Cour d'appel de Bourges, 1ère chambre, 9 février 2017, n° 14/00141

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bourges, 1re ch., 9 févr. 2017, n° 14/00141
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 14/00141
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nevers, 26 novembre 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

XXX

COPIE + GROSSE :

SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS

Me Olivier LEVOIR

LE : 9 FÉVRIER 2017

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2017

N° – Pages

Numéro d’Inscription au Répertoire Général : 14/00141

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NEVERS en date du 27 Novembre 2013

PARTIES EN CAUSE :

I – M. M B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

— M. S B

né le XXX à XXX

219 AE Romain Rolland

XXX

— M. K B

né le XXX à XXX

XXX

— M. Q B

né le XXX à XXX

XXX

XXX

— Mme W B

née le XXX à XXX

XXX

XXX

09 FÉVRIER 2017

N° /2

— Mme I B

née le XXX à XXX

XXX

XXX

— Mme O B épouse F

née le XXX à XXX

27 AE de Margat

XXX

Représentés par Me Hervé RAHON de SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES, postulant

Plaidant par Me Laurence SAMSON FRANÇOIS, avocat au barreau de PARIS

Timbre dématérialisé n° 1265 1344 7672 9293

APPELANTS suivant déclaration du 20/01/2014 INCIDEMMENT INTIMÉS

II – Mme G E veuve B

née le XXX à LE BLANC MESNIL (SEINE SAINT-DENIS)

5 bis AE AF

XXX

Représentée et plaidant par Me Olivier LEVOIR, avocat au barreau de NEVERS,

Timbre dématérialisé n° 1265 1353 1234 8209

INTIMÉE

INCIDEMMENT APPELANTE

09 FÉVRIER 2017

N° /3

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 Novembre 2016 en audience publique, la Cour étant composée de :

M. FOULQUIER Président de Chambre,

M. GUIRAUD Conseiller

M. PERINETTI Conseiller, entendu en son rapport

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Y

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

***************

EXPOSÉ : U B est décédé le XXX laissant pour lui succéder son épouse G E avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens ainsi que ses 7 enfants issus d’un premier lit :

— M B

— S B

— K B

— Q B

— O B épouse Z

— W B

— I B.

Par acte du 19 mars 2012, M B, S B, K B, Q B, O B épouse Z, W B et I B ont assigné G E veuve B devant le tribunal de grande instance de MOULINS aux fins de voir ordonner le rapport à la succession de U B des libéralités consenties à G E et leur réduction, sollicitant avant dire droit une mesure d’expertise comptable.

Par ordonnance du 13 novembre 2012, le juge de la mise en état a constaté l’incompétence territoriale du tribunal de grande instance de MOULINS et renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de NEVERS.

Par jugement rendu le 27 novembre 2013, ce tribunal a débouté les consorts B de l’intégralité de leurs demandes et les a condamnés à verser à G E une indemnité de 1000 € au titre des frais irrépétibles.

Le tribunal a en effet considéré que :

— La demande était recevable même en l’absence de demande préalable d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des biens dépendant de l’indivision successorale puisqu’il n’existe aucune indivision quant à la propriété des biens entre l’usufruitière et le nu-propriétaire

— le dossier ne fait pas apparaître d’intention libérale du défunt même si celui-ci a payé l’intégralité du prix de vente d’une maison acquise en indivision avec G E à Nevers en 1999

— les retraits d’espèces et les émissions de chèques entre 1999 et 2007 ne s’avèrent pas probants, il n’est par ailleurs pas prouvé que le capital décès relatif aux contrats HERVET AGE D’OR aurait été versé de façon certaine à G E

— ordonner une mesure d’expertise reviendrait à pallier la carence des consorts C dans l’administration de la preuve qui leur incombe. M B, S B, K B, Q B, O B épouse Z, W B et I B ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu le 5 février 2015, la cour de céans a :

— Confirmé la décision déférée en ce qu’elle a déclaré recevable l’action engagée par M B, S B, K B, Q B, O B épouse Z, W B et I B

— Avant-dire droit sur le bien-fondé de leur action, ordonné une mesure d’expertise comptable confiée à Monsieur A afin, principalement, de reconstituer le patrimoine de U B sur les 10 dernières années et de chiffrer la globalité des libéralités entre vifs et à cause de mort dont G E aurait pu être bénéficiaire.

