Cour d'appel de Chambéry, 4 février 2016, n° 15/00364

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 4 févr. 2016, n° 15/00364
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/00364
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bonneville, 8 janvier 2015, N° 14/00117

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2e Chambre

Arrêt du Jeudi 04 Février 2016

RG : 15/00364

XXX

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 09 Janvier 2015, RG 14/00117

Appelants

M. H A, né le XXX à XXX

société d’assurances Mutuelle LE FINISTERE, dont le siège social est sis XXX prise en la personne de son représentant légal

assistés de Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de la SELARL ARMEN, avocat plaidant au barreau de NANTES,

Intimées

Mme Y C épouse X

née le XXX à XXX

assistée de Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de la SARL FL AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS,

Mutuelle MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE SALARIES ILE DE FRANCE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège., demeurant XXX – XXX

assistée de Me Sophie DELORME, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat plaidant au barreau de GRENOBLE,

Société HUMANIS PREVOYANCE, dont le siège social est sis XXX prise en la personne de son représentant légal

sans avocat constitué

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 08 décembre 2015 par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, qui a rendu compte des plaidoiries

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller,

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

Le XXX, madame Y C épouse X a été grièvement blessée lors d’une collision avec monsieur A H alors qu’elle évoluait sur une piste de ski de la station de Combloux (73).

Par acte d’huissier du 10 janvier 2014, madame Y C a fait assigner monsieur A H, la société Assurances Le Finistère, la MSA Salariés Ile de France et la société Humanis Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Bonnevile afin de voir :

— déclarer monsieur A H seul et entier responsable de l’accident,

— ordonner une expertise médicale,

— condamner, in solidum, monsieur A H et la société Assurances Le Finistère à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice, celle de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par jugement, assorti de l’exécution provisoire, rendu le 9 janvier 2015, le tribunal a déclaré monsieur A H entièrement responsable de l’accident du XXX, a confié une expertise médicale au docteur N O et a condamné, in solidum, monsieur A H et la société Assurances Le Finistère à payer à madame Y C une provision de 10 000 euros à valoir sur son préjudice et la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à la MSA Salariés Ile de France la somme de 26.204,63 euros au titre de ses débours provisoires, outre celle de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Monsieur A H et la société Assurances Le Finistère ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 17 février 2015.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2015, monsieur A H et la société Assurances Le Finistère demandent à la cour de :

— rejeter l’intégralité des demandes de madame Y C et de la MSA Salariés Ile de France,

— condamner madame Y C à rembourser la somme de 10 000 euros et la MSA Salariés Ile de France à rembourser la somme de 26 204,63 euros,

— condamner madame Y C à leur payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Assurances Le Finistère assure la responsabilité civile de monsieur A H.

Les circonstances de l’accident étant indéterminées, aucune faute ne pourrait être reprochée à monsieur A H et le tribunal a d’ailleurs écarté la responsabilité de ce dernier sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Il semblerait que la collision soit intervenue de manière latérale, alors que les skieurs finissaient tous les deux la même piste.

Le tribunal a, en revanche, mais à tort, retenu sa responsabilité du fait de ses skis sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil, alors qu’en l’espèce le choc est intervenu entre les corps des deux skieurs, les skis n’ayant eu aucun rôle actif dans la survenance de l’accident.

Aucune pièce médicale ne justifierait la provision allouée à madame Y C.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2015, la MSA Salariés Ile de France demande à la cour de lui donner acte de ce qu’elle s’en rapporte à justice quant au bien fondé des moyens développés par monsieur A H, de condamner in solidum, si le jugement est confirmé, monsieur A H et la société Assurances Le Finistère à lui payer la somme de 26 204,63 euros au titre de ses débours provisoires, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La MSA Salariés Ile de France souligne que madame Y C a été hospitalisée en soins intensifs au centre hospitalier de Sallanches pour un traumatisme crânien, de multiples contusions au thorax, au rachis cervical et lombaire et de multiples fractures, qu’elle a été transférée à l’hôpital Cochin avant de regagner son domicile et de suivre une longue rééducation.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 juillet 2015, madame Y C demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de monsieur A H et lui a alloué une provision de 10 000 euros,

