Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 3 octobre 2017, n° 16/00147

  • Sociétés·
  • Cession·
  • Action·
  • Conseil d'administration·
  • Management·
  • Valeur·
  • Délibération·
  • Convention réglementée·
  • Développement·
  • Prix

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 3 oct. 2017, n° 16/00147
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 16/00147
Décision précédente : Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, 16 décembre 2015, N° 2014000119
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PG/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

chambre civile – première section

Arrêt du Mardi 03 Octobre 2017

RG : 16/00147

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON-LES-BAINS en date du 17 Décembre 2015, RG 2014000119

Appelants

M. Y Z

né le […] à […]

M. B Z

né le […] à […]

SA FINDEVPRO, dont le siège social est situé […]

représentés par la SELARL JULIETTE COCHET-BARBUAT LEXAVOUE CHAMBERY, avocats postulantsau barreau de CHAMBERY et la SCP MOULINIER DULATIER & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de LYON

Intimés

M. C X, demeurant […]

SARL LP MANAGEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Sur le Mont Le Renard Bleu – […]

représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat au barreau de CHAMBERY

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 19 juin 2017 avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président, qui a procédé au rapport

—  Monsieur Gilles BALAY, Conseiller,

—  Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

— =-=-=-=-=-=-=-=-

Constituée en avril 1985 avec pour objet la vente de produits et de systèmes de production automatique, notamment des lignes de bobinage, la société PROSYS SA a vu son capital apporté en 1999 à la société PROSYS DEVELOPPEMENT, devenue en 2002 FINDEVPRO.

En 2003, les sociétés FINDEVPRO et PROSYS SA ont été placées en redressement judiciaire et ont vu leur plan de redressement adopté en juin 2004 par le tribunal de grande instance de Thonon les Bains, la société MAIKE entrant au capital et M. X devenant directeur général, mandataire social, en remplacement de M. D Z, puis, en 2005, président du conseil d’administration de la société PROSYS, ainsi que de la société FINDEVPRO en 2008.

Courant 2010, la société MAIKE est sortie du capital de FINDEVPRO, son capital étant alors détenu à hauteur de 99,75% par M. D Z, avec filiale la société PROSYS SA, détenue à concurrence de 99,9% du capital.

Le 06/10/2010, elle a cédé la totalité des actions PROSYS SA à la société PROSYS DEVELOPPEMENT, détenue à 100% par la société LP MANAGEMENT, dirigée par M. X, au prix de 3,4 millions d’euros.

M. D Z est décédé le 01/09/2011, laissant pour héritiers ses deux fils, Y et F Z.

Deux litiges vont opposer alors M. X et les consorts Z :

— par arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry du 13/05/2014, M. Y Z a été débouté de sa demande de voir annuler la cession par la société civile ENDEN à M. X de l’immeuble sis 425, route de Serry à Fillinges (74), dans lequel la société PROSYS SA louait ses locaux ;

— par acte du 16/01/2014, la société FINDEVPRO a assigné en nullité de la vente devant le tribunal de commerce de Thonon les Bains la société LP MANAGEMENT et M. X, ces derniers appelant en cause MM. Y et F Z.

Par jugement du 17/12/2015, le tribunal a jugé régulière la vente faite par la société FINDEVPRO à la société PROSYS DEVELOPPEMENT et a débouté la société FINDEVPRO de sa demande et M X et la société LP MANAGEMENT de leur demande reconventionnelle.

La société FINDEVPRO et MM. Y et F Z ont relevé appel de cette décision le 27/01/2016.

Par ordonnance du 02/02/2017, le conseiller de la mise en état a imparti à la société FINDEVPRO un délai d’un mois pour communiquer aux intimés ses réponses adressées à l’administration fiscale suite à sa proposition de rectification du 20/06/2014, une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard, dont le conseiller de la mise en état se réserve la liquidation éventuelle, étant encourue, passé ce délai.

