Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 20 avril 2021, n° 18/01223

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 18/01223 -

N° Portalis DBVC-V-B7C-GCAM

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 20 Mars 2018 – RG n° 16/02455

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 AVRIL 2021

APPELANTE :

Le syndicat des copropriétaires DE LA RÉSIDENCE LA ROSERAIE représenté par son syndic en exercice, la SAS FONCIA TIRARD ET GARDIE

2 à […]

[…]

pris en la personne de son représentant légal

représenté et assisté de Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

La SA MAAF ASSURANCES

N° SIRET : 542 073 580

Chaban

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS : A l’audience publique du 25 février 2021, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme FLEURY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 20 Avril 2021 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme FLEURY, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ à Caen a fait réaliser des travaux d’étanchéité de la toiture-terrasse de l’immeuble situé au N°16 rue de la roseraie par la société Etablissements SELLE, assurée en responsabilité décennale auprès de la société MAAF ASSURANCES, afin de mettre un terme aux infiltrations d’eau dans se plaignaient, les époux X, copropriétaires.

Les travaux exécutés en 2008 n’ont pas donné satisfaction puisque en 2010, sont apparues des auréoles et des traces d’humidité dans l’appartement de ces derniers.

Les investigations en recherche de fuites n’ayant pas permis d’y remédier, le syndicat des copropriétaires a obtenu la désignation d’un expert judiciaire, Monsieur Y Z, qui conclut à la non-conformité des travaux d’étanchéité exécutés par la société Etablissements SELLE au DTU en vigueur.

Par jugement du 3 juin 2015, le tribunal de commerce de Caen a prononcé la résolution judiciaire du plan de redressement et la liquidation judiciaire de cette société.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ a alors assigné la MAAF, assureur décennal de la société Etablissements SELLE devant le tribunal de grande instance de Caen au visa des articles L.124-3 du code des assurances et 1792 du code civil afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, le remboursement des frais qu’elle a exposés ainsi que diverses autres indemnités.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à payer à la SA MAAF ASSURANCES une somme de 1.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP CREANCE FERRETTI HUREL, avocats.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ a interjeté appel de la décision le 2 mai 2018.

L’affaire initialement fixée pour plaider le 17 septembre 2020, a fait l’objet d’une révocation de l’ordonnance de clôture au jour de l’audience avec un renvoi à la mise en état.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 24 septembre 2020, le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ conclut au visa des articles 1792 du code civil, L.124-3, L.121-5, L.113-9 et L.241-1 du code des assurances, à l’infirmation du jugement, sollicite le rejet des

prétentions adverses, et la condamnation de la MAAF Assurances à lui payer outre les dépens comprenant ceux de première instance et le coût des frais d’expertise avec bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile, les sommes suivantes :

—  18.971,47 € au titre des travaux de remise en état de l’étanchéité de la toiture terrasse,

—  255,14 € au titre des travaux de réfection des peintures et tapisseries,

—  240,00 € en remboursement du procès-verbal de constat dressé le 5 mars 2014 par Maître LEBRETON, huissier de justice,

—  2.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

—  3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions en date du 14 juin 2018, la SA MAAF Assurances sollicite à titre principal la confirmation du jugement.

Subsidiairement, elle conclut au rejet des prétentions adverses en l’absence de lien de causalité entre les désordres et les travaux réalisés par son assurée, et plus subsidiairement à la réduction des sommes réclamées.

En toute hypothèse, elle sollicite l’allocation d’une somme de 3.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de son conseil.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la garantie de la MAAF

Il n’est pas contesté que la société SELLE dont la MAAF est l’assureur, qui a exécuté les travaux d’étanchéité, n’était assurée au titre de cette activité, tant en qualité de couvreur que de zingueur que pour des travaux d’étanchéité occasionnels limités à 150 m².