Par arrêt du 18 juin 2015 rendu sur requête en omission de statuer, la cour a précisé que l’expert était autorisé à se faire communiquer par tout établissement bancaire et le FICOBA tous renseignements et informations concernant les comptes bancaires et les contrats d’assurance-vie de G E.

L’expert ainsi désigné a procédé à ses opérations et déposé son rapport le 8 décembre 2015.

Dans leurs dernières écritures, M B, S B, K B, Q B, O B épouse Z, W B et I B demandent à la cour de :

— À titre principal : ordonner avant dire droit une nouvelle mesure d’expertise comptable

— À titre subsidiaire, ordonner un complément d’expertise afin que l’expert déjà désigné recherche les libéralités dont a bénéficié G E quant au mode de financement du domicile conjugal et quant aux retraits et virements dont elle a été bénéficiaire

— À titre « encore plus subsidiaire », dire que le financement de la moitié du prix de vente pour le compte de G E constitue une libéralité et que celle-ci doit rapport à la succession de la moitié des fonds perçus au titre du contrat d’assurance-vie de l’oncle du défunt dont Monsieur B était bénéficiaire, comme ayant été encaissés sur le compte joint

— Dire que les fonds placés sur les contrats d’assurance-vie D pour 166 622,68 € et X pour 100 700,58 € ou à tout le moins les primes versées par le défunt, déduction faite des rachats partiels qui n’ont pas approvisionné les comptes de l’épouse, seront réintégrés à la succession

— dire que l’usufruit successoral de G E sur les fonds placés sur les contrats d’assurance-vie D et X sera converti en rente décennale à concurrence de 892 € par mois

— Condamner G E à leur verser la somme de 267 869,57 € ainsi que 10 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent en effet que : – ils ont démontré que leur père avait payé en 1999 la totalité du prix de la maison située à Nevers achetée en indivision avec G E, ce qui constitue une libéralité

— l’intention libérale du défunt envers son épouse apparaît établie, celui-ci ayant placé en assurance-vie des sommes provenant de la cession de ses différents biens immobiliers et ayant procédé à des rachats partiels sur le seul contrat d’assurance-vie sur lequel ses enfants étaient désignés bénéficiaires

— rien ne démontrait que l’aide de G E quant à l’exploitation du fonds de commerce de poissonnerie aurait excédé la contrepartie des salaires perçus, alors même qu’elle bénéficiait d’un salaire confortable

— il existe des mouvements bancaires suspects : ainsi 9638,32 € ont été prélevés du compte courant du couple au profit de G E ; il existe par ailleurs d’importants retraits en espèces ou par chèque (7600 € par an de retraits d’espèces en moyenne entre 1999 et 2007)

— il existe également des flux financiers occultes

— le contrat d’assurance-vie D a été versé au profit de G E, laquelle n’a pas été touchée par d’importants retraits sur les contrats d’assurance-vie dont elle a été la seule bénéficiaire pour 267 869,57 €, ce qui démontre la volonté de U B de déshériter ses enfants au profit de son conjoint

— l’expert désigné n’a pas mené à terme ses investigations en ne sollicitant pas les éléments et éclaircissements nécessaires auprès de G E et en ne sollicitant pas les relevés nécessaires auprès des compagnies d’assurance-vie ou des établissements bancaires et a donc rédigé son rapport avec légèreté

— à titre infiniment subsidiaire, leurs demandes apparaissent fondées en application des articles 843 et 920 du Code civil – le financement de la totalité du prix d’acquisition du domicile conjugal devant s’analyser en libéralité au profit de G E