Dans leurs conclusions d’appelants n° 4 du 09/06/2017, ils concluent à l’infirmation du jugement déféré, demandant à la Cour de :

— constater que M. C X en sa qualité de directeur général et de président de la société FINDEVPRO a cédé les actions de la société PROSYS détenues par la holding FINDEVPRO à un prix consciemment sous évalué à la société PROSYS DEVELOPPEMENT dans laquelle il était directement intéressé ;

— dire que M. X a en toute connaissance de cause fait prévaloir son intérêt personnel et l’intérêt de la société PROSYS DEVELOPPEMENT sur celui de la holding FINDEVPRO ;

— dire que M. X et la société LP MANAGEMENT ont violé les dispositions régulières et réglementaires applicables aux sociétés anonymes ;

— dire que M. X et la société LP MANAGEMENT ont commis des fautes et des actes frauduleux engageant leur responsabilité civile ;

— dire qu’ils sont commis des fautes de gestion engageant leur responsabilité ;

— dire que ces manquements ont causé un préjudice à la société FINDEVPRO ;

— condamner M. X et la société LP MANAGEMENT in solidum à indemniser la société FINDEVPRO du préjudice subi ;

— les condamner solidairement au paiement à la société FINDEVPRO d’une provision de 2.224.775 euros outre intérêts au taux légal à compter du 17/01/2011 avec capitalisation ;

— désigner un expert financier pour déterminer le préjudice subi, avec pour mission de vérifier la valorisation des titres détenus par FINDEVPRO dans la société PROSYS figurant au bilan de la société FINDEVPRO arrêté au 31/08/2010, de dire s’il y a lieu à la modifier ou à la compléter, notamment pour tenir compte d’éléments d’actifs non valorisés, et dans l’affirmative, proposer une valorisation des titres détenus par FINDEVPRO dans la société PROSYS à la date du 17/01/2011 ;

— dire que l’inexécution de l’ordonnance du 02/02/2017 provient d’une impossibilité d’exécution par la société FINDEVPRO et ordonner la suppression totale de l’astreinte provisoire, et à titre subsidiaire, en limiter le quantum provisoire à l’euro symbolique ;

— débouter M. X et la société LP MANAGEMENT de leurs demandes et les condamner au paiement de la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent en substance que :

— M. Y Z ayant été régulièrement désigné en qualité d’administrateur de la société FINDEVPRO par assemblée générale du 24/02/2012 à la société FINDEVPRO un délai d’un mois pour communiquer aux intimés ses réponses adressées à l’administration fiscale suite à sa proposition de rectification du 20/06/2014, une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard, dont le conseiller de la mise en état se réserve la liquidation éventuelle, étant encourue, passé ce délai puis président du conseil d’administration suite à la réunion du conseil du 23/03/2012, l’assignation délivrée est régulière, la société FINDEVPRO étant pourvue d’un représentant légal ;

— au surplus, ni M. X ni la société LP MANAGEMENT ne sont actionnaires de FINDEVPRO et n’ont ainsi pas qualité pour invoquer ce moyen de nullité ;

— l’acte dommageable étant constitué par la cession des titres, le 17/01/2011, et l’action ayant été introduite le 16/01/2014, elle n’est pas prescrite, d’autant que son point de départ doit être fixé au 23/03/2012, date de la nomination de M. Y Z comme dirigeant de la société FINDEVPRO ;

— M. X, en sa qualité de dirigeant de la société FINDEVPRO, avait un devoir général de loyauté envers la société et ses actionnaires et devait agir en toutes circonstances dans l’intérêt social ;

— la cession des titres a été réalisée à un prix anormalement bas, au prix de 3.400.000 euros, alors qu’ils étaient valorisés dans le bilan à 5.031.568 euros, que les capitaux propres étaient de 5.033.075 euros et que la trésorerie était de 2.932.357 euros, ce qui a permis à M. X et à sa société de régler le prix d’acquisition par la seule distribution de la trésorerie excédentaire au moyen de dividendes ;

— du reste, l’administration fiscale a conclu à une valeur de 5.624.775 euros pour notifier un redressement le 20/06/2014 à la société FINDEVPRO ;

— les règles régissant les conventions réglementées n’ont pas été respectées, en l’absence d’information suffisante du conseil d’administration, d’avis du commissaire aux comptes et de consultation de l’assemblée générale ordinaire ;

— la cession a un caractère frauduleux, s’agissant d’un acte anormal de gestion ;

— l’opération litigieuse doit en conséquence être annulée.

