Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 6 novembre 2020, n° 19/00585

  • International·
  • Heures supplémentaires·
  • Licenciement·
  • Logistique·
  • Travail·
  • Astreinte·
  • Sociétés·
  • Salarié·
  • Employeur·
  • Emploi

Chronologie de l’affaire

Commentaires14

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.invictae-avocat.com · 6 octobre 2022

Alors même que la chambre sociale de la Cour de cassation estimait il y a quelques mois que le barème Macron est compatible avec l'article 10 de la Convention n°158 de l'OIT et que la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne (à lire ici), le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) vient de publier sa décision rendue le 23 mars 2022. Dans leur réclamation présentée au mois de mars 2018, les organisations syndicales CGT-FO et CGT demandaient au CEDS de déclarer que l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, …

 

www.seban-associes.avocat.fr · 19 mai 2022

Par deux arrêts en date du 11 mai 2022[1], la chambre sociale de la Cour de cassation, statuant en formation plénière, a : Précisé la conformité, in abstracto, du barème Macron à l'article 10 de la convention n° 158 de l' « Organisation internationale du Travail » (OIT) ; Neutralisé la possibilité d'un contrôle de conventionnalité in concreto au regard de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT ; Précisé l'absence d'effet direct horizontal de l'article 24 de la Charte Sociale Européenne. Annonçant, ainsi, la fin d'un débat juridique qui aura duré plus de 4 ans, la Haute Cour …

 

www.acg-avocat.com · 18 mai 2022

Soc. 11 mai 2022, FP-B+R, n° 21-15.247 et n°21-14.490 C'est la fin d'un feuilleton ! Ils étaient attendus ces arrêts de la Cour de cassation : cela fait un quinquennat que l'on discute de la validité de cette mesure phare de la précédente élection présidentielle qui consistait à encadrer les indemnités allouées en Justice aux salariés licenciés « sans cause réelle et sérieuse ». Les français sont rebelles et les Conseils de Prud'hommes et Cours d'appel aussi : il y avait les « pour » qui s'en tenaient au barème (Le Mans, Caen, Le Havre, Saint Nazaire) et les « contre » qui l'écartaient, …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Bourges, ch. soc., 6 nov. 2020, n° 19/00585
Juridiction : Cour d'appel de Bourges
Numéro(s) : 19/00585
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Châteauroux, 23 avril 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

SD/AB

N° RG 19/00585

N° Portalis DBVD-V-B7D-DFFG

Décision attaquée :

du 24 avril 2019

Origine :

conseil de prud’hommes – formation de départage de CHATEAUROUX

--------------------

M. P-Q X

C/

SASU INTERNATIO-

F G, venant aux droits de la SOCIETE CC2 LOGISTIQUE

--------------------

Expéd. – Grosse

Me PIGNOL 6.11.20

Me FONTENILLE 6.11.20

COUR D’APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2020

N° 191 – 12 Pages

APPELANT :

Monsieur P-Q X

[…]

Représenté par Me Pierre PIGNOL de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

SASU INTERNATIONAL G, venant aux droits de la SOCIETE CC2 LOGISTIQUE

[…]

Ayant pour avocat postulant Me Vincent FONTENILLE, du barreau de BOURGES

Représenté à l’audience par Me Thomas LESTAVEL de l’AARPI EUNOMIE AVOCATS, avocat plaidant, du barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats :

PRÉSIDENT : Mme O, conseillère faisant fonction de président, en présence de Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller

en l’absence d’opposition des parties et conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme M

6 novembre 2020

Lors du délibéré : Mme O, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Mme BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller

Mme JACQUEMET, conseiller

DÉBATS : A l’audience publique du 11 septembre 2020, le président ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l’arrêt à l’audience du 06 novembre 2020 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire – Prononcé publiquement le 06 novembre 2020 par mise à disposition au greffe.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. P-Q X, né le […], a été embauché par la société CC2 Logistique le 3 décembre 2012 en qualité de responsable entrepôt, classification agent de maîtrise, groupe 7, coefficient 215, par contrat à durée indéterminée à temps plein, soumis à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Il exerçait en dernier lieu les mêmes fonctions mais sous la classification de technicien, coefficient 200L pour une durée hebdomadaire de 39 heures.

Le 10 novembre 2017, la société CC2 Logistique a été cédée à la société International G et est devenue une filiale de cette dernière.

