Cour d'appel de Chambéry, 27 septembre 2016, n° 16/01235

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

XXX

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile – première section

Arrêt du Mardi 27 Septembre 2016

RG : 16/01235

Décision attaquée : Ordonnance du Tribunal de Commerce d’ANNECY en date du 29 Avril 2016, RG 2016R23

Appelante

SAS ATRIHOME SOLUTIONS, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice audit siège, XXX

représentée par la SELARL JULIETTE COCHET-BARBUAT LEXAVOUE CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et la SCP AGUERA & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de LYON

Intimée

S.A.S. EQUIPE HABITAT agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, demeurant es qualité audit siège, XXX

représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY et la SELARL IXA, avocats plaidants au barreau d’ANNECY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 04 juillet 2016 par Monsieur Pascal LECLERCQ, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d’Appel de CHAMBERY, avec l’assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

— Monsieur Pascal LECLERCQ, Conseiller faisant fonction de Président, qui a procédé au rapport

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

— Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller.

— =-=-=-=-=-=-=-=-

La société Atrihome solutions a pour activité la commercialisation, la fourniture et la pose de fenêtres volets portes, portails, au travers notamment des marques Claire de baie, Confor’m habitat.

Son siège social se trouve à Annecy, elle dispose d’une trentaine d’agences réparties sur le territoire national dont l’une à Cran-Gevrier.

La société Atrihome solutions expose que les salariés étaient tenus au respect de clauses d'« exclusivité…» et de « secret professionnel…» stipulées en des termes identiques exprimant « une obligation de discrétion absolue en ce qui concerne toutes les informations relatives à l’activité de l’entreprise : fichiers de références, méthodes commerciales, organisations internes, relations avec les partenaires extérieurs… '' obligation à propos de laquelle il était expressément stipulé qu’elle se « prolongera après la rupture de celui-ci [du contrat de travail] pour quelque motif que ce soit. ''.

En outre, les contrats de travail des salariés exerçant des responsabilités dans le domaine commercial contenaient une clause intitulée «utilisation du fichier clients…'', leur imposant, en tant que de besoin, d’exploiter celui-ci exclusivement pour le compte de l’employeur et leur faisant défense de « s’attribuer personnellement cette clientèle… ''.

En fin d’année 2015, plusieurs salariés ont démissionné pour quitter l’entreprise et ont été dispensés d’exécuter leur préavis pour rejoindre une société concurrente appelée « Equipe habitat », qui emploierait exclusivement les anciens salariés d’atrium solutions, l’une d’elle Mme X, qui exerçait la fonction d’assistante financement en devenant la gérante.

La société Coralu, holding de la société atrium solutions a mandaté un détective privé pour enquêter sur le fonctionnement de la société équipe habitat.

Il en résulterait que certains des salariés exerçant d’importantes responsabilités au sein de Atrihome solutions et dont les contrats de travail avec cette société n’avaient pas pris fin, étaient fréquemment présents au siège d’Equipe habitat.

Mme X était en relations téléphoniques très fréquentes avec certains des salariés de la société Atrihome solutions.

Selon les explications d’Atrihome solutions toutes ces manoeuvres étaient dirigées par son directeur financier national, M. Y qui aurait commencé à travailler pour Equipe habitat alors qu’il était encore son salarié.

La société Atrihome solutions a encore eu recours aux services d’un expert judiciaire qu’elle a chargé d’examiner le disque dur de l’ordinateur Mme X jusqu’à son départ de l’entreprise.

Il en résulterait qu’un disque dur externe avait servi à deux reprises à transférer des données vers cette seconde société.

Par ordonnance du 28 décembre 2015, le président du tribunal de grande instance de Chambéry a désigné un huissier de justice pour faire des constatations au siège social d’Equipe habitat.

L’officier ministériel a exécuté sa mission le 6 janvier 2016.

La société Atrihome a été autorisée à assigner d’heure à heure la société Equipe habitat par devant le juge des référés du tribunal de commerce d’Annecy pour voir ordonner différentes mesures conservatoires et faire cesser le trouble manifestement illicite qu’elle prétendait subir.