Par conclusions n° 2 du 12/05/2017, M. X et la société LP MANAGEMENT demandent à la Cour de :

— réformer le jugement en ce qu’il n’a pas fait droit aux exceptions d’irrecevabilité ;

dire que M. Y Z n’a pas qualité pour agir au nom de la société FINDEVPRO, déclarer l’action irrecevable et prononcer la nullité de l’assignation ;

— dire prescrite l’action en nullité de la cession des actions de PROSYS SA ;

— dire prescrite la contestation de la procédure d’agrément des prêts de consommation ;

— en tout état de cause, écarter des débats la pièce adverse n° 30 et confirmer le jugement entrepris sur les demandes des appelants et demandeurs principaux ;

— dire que le conseil d’administration de la société FINDEVPRO a valablement autorisé la cession des actions de PROSYS SA dans le cadre de la procédure des conventions réglementées ;

— constater que la cession des actions est intervenues conformément aux conditions librement négociées entre le vendeur et l’acquéreur ;

— dire que le préjudice allégué n’est pas établi dans son principe ni dans son quantum :

— dire que l’action de la société FINDEVPRO est abusive ;

— en cas d’annulation de la cession des actions de PROSYS SA ou si la valeur était fixée à une somme supérieure au prix convenu entre les parties, condamner la société FINDEVPRO à restituer la somme de 3.400.000 euros et limiter les effets de la nullité à la restitution des titres et du prix ;

— à titre reconventionnel, condamner MM. Y et G Z à payer à titre de dommages intérêts à M. X la somme de 252.000 euros pour perte de rémunération depuis 6 ans, outre 345.000 euros d’indemnité complémentaire correspondant à trois années de recherche d’emploi et de perte d’activité, en raison des fautes commises par M. D Z engageant sa responsabilité en sa qualité d’administrateur au titre de la cession des actions de la société PROSYS ;

— condamner la société FINDEVPRO et les consorts Z à payer à M. X la somme de 200.000 euros de dommages intérêts pour préjudice moral et tentative de fraude au jugement au regard des pièces cachées à la Cour ;

— condamner la société FINDEVPRO et les consorts Z à payer à la société LP MANAGEMENT la somme de 200.000 euros au titre de la perte d’industrie pendant le temps consacré à ce dossier par M. X et ses collaborateurs, et donc la perte de valeur de PROSYS ;

— condamner la société FINDEVPRO et les consorts Z au paiement de la somme de 70.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte et celle de 75.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir en résumé que :

— au terme de la procédure fiscale, l’administration a considéré que le prix de vente des titres ne souffrait aucune critique, ayant considéré que la société PROSYS DEVELOPPEMENT n’avait pas bénéficié d’une libéralité ;

— l’action est prescrite par application de l’article L.235-9 du code de commerce, engagée le 16/01/2014, pour faire constater la nullité d’une délibération du conseil d’administration de FINDEVPRO du 06/10/2010, date de la vente, qui ne doit pas être confondue avec celle de l’émission de l’ordre de mouvement ;

— lorsque M. Y Z a été nommé président de FINDEVPRO, le conseil d’administration n’était pas valablement constitué ;

— la procédure des conventions réglementées a été respectée ;

— le commissaire aux comptes a été informé de l’opération ;

— le défaut d’approbation de la cession des actions de PROSYS SA par l’assemblée générale de la société FINDEVPRO n’est dû qu’aux man’uvres de ses dirigeants, notamment M. Y Z ;

— la cession est intervenue à la valeur de marché et le prix a été convenu librement entre les parties sans préjudice pour la société FINDEVPRO, M. D Z ayant acquis le 10/12/2010 49% des actions pour 385.000 euros, pour revendre la totalité de ses parts trois mois plus tard 3.400.000 euros, soit une plus-value de 1.240.000 euros, et ce, alors que la société PROSYS SA sortait d’une période tourmentée, qui s’était terminée par la scission du groupe PROSYS du groupe MAIKE ;