Par courrier du 12 décembre 2017, M. X a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé au 21 décembre 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 janvier 2018, la société International G lui a notifié son licenciement pour motif personnel.

M. X a dès lors saisi le conseil de prud’hommes de Châteauroux le 3 avril 2018, aux fins principales de voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement d’un rappel de salaires pour heures supplémentaires.

Selon jugement de départage en date du 24 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Châteauroux a :

— dit que le licenciement de M. P-Q X par la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) est intervenu sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) à payer à M. P-Q X la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

— ordonné à la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) de remettre à M. P-Q X un bulletin de salaire, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail conformes au jugement sous peine d’astreinte de 50 euros par jour de retard et par document non remis passé un délai de 1 mois suivant la notification du jugement,

— réservé sa compétence pour l’éventuelle liquidation de l’astreinte prononcée,

— condamné la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) à payer à M. P-Q X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du

6 novembre 2020

code de procédure civile,

— ordonné d’office le remboursement par la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) aux organismes intéressés (Pôle Emploi région Centre) des indemnités de chômage versées à M. P-Q X, du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

— débouté les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— condamné la SAS International G (venant aux droits de la société CC2 Logistique) aux dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe le 15 mai 2019, M. X a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il a condamné la SAS International G à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a débouté les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 juillet 2020, M. X demande à la cour de :

— déclarer recevable et bien fondé son appel,

— ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 19/00585 et 19/00611,

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a condamné la SASU International G à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent :

— condamner la SASU International G à lui payer :

35 474,19 euros au titre des heures supplémentaires,

3 547,42 euros au titre des congés payés afférents,

48 145,81 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos,

4 814,58 euros au titre des congés payés afférents,

18 000 euros à titre de contrepartie financière pour les périodes d’astreinte,

50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

25 343,38 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

— dire qu’au visa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, la condamnation nette doit lui revenir et que la SASU International G assurera le coût des éventuelles charges sociales dues,

— constater que le salaire mensuel moyen des 3 derniers mois était de 4 597,14 euros,

— condamner la SASU International G à lui remettre une nouvelle attestation Pôle Emploi dans un délai de 8 jours à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

— condamner la même en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. X conteste tout d’abord les différents manquements qui lui sont reprochés par son employeur dans le cadre de l’instance, faisant observer qu’il n’avait jamais fait l’objet d’aucun reproche ni sanction auparavant.

Il soutient ensuite ne pas avoir à rapporter la preuve des heures supplémentaires qu’il a effectuées, en ce qu’il lui appartient seulement d’étayer sa demande, alors que son employeur ne rapporte pas la preuve du nombre d’heures effectivement réalisées. Il affirme ainsi avoir envoyé chaque mois ses décomptes d’heures travaillées à son employeur, mais ne pas avoir été réglé de ses heures supplémentaires avant décembre 2017. Il ajoute que la société était nécessairement informée de ces heures supplémentaires, en ce qu’il devait être chaque jour présent avant l’embauche de ses collègues vers 6h-7h et jusqu’à leur départ vers 19h. Il précise encore qu’il devait gérer seul l’entreprise et que les effectifs avaient été réduits en 2013, engendrant une charge de travail telle qu’il ne pouvait travailler seulement 35 heures par semaine. Il affirme aussi avoir été le seul à détenir les clés des locaux, de telle sorte qu’il devait effectuer des heures supplémentaires chaque fois que ses collègues en effectuaient eux-

mêmes.

M. X conteste également ne jamais avoir formulé de réclamation avant le 10 octobre 2017 relativement au paiement de ses heures supplémentaires. Il fait remarquer qu’en tout état de cause, la recevabilité de sa demande n’est pas conditionnée à une réclamation préalable. Il prétend encore que ses tableaux de temps de service étaient modifiés par son employeur afin d’y effacer ses heures supplémentaires. Il affirme enfin que même lorsque des heures supplémentaires figuraient sur les tableaux modifiés, elles n’étaient ni payées ni récupérées.

M. X prétend ensuite qu’il n’a jamais bénéficié d’aucune contrepartie obligatoire en repos pour ses heures supplémentaires.

Il fait observer que les différentes indemnités qui lui sont dues au titre de la rupture de son contrat de travail

doivent être calculées sur la base du salaire qu’il aurait dû percevoir et non sur celui qu’il a effectivement perçu, raison pour laquelle il y a lieu de tenir compte du rappel de salaire dans le calcul de son salaire de référence.