— par ailleurs, le défunt a perçu la somme de 53 523,76 € suite à l’encaissement du contrat d’assurance-vie d’un cousin – fonds qui ont été perçus par le couple sur le compte joint, de sorte que G E doit rapporter à la succession la moitié de cette somme

— G E a perçu la somme totale de 267 869,57 € au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par son époux – dont l’actif de succession comprenait simplement des liquidités pour moins de 4000 €

— en application de l’article L 132 – 13 du code des assurances, le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve, il en est de même s’agissant des sommes versées à titre de primes « à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ». En l’espèce, le défunt percevait une retraite de 1077 € par mois de sorte que les primes des contrats d’assurance-vie auraient représenté 6 années de revenus et n’auraient jamais pu être versées sans la vente du patrimoine immobilier du défunt ; les fonds placés sur les 2 contrats d’assurance-vie doivent être réintégrés en conséquence à la succession – en application des articles 759 et 760 du Code civil, l’usufruit du conjoint survivant peut être converti en rente viagère, il convient de faire application du barème fiscal en vigueur.

G E, intimée, conclut quant à elle au rejet de l’intégralité des prétentions formées par les consorts B à son encontre.

Elle estime en effet que l’expert précédemment désigné a entièrement répondu aux points de la mission qui lui était confiée, de sorte que les demandes de contre-expertise et même de complément d’expertise doivent être rejetées.

G E estime que le simple constat que U B a financé la totalité du prix de vente de la maison d’habitation de Nevers acquise chacun pour moitié indivise ne suffit pas à caractériser l’intention libérale de celui-ci. Elle précise à cet égard avoir collaboré très activement à l’activité professionnelle de son mari dans le cadre d’une activité de fonds de commerce de poissonnerie – son aide excédant une contribution normale aux charges du mariage, de sorte que la cause du paiement du prix de la part indivise de la maison est constituée par la rétribution de l’aide qu’elle a apportée à son époux, ajoutant que la rémunération perçue était à l’évidence insuffisante eu égard au nombre d’heures travaillées.

L’intimée ajoute qu’il n’existe aucun mouvement au profit de ses comptes pouvant faire penser à des libéralités en sa faveur, précisant que le contrat de séparation de biens comprenait une clause présumant que chaque époux avait contribué proportionnellement à ses facultés aux charges du mariage excluant ainsi la possibilité d’établir un compte à la fin du mariage à ce titre.

G E estime que le caractère manifestement exagéré des primes versées au titre des deux contrats d’assurance-vie n’est pas établi en l’espèce – cette comparaison devant être également faite en fonction des plus-values des placements et de l’importance du patrimoine du défunt lequel avait, en l’espèce, hérité en 2005 de la moitié de l’actif successoral de son oncle pour une somme de plus de 600 000 €.

Elle fait observer que la conversion de l’usufruit en rente n’est pas de droit.

Elle ajoute qu’il n’est pas possible de déterminer le montant de la quotité disponible de la succession de U B puisque la succession de l’oncle de celui-ci – dont il a hérité – n’est pas elle-même réglée.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 31 mai 2016.

SUR QUOI :

1) sur les demandes tendant à l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise comptable ou d’un complément d’expertise :

Attendu qu’il convient de rappeler qu’en application de l’arrêt rendu le 5 février 2015 par la cour, il a été imparti à l’expert la mission de « reconstituer le patrimoine de U B sur les 10 dernières années, donner tous éléments permettant de connaître la destination des fonds détenus par le défunt, rechercher et chiffrer les sommes qui ont été prélevées sur les comptes bancaires ou les contrats d’assurance-vie ouverts au nom du défunt et rechercher quelle a été l’utilisation de ces sommes et si elles ont excédé la contribution normale de ce dernier aux frais et charges de la vie courante eu égard à ses revenus, plus généralement, chiffrer la globalité des libéralités entre vifs et à cause de mort dont aurait pu être bénéficiaire G E, rapporter tous éléments de nature à éclairer la religion de la cour » ;

