Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 31 octobre 2019, n° 18/00400

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 31 oct. 2019, n° 18/00400
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 18/00400
Décision précédente : Tribunal d'instance de Lisieux, 17 décembre 2017, N° 17-000029
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 18/00400 -

N° Portalis DBVC-V-B7C-GAIF

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal d’Instance de LISIEUX en date du 18 Décembre 2017 -

RG n° 17-000029

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2019

APPELANTE :

Madame X, A Y

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et assistée de Me Noël PRADO, avocat au barreau de LISIEUX

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022018001089 du 15/02/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CAEN)

INTIMEE :

Madame Z-F E

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée et assistée de Me Pierre BLIN, avocat au barreau de LISIEUX

C D :

Madame G J K E

née le […] à […]

[…]

[…]

Monsieur H M-N E

né le […] à […]

[…]

[…]

représentés et assistés de Me Pierre BLIN, avocat au barreau de LISIEUX

DEBATS : A l’audience publique du 09 septembre 2019, sans opposition du ou des avocats, Mme BRIAND, Président de chambre, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme BRIAND, Président de chambre,

Mme HEIJMEIJER, Conseiller,

Mme GOUARIN, Conseiller,

ARRÊT prononcé publiquement le 31 octobre 2019 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Mme ANCEL, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 01er décembre 2001, Madame Z-F E a donné en location à Madame X Y un logement situé 9 avenue J.F. Kennedy, Résidence Gay-Lussac à Trouville-sur-Mer, moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 541,19 euros hors charges.

Par acte du 23 mai 2016, Madame Z-F E a notifié à Madame X Y un congé pour reprise puis, le 20 juillet 2016, lui a délivré un commandement de payer les loyers.

Ce commandement étant demeuré impayé, Madame Z-F E l’a assignée devant le tribunal d’instance de Lisieux, par exploit du 30 décembre 2016, aux fins de condamnation en paiement.

Par jugement du 18 décembre 2017, le tribunal d’instance de Lisieux a :

Vu la loi du 06 juillet 1989,

— déclaré recevable la procédure de constatation de la résiliation du bail,

Vu le commandement de payer du 20 juillet 2016,

— constaté l’acquisition, au 20 septembre 2016, de la clause résolutoire insérée au bail du 01er décembre 2001 consenti à Madame X Y sur le logement de Trouville-sur-Mer, Résidence Gay-Lussac,

— débouté Madame X Y de sa demande de délais,

— condamné Madame X Y à payer à Madame Z-F E la somme de 6.059,26

euros, montant de la dette locative au 20 septembre 2016, pour l’occupation de ce logement, et celle de 605,92 euros au titre de la clause pénale,

— l’a condamnée, en outre, à verser à Madame Z-F E, mois après mois, une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant du loyer avec charges depuis le 20 septembre 2016, jusqu’à complète libération par elle des lieux objets du bail,

— ordonné la libération par Madame X Y, ses effets et biens et tout occupant de son chef, des lieux donnés à bail à Trouville-sur-Mer,

— dit qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à l’expulsion de Madame X Y à l’expiration d’un délai de deux mois depuis le commandement de quitter les lieux qui sera délivré à celle-ci,

— rejeté comme mal-fondée la demande reconventionnelle,

— débouté les parties de leurs autres prétentions,

— condamné Madame X Y aux dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 20 juillet 2016.

Madame X Y a relevé appel de cette décision par déclaration reçue le 04 février 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe en date du 03 mai 2018, Madame X Y a demandé à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 24 juillet 1989,

Vu les dispositions des articles 1303 et suivants du code civil issus de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Lisieux le 18 décembre 2017,

A titre principal,

Déclarer irrecevable la procédure mise en oeuvre par assignation délivrée le 30 décembre 2016 au bénéfice de Madame E,

A titre subsidiaire,

Dire et juger non valide le congé pour reprise personnelle délivré le 23 mai 2016,

A titre reconventionnel,

Condamner Madame E à régler à Madame Y la somme de 16.088,44 euros au titre des travaux dont elle s’est acquittée et qui incombait au bailleur,