M. X prétend encore que son employeur lui a imposé une astreinte permanente et qu’il intervenait au minimum 3 fois par mois la nuit et le week-end, alors qu’il n’a jamais reçu aucune contrepartie pour les périodes d’astreinte ni aucune rémunération pour les interventions.

Il conteste en outre les griefs formulés dans sa lettre de licenciement, dont il prétend que son employeur ne justifie pas et/ou dont il affirme qu’ils sont prescrits. Il en conclut que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

S’agissant du préjudice qu’il a subi, M. X met l’accent sur son ancienneté, son âge, le fait qu’il n’a pas retrouvé d’emploi malgré ses recherches et le caractère abusif et vexatoire de son licenciement. Il considère que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail doivent être écartées en l’espèce, en raison de leur contrariété avec celles de l’article 24 de la Charte sociale européenne, des articles 4 et 10 de la convention no 158 de l’OIT et du droit au procès équitable. Il soutient en effet que le plafond d’indemnisation prévu audit article ne permet pas au juge de tenir compte de l’ensemble des éléments de la situation du salarié, et donc de réparer intégralement le préjudice qu’il a subi.

M. X reproche enfin à son employeur d’avoir dissimulé son emploi salarié en ne mentionnant pas sur ses bulletins de salaire le nombre d’heures de travail réellement effectué. Il estime que la SASU International G, venant aux droits de la société CCE Logistique ne pouvait ignorer ses heures supplémentaires dès lors qu’il lui communiquait un relevé d’heures tous les mois, de telle sorte que le caractère intentionnel de l’infraction serait caractérisé.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 août 2020, la société International G, venant aux droits de la société CC2 Logistique, intimée, incidemment appelante, demande à la cour de :

— la recevoir en ses conclusions et l’y déclarer bien fondée,

— dire et juger le licenciement de M. X fondé sur une cause réelle et sérieuse,

— prononcer la jonction d’instance,

En conséquence,

— confirmer le jugement dont appel en date du 24 avril 2019 en ce qu’il a débouté M. X des demandes visant au paiement de :

35 474,19 euros au titre des heures supplémentaires non payées,

3 547,42 euros au titre des congés payés afférents,

48 145,81 euros à titre de contrepartie obligatoire en repos,

4 814,58 euros au titre des congés payés afférents,

18 000 euros à titre de contrepartie financière pour les périodes d’astreinte,

25 343,38 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

— infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

* dit que le licenciement de M. P-Q X par la SAS International G était intervenu sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la SAS International G à payer à M. P-Q X la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et

6 novembre 2020

sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* ordonné à la SAS International G de remettre à M. P-Q X un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement rendu, sous peine d’astreinte de 50 euros par jour de retard et par document non remis passé un délai de 1 mois suivant la notification du jugement,

* condamné la SAS International G à payer à M. P-Q X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* débouté la SAS International G de sa demande reconventionnelle relative à l’article 700 du code de procédure civile (i.e. 2 000 euros) et aux dépens,

* ordonné d’office le remboursement par la SAS International G aux organismes intéressés (Pôle Emploi région Centre) des indemnités de chômage versées à M. P-Q X, du jour du licenciement au jour du prononcé du jugement, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

* condamné la SAS International G aux dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— condamner M. X à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance.

À l’appui de ses prétentions, la société International G soutient tout d’abord que M. X n’a jamais mentionné aucun problème relatif au paiement de ses heures supplémentaires avant le projet de rachat de la société CC2 Logistique. Elle fait remarquer que les tableaux d’heures supplémentaires établis par le salarié ne font pas état de la quasi-totalité des heures supplémentaires dont il réclame paiement. Elle conteste en outre que ces tableaux aient été modifiés et affirme que certaines de ces heures ont été récupérées. Elle ajoute que les heures supplémentaires dont M. X demande paiement n’ont jamais été travaillées ni a fortiori demandées. Elle réfute également que celui-ci ait été le seul à avoir les clés des locaux de l’établissement et fait observer, en tout état de cause, que l’amplitude journalière ne se confond pas avec le temps de travail effectif. Elle conteste par ailleurs toute augmentation de la charge de travail des salariés. Elle en conclut que M. X doit être débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires et de paiement d’une indemnité compensatrice de contrepartie obligatoire sous forme de repos, en ce qu’il n’aurait pas dépassé le contingent annuel de 130 heures supplémentaires prévu par la convention collective.

