Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 9 février 2021, n° 19/01447

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 1re ch. civ., 9 févr. 2021, n° 19/01447
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 19/01447
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lisieux, 31 août 2017, N° 16/00856
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE : N° RG 19/01447 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GKJW

Code Aff. :

ARRÊT N° JB.

ORIGINE : Décision du Tribunal de Grande Instance de LISIEUX en date du 01 Septembre 2017
-

RG n° 16/00856

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2021

APPELANTE :

La SCCV DU PRIEURE

N° SIRET : 493 649 925

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Didier PILOT, avocat au barreau de LISIEUX,

assistée de Me Isabelle EMIN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

INTERVENANTE FORCEE :

La DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’ILE DE FRANCE ET DU DEPARTEMENT DE PARIS

Pôle juridictionnel judiciaire

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN

DÉBATS : A l’audience publique du 08 décembre 2020, sans opposition du ou des avocats, M. GANCE, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ANCEL

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 09 Février 2021 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme FLEURY, greffier

* * *

La SCCV du Prieuré a fait l’acquisition le 30 mai 2007, d’une villa située à Saint Arnoult construite sur un terrain susceptible d’être bâti, villa qu’elle souhaitait démolir en vue d’y construire un complexe immobilier.

Cette acquisition a été exonérée de droits d’enregistrement, compte tenu de l’engagement de la SCCV du Prieuré de construire dans un délai de quatre ans à compter de la date d’acquisition.

Cette construction n’a pas été réalisée avant le 30 mai 2011, de sorte que par une proposition de rectification du 19 mars 2013, la Direction Générale des Finances Publiques a mis à la charge de la SCCV du Prieuré les droits d’enregistrement pour un montant de 43 265 euros en principal et de 11 560 euros d’intérêts de retard.

La SCCV du Prieuré a présenté le 2 avril 2014 une réclamation contentieuse avec une demande de sursis à paiement. Cette réclamation a été rejetée, ce qui a été notifié par un courrier du 20 mai 2016.

Par un acte d’huissier en date du 21 juillet 2016, la SCCV du Prieuré a fait assigner la Direction Générale des Finances Publiques devant le tribunal de grande instance de Lisieux aux fins d’être déchargée de l’intégralité de l’imposition en cause.

Par un jugement en date du 1er septembre 2017, le tribunal précité a débouté la SCCV du Prieuré de sa demande tendant à voir prononcer la déharge de l’imposition en cause et a confirmé la décision de rejet.

Par déclaration du 14 mai 2019, la SCCV du Prieuré a interjeté appel.

Par des conclusions régulièrement notifiées le 6 janvier 2020, la SCCV du Prieuré sollicite ce que suit :

— de réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lisieux le 1er septembre 2017 en toutes ses dispositions ;

— de prononcer la décharge de l’imposition rappelée pour un montant de 54 825 euros ;

— de rejeter les prétentions de la Direction Générale des Finances Publiques ;

— de condamner la Direction Générale des Finances Publiques à payer à la SCCV du Prieuré la somme de 8000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions régulièrement notifiées le 5 mars 2020, le Directeur Général des Finances Publiques d’ile de France et du département de Paris demande de :

— débouter la SCCV du Prieuré de toutes ses demandes ;

— de confirmer le jugement entrepris ;

— de confirmer la décision de rejet du 20 mai 2016 ;

— d’écarter la demande de la SCCV du Prieuré en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner la SCCV du Prieuré à lui payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 4 novembre 2020.

MOTIFS

Considérant que la SCCV du Prieuré explique que l’engagement de construire est considéré comme non respecté, lorsqu’aucune construction n’est achevée dans le délai légal, que cependant deux tempéraments s’appliquent à la remise en cause de l’exonération accordée ;

Qu’il s’agit du cas de force majeure caractérisé en l’espèce par la situation du permis de construire, sachant que la SCCV du Prieuré était titulaire au jour de l’acquisition, d’un permis de construire en bonne et due forme, et que rien ne laissait présager que celui-ci pourrait être remis en cause ;

Que c’est contre toute attente que ledit permis a été retiré, et qu’il est démontré que le retrait de ce document est constitutif d’un cas de force majeure, faisant obstacle à la construction de manière absolue et définitive à l’expiration de l’engagement de construire ;

Que de plus, il y a bien eu en l’espèce, une demande de prorogation du délai de construire qui a été expédiée par lettre simple et qui a été égarée par l’administration fiscale, sachant par ailleurs que l’engagement de construire a bien été in fine respecté en dépit des multiples difficultés administratives de tous ordres qui ont été rencontrées ;

Considérant que l’administration fiscale s’oppose aux moyens ainsi développés, en expliquant que le caractère d’imprévisibilité exigé pour la force majeure n’est pas rempli en l’espèce, comme elle le démontre, que de plus, il est manifeste que la SCCV du Prieuré ne justifie pas avoir adressé une réclamation aux fins de prorogation du délai de construire ;

Considérant qu’il est constant que le 30 mai 2007, la SCCV du Prieuré a acquis un local d’habitation sis sur le territoire de la commune de Saint-Arnoult, que par cet acte, il a été opéré le transfert du permis de construire du 3 août 2006, qui avait été obtenu par les vendeurs, les SCI Y et SCI les CHENES ;

Qu’à l’occasion de cette cession, la SCCV du Prieuré s’est prévalue des dispositions de l’article 1594-0 G du code général des impôts, en s’engageant à construire un immeuble neuf dans les quatre ans, soit jusqu’au 30 mai 2011 ;