Dire et juger qu’il s’opérera une compensation entre la condamnation ainsi prononcée et celle résultant du montant des loyers et indemnités d’occupation pouvant être dus par Madame Y,

A titre subsidiaire,

Réduire à de plus justes proportions la clause pénale sollicitée,

Suspendre les effets de la clause résolutoire et dire et juger que Madame Y pourra bénéficier des plus larges délais de paiement sur une période de 24 mois pour s’acquitter de la condamnation que viendra à arbitrer la cour après compensation en procédant au versement de 23 mensualités égales, le solde de la créance se trouvant réglé à la 24e échéance,

Condamner Madame E aux entiers dépens qui seront recouverts comme en matière d’aide juridictionnelle.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe en date du 02 juillet 2018, Madame Z-F E a demandé à la cour de :

Déclarer recevable mais mal-fondée Madame X Y en son appel du jugement rendu le 18 décembre 2017 par le tribunal d’instance de Lisieux,

Déclarer recevable et fondée Madame Z-F E en son appel incident,

Débouter Madame X Y de l’ensemble de ses demandes,

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté l’acquisition, au 20 septembre 2016, de la clause résolutoire insérée au bail du 01er décembre 2001,

A titre subsidiaire,

Constater la résiliation du bail à la date du 30 novembre 2016, par suite du congé bail délivré le 23 mai 2016,

En tout état de cause,

Débouter Madame Y de l’ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

— débouté Madame X Y de sa demande de délais de paiement,

— condamné Madame X Y à payer à Madame Z-F E la somme de 6.069,26 euros, montant de la dette locative au 20 septembre 2016, pour l’occupation du logement, et celle de 605,92 euros au titre de la clause pénale,

— condamné à verser à Madame Z-F E, mois après mois, une indemnité mensuelle d’occupation, depuis le 20 septembre 2016, jusqu’à complète libération par elle, des lieux objets du bail,

— ordonné la libération par Madame X Y, ses effets et biens et tout occupant de son chef, des lieux donnés à bail,

— dit qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à l’expulsion de Madame X Y,

— rejeté comme mal-fondée la demande reconventionnelle,

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— débouté Madame Z-L E de sa demande tendant à ce que l’expulsion de Madame Y soit prononcée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

— limité la condamnation de Madame Y à lui verser une indemnité d’occupation correspondant seulement au montant du loyer et des charges, sans l’augmenter d’une indemnité de 10 % conformément à la clause pénale,

— débouté Madame Y de sa demande tendant à ce que le dépôt de garantie lui reste acquis,

Statuant à nouveau,

Ordonner l’expulsion de Madame Y et celle de tout occupant et de tout bien de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

Condamner Madame Y à verser à Madame E une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, augmentée de 10 % depuis le 20 septembre 2016 à titre principal, ou depuis le 30 novembre 2016 à titre subsidiaire, et ce jusqu’à son départ effectif,

Octroyer à Madame E l’acquisition du dépôt de garantie, en application de la clause pénale, soit la somme de 1.082,38 euros,

Condamner Madame Y à verser à Madame E la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l’exécution provisoire,

Condamner Madame Y aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe en date du 22 mai 2019, Madame G E et Monsieur H E ont demandé à la cour de :

Donner acte à Madame G E et à Monsieur H E de leur intervention volontaire, en leur qualité de bénéficiaires de la donation portant sur l’usufruit des biens loués à Madame X Y, objet du présent litige,

Déclarer recevable mais mal-fondée Madame X Y en son appel du jugement rendu le 18 décembre 2017 par le tribunal d’instance de Lisieux,

Déclarer recevables et fondés les consorts E en leur appel incident,

A titre principal,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté l’acquisition, au 20 septembre 2016, de la clause résolutoire insérée au bail du 01er décembre 2001,

A titre subsidiaire,

Constater la résiliation du bail à la date du 30 novembre 2016, par suite du congé bail délivré le 23 mai 2016,