La société International G fait ensuite observer qu’aucun système d’astreinte n’a été prévu au contrat de M. X et affirme ne jamais lui avoir imposé de se rendre dans les locaux de l’entreprise en dehors de ses horaires de travail. Elle ajoute que le salarié ne peut solliciter une indemnité évaluée forfaitairement, qu’il doit apporter la preuve des astreintes effectuées et calculer les rappels de salaire correspondants.

La société International G fait également valoir que le caractère intentionnel de l’infraction de travail dissimulé n’est pas constitué et que M. X n’apporte aucune preuve recevable des heures supplémentaires prétendument effectuées.

Elle soutient encore que le licenciement de M. X repose sur une cause réelle et sérieuse, détaillée dans la lettre de licenciement et matériellement vérifiable. Elle justifie le licenciement du salarié par son refus persistant de se conformer aux ordres et son opposition à la nouvelle politique de la société.

L’intimée conteste par ailleurs le salaire de référence calculé par M. X, en ce que ce dernier y intègre un rappel de salaire pour des heures supplémentaires non effectuées.

Elle affirme en outre que les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas dus, le licenciement étant justifié. Elle reproche aussi au conseil de prud’hommes de ne pas avoir respecté le barème imposé par l’article L. 1235-3 du code du travail. Elle fait également observer que l’argument de l’inconventionnalité du barème d’indemnisation a déjà été rejeté par le Conseil d’État. Elle fait encore grief à M. X de ne pas justifier de son préjudice.

6 novembre 2020

La société estime enfin ne pouvoir être condamnée au remboursement des indemnités de chômage versées par Pôle Emploi, en ce que le licenciement était justifié, et qu’il en va de même pour la rectification de l’attestation Pôle Emploi et la délivrance d’un nouveau bulletin de paie. Elle ajoute que M. X n’a jamais sollicité la rectification de son certificat de travail, le conseil de prud’hommes ayant ajouté à tort cette condamnation.

L’ordonnance de clôture, initialement intervenue le 5 juin 2020, a été reportée au 3 juillet puis au 2 septembre 2020.

SUR CE

Il sera rappelé à titre préliminaire que la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 19/00585 et 19/00611 ayant déjà été ordonnée sous le numéro 19/00585, il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires et pour contreparties obligatoires en repos

Il sera rappelé qu’en vertu de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, M. X verse en premier lieu à la procédure un décompte du nombre d’heures prétendument travaillées et les tableaux mensuels d’heures supplémentaires sur lesquels figurent celles qu’il affirme avoir réalisées.

Pour sa part, l’employeur verse également aux débats les tableaux mensuels d’heures supplémentaires prétendument établis chaque mois par M. X et dont il indique qu’ils étaient adressés par fax par Mme Y, alors responsable de la paie, au cabinet de comptabilité pour l’établissement des bulletins de salaire des salariés.

S’il existe des différences entre ces derniers tableaux et ceux produits par M. X dans le cadre de la présente procédure, il sera fait observer qu’aucun élément dans le dossier ne permet toutefois d’affirmer qu’elles puissent s’expliquer par le fait que l’employeur aurait procédé à la modification des dits tableaux avant de les transmettre au cabinet de comptabilité, ainsi que l’allègue M. X. Ce dernier ne produit en effet

aucun élément de nature à établir que Mme Y se voyait remettre ces tableaux sous forme informatique, de telle sorte qu’elle aurait été techniquement en mesure de les modifier de manière non manuscrite. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause la fiabilité des mentions contenues dans les tableaux produits par la SASU International G relativement aux heures supplémentaires réalisées par M. X.

En effet, la fiabilité de ces mentions est corroborée par le fait que M. X n’a adressé aucune réclamation à son employeur relativement au paiement de ses heures supplémentaires pendant près de cinq années, jusqu’à son courrier du 10 octobre 2017, alors même que lui serait due une créance de plus de 35 000 euros au titre des heures supplémentaires. Par ailleurs, l’appelant ne verse aux débats aucun élément permettant d’étayer l’allégation selon laquelle ce silence serait dû à la promesse de M. Z de lui régler ses heures supplémentaires seulement au moment de la vente de l’entreprise, étant précisé que l’attestation rédigée par l’ancien directeur général de la société n’a pas lieu d’être écartée des débats du seul fait de cette qualité.