— le rapport d’expertise officieux établi par M. A en avril 2017 ne remet pas en cause le prix de cession, une des méthodes retenues habituellement arrivant au même chiffre et des éléments importants n’ayant pas été portés à la connaissance de l’expert ;

— aucune fraude n’est établie concernant M. X.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité à agir de M. Y Z

Les intimés font valoir que l’assemblée générale de la société FINDEVPRO du 24/02/2010 est nulle, seule la succession de M. D Z étant présente, et aucun justificatif de la convocation des autres actionnaires n’étant produit.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. Y Z a été désigné administrateur de la société FINDEVPRO par assemblée générale des actionnaires du 24/02/2012, puis a été nommé président du conseil d’administration lors de la réunion du conseil du 23/03/2012.

Ces décisions ont été mentionnées au registre du commerce et des sociétés et sont donc opposables aux tiers.

Tant la société LD MANAGEMENT que M. X sont des tiers à l’égard de la société FINDEVPRO, puisqu’ils ne détiennent plus aucune action de celle-ci.

Dès lors, s’agissant d’une nullité relative destinée à protéger les seuls actionnaires de la société concernée, ils ne sont pas recevables à soulever la nullité de l’assemblée générale et de la délibération du conseil d’administration.

Cette fin de non-recevoir sera rejetée, et la procédure sera déclarée régulière.

Sur le retrait de la pièce n° 30

Il s’agit de la proposition de rectification suite à une vérification de comptabilité de la DGFIP du 20/06/2014. L’authenticité de cette pièce n’est pas contestée, et ce n’est pas parce que les intimés n’ont pu obtenir les pièces relatives à la totalité de la procédure de vérification que ce document doit, ipso facto, être retiré. Il ne sera donc pas fait droit à la demande, la Cour pouvant tirer toute conséquence du fait qu’aucun document n’est versé quant à la suite de la procédure de vérification.

Sur la prescription

l’action en contestation de la régularité de la délibération du conseil d’administration ayant autorisé la vente du 06/10/2010 ;

Les appelants, pour démontrer l’existence d’une faute de gestion de M. X, font valoir que la cession a été réalisée au mépris des règles régissant les conventions réglementées, au motif notamment :

que le procès-verbal de la délibération du conseil a été rédigé par M. X, qu’il fait état d’une offre reçue de la part de la société PROSYS DEVELOPPEMENT, sans que celle-ci soit véritablement identifiée ;

qu’il est laconique, sans appréciation sur le prix offert, ni le rappel de la valeur des titres figurant dans les comptes, ni la démonstration argumentée de l’intérêt d’une telle opération pour FINDEVPRO.

Les intimés font valoir que toute action relative à la remise en cause de cette délibération est prescrite.

Aux termes de l’article L.235-9 du code de commerce, « les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la forclusion prévue à l’article L. 235-6 ».

En l’espèce, c’est lors de sa réunion du 06/10/2010 que le conseil d’administration de la société FINDEVPRO a pris acte de l’offre d’achat des actions de la société PROSYS formée par M. X et a autorisé son PDG à signer les actes afférents à la vente.

Dès lors, le point de départ de l’action en nullité court à compter de cette date et non de celle des opérations d’exécution de la délibération, comme la transcription de la cession des actions dans le registre des mouvements de titres du 17/01/2011, la transaction ayant été du reste exécutée dès les 4 et 14/10/2010, par la remise de chèques en règlement du prix de cession.

Il convient de relever par ailleurs qu’aucune preuve n’est apportée concernant une éventuelle dissimulation de cette décision, le conseil de l’époque de la société FINDEVPRO ayant remis des documents au notaire chargé de la succession de M. D Z le 24/10/2011, le rapport de gestion du conseil d’administration à l’assemblée générale du 03/12/2012 faisant état quant à lui de produit de la vente des actions d’un montant de 3.400.016 euros, et indiquant que « au cours de l’exercice écoulé, la société a cédé l’intégralité de la participation qu’elle détenait dans le capital de la société PROSYS SA ».