Elle a fait délivrer cette assignation le 22 mars 2016.

Par ordonnance du 29 avril 2016, celui-ci a :

— ordonné à la société Equipe habitat de restituer l’ensemble des outils commerciaux et documents appartenant à la société Atrihome solutions et qui sont en sa possession quel qu’en soit le support et de n’en garder aucune copie ;

— renvoyé la société Atrihome solutions à mieux se pourvoir sur le surplus de sa demande ;

— condamné la société Equipe habitat à payer à la société Atrihome solutions une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

La société Atrihome solutions en a interjeté appel.

Elle a été autorisée à assigner à jour fixe par ordonnance du premier président du 16 juin 2016 et a fait délivrer cette assignation le 24 juin 2016.

Vu les dernières conclusions de la société Atrihome solutions signifiées le 22 juin 2016 qui tendent à voir :

— confirmer les dispositions de l’ordonnance qui ont :

* ordonné à la société Equipe habitat de restituer l’ensemble des outils commerciaux et documents appartenant à la société Atrihome solutions et qui sont en sa possession quel qu’en soit le support et de n’en garder aucune copie,

* condamné la société Equipe habitat à lui payer une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

— infirmer pour le surplus l’ordonnance déférée et statuant à nouveau,

* ordonner à la société Equipe habitat de restituer l’ensemble des outils commerciaux et documents appartenant à la société Atrihome solutions et qui sont en sa possession quel qu’en soit le support (c’est-à-dire papier ou informatique) et de n’en garder aucune copie sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir

* ne garder aucune copie quel qu’en soit le support (c’est-à-dire papier ou informatique) des documents lui appartenant sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

* cesser tout contact avec la clientèle de la société Atrihome solutions sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée

— se réserver le pouvoir de liquider les astreintes prononcées

— condamner la société Equipe habitat à lui payer une provision de 17 447 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice

— ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans les journaux suivants, le Dauphiné libéré 74, l’Essor savoyard 74 pour une durée de quatre semaines aux frais de la société Equipe habitat dans la limite de 15 000 euros hors taxes

— condamner la société Equipe habitat à payer une indemnité de 25 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— condamner la société Equipe habitat aux dépens dont ceux afférents à la mesure d’instruction in futurum, soit 30 857 euros hors taxes et y compris les frais de recouvrement forcés prévus à l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 ;

Vu les conclusions récapitulatives n°1 de la société Equipe habitât signifiées le 1er juillet 2016 qui tendent à l’infirmation de l’ordonnance déférée pour voir :

— dire que les demandes visant à obtenir restitution des outils commerciaux et documents de la société Atrihome solutions n’a plus d’objet ;

— débouter la société Atrihome solutions de sa demande visant à lui interdire d’utiliser les documents qui sont la copie des siens ;

— confirmer les dispositions de l’ordonnance déférée qui ont renvoyé la société Atrihome solutions à mieux se pourvoir ;

— en tout état de cause, condamner la société Atrihome solutions à lui payer une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec application de l’article 699 au profit de la SCP Bolllonjeon, Arnaud et Bollonjeon ;

sur ce

Attendu que selon l’article 873 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut même en présence d’une contestation sérieuse prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent notamment pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que les salariés qui ont quitté Atrihome solutions pour rejoindre Equipe habitat n’étaient tenus par aucune clause de non concurrence, qu’ils étaient donc libres de le faire ;

Attendu cependant que la société Equipe habitat ne conteste pas avoir détenu de manière illicite des documents commerciaux propriété de la société Atrihome solutions et reconnaît donc le bien fondé des dispositions de l’ordonnance qui l’ont condamnée à les restituer sans en conserver de copie ;

Attendu qu’en exécution de cette décision, elle a restitué une importante quantité de documents à Atrihome solutions ;

Attendu que la cour ne peut que prendre acte de l’affirmation de cette société selon laquelle elle a ainsi satisfait aux injonctions contenues dans l’ordonnance de référé ;