6 novembre 2020

Il convient également de relever que le constat des heures supplémentaires effectuées par M. X en décembre 2017, janvier et février 2018 après le changement de direction ne saurait davantage étayer le fait qu’il aurait effectué de telles heures supplémentaires de manière régulière avant le changement de direction, dès lors qu’aucun indice dans le dossier ne

permet de déterminer si la réalisation de ces heures était de nature structurelle ou conjoncturelle.

De même, le fait qu’une indemnité transactionnelle forfaitaire de 28 000 euros bruts ait été prévue dans un projet de protocole d’accord transactionnel relatif à la rupture du contrat de travail de l’appelant ne saurait indiquer l’existence de telles heures supplémentaires.

Par ailleurs, M. X ne peut davantage invoquer une réduction d’effectif et une augmentation du chiffre d’affaires pour étayer l’existence d’une charge de travail nécessitant en elle-même la réalisation de nombreuses heures supplémentaires, dès lors qu’il n’existe pas de lien de corrélation nécessaire entre ces différents paramètres, la SASU International G expliquant pour sa part cette réduction d’effectif par une diminution de la surface de l’entrepôt.

S’agissant de l’ouverture et de fermeture des locaux du dit entrepôt, M. X affirme avoir été le seul à détenir les clés des locaux, ce que conteste l’employeur, de telle sorte qu’il devait être présent avant l’embauche de ses collègues entre 6h et 7h du matin et jusqu’au soir vers 19h. Le salarié verse aux débats les témoignages de MM. A et B, qui attestent pour l’un que M. X était « toujours présent au minimum dès 7h00 du matin afin de préparer le travail et ne partait jamais avant 18h00 ou 19h00 » et pour l’autre que M. X était toujours présent lorsqu’il démarrait sa journée à «7h00 ou 6h00 du matin » et lorsqu’il les finissait « à 18h00 ou 19h00 ». M. C, chauffeur-livreur, atteste pour sa part qu’à chacun de ses déplacements sur le site, M. X était présent dès 7 heures et ne quittait pas ce lieu avant 19 heures.

La force probante de ces attestations est toutefois sujette à caution, d’une part, en raison de l’imprécision de leur contenu et, d’autre part, dans la mesure où il n’est pas établi que les témoins aient pu constater personnellement les faits. MM. A et B ne travaillaient en effet que 35 heures par semaine et, à les supposer avérés, M. C relate des faits s’étant nécessairement produits en dehors des horaires de livraison de l’entrepôt au sujet desquels il est écrit dans un message électronique rédigé par M. D qu’ils s’échelonnaient de 8h à 11h30 et de 13h à 16h30, hormis le vendredi où ils s’arrêtaient à 15h30, les horaires d’ouverture de l’entrepôt étant quant à eux les suivants : « 8h-12h ' 14h-18h du lundi au jeudi, 8h-12h ' 14h-17h le vendredi ». Il n’est donc pas établi que M. X ait dû régulièrement commencer sa journée vers 6h ou 7h du matin pour la terminer vers 19h.

Il résulte de l’ensemble de ces considérations et des pièces du dossier que l’appelant échoue à remettre en cause la véracité des tableaux mensuels d’heures produits par son employeur dans le cadre de la présente

procédure et, partant, à étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires non rémunérées, de sorte qu’en définitive, aucune heure supplé-mentaire et par voie de conséquence aucune contrepartie obligatoire en repos ne lui est due.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formulées par M. X au titre d’un rappel de salaire sur heures supplémentaires ainsi qu’au titre des congés payés afférents, outre à de ses demandes afférentes aux contreparties obligatoires en repos et congés payés afférents.

Sur le rappel de rémunération pour astreinte

6 novembre 2020

Il sera rappelé que l’article L. 3121-9 du code du travail définit la période d’astreinte comme « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise ».

En l’espèce, M. X soutient avoir été d’astreinte permanente en dehors de ses horaires de travail et être intervenu plusieurs fois par mois la nuit et le week-end. Le contrat de travail de M. X ne prévoyant aucune période d’astreinte, cette allégation n’est soutenue que par les seuls témoignages de M. A, lequel atteste de ce que « toutes les alarmes de CC2 Logistique arrivaient sur le téléphone professionnel de P-Q X » et de M. B, qui écrit : « j’ai également constaté que les alarmes de CC2 Logistique arrivaient toujours sur le téléphone professionnel de J.-M. X 06.33.34.12.29. Il nous disait souvent s’être déplacé la nuit ou le week-end pour les alarmes ».