En conséquence, l’action des appelants, fondée sur la régularité de la cession des actions, est prescrite, comme ayant été engagée plus de trois années après la décision litigieuse. Le moyen tiré de l’irrégularité de la délibération du 06/10/2010 ne peut donc être retenu par la Cour et le jugement déféré sera réformé de ce chef.

l’action en responsabilité contre M. X

Selon l’article L.225-254 du code de commerce, « l’action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l’action se prescrit par dix ans ».

M. X est resté dirigeant de la société FINDEVPRO jusqu’au 25/02/2011.

Les appelants doivent ainsi reprocher des manquements commis par M. X soit entre le 16 janvier et le 25 février 2011, soit démontrer que des fautes ont été commises antérieurement au 16/01/2011, et qu’elles ont été dissimulées par le dirigeant.

En l’occurrence, concernant la délibération du conseil d’administration du 06/10/2010, aucune dissimulation n’est démontrée :

— toutes les formalités ayant trait à la convocation du conseil d’administration à l’effet d’autoriser la cession, l’information du conseil, la tenue de la réunion, la délibération elle-même, sont soit antérieures soit concomitantes à la délibération du 06/10/2010 et tout grief s’y rapportant est ainsi prescrit, la réunion ne s’étant pas tenue de façon occulte, et le procès-verbal de la délibération n’ayant pas été dissimulé ;

— le procès-verbal est dûment motivé, puisqu’il est noté : « compte tenu de la situation économique et des obligations financières de PROSYS SA, la société FINDEVPRO risque de se trouver dans l’impossibilité de faire face à cet engagement ce qui conduirait vers une nouvelle procédure judiciaire. Aussi, il apparaît opportun d’envisager la cession de cette participation afin de recueillir les ressources permettant de désintéresser les créanciers avec lesquels des négociations sont en cours. Il est également rappelé que M. X qui assure la direction de PROSYS SA depuis 2004 a confirmé son engagement de poursuivre le redressement et le développement du groupe PROSYS et s’est déclaré intéressé par la reprise du capital de PROSYS SA via la société PROSYS DEVELOPPEMENT Sarl qu’il dirige et contrôle » ;

— de même, il y est indiqué que la cession des actions PROSYS SA s’effectue « au profit de la société PROSYS DEVELOPPEMENT ou de toute autre société qu’elle contrôlerait », l’acquéreur étant ainsi parfaitement identifié.

En revanche, des formalités postérieures devaient être effectuées par le dirigeant social, s’agissant d’une convention réglementée au sens de l’article L.225-38 du code de commerce, la cession des actions PROSYS SA intervenant entre la société FINDEVPRO dirigée par M. X et la société LP DEVELOPPEMENT, propriété de M. X.

Ainsi, conformément à l’article R.225-30 du même code, le président du conseil d’administration doit aviser les commissaires aux comptes de ces conventions dans le délai d’un mois à compter de leur conclusion, c’est à dire à compter du 6 octobre 2010.

Il peut en résulter une faute dès lors que cette formalité n’est pas accomplie, qui subsiste durant toute la durée du mandat social, c’est à dire jusqu’au 25/02/2011. Dès lors, l’action reposant sur ce grief n’est pas prescrite.

Concernant l’absence de consultation de l’assemblée générale ordinaire, celle-ci ne pouvait avoir lieu qu’après la clôture de l’exercice, pour pouvoir approuver les comptes, soit après le 31/08/2011, date à laquelle M. X avait quitté la société et n’était donc plus en mesure de procéder à cette consultation.

Sur la responsabilité de M. X résultant de l’absence d’avis des commissaires aux comptes sur la cession des titres PROSYS

Si le manquement est établi, il doit néanmoins, pour entraîner la responsabilité de M. X, avoir occasionné un préjudice à la société FINDEVPRO.