Attendu en effet qu’en l’état, la preuve contraire n’est pas rapportée, qu’il appartiendra au juge du fond, s’il est saisi, de tirer toutes conséquences d’une éventuelle méconnaissance de ces dispositions s’il était établi que la société Equipe habitat continuait d’utiliser le fichier client de la société Atrihome solutions ;

Attendu que le premier juge a fait droit à juste titre à la demande de restitution dès lors que la détention ne pouvait se justifier et constituait donc un trouble manifestement illicite, qu’il n’y a pas lieu de renouveler son injonction ni de l’assortir d’une astreinte ;

Attendu que le détournement des fichiers clients constitue un acte de concurrence déloyale causant un trouble manifestement illicite que le juge des référés doit faire cesser et réparer ;

Attendu que les mesures de publication demandées par Atrihome solutions constituent la mesure conservatoire et de remise en état la plus adaptée, qu’il convient de faire droit à la demande en ordonnant l’insertion d’un extrait tel qu’il figure dans le dispositif du présent arrêt ;

Attendu que la société Atrihome solutions sollicite comme mesure de remise en état le paiement d’une provision de 17 447 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice,

Attendu que la provision sollicitée correspond au préjudice causé par la perte de six marchés,

XXX

XXX

Murgier Philippe 13 000 euros

XXX

XXX

Guiazzi Colette 6530 euros

Total TTC 38 117 euros ou 31 764 euros hors-taxes, soit avec un taux de marge brute de 54,93 %, un préjudice de 17 447 euros ;

Attendu qu’il appartient à Atrihome solutions d’établir que ces clients ont été détournés par Equipe habitat de manière illicite, qu’en l’état, il est permis d’accepter l’explication selon laquelle ils ont pu se mettre en relation avec les anciens salariés d’Atrihome solutions entrés au service d’Equipe habitat pour avoir noué des relations personnelles avec ceux-ci, sans que cette société n’ait utilisé les fichiers clients qu’elle avait détournés, qu’ainsi, Atrihome solutions ne démontre pas le caractère manifestement illicite du trouble invoqué et qui résulterait d’une perte de marge sur des marchés perdus ;

Attendu que la demande visant à interdire à la société Equipe habitat d’entrer en contact avec la clientèle de la société Atrihome solutions est contraire à la liberté du commerce et de l’industrie, qu’en tout cas, une telle mesure n’est pas appropriée pour réparer le trouble manifestement illicite causé à la société Atrihome solutions ;

Attendu que les demandes visant à obtenir paiement de différentes indemnité relèvent de la compétence du juge du fond ;

par ces motifs

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme les dispositions de l’ordonnance déférée qui ont :

— ordonné à la société Equipe habitat de restituer l’ensemble des outils commerciaux et documents appartenant à la société Atrihome solutions et qui sont en sa possession quel qu’en soit le support et de n’en garder aucune copie ;

— débouté la société Atrihome solutions de sa demande de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

— débouté la société Atrihome solutions de sa demande visant à voir interdire à la société Equipe habitat d’entrer en contact avec sa clientèle ;

Infirme pour le surplus l’ordonnance déférée, et statuant à nouveau,

Ordonne la publication dans le Dauphiné libéré 74, l’Essor savoyard 74 pour une durée de quatre semaines aux frais de la société Equipe habitat dans la limite de 15 000 euros hors taxes de la mention suivante :

« Par arrêt du 27 septembre 2016, la cour d’appel de Chambéry a jugé que la société Equipe habitat avait commis des actes de concurrence déloyale créant un trouble manifestement illicite au préjudice de la société Atrihome solutions en détenant les fichiers clients et outils commerciaux appartenant à cette société et l’a condamnée à les lui restituer »,

Déboute la société Atrihome solutions du surplus de sa demande,

Condamne la société Equipe habitat à payer à la société Atrihome solutions une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel avec application pour ces derniers de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Bolllonjeon, Arnaud et Bollonjeon.

Ainsi prononcé publiquement le 27 septembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Pascal LECLERCQ, Conseiller faisant fonction de Président et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, P/ Le Président,

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Cour d'appel de Chambéry, 27 septembre 2016, n° 16/01235