— l’infirmer en ce qu’il a retenu la responsabilité de monsieur A H sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil,

— dire que monsieur A H a commis une faute au sens de l’article 1382 du code civil,

Subsidiairement,

— dire que monsieur A H est responsable sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1 du code civil,

— condamner monsieur A H à lui payer une provision de 20 000 euros à valoir sur son préjudice, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Madame Y C souligne la gravité de son préjudice et de son retentissement sur son époux et sa fille aînée, ainsi que sur les deux enfants qui l’accompagnaient lors de l’accident.

Le siège de ses blessures, le dos et le côté droit, établirait que c’est bien monsieur A H qui l’a percutée par l’arrière, peu après une signalisation invitant les skieurs à ralentir à l’approche de la séparation en deux voies de la piste sur laquelle ils évoluaient.

La vitesse de monsieur A H aurait été excessive.

Les dispositions de l’article 1384 alinéa 1 du code civil s’appliqueraient même lorsque le dommage est causé par le corps du skieur lui-même, gardien de ses skis.

Le pré-rapport de l’expert judiciaire retenant un déficit fonctionnel temporaire total du 17 février au 7 mars 2012, puis partiellement dégressif jusqu’à la consolidation médico-légale fixée au 31/12/2013, un déficit fonctionnel permanent de 15 %, une absence d’incidence professionnelle, des souffrances endurées de 4/7, un préjudice esthétique temporaire de 3/7, une absence de préjudice esthétique définitif, un préjudice d’agrément, un préjudice sexuel jusqu’à la consolidation, justifie que le montant de la provision soit porté à a somme de 20 000 euros.

Bien que monsieur A H et la société Assurances Le Finistère l’aient assignée et lui ait fait signifier leurs conclusions, par acte d’huissier délivré à personne habilitée le 19 mai 2015, la société Humanis Assurances n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur responsabilité

Lors de sa collision avec monsieur A H survenue le XXX, madame Y C skiait avec sa nièce Floriane Socquet-Clerc âgée de 13 ans et une amie de celle-ci, D E âgée de 11 ans.

Il ressort de l’enquête de gendarmerie que Madame Y C elle-même décrit sa position avant et après l’accident mais pas les circonstances même de l’accident si ce n’est pour dire qu’elle n’a pas vu arriver monsieur A H, mais elle n’indique notamment pas à quelle vitesse progressait ce dernier, ni s’il venait de l’amont ; monsieur A H n’a lui pas de souvenir des circonstances même de l’accident.

Hormis les deux enfants accompagnant madame Y C, une personne, madame L M a été témoin de l’accident.

Cette dernière, auditionnée par les gendarmes, expose n’avoir vu que la collision elle-même et ne pas savoir lequel des skieurs, protagonistes de l’accident, venait de l’amont ni à quelle vitesse ils progressaient.

Les deux enfants n’ont pas été auditionnées par les gendarmes, mais une lettre de chacune d’elles est produite, ne répondant en rien aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile, D E ne précisant même pas sa date de naissance.

Floriane Socquet-Clerc n’a pas vu la collision, ni même monsieur A H arriver.

La seule personne ayant vu l’accident et pouvant alimenter le débat relatif à la responsabilité est D E, or la lettre de cette dernière est à lire avec circonspection.

La date de naissance de l’enfant n’est pas précisée, si bien qu’il n’est pas possible de savoir si elle avait 10 ou 11 ans lors de l’accident, sa lettre n’est pas manuscrite et contient des expressions et des tournures de phrase qui ne sont pas celles d’une enfant de cet âge, mais elle ne comporte en revanche ni faute d’orthographe, ni de syntaxe, or les mots comptent pour déterminer la position et l’attitude de protagonistes de l’accident.

Que l’enfant ait été aidée dans sa rédaction est compréhensible compte tenu de son jeune âge, mais il faut dès lors exposer selon quelles modalités.