Que les consorts B reprochent à l’expert de ne pas s’être interrogé sur le mode de financement de la maison d’habitation située AE AF à Nevers, de ne pas avoir annexé à son rapport les annexes du dire du 3 décembre 2015 comportant les pièces numérotées 39 à 54 et, plus généralement, de ne pas avoir sollicité les éléments et éclaircissements nécessaires auprès de G E ;

Mais attendu qu’il apparaît que les parties s’accordent sur le fait que le financement de la maison d’habitation située AE AF à Nevers a été réalisé avec les seuls fonds de U B ; que les pièces numérotées 39 à 54 annexées au dire du 3 décembre 2015 – auquel l’expert a répondu le 8 décembre suivant – ont été portées à la connaissance de l’expert, peu important que celui-ci n’ait pas estimé opportun de les annexer à son rapport dans la mesure où elles ont été régulièrement produites devant la cour ; qu’il apparaît, en outre, que l’expert a procédé, au contradictoire des parties, à ses opérations et a répondu, point par point, à la mission qui lui avait été confiée par la cour en pages 4 à 12 de son rapport, annexant à celui-ci (annexes A à J) les éléments sur lesquels il a pu se baser et notamment le récapitulatif de tous les mouvements intervenus sur les comptes bancaires du défunt ; qu’il sera par ailleurs remarqué que l’expert judiciaire, dont la mission a été étendue aux comptes bancaires et contrats d’assurance vie de G E par l’arrêt du 18 juin 2015, a sollicité auprès du fichier FICOBA les éléments à cet égard dont il fait mention en pages 9 à 12 de son rapport et qui font notamment état des pensions de retraite perçues mensuellement et trimestriellement par G E ;

Qu’aucune légèreté ne pouvant ainsi lui être imputée dans la réalisation de sa mission, il y aura lieu de rejeter les demandes tendant aussi bien à l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise comptable que d’un complément d’expertise ;

2) sur les demandes au titre des sommes dont G E aurait profité :

Attendu que les consorts B sollicitent l’application des articles 843 et 920 du Code civil selon lesquels « tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale » et « les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession » ;

a) sur la demande formée au titre du financement du domicile conjugal :

Attendu qu’il est constant que selon acte reçu par Maître PAULHET le XXX, U B et G E – mariés sous le régime de la séparation de biens – ont acquis, en indivision, une maison d’habitation située 5 bis AE AF à Nevers moyennant le prix de 830 000 Francs outre les frais d’acte de 44 500 Francs ;

Qu’il est établi, et non contesté par G E, que seul U B a réglé le prix de vente de cet immeuble et les frais d’acquisition grâce aux fonds provenant des cessions de l’immeuble et du fonds de commerce situé XXX à Saint Éloi qui lui appartenait en propre (page 9 du rapport d’expertise) ;

Attendu que G E conteste toute intention libérale de U B en indiquant que ce financement aurait pour cause sa collaboration à l’activité professionnelle de son époux ayant excédé une contribution normale aux charges du mariage en faisant valoir qu’elle a toujours aidé et assisté U B dans le cadre de l’exploitation du fonds de commerce de poissonnerie-marée sur la commune de Saint Éloi ;

Mais attendu qu’il résulte des propres énonciations de G E que celle-ci a perçu un salaire « entre 1200 et 1500 € par mois » dans le cadre de ladite activité professionnelle en rétribution du travail accompli ; qu’elle ne justifie, en aucune façon, qu’une telle rémunération – au demeurant d’un montant tout à fait habituel pour des fonctions de gérant d’une SARL de taille modeste – serait manifestement insuffisante eu égard au nombre d’heures travaillées et que le paiement, par U B, de la moitié indivise de la maison d’habitation de Nevers acquise le XXX correspondrait ainsi à une rétribution de sa collaboration à l’activité professionnelle de son époux qui aurait excédé une contribution normale aux charges du mariage ;