Or, ni M. A, ni M. B ne précisent le moment durant lequel ils ont effectué ces constatations, tandis que M. B se limite à reproduire les propos de l’appelant selon lesquels ce dernier se serait souvent déplacé la nuit et le week-end. Aucun des deux témoins n’a personnellement constaté que M. X recevait effectivement des communications de la société Opti Sécurité en dehors des horaires mentionnés sur son contrat de travail (8h-12h et 14h-18h du lundi au jeudi, 8h-12h, 14h-17h le vendredi) et, particulièrement la nuit et le week-end. Il en résulte que ces seules attestations ne suffisent pas a établir que M. X recevait des appels relatifs au déclenchement des alarmes sur son téléphone professionnel le soir ou le week-end, et moins encore qu’il était tenu d’une obligation d’y répondre et de se rendre sur le site de l’établissement. L’appelant échoue donc à établir qu’il était tenu « d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » du fait des astreintes qu’il aurait du assumer.

Le jugement entrepris sera donc confirmé ce qu’il a rejeté la demande de M. X au titre de la contrepartie financière pour périodes d’astreinte.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Dans la mesure où aucune heure supplémentaire ou heure d’astreinte impayée n’est toutefois due à M. X, sa demande au titre du travail dissimulé sera nécessairement rejetée, le jugement entrepris étant également confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; si un

doute subsiste, il profite au salarié.

L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle, « précisée le cas échéant par l’employeur, fixe les limites du litige » conformément aux dispositions de l’article L 1235-2 du code du travail. Les griefs avancés doivent être fondés sur des faits exacts, précis, objectifs et matériellement vérifiables. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la lettre de licenciement notifiée le 11 janvier 2018 mentionne d’une part « des difficultés et une réticence voire refus [de la part de M. X] de communiquer les informations demandées » à la suite du rachat de la société et relate d’autre part que « les discussions relatives aux pistes d’optimisation des coûts se sont soldées par des échecs ['] Vous avez alors expliqué que vous aviez toujours géré le site en toute autonomie ['] vous n’aviez pas de conseils à avoir de la part de l’entreprise ».

S’agissant du premier grief, la société reproche plus précisément à M. X d’avoir

6 novembre 2020

manifesté une attitude d’opposition, allant jusqu’à tenter de faire échouer l’opération de cession de l’entreprise, mentionnant plus particulièrement son refus de signer la lettre d’information du projet de vente le 7 septembre 2017 ainsi que sa dénonciation mensongère d’une prétendue facturation indue opérée par l’un des contractants de la société. Elle indique que M. Z s’en est plaint le 24 octobre 2017 auprès de la société International G en écrivant à propos de M. X « on peut se demander jusqu’où peut aller son chantage ! Il ne peut accepter la vente de l’entreprise ! ». Elle ajoute que M. X a retenu certaines informations et lui reproche son attitude constante d’insubordination.

Il ressort en réalité du dossier que les seules pièces de nature à étayer ce grief sont constituées d’une part, par la lettre du 7 septembre 2017, réceptionnée le 9 septembre par M. X et restée sans réponse, et, d’autre part, par deux courriels du 24 octobre 2017, l’un envoyé par M. X à M. Z et l’autre envoyé par M. Z à M. H.

Or, s’agissant d’un licenciement pour faute, comme rappelé par la SAS International G dans ses conclusions, il sera fait observer que le premier de ces faits s’est produit plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires par la lettre de convocation à entretien préalable en date du 12 décembre 2017. Ensuite, s’agissant du second grief, le seul signalement d’une difficulté relative à une facturation, au surplus dans un courriel adressé à M. Z et non directement à la société International G, ne saurait s’analyser en une déloyauté caractérisée par une attitude d’opposition ou une tentative de faire échouer l’opération de cession, quand bien même cette information aurait été erronée ou que M. Z aurait jugé le comportement du salarié comme constitutif d’un « chantage ».

Dès lors, comme l’ont justement retenu les premiers juges, aucun autre élément ne vient étayer la prétendue déloyauté de M. X postérieurement au rachat de la société, de sorte que le premier grief invoqué dans la lettre de licenciement ne saurait être retenu.