En tout état de cause,

Débouter Madame Y de l’ensemble de ses demandes,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— débouté Madame X Y de sa demande de délais de paiement,

— condamné Madame X Y à payer à Madame Z E la somme de 6.069,26 euros, montant de la dette locative au 20 septembre 2016, pour l’occupation du logement et celle de 605,92 euros au titre de la clause pénale,

— condamné à verser à Madame Z E, mois après mois, une indemnité mensuelle d’occupation, depuis le 20 septembre 2016, jusqu’à complète libération par elle des lieux objets du bail,

— ordonné la libération par Madame X Y, ses effets et biens et tout occupant de son chef, des lieux donnés à bail,

— dit qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à l’expulsion de Madame Y,

— rejeté comme mal-fondée la demande reconventionnelle,

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— débouté Madame E de sa demande tendant à ce que l’expulsion de Madame Y soit prononcée sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

— limité la condamnation de Madame Y à lui verser une indemnité d’occupation correspondant seulement au montant du loyer et des charges, sans l’augmenter d’une indemnité de 10 % conformément à la clause pénale,

— débouté Madame Y de sa demande tendant à ce que le dépôt de garantie lui reste acquis,

Statuant à nouveau,

Ordonner l’expulsion de Madame Y et celle de tout occupant et de tout bien de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision,

Condamner Madame Y à verser à Madame E une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, augmentée de 10 % depuis le 20 septembre 2016 à titre principal, ou depuis le 30 novembre 2016 à titre subsidiaire, et ce jusqu’à son départ effectif,

Octroyer à Madame E l’acquisition du dépôt de garantie, en application de la clause pénale, soit la somme de 1.082,38 euros,

Condamner Madame Y à verser aux concluants la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonner l’exécution provisoire,

Condamner Madame Y aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet des moyens développés.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 05 juin 2019.

MOTIFS

- Sur la recevabilité de l’intervention volontaire

Conformément aux dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Madame G E et Monsieur H E justifient que par acte authentique en date du 28 décembre 2017, Madame Z-F E, leur mère, leur a fait donation, entre autres, des lots 5 et 14 dépendant d’un ensemble immobilier situé à Trouville-sur-Mer, avenue du Président J.F. Kennedy, section AZ n°406, comprenant le logement donné en location à Madame X Y, et consenti à chacun d’eux la moitié dudit usufruit évalué à la somme totale de 69.000 euros.

Compte tenu de cette donation-partage, Madame G E et Monsieur H E sont recevables à intervenir volontairement sur la procédure.

- Sur le moyen d’irrecevabilité tiré du non-respect des dispositions de l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989

L’article 24 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au moins deux mois avant l’audience (…).

Madame X Y soutient que les demandes formées par les consorts E sont irrecevables dès lors que le délai entre la délivrance de l’assignation et la date d’audience devant le tribunal d’instance de Lisieux est inférieur au délai de deux mois prévu à l’article 24 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989. Elle relève, en outre, que l’assignation n’a pas été régulièrement dénoncée aux services de la Préfecture.

Les consorts E répliquent que contrairement à ce que soutient l’appelante, les formalités prévues à l’article 24 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 ont bien été respectées. D’une part, ils soulignent que ces dispositions prévoient seulement l’obligation pour le bailleur de notifier l’assignation au représentant de l’Etat dans le département par lettre recommandée avec avis de réception deux mois au moins avant l’audience, ce dont il est justifié en l’espèce, le service social de la Sous-Préfecture de Lisieux ayant été saisi le 26 juillet 2016, soit sept mois avant la saisine du tribunal. D’autre part, les consorts E rappellent qu’en toute hypothèse, seule la demande, à titre principal, fondée sur l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement est concernée par l’article 24. Dès lors, ils font valoir que la demande subsidiaire tendant à voir constater la résiliation du bail par l’effet du congé délivré pour reprise personnelle n’encourt aucune irrecevabilité.