Les travaux litigieux ayant portés sur une superficie de 187 m² donc supérieure à celle prévue au contrat, la MAAF a refusé sa garantie, suivie en cela par le premier juge qui a estimé que les travaux n’étaient donc pas assurés, rejetant l’argumentation du syndicat des copropriétaires que celui-ci reprend en cause d’appel, qui soutient qu’ils étaient sous-assurés et entend voir appliquer la réduction proportionnelle prévue à l’article L.113-9 du code des assurances.

En l’espèce, l’activité d’étanchéité déclarée par la société SELLE est bien garantie par l’assurance souscrite par elle auprès de la MAAF.

Il ne s’agit donc pas comme l’a retenu le premier juge d’une non-assurance, mais bien comme le soutient le syndicat des copropriétaires d’une sous-assurance.

Il appartenait en effet à la société SELLE en vertu de l’article L.113-2 3 ° du code des assurances de déclarer à son assureur, cette circonstance nouvelle de nature à aggraver les risques ou d’en créer de

nouveaux, que constituait au moins pour ce chantier, l’augmentation de la superficie à traiter.

En l’absence de preuve de la mauvaise foi de l’assuré, et s’agissant d’une constatation après sinistre, le syndicat des copropriétaires qui agit dans le cadre de l’action directe dont il dispose en vertu de l’article L.124-3 du code des assurances, est bien-fondé à se prévaloir des dispositions des articles L.113-9 alinéa 3 et L 121-5 du même code, pour solliciter son indemnisation en faisant application de la règle proportionnelle prévue par ces textes.

Sur l’existence d’un lien de causalité entre les désordres et l’intervention de la société SELLE

La MAAF soutient que les désordres dont s’agit, ne trouveraient pas leur origine dans l’intervention de son assurée, mais seraient liés au système constructif du bâtiment et à l’existence d’un pont thermique en rapport avec le défaut d’isolation qui se serait trouvé aggravé par l’absence de ventilation et d’aération à la suite du remplacement des menuiseries. Elle ajoute que les supports de plafond étaient secs lors des investigations.

Le syndicat des copropriétaires soutient quant à lui, que le lien de causalité entre les travaux exécutés par la société SELLE et les désordres résulte des conclusions de l’expert judiciaire.

Il convient afin d’apprécier l’existence ou non d’un lien de causalité entre l’intervention de la société SELLE et les désordres, au regard du rapport d’expertise, de rappeler la chronologie des faits.

Comme l’indique l’expert dans son rapport, les premières infiltrations d’eau dans la chambre de l’appartement des époux X, située au fond du couloir à droite, date de 2007.

La société SELLE est intervenue en 2008 pour effectuer des travaux d’étanchéité de la toiture-terrasse de l’immeuble en 2008. Sa facture est datée du 17 juin 2008.

En 2010, Monsieur et Madame X ont constaté l’apparition d’auréoles et de traces d’humidité dans leur appartement.

Ce n’est qu’en 2011, sur les conseils de la société ARF, mandatée par le syndic pour une recherche de fuite qu’elle n’a pas décelée, concluant que les désordres provenaient d’une mauvaise isolation des murs extérieurs en cueillie de plafond, que Monsieur et Madame X ont procédé au changement de leurs huisseries.

Une nouvelle recherche de fuite confiée à la société ARF, a été effectuée en mars 2012 sans succès, après l’apparition de nouvelles infiltrations dans l’appartement de Monsieur et Madame X.

En raison de la persistance d’une humidité importante dans au plafond de l’appartement de ces derniers, une nouvelle recherche de fuite a été confiée à la société Diagnofuite, qui a découvert un point de fuite localisé au bas d’un relevé de pied de garde-corps.

La société SELLE qui était présente lors de l’intervention de la société Diagnofuite, s’était engagée à procéder à la réfection de l’ensemble des relevés d’étanchéité des pieds de garde-corps de la toiture-terrasse, ce qu’elle n’a pas fait, se contentant de la reprise du relevé d’étanchéité d’un seul pied de garde-corps.

De nouvelles infiltrations sont apparues en 2013.