Celle-ci fait valoir que le prix payé était notablement sous-évalué, et qu’il est résulté de l’absence d’avis du commissaire aux comptes un préjudice consistant dans la perte de chance d’avoir pu obtenir un prix plus élevé.

Elle fait valoir à ce sujet que :

— l’administration fiscale a relevé que la transaction intervenue l 'avait été à un prix inférieur à la valeur comptable des titres telle qu’inscrite au bilan de la société FINDEVPRO ;

— M. A, expert consulté à titre officieux, a abouti à une valeur des titres PROSYS entre 5.160 K€ et 5.827 k€, par comparaison avec une transaction récente et sur la base de l’actif net comptable réévalué.

Ces estimations ne seront pas retenues par la Cour, car exclusivement fondées sur la valeur comptable des titres, et ne prenant pas en compte la situation économique de l’entreprise.

Il convient de relever que la procédure de redressement entamée par l’administration fiscale n’a pas abouti, aucun élément en ce sens n’ayant été produit par les appelants, et que si l’expert amiable s’est fondé sur une transaction récente, c’est en réalité pour déterminer le montant d’une plus-value, qui a été appliquée à la valeur comptable.

Or :

— la société PROSYS avait connu les années précédentes beaucoup de vicissitudes, résultant d’une part, de dissensions au sein de son actionnariat, entre le groupe MAIKE d’une part et M. D Z d’autre part, ce qui est de nature à sous-valoriser l’entreprise ;

— elle avait fait l’objet d’un plan de redressement par apurement du passif dont elle n’était pas encore totalement sortie en octobre 2010 ;

— M. D Z a racheté à la société MAIKE 49,49 % du capital de FINDEVPRO durant l’été 2010 (le mouvement des titres n’a eu lieu qu’en décembre 2010) pour la somme de 778.000 euros seulement ; même si l’on tient compte du fait qu’il s’agit de la cession d’une participation minoritaire, générant nécessairement une moins -value, la valeur totale de FINDEVPRO telle qu’estimée par ses propriétaires, ne pouvait excéder la somme de 2 millions d’euros environ ;

— la méthode très usuellement pratiquée pour fixer la valeur de l’entreprise, comme l’indique du reste à juste titre M. A dans son rapport très précis et objectif (la Cour en retiendra les chiffres) et son ajout du 08/06/2017, est celle du multiple de l’EBITDA (EBE affecté d’un coefficient en fonction de la taille de l’entreprise, du secteur d’activité, de la conjoncture, etc,.. déterminée en fonction des transactions sur le marché, en l’espèce 5,6, auquel on ajoute la trésorerie minorée des dettes financières soit en l’occurrence 1.541 k€) ; le calcul opéré par l’expert amiable aboutit à une somme très voisine de celle litigieuse, à savoir 3.752.000 euros ;

— si l’expert amiable n’a pas retenu cette méthode, pour prendre celle, beaucoup plus théorique, car déconnectée des valeurs de marché, de la valeur comptable, c’est en raison de la très grande fluctuation du résultat d’exploitation ;

— or, cette méthode est tout à fait viable ; certes l’EBITDA a varié fortement, de 902.000 euros pour l’exercice 2008, avec des pertes de 52.000 euros en 2009 et de 63.000 euros en 2010 ; toutefois, si l’on lisse ces résultats sur quatre années, en prenant en compte l’intégralité de l’exercice 2011, au résultat de 375.000 euros, la valeur d’entreprise n’est guère modifiée, car s’élevant alors à 902 k€ – (52 +63) + 375 (chiffre non retraité des dotations aux amortissements et aux provisions nettes des reprises) / 4 soit un EBITDA moyen sur les exercices 2008/2011 de 290 k€. On aboutit alors à une valeur d’entreprise de (290 k€ x 5,6) soit 1.624.000 euros valeur 2011 au lieu de 1.473.000 euros en 2010. Compte tenu de la valeur nette de l’immobilier de 1 535 k€ – ( 91 k€ et 481 k€) soit 963.000 euros, et de la trésorerie nette (1.541 k€), la valeur de la société estimée au 31/08/2011 est alors de 4.128.000 euros, soit une somme très proche de celle fixée au mois d’octobre précédent ;