En l’espèce, les bailleurs produisent un courrier électronique daté du 26 juillet 2016 ayant pour objet la saisine de la CCAPEX, adressé par l’huissier instrumentaire à la Sous-Préfecture de Lisieux, auquel le secrétariat a accusé réception le même jour. Ils transmettent, en outre, la fiche de renseignements retournée le 30 août 2017 par le service de la cohésion sociale.

Toutefois, la saisine de la CCAPEX ne dispense pas le bailleur, qui agit en constat de la résiliation du bail, de la notification de l’assignation au représentant de l’Etat dans le département par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ainsi que l’exigent les dispositions précitées de l’article 24.

Or, les consorts E ne justifient pas avoir notifié au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’assignation datée du 30 décembre 2016.

A défaut, leur demande aux fins de constat de la résiliation du bail, motif pris du non-paiement des loyers et des charges aux termes convenus, est irrecevable.

En revanche, leur demande tendant à voir constater la résiliation du bail compte tenu du congé pour reprise personnelle délivré à la locataire, n’est pas concernée par les dispositions de l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989, et est donc recevable.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être réformé sur ce point.

- Sur la validité du congé pour reprise personnelle et ses effets

Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 06 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire de l’une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu’il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu’il émane du bailleur.

En l’espèce, Madame Z-F E a fait délivrer à Madame X Y un congé pour reprise personnelle par acte d’huissier du 23 mai 2016, aux termes duquel il était précisé, d’une part, que le bail venait à échéance le 30 novembre 2016 et, d’autre part, que ce congé était motivé par la volonté du bailleur 'de reprendre le logement au bénéfice de sa fille, à savoir Madame G E, actuellement domiciliée […] MARS'. Cette décision de reprise était par ailleurs justifiée par 'le fait que Madame G E se sépare de son conjoint, seul propriétaire du domicile qu’elle occupe actuellement'.

Madame X Y conteste ce congé, considérant qu’il n’est pas établi que Madame G E entend effectivement occuper le logement dès lors qu’elle exerce son activité professionnelle en région parisienne.

Mais en l’espèce, Madame G E justifie que son métier de rédactrice, exercé en free-lance, ne lui impose pas de résider auprès du siège social de la société pour laquelle elle travaille.

Les motifs invoqués à l’appui du congé délivré par la bailleresse apparaissent, dès lors, suffisamment réels et sérieux pour considérer celui-ci comme valide.

Il convient, dans ces circonstances, de constater la résiliation du bail au 30 novembre 2016 et d’ordonner l’expulsion de Madame X Y ainsi que celle de toute personne occupant les lieux de son chef. En revanche, c’est à juste titre que le premier juge a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’assortir cette décision du prononcé d’une astreinte.

Par conséquent, le jugement entrepris doit être réformé, sauf en ce qu’il a ordonné l’expulsion de Madame X Y et débouté Madame Z-F E de sa demande relative au prononcé d’une astreinte.

- Sur la demande en paiement des loyers et charges

Madame Z-F E produit un décompte arrêté au 02 décembre 2016 et justifie du quantum de sa créance.

La résiliation du bail étant intervenue le 30 novembre 2016, Madame X Y se trouve donc débitrice d’une somme de 7.653,56 euros au titre des loyers et charges dus à cette date.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a condamné Madame X Y à payer à Madame Z-F E 6.059,26 euros, montant de la dette locative au 20 septembre 2016.

Le jugement entrepris est donc confirmé, sauf à préciser que du 20 septembre au 30 novembre 2016, Madame X Y se trouve redevable, non d’une indemnité d’occupation, mais de loyers et charges à hauteur de 1.594,30 euros.

- Sur la demande reconventionnelle en paiement des travaux

Madame X Y sollicite reconventionnellement la condamnation de la partie bailleresse à lui rembourser la somme de 16.088,44 euros correspondant à des travaux qu’elle a fait réaliser dans le logement. Elle se prévaut des dispositions de l’article 1303 du code civil, dans sa version issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, relatives à l’enrichissement sans cause.