Que l’intention libérale de U B au titre de ce financement devra, en conséquence, être retenue de sorte qu’en application de l’article 843 alinéa premier précité, G E devra rapporter à la succession la moitié de la valeur du bien acquis ;

b) sur la demande formée au titre de la perception du contrat d’assurance-vie du cousin de U B :

Attendu qu’il résulte des investigations menées par l’expert judiciaire (pages 6 et 10 du rapport) que U B a perçu, suite à l’encaissement du contrat d’assurance-vie de AB AC, la somme de 53 523,76 € qui a été encaissée au mois de novembre 2005 sur le compte joint du couple ouvert auprès de la banque HSBC sous le numéro 04117V7768 ;

Que l’annexe F du rapport d’expertise judiciaire retrace les mouvements bancaires intervenus sur ce compte depuis, notamment, le mois de novembre 2005 et jusqu’au décès de U B survenu le XXX ; qu’il en résulte qu’à cette dernière date le solde créditeur du compte joint n’était plus que de 2734,01 €, l’expert indiquant à cet égard : « on constate que le solde du compte en banque n’a cessé de baisser de novembre 2005, date de l’encaissement, à février 2008 […] On notera que l’encaissement des contrats d’assurance-vie de l’oncle de U B, AB AC, pour un montant de 53 523,76 €, n’ont pas fait l’objet de placements à nouveau et ont ainsi directement contribué au niveau de vie du couple » ; qu’il convient par ailleurs de noter que le calcul des dépenses courantes du couple figurant dans le tableau de la page 9 du rapport d’expertise fait état des moyennes mensuelles suivantes : 2662,48 € en 2005 et 3352,92 € en 2006, ce qui était supérieur aux ressources du foyer puisque la retraite de U B s’élevait en moyenne 794,34 € par mois en 2005 et 1062,64 € en 2006 (page 8 du rapport) et que les pensions de retraite de G E sont également d’un niveau modeste : 615,72 € par mois et des retraites complémentaires de 82,74 € et 558,41 € par trimestre pour l’année 2005 (page 11 du rapport) ; qu’il est donc manifeste, comme le note l’expert en page 9 du rapport, que : « le niveau des dépenses durant toutes ces années est notablement supérieur au niveau des ressources du foyer. Le couple n’a donc vécu et pu maintenir son train de vie qu’en prélevant régulièrement sur les placements d’assurance-vie » ;

Que le produit de l’assurance-vie ayant été consommé par U B et G E pour la vie courante et les loisirs, il y aura lieu, en l’absence de toute intention libérale du défunt, de rejeter la demande formée au titre de la perception dudit contrat d’assurance-vie ;

c) sur les demandes formées au titre de la perception des contrats d’assurance-vie du défunt par G E : Attendu qu’il est constant (page 10 du rapport d’expertise) que G E a bénéficié de la clause d’affectation des contrats d’assurance-vie de la façon suivante : 166 622,68 € s’agissant du contrat D et 100 770,58 € s’agissant du contrat X numéro 1610/295 ; que l’expert a retracé les différents mouvements intervenus sur ces contrats d’assurance-vie entre 1999 et 2007 (page 7 et 8 de son rapport) ;

Qu’en application des articles L 132 – 12 et L 132 – 13 du code des assurances, le capital ou la rente stipulée payable lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré, le capital ou la rente payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à la succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant, ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu’ainsi, le principe de la dispense de rapport et de réduction du capital fait obstacle à la demande des consorts B tendant à la réintégration à la succession du capital versé à G E au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par U B auprès de D et auprès d’X ;

Que le critère d’exagération manifeste des primes versées doit s’apprécier en considération de l’âge, de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur et de l’utilité du contrat pour celui-ci et ce au jour du versement des primes et sans tenir compte de l’évolution postérieure de son patrimoine et donc, en l’espèce, de la circonstance que U B ait pu hériter de son oncle AB AC décédé au mois de juin 2005 ;