— enfin, la valeur des titres résulte d’une négociation intervenue entre l’actionnaire, M. D Z, qui a vu là l’occasion non seulement de passer la main à un cadre confirmé, mais aussi de réaliser une substantielle plus-value, suite à l’acquisition des actions de la société MAIKE ; M. D Z étant un homme d’affaires et un industriel confirmé, ne peut être soupçonné d’avoir voulu brader son patrimoine, étant mu par la volonté de le transmettre dans les meilleures conditions possibles, de façon à assurer la pérennité de la société PROSYS.

Dans ces conditions, la Cour considère qu’aucun abus n’est susceptible d’être reproché à M. X dans l’exercice de son mandat social et qu’en tout état de cause, les commissaires aux comptes n’auraient pas émis d’avis défavorable à la transaction litigieuse.

La société FINDEVPRO ne démontrant pas suffisamment avoir subi un préjudice, le manquement commis par M. X n’a pas eu d’incidence. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages intérêts.

Sur la demande reconventionnelle

les dommages intérêts

Concernant la demande formée par M. X, aucune tentative de fraude au jugement ne peut être alléguée, en l’absence de man’uvre frauduleuse, les appelants ayant essentiellement fondé leur argumentation au fond sur le rapport d’expertise amiable A et ayant indiqué dans leurs conclusions que la procédure de redressement fiscal n’avait pas abouti en raison de l’absence de sommes exigibles.

Par ailleurs, il ne démontre pas avoir subi des conséquences préjudiciables du fait d’un changement d’attitude de ses partenaires, qui aurait eu lieu suite à la présente procédure.

Concernant la société FINDEVPRO, si celle-ci que cette action lui a cause un préjudice important, il convient de relever que son dirigeant, M. X, en est pour partie à l’origine, en ne prenant pas suffisamment de précautions lors de la cession des actions, notamment en ne sollicitant pas l’avis du commissaire aux comptes.

Enfin, s’il elle déclare avoir subi un préjudice du fait du temps passé par M. X et ses collaborateurs, ces frais relèvent en réalité de la demande qu’elle a formulée par ailleurs relative aux frais irrépétibles.

L’abus du droit d’ester en justice n’étant pas suffisamment établi, l’appel intejeté ne peut être considéré comme abusif, d’autant que le jugement déféré a été infirmé, ne serait-ce que partiellement.

Ces demandes seront rejetées.

la liquidation de l’astreinte

Celle-ci a été prononcée à l’occasion d’une demande de production de pièces, qui s’avère être finalement inutile, la procédure de redressement fiscal n’ayant pas d’incidence sur le présent litige. Dans ces conditions, l’astreinte sera réduite à néant.

les frais irrépétibles

L’équité commande une application modérée des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile exposés par les intimés, tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONSTATE que les appelants ont renoncé à leur demande en annulation de la cession des actions de la société PROSYS SA par la société FINDEVPRO,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la demande recevable en ce que la société FINDEVPRO est représentée par M. Y Z,

LE REFORME pour le surplus,

DIT n’y avoir lieu à retrait de la pièce n° 30,

DIT que l’action en contestation de la régularité de la délibération du conseil d’administration ayant autorisé la vente du 06/10/2010 est prescrite,

DIT que l’action en responsabilité contre M. X fondée sur l’inobservation des règles régissant les conventions réglementées n’est pas prescrite et est recevable,

DEBOUTE les appelants de leurs demandes,

DEBOUTE les intimées de leurs demandes reconventionnelles, hormis celle relative aux frais irrépétibles,

CONDAMNE solidairement les consorts Z et la société FINDEVPRO à payer à M. X et à la société LD DEVELOPPEMENT la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile,

LES CONDAMNE solidairement aux dépens de première instance et de référé,

AUTORISE Me DORMEVAL, avocate, à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 03 octobre 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Président, et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 3 octobre 2017, n° 16/00147