Que le permis de construire accordé en 2006, a bénéficié d’une prorogation tacite qui a été l’objet d’une décision de retrait du 4 août 2008 ;

Que la SCCV du Prieuré explique que le défaut de construction est évident mais qu’il ne lui est pas imputable, car elle ne pouvait pas prévoir ni même imaginer les difficultés auxquelles elle allait être confrontée, à savoir le retrait de son permis de construire, sachant qu’elle est finalement parvenue à en obtenir un définitif le 2 juillet 2012 pour réaliser son opération immobilière ;

Qu’il est constant que dans ce cas de non respect du permis de construire, pour obtenir l’exonération des droits de mutation, le particulier contribuable doit rapporter la preuve d’un événement de force majeure, qui soit imprévisible, irrésistible et extérieur, et que l’événement dont s’agit doit s’opposer de façon absolue et définitive à la réalisation de la construction ;

Considérant que la cour comme les 1ers juges l’ont estimé, estime que la preuve du caractère d’imprévisibilité n’est pas rapportée en ce que :

— la SCCV du Prieuré ne pouvait pas ignorer que ses vendeurs avaient déjà fait l’objet d’un refus avant d’obtenir le permis accordé le 9 février 2006, puisque parmi les deux vendeurs, il se trouvait la SCI Y Patrimoine qui avait comme dirigeant monsieur X Y qui était également au moment de la vente de 2008, le dirigeant de la SCCV du Prieuré ;

— ces liens permettent d’affirmer que la SCCV du Prieuré était avertie des difficultés prévisibles, qui pouvaient survenir pour mener à bon terme, la réalisation de son opération immobilière ;

— en effet, la SCCV du Prieuré ne peut pas sérieusement soutenir que le permis de construire de 2006 était absolument certain, insusceptible de retrait car il a été délivré sachant que le projet immobilier jouxtait un terrain classé aux monuments historiques, en ayant pris en compte cette donnée, que cet argument est inopérant à l’analyse du retrait réalisé par le Maire de la commune de Saint-Arnoult qui a motivé sa décision non pas par la proximité du terrain classé, mais par les hauteurs-plafonds des constructions projetées, mesurées au terrain naturel, par la hauteur verticale des constructions mesurées par rapport au terrain naturel, par la mise en place de chassis-éclairants et enfin par l’absence d’aire de stationnement réservée aux véhicules à deux roues, ainsi que par des insuffisances concernant les espaces verts ;

— la SCCV du Prieuré par ses compétences en matière immobilière ne pouvait pas méconnaître que les prescriptions administratives en matière du droit de la construction sont évolutives, comme le rappelle l’article R-424-21 du code de l’urbanisme qui mentionne que le permis de construire peut être prorogé sur la demande de son bénéficiaire si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet, n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard ;

Qu’ainsi la cour estime que la SCCV du Prieuré ne peut pas affirmer que dés lors qu’un permis de construire avait été accordé, rien ne laissait présager que celui-ci ne pourrait pas être remis en cause, la situation résultant des élections municipales étant surabondante ;

Que par ailleurs, le caractère d’irrésistibilité de la force majeure n’est pas réalisé, puisque le retrait du permis de construire en litige n’a pas provoqué un obstacle définitif et absolu à l’opération de construction, la SCCV en cause ayant obtenu le 2 juillet 2012, un nouveau permis de construire, ce qui démontre l’absence de cause d’inconstructibilité qui l’aurait placée dans l’impossibilité de déposer de nouvelles demandes de permis de construire, après modifications de ses plans initiaux ;

Que la preuve d’un cas de force majeure n’étant pas rapportée, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef,

Sur la prorogation du délai de construction :

Considérant qu’en vertu de l’article 1594-0 G du code général des impôts, l’acquéreur peut demander une prolongation annuelle et renouvelable du délai de quatre ans, qui peut être accordée par l’autorité compétente du lieu de situation de l’immeuble ;

Que la SCCV du Prieuré explique qu’elle a bien formé une telle demande au Centre des impôts fonciers de Pont l’Evêque, qui ne l’a pas retrouvée et qui par conséquent n’en a pas tenu compte ;

Que la SCCV du Prieuré fait par ailleurs état des nombreuses erreurs de fonctionnement que l’administration fiscale a commises dans la présente affaire ;

Que la cour comme les 1ers juges l’ont noté doit constater qu’il n’est produit aux débats aucune élément probant, rapportant la preuve de l’envoi de cette demande, qui aurait été faite par un courrier simple du 16 mai 2011 ;

Qu’il n’est produit aucune réponse de l’administration fiscale et qu’il n’est démontré la réalité d’aucune démarche auprès des services fiscaux en raison de l’absence de retour à la demande qui aurait été présentée et expédiée, alors que le délai de 4 ans expirait le 30 mai 2011 ;

Qu’il en résulte que le jugement entrepris sera dans ces conditions confirmé également de ce chef.

Que le jugement du 1er septembre 2017 en définitive sera confirmé en toutes ses dispositions.

- Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

Considérant que l’équité permet d’allouer à la Direction Générale des Finances Publiques la somme de 1000 euros comme elle le sollicite en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la demande présentée à ce titre par la SCCV du Prieuré étant écartée qui partie perdante supportera les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe.

— Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— Déboute la SCCV du Prieuré de toutes ses demandes, en ce compris de celle formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la SCCV du Prieuré à payer à la Direction des Finances Publiques, en la personne de monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et département de Paris la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne la SCCV du Prieuré en tous les dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

E. FLEURY G. GUIGUESSON

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