Les consorts E s’opposent à cette demande. Ils répliquent que la locataire n’a jamais requis le consentement de Madame Z-F E pour procéder à certains travaux et qu’à défaut, ceux-ci doivent rester à sa charge en application de l’article 2.3 du contrat de location.

L’article 2.3 du contrat de bail prévoit que le locataire ne pourra faire aucun changement de distribution des lieux loués, ni aucune démolition, sans le consentement écrit du bailleur ou de son mandataire (…). Tous les embellissements ou améliorations faits par le locataire, notamment verrous, sonneries, canalisations et installations d’eau, de gaz, d’électricité, armoires et planches fixées aux murs et aux portes, installations sanitaires, de chauffage, de chauffe-eau, resteront acquis au bailleur sans indemnité.

Madame X Y verse aux débats diverses factures datées de 2002 à 2009 relatives à la réparation d’une fuite dans les WC, à la réfection de la salle de bains et des WC, à des travaux de plomberie et de chauffage dans la salle de bains et à la fourniture et la pose de châssis, de nouvelles menuiseries en PVC et de volets roulants.

Toutefois, elle ne justifie pas avoir sollicité l’autorisation de la bailleresse en vue de la réalisation de ces travaux, à l’exception de ceux afférents aux volets roulants, et dont le coût a été pris en charge par Madame Z-F E comme en attestent les courriers adressés par l’agence REIX et les devis et factures de l’entreprise Castelain.

Or, les travaux de réfection et de plomberie excèdent l’entretien courant du logement et devaient faire l’objet d’une autorisation expresse de la bailleresse, ce dont il n’est pas justifié.

Le moyen tiré de l’enrichissement sans cause est dénué de toute pertinence et ne saurait suppléer l’absence d’accord écrit de la bailleresse sur les travaux réalisés, ni même justifier le non-paiement des loyers.

A défaut, les dépenses engagées à ce titre par Madame X Y doivent demeurer à sa charge.

Par substitution de motifs, la décision déférée est, par conséquent, confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande reconventionnelle de Madame X Y.

- Sur l’indemnité d’occupation et l’application de la clause pénale

Selon l’article 2.13 du contrat de bail, en cas de congé ou de résiliation, si le locataire se maintient après l’expiration du bail, il sera redevable d’une indemnité d’occupation au moins égale au montant du dernier loyer, charges, taxes et accessoires réclamé.

Madame X Y, qui est occupante sans droit ni titre depuis le 30 novembre 2016, doit donc être condamnée à verser à la bailleresse une indemnité d’occupation à compter de cette date et jusqu’à la libération effective des lieux.

L’article 2.12.1 du contrat de bail stipule qu’à défaut de paiement à son échéance exacte d’un terme de loyer et de ses accessoires, les sommes dues seront majorées de plein droit de 10 % à titre de clause pénale, cette majoration ne constituant en aucun cas une amende, mais la réparation du préjudice subi par le bailleur, sans que cette stipulation puisse lui faire perdre le droit de demander l’application de la clause résolutoire.

Le caractère de clause pénale de ces dispositions contractuelles n’est pas discuté par les parties.

Le premier juge a fait application de ladite clause et dit que Madame X Y devra régler une somme équivalente à 10 % du montant des loyers et charges échu au 20 septembre 2016, soit 605,92 euros (10 % de 6.059,26 euros).

Devant la cour, Madame X Y s’oppose à son application et demande sa réduction à de plus justes proportions.

Madame Z-F E réplique avoir subi un préjudice certain du fait de la défaillance de la locataire justifiant qu’elle soit condamnée au versement d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges, augmenté de 10 % depuis le 20 septembre 2016, à titre principal, ou depuis le 30 novembre 2016, à titre subsidiaire.

Il est constant que nonobstant le congé qui lui a été délivré le 23 mai 2016 et le commandement de payer qui lui a été signifié le 20 juillet 2016, Madame X Y n’a pas restitué les lieux et ne s’est pas acquittée des loyers et charges échus.

Mais la cour rappelle que le préjudice subi par le bailleur, privé du paiement du loyer aux termes convenus, est réparé par les intérêts moratoires de la créance.