S’agissant du second grief, la société International G reproche plus précisément à M. X de s’être opposé à la proposition de renouvellement du stock du parc de chariots, d’avoir remis en cause l’autorité et les compétences de son nouvel employeur, d’avoir affirmé qu’il n’était pas nécessaire d’échanger le logiciel de gestion de l’entrepôt et d’avoir refusé de rendre compte de ses activités dans le cadre de la réorganisation opérée. Ces reproches ne sont toutefois étayés par aucune pièce portant sur des faits récents.

Pour justifier de l’attitude ancienne et systématique d’opposition du salarié face à sa hiérarchie, la société produit un courriel de M. I J de la société Ricoh France SAS lui transmettant une copie du contrat de 2015 relatif aux copieurs de l’entreprise, signé par M. X, alors que ce dernier n’aurait pas reçu délégation pour signer le mandat SEPA et qu’il aurait refusé par la suite de lui fournir le nouveau contrat

malgré ses demandes répétées. Elle produit en outre un devis de juillet 2016 d’un montant de 45 000 euros HT, signé par M. X sans accord de sa direction, ainsi qu’en atteste M. Z.

La société ajoute que M. X avait été averti lors de son entretien professionnel du 7 décembre 2016 de la nécessité d’améliorer son comportement, le rapport d’entretien faisant mention d’un « relationnel difficile avec la hiérarchie et les différents services du client G », rapport d’entretien que M. X a refusé de signer, ce qui marquerait une fois encore son opposition. Elle indique enfin qu’il entretenait des relations conflictuelles avec les agences d’intérim et les intérimaires, produisant une lettre de Mme K L, épouse d’un ancien intérimaire de l’entreprise, se plaignant du comportement irrespectueux de M. X à l’encontre de son mari.

Il convient toutefois de faire observer, comme l’ont relevé les premiers juges, que les signatures du devis Ricoh et du contrat Chubb sans autorisation préalable remontent à 2015 et 2016, de telle sorte que les faits invoqués étaient prescrits au moment de l’engagement des poursuites disciplinaires, l’employeur ne pouvant raisonnablement affirmer n’en avoir été informé qu’à la fin de l’année 2017. Il ne saurait ensuite être reproché à M. X d’avoir fait preuve d’opposition en refusant de signer son rapport d’entretien professionnel du 7 décembre 2016, dès lors que ce fait particulier remonte également à plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires. Pour le même motif, la lettre de Mme K L, réceptionnée par l’employeur le 1er février 2017, ne peut venir établir le relationnel préten-

6 novembre 2020

dument difficile de M. X avec les intérimaires. En effet, l’appelant produit quant à lui aux débats un courrier établi par Mme E, responsable d’une agence d’intérim, lequel n’obéit certes pas aux conditions de l’article 202 du code de procédure civile pour pouvoir revêtir le qualificatif d’attestation mais qui n’en constitue pas moins un autre mode de preuve. Dans ce courrier, Mme E affirme que « les relations entre l’agence et son client ont toujours été respectueuses, professionnelles. Monsieur X est l’un des clients les plus actifs, en matière de diversité et de production de talents que l’agence ait eu ».

Il en résulte que le second grief visé dans la lettre de licenciement n’est pas davantage établi.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a jugé que le licenciement de M. X est intervenu sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités dues au titre du licenciement

Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail prévoient qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et à défaut de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris, pour les salariés ayant 5 années d’ancienneté et employés dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, entre 3 mois et 6 mois de salaire brut.

En octroyant à M. X 30 000 euros de dommages et intérêts, les premiers juges ont implicitement écarté l’application de ces dispositions légales.

En cause d’appel, M. X soulève en l’espèce l’inconventionnalité de ces dispo-sitions en ce qu’elles seraient contraires à celles des articles 4 et 10 de la convention N°158 de l’OIT et à celles de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 révisée, outre en ce qu’elles heurteraient le droit au procès équitable inscrit à l’article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il en déduit que l’application des dispositions nationales porte une atteinte disproportionnée à ses droits et le prive de la possibilité d’être intégralement indemnisé du préjudice qu’il a subi.

Il sera toutefois rappelé que les dispositions précitées de l’article L 1235-3, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité susceptible de leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles

n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 6,§1 précité.

Par ailleurs, en ce qu’elles laissent une trop importante marge d’appréciation aux parties contractantes pour permettre à des particuliers de s’en prévaloir dans le cadre d’un litige devant les juridictions judiciaires nationales, les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne révisée ne sont pas d’applicabilité directe en droit interne.

Tel n’est pas le cas en revanche de l’article 10 de la convention N°158 de l’OIT sur le licenciement.