Qu’il apparaît, en l’espèce, que U B a entendu souscrire, en 1999 alors qu’il était âgé de 73 ans et qu’aucun élément du dossier ne permet d’estimer que son état de santé était alors défaillant, deux contrats d’assurance-vie en vue de la constitution d’un placement à long terme et en utilisant notamment les fonds qu’il avait perçus de la cession des immeubles dont il était propriétaire sur les communes de Saint Éloi et Saint Honoré les Bains ; que si le montant des primes versées représente, ainsi, une partie importante du patrimoine de U B, il apparaît, d’une part, que l’intégralité des fonds provenant des cessions des fonds de commerce et immeubles de U B n’a pas été utilisée dans le cadre des placements en assurance-vie puisque lesdites cessions lui avaient rapporté respectivement 60 979,88 €, 182 939,65 € et 60 979,61 € (page 4 du rapport d’expertise) et que les primes versées s’élèvent au total à 188 078,77 € (page 7 du même rapport) et, d’autre part, que la pension de retraite dont il était bénéficiaire était suffisante – compte tenu des sommes non placées et de la perception, à partir de novembre 2005, du capital du contrat d’assurance-vie de AB AC – pour lui assurer un train de vie normal de sorte qu’il ne lui était donc pas nécessaire de mobiliser immédiatement et de façon continue cette épargne pour couvrir les dépenses courantes ;

Que, dans ces conditions, le caractère manifestement exagéré des primes versées dans le cadre de ces deux contrats n’apparaît pas établi de sorte que la demande formée par les consorts B devra être rejetée ;

d) sur la demande tendant à la conversion de l’usufruit :

Attendu que les consorts B sollicitent le bénéfice de l’article 759 du Code civil selon lequel « tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du pré-décédé, qu’il résulte de la loi, d’un testament ou d’une donation de biens à venir, donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère, à la demande de l’un des héritiers nus-propriétaires ou du conjoint successible lui-même » en sollicitant, ainsi, que « l’usufruit successoral de G E sur les fonds placés sur les contrats d’assurance-vie D pour la somme de 166 622,68 € et X pour la somme de 100 700,58 € soit converti en rente décennale de montant de 892 € par mois » ; Mais attendu que G E ayant, ainsi que cela vient d’être indiqué, valablement bénéficié de la clause d’affectation desdits contrats d’assurance-vie, et les dispositions précitées du code des assurances excluant les règles du rapport à succession et de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers au capital payable au décès du contractant, les sommes versées en application de ces contrats sont entrées dans le patrimoine de G E, laquelle n’est donc pas titulaire d’un usufruit sur ces fonds ;

Que la demande formée au titre de la conversion de l’usufruit ainsi allégué ne pourra, dans ces conditions, qu’être rejetée ;

3) sur les autres demandes :

Attendu qu’aucune considération d’équité ne commande en l’espèce de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; que les dépens – qui incluront le coût de l’expertise judiciaire – seront mis à la charge de G E ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Vu les arrêts rendus les 5 février et 18 juin 2015,

— Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté les consorts B de leur demande formée au titre du financement de la maison acquise le XXX par U B et G E

Et, statuant à nouveau sur ce seul chef réformé :

— Dit que le financement par U B du prix d’achat de la maison d’habitation située 5 AE des Fondereaux à Nevers le XXX constitue de sa part une libéralité au profit de G E et dit en conséquence que la moitié de la valeur de cet immeuble devra être rapportée à sa succession

Y ajoutant :

— Déboute les consorts B de leur demande tendant à l’organisation d’une nouvelle mesure d’expertise comptable et d’un complément d’expertise

— Déboute les consorts B de leurs autres demandes

— Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

— Dit que les entiers dépens, qui comprendront les frais d’expertise judiciaire, seront supportés par G E.

L’arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président de Chambre, et par Mme Y, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

A. Y Y. FOULQUIER

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