D E relate ainsi l’accident trois mois après sa survenance: «Tout d’un coup j’ai vu quelqu’un passer très vite tout près de moi sur mes skis. Je suivais toujours le monsieur des yeux, il a continué vers Y qui était quelques mètres plus bas et j’ai cru qu’il allait passer à l’arrière sur ses skis mais à la place il lui est rentré dedans très fort par derrière alors qu’elle continuait son virage.»

D E semble suggérer que monsieur A H venait de l’amont mais ne le dit pas expressément, elle précise qu’il allait très vite mais est-ce que le fait qu’il soit passé sur les skis de l’enfant ne modifie pas la perception que cette dernière a pu avoir de cette vitesse'

Pour l’ensemble de ces raisons, le témoignage de D E n’est pas dénué de toute valeur probante, mais il ne peut pas, à lui seul, permettre de caractériser une faute de monsieur A H.

Les causes exactes de la collision sont donc indéterminées.

En revanche deux ou trois témoins de madame L M, Floriane Socquet-Clerc ou D E, relatent de manière concordante que madame Y C et monsieur A H ont 'glissé’ ou 'roulé’ ensemble sur une 'cinquantaine’ ou 'plusieurs dizaines de mètres’ et se sont retrouvés 'entremêlés’ ou 'enchevêtrés’ et les deux enfants indiquent que, malgré cette chute, monsieur A H n’a déchaussé que d’un ski le second se trouvant coincé le long du corps de madame Y C et que le premier réflexe de D E a été de déchausser monsieur A H de ce ski.

Ainsi ce n’est pas seulement l’indétermination des causes de la collision qui amène à retenir la responsabilité de monsieur A H du fait de ses skis, sur le fondement des dispositions de l’article 1384 alinéa 1 in fine du code civil, mais le rôle actif et perturbateur joué par ces derniers, notamment en raison des multiples fractures costales, du bassin, de la main gauche et de l’épaule droite et des contusions cervicales et lombaires subies par madame Y C.

La responsabilité de monsieur A H ne peut donc pas être retenue sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, mais doit l’être sur celles de l’article 1384 alinéa 1 in fine ; il peut s’en exonérer en démontrant une faute de la victime, mais les éléments du dossier ne permettent pas plus de retenir de faute de madame Y C que de monsieur A H.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré monsieur A H entièrement responsable de l’accident dont a été victime madame Y C.

Sur le montant des provisions sollicitées

L’expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 4 septembre 2009, en cours de procédure d’appel.

Ses conclusions, ne serait-ce qu’au titre du déficit fonctionnel permanent de 15 %, permettent, sans hésitation, de porter le montant de la provision allouée à madame Y C, âgée de 41 ans à la date de la consolidation, à la somme de 20 000 euros sollicitée.

La MSA Salariés Ile de France, organisme de sécurité sociale dont dépens madame Y C, poursuit l’indemnisation, à titre provisoire, des dépens qu’elle a, à ce jour, engagés aux titres de frais médicaux et d’indemnités journalières durant les périodes d’arrêt de travail retenues par l’expert judiciaire, pour un montant total de 26 204,63 euros.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande.

Sur les demandes annexes

Monsieur A H et la société Assurances Le Finistère seront condamnés, in solidum, à payer, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à la MSA Salariés Ile de France et celle de 2 000 euros à madame Y C.

Ils supporteront, in solidum, les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Confirme le jugement déféré, excepté quant au montant de la provision allouée à madame Y C,

Statuant à nouveau,

Condamne monsieur A H à payer à madame Y C une provision de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Déboute monsieur A H et la société Assurances Le Finistère de l’intégralité de leurs prétentions.

Y ajoutant,

Condamne, in solidum, Monsieur A H et la société Assurances Le Finistère à payer, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à la MSA Salariés Ile de France et celle de 2 000 euros à madame Y C épouse X.

Condamne, in solidum, Monsieur A H et la société Assurances Le Finistère à supporter les entiers dépens d’appel, avec distraction au profit des avocats de la cause en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 04 février 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.



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