Ce texte stipule que, lorsque les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et, si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

L’indemnité est « adéquate » lorsque son montant est suffisamment dissuasif pour éviter le licenciement injustifié. Il doit raisonnablement permettre d’atteindre le but visé, à savoir l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

En droit français, l’article L 1235-3 du code du travail permet de moduler l’indemnisation du dommage causé par le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d’un salarié en

6 novembre 2020

fonction de l’ancienneté, critère objectif du préjudice subi et de l’adapter dans les limites légales, à la situation de chaque salarié selon des critères qui lui sont propres. En outre, une possibilité de voies alternatives est ouverte dès lors qu’un licenciement est considéré comme nul ou pour permettre au salarié de demander réparation de préjudices distincts de la perte d’emploi.

Le plafonnement instauré par les dispositions précitées de l’article L 1235-3 présente des garanties suffisantes pour qu’au regard de l’objectif poursuivi, l’atteinte nécessaire aux droits fondamentaux n’apparaisse pas en elle-même disproportionnée.

Le contrôle de conventionnalité, exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif conduit par conséquent à conclure, peu important la situation de M. X, à la conventionnalité de celui-ci.

Pour autant, lorsqu’un licenciement est injustifié, le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l’occurrence l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi.

Or, en l’espèce, il apparaît que M. X était âgé de 59 ans au jour de son licenciement et comptabilisait 5 années d’ancienneté au sein de l’entreprise. Il justifie d’un nombre impressionnant de recherches d’emploi demeurées vaines sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas les avoir circonscrites à son domaine de compétences, la logistique. En effet, eu égard à son âge et au marché français de l’emploi, il était de son intérêt d’étendre ses recherches bien au-delà de son domaine principal de compétences. Il ne peut davantage lui être reproché la tardiveté de ses recherches puisque, sur la période d’octobre 2019 à juillet 2020, il justifie d’au moins 177 dépôts de candidatures.

Eu égard à son âge, 59 ans, et à la difficulté qui en résulte pour lui et dont il justifie de retrouver un emploi dans un marché du travail en tension, l’application des dispositions précitées de l’article L 1235-3 du code du travail porte en l’espèce une atteinte disproportionnée à ses droits en ce qu’elle ne permet pas l’indemnisation intégrale de son préjudice. Elle contrevient pour ce motif aux dispositions précitées de l’article 10 de la convention N°158 de l’OIT.

C’est par conséquent à bon droit que les premiers juge s ont en l’espèce écarté l’application des dispositions de l’article L 1235-3.

Le salaire mensuel moyen brut de M. X, tel qu’il résulte des bulletins de paie des mois d’octobre, novembre et décembre 2017, s’établit à la somme de 3 860,74 euros.

Eu égard à la situation personnelle de l’appelant, telle qu’elle vient d’être rappelée, le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il lui a alloué la somme de 30 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme venant indemniser intégralement le préjudice qu’il a subi du fait du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse dont il a fait l’objet.

Ces dommages et intérêts seront exonérés de CSG et CRDS dans la limite du montant minimum prévu par les dispositions de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale pour l’indemnité concernée.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a ordonné le remboursement par la société International G des indemnités de chômage versées à M. X dans la limite de six mois d’indemnités.

La société International G sera également condamnée à remettre à M. X une nouvelle attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt dans un délai d’un mois, sans qu’il y ait lieu, toutefois, d’assortir cette obligation d’une quelconque astreinte provisoire.

6 novembre 2020

Les parties succombant partiellement en leurs prétentions respectives, chacune d’elle conservera la charge de ses propres dépens.

L’équité commande enfin de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Châteauroux en date du 24 avril 2019, sauf en ce qu’il a assorti d’une astreinte provisoire l’obligation faite à la société International G de remettre à M. P-Q X un bulletin de salaire et un certificat de travail conformes à la dite décision,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que les dommages et intérêts alloués seront exonérés de CSG et CRDS dans la limite des dispositions de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale,

Condamne la société International G à remettre à M. P-Q X une nouvelle attestation Pôle Emploi conforme dans le délai d’un mois du présent arrêt,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Dit que chaque partie supportera la charge des dépens personnellement exposés pour les besoins de l’instance d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme O, conseillère la plus ancienne ayant participé aux débats et au délibéré, et Mme M, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA CONSEILLÈRE,

S. M A. O



Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 6 novembre 2020, n° 19/00585