par l’employeur afin d’assurer l’adaptation de la salariée au poste de travail, auquel elle était embauchée (IST), lequel requérait outre le diplôme d’infirmière d’Etat déjà acquis une formation en santé au travail (LST) comme mentionné sur la fiche de poste annexée au contrat de travail.

Il sera observé que si l’employeur prétend que la salariée n’aurait pas pu sans cette formation exercer les fonctions pour lesquelles il l’avait volontairement embauchée, la formation était ainsi liée au maintien dans l’emploi par lui décidé en imposant à la salariée de s’engager à une formation

22 décembre 2017

en contrepartie de laquelle serait prévue une clause de dédit formation, étant rappelé que les conventions doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil alors applicable).

Une telle clause ne pouvait dès lors, en tout état de cause, être licite que si elle n’incluait pas dans l’indemnité de dédit le remboursement de salaires devant être obligatoirement maintenus par l’employeur en application de l’article L 6321-2 du code du travail, une telle action de formation constituant un temps de travail effectif donnant lieu pendant sa réalisation au maintien par l’employeur de la rémunération.

Or la clause de dédit formation convenue (par avenant du 5 août 2009) prévoit le versement du salaire 'ainsi que' des frais de transport, d’hébergement et de repas occasionnés, et indique que le coût 'global' de la formation s’élève à 16.400 euros.

Manifestement ce coût englobe ainsi, outre les frais de formation proprement dite, les salaires et les frais précités, dont il a été rappelé qu’ils seraient versés pendant la formation.

Au demeurant, lorsqu’il en a demandé le remboursement l’employeur a inclus dans le total réclamé (15.402 euros), proche du coût global précité, 7.100 euros au titre des salaires, ce qui représentait près de la moitié de la somme réclamée (46%).

Il s’en infère que le montant à rembourser selon l’avenant apparaît bien avoir été fixé en incluant les salaires à verser pendant la période de formation, dont l’association MTN ne pouvait exiger le remboursement.

L’inclusion d’une telle obligation de remboursement dans la clause de dédit formation rend celle-ci nulle et l’association MTN ne saurait, en conséquence, en solliciter l’application. La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Ne pouvant faire jouer une clause nulle, l’association MTN ne peut obtenir aucun remboursment à ce titre, même en en excluant les salaires. Sa demande subsidiaire de remboursement ne saurait dès lors pas plus prospérer que celle formée à titre principal et elle sera également rejetée.

Le sens de la présente décision emporte obligation de restitution de la somme de 831,69 euros demeurant retenue par l’association MTN sur le salaire de Y Z en application de la clause de dédit. Il convient d’en ordonner la restitution dans la mesure où cette somme, quoique prise en compte dans le montant de la condamnation infirmée, n’a pas été versée en exécution de celle-ci.

Si l’association MTN succombe actuellement en toutes ses prétentions, il n’est pas pour autant établi que son action en paiement a revêtu un caractère malin et en conséquence abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire. Il convient donc de débouter Y Z de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit nulle la clause de dédit formation conclue entre les parties,

22 décembre 2017

Déboute en conséquence l’association MTN-PREVENTION de toutes ses demandes ;

Condamne l’association MTN-PREVENTION à rembourser à Y Z la somme de 831,69 euros ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne l’association MTN-PREVENTION aux dépens de première instance et d’appel, et, Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à ce titre à Y Z la somme de 1.500 euros.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme X, présidente, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE A-M. X

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