La majoration de 10 % sollicitée apparaît, dès lors, manifestement excessive et contribue à aggraver davantage la dette de la locataire défaillante.

Dans ces conditions, il convient de débouter les consorts E de leur demande tendant à ce qu’il soit fait application de l’article 2.12.1 du contrat de location.

Madame X Y est donc condamnée à verser à Madame Z-F E une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 30 novembre 2016 et jusqu’à la complète libération des lieux.

Le jugement entrepris doit être réformé en conséquence.

Les consorts E demandent qu’il soit dit que le dépôt de garantie demeurera acquis à la bailleresse en application de la clause pénale.

Mais le dépôt de garantie, prévu pour garantir l’exécution de ses obligations locatives par le locataire, a vocation à être restitué à l’issue de la remise des clés, déduction faite, le cas échéant, des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu aux lieu et place du locataire, sous réserve qu’elles soient dument justifiées.

En l’espèce, la remise des clés n’étant pas encore intervenue et aucun état des lieux de sortie n’ayant été réalisé, la demande tendant à ce que le dépôt de garantie demeure acquis à Madame Z-F E est rejetée.

La décision déférée est donc confirmé sur ce point.

- Sur les délais de paiement

En application des dispositions de l’article 1244-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Madame X Y demande des délais de paiement sur une période de 24 mois en application des dispositions de l’article 1244-1 ancien du code civil. Elle explique n’avoir pu exercer son activité professionnelle et avoir dû faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée.

Les consorts E s’opposent à l’octroi de délais de paiement et font observer que si Madame X Y n’a pu poursuivre son activité professionnelle, c’est en raison d’une condamnation pénale avec interdiction d’exercer en qualité d’infirmière libérale, dont elle a fait l’objet pour avoir, entre 2011 et 2016, surfacturé ses patients et falsifié des ordonnances avec un préjudice estimé à 180.000 euros, de sorte que cette infraction ne saurait servir de justificatif pour bénéficier des dispositions de l’article 1244-1 ancien du code civil.

Mais il échet de constater que compte tenu de l’appel interjeté, Madame X Y a bénéficié d’un large délai qu’elle n’a, cependant, pas mis à profit pour régler sa dette locative, aucun versement n’étant intervenu en cours de procédure.

Dans ces circonstances, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Madame X Y de sa demande de délais de paiement.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement dont appel est confirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Partie perdante, Madame X Y est condamnée à supporter les dépens de la procédure d’appel.

Il serait inéquitable de laisser la charge de leurs frais irrépétibles à Madame Z-F E, Madame G E et Monsieur H E à qui l’appelante est condamnée à verser la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition des parties au greffe,

Déclare recevable l’intervention volontaire de Madame G E et Monsieur H E,

Confirme le jugement rendu par le tribunal d’instance de Lisieux le 18 décembre 2017 dans toutes ses dispositions, sauf celles relatives à la recevabilité de la demande fondée sur l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989, à la date de résiliation du bail, à l’indemnité d’occupation et à la clause pénale qui sont réformées,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande aux fins de constat de la résiliation du bail fondée sur l’article 24 de la loi du 06 juillet 1989,

Constate que la résiliation du bail est intervenue le 30 novembre 2016 par l’effet du congé pour reprise personnelle délivré le 23 mai 2016,

Dit que du 20 septembre 2016 au 30 novembre 2016, Madame X Y se trouve redevable auprès de Madame Z-F E de loyers et charges impayés à hauteur de 1.594,30 euros,

Déboute Madame Z-F E, Madame G E et Monsieur H E de leur demande de majoration de 10 % de l’indemnité d’occupation,

Condamne Madame X Y à payer à Madame Z-F E une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 30 novembre 2016 et jusqu’à la complète libération des lieux,

Condamne Madame X Y à verser à Madame Z-F E, Madame G E et Monsieur H E la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens de la procédure d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. ANCEL S. BRIAND



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Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 31 octobre 2019, n° 18/00400