Il résulte de ce rappel, que si l’expert a constaté en 2015 que les plafonds où avaient été constatées des traces d’humidité et de moisissures étaient secs, tel n’était pas le cas dès avant le remplacement par les époux X de leurs huisseries en bois par des huisseries en PVC, qui ne peut donc être à l’origine des désordres comme tente de le soutenir la MAAF.

En tout état de cause, l’expert, après avoir constaté plusieurs points de fuites sur la toiture-terrasse de l’immeuble en raison de l’absence de protection en tête de relevés sur les poteaux acrotères, cheminées, lanterneau, et une hauteur de relevés insuffisants sur la cheminée et le lanterneau, a conclu que le DTU en vigueur n’avait pas été respecté et que donc les travaux d’étanchéité réalisés par la société SELLE n’étaient pas conformes aux règles de l’art.

Il estime qu’une réfection complète de l’ouvrage est nécessaire.

La responsabilité décennale de la société SELLE se trouve donc engagée.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ est donc bien-fondé à agir contre son assureur afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices avec application de la règle de la réduction proportionnelle rappelée ci-dessus.

Sur les demandes indemnitaires du syndicat des copropriétaires

A titre subsidiaire, la MAAF s’en rapporte à justice sur la somme de 18.971,47 € réclamée par le syndicat des copropriétaires.

Il sera donc fait droit à la demande de celui-ci pour ce poste de préjudice.

Les autres postes de préjudices sont contestés.

S’agissant des travaux de réfection des peintures et tapisseries dans l’appartement de Monsieur et Madame X, elle soutient que ceux-ci ont seuls qualité pour formuler une demande de ce chef et qu’en toute hypothèse, ils sont la conséquence de l’absence de ventilation de l’appartement et de l’existence d’un pont thermique.

Il est constant que le syndicat des copropriétaires a, en vertu de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965, qualité pour agir en réparation des dommages affectant des parties privatives ayant leur origine dans les parties communes, ce qui est le cas en l’espèce.

La demande du syndicat des copropriétaires pour ce poste de préjudice est donc recevable.

Les désordres étant réapparus en 2010 malgré l’intervention de la société SELLE et avant le changement des huisseries, l’argument de la MAAF relatif à l’absence de VMC depuis cette modification, ne peut être retenu.

L’existence d’un pont thermique constatée par l’expert sur les façades Nord et Est, s’il peut avoir eu une incidence sur l’apparition des désordres en cueillies de plafond, ne constitue pas une cause d’exonération de la responsabilité de la société SELLE résidant dans une étanchéité non conforme dont l’expert confirme qu’elle est à l’origine des traces d’humidité à l’intérieur du logement.

La MAAF sera donc condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie', une somme de 255.14 € au titre ce préjudice, ainsi que la somme de 240,00 €

correspondant au coût du constat dressé par Maître LEBRETON, huissier de justice le 5 mars 2014 tendant à la constatation des désordres.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée

Il est constant que l’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Tel n’est pas le cas en l’espèce.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ sera débouté de sa demande de ce chef qui n’a pas été examiné par le premier juge.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L’équité commande d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le syndicat des copropriétaires à payer à la société MAAF Assurances une somme de 1.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens avec droit de recouvrement direct, et de condamner la société MAAF Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MAAF Assurances qui succombe, sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de première instance et d’appel comprenant le coût de l’expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL SALMON & Associés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Caen du 20 mars 2018,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SA MAAF Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ les sommes suivantes :

— au titre des travaux de remise en état de l’étanchéité de la toiture terrasse : 18.971,47 €

— au titre des travaux de réfection des peintures et tapisseries : 255,14 €

— au titre du procès-verbal de constat du 5 mars 2014 : 240,00 €

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

CONDAMNE la SA MAAF Assurances à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence 'La Roseraie’ une somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA MAAF Assurances de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA MAAF Assurances aux dépens de première instance et d’appel, comprenant le coût de l’expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL SALMON & Associés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E. FLEURY G. GUIGUESSON

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