Cour d'appel de Chambéry, 4 mai 2017, 15/02221

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 2e ch., 4 mai 2017, n° 15/02221
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 15/02221
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains, 6 septembre 2015, N° 13/01734
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000034820530
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 04 Mai 2017

RG : 15/02221

FM/SD

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 07 Septembre 2015, RG 13/01734

Appelants

M. Daniel Roméo X…

né le 25 Février 1973 à FORT DE FRANCE (97200),

et

Mme Vanessa Johanne Y… épouse X…

née le 08 Octobre 1981 à PONTOISE (95300),

demeurant ensemble …

assistés de Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Maîtres Anne Valérie BENOIT et Stéphane SZAMES avocats plaidants au barreau de PARIS

Intimée

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE CHABLAIS, dont le siège social est sis 12 Avenue de Général de Gaulle – 74200 THONON LES BAINS prise en la personne de son représentant légal

assistée de Me Corine BIGRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 07 mars 2017 par Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Gilles BALAY, Conseiller, avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier, en présence de Ludivine Becquet, assistante de justice

Et lors du délibéré, par :

— Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président,

— Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, qui a rendu compte des plaidoiries

— Monsieur Gilles BALAY, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 5 septembre 2008, reçu par maître Yannick Z…, notaire, la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais a consenti un prêt immobilier aux époux Daniel X… et Vanessa Y… d’un montant de 429 370 CHF, soit une contrevaleur de 267 603 euros au jour de la signature, remboursable en 360 échéances de 2 334,24 CHF, au taux effectif global de 5,015 %, destiné à financer l’acquisition d’un terrain constructible et la construction d’une maison.

Le prêt est remboursé sans difficulté depuis lors.

Toutefois, arguant d’une erreur affectant le calcul du TEG, révélée par une étude financière qu’ils ont fait réaliser, les époux Daniel X… et Vanessa Y…, par acte d’huissier du 25 juillet 2013, ont fait assigner la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains afin de voir prononcer la déchéance de la banque de la totalité du droit aux intérêts du prêt.

Par jugement 7 septembre 2015, le tribunal de grande instance a :

— débouté les époux Daniel X… et Vanessa Y… de l’ensemble de leurs demandes,

— les a condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Les époux Daniel X… et Vanessa Y… ont fait appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour du 23 octobre 2015.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 mars 2017, les époux Daniel X… et Vanessa Y… demandent à la Cour de :

— annuler le prêt et l’assurance le garantissant, en application des dispositions de l’article L 111-1 du code monétaire et financier imposant l’euro comme monnaie de paiement,

— ordonner à la banque de leur restituer en Francs suisses toutes les sommes versées en Francs suisses au titre du prêt (échéances payées, frais divers, cotisations d’assurances), à défaut en euros selon le taux de parité au jour du remboursement,

— leur ordonner de restituer les fonds mis à disposition, soit la somme de 253 027,60 euros,

— ordonner la compensation entre les deux sommes et leur accorder 12 mois de délai pour verser le reliquat de la somme restant due,

subsidiairement,

— dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir d’information prévu par les dispositions de l’article L 312-8 du code de la consommation,

— prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

— ordonner l’imputation des remboursements effectués sur le capital emprunté,

— dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir de mise en garde,

en conséquence,

— condamner le Crédit Mutuel à leur rembourser la somme de 1 125 CHF acquittée au titre de l’ouverture du contrat de prêt,

— le condamner à leur rembourser l’intégralité du crédit (cotisations d’assurance, coût de la convention, des garanties, les loyers du prêt, les frais de tenue de compte),

— dire que le Crédit Mutuel a manqué à son devoir de conseil et/ou d’information,

en conséquence,

— le condamner à leur rembourser la somme de 1 125 CHF acquittée au titre de l’ouverture du contrat de prêt,

— le condamner à leur rembourser l’intégralité du crédit (cotisations d’assurance, coût de la convention, des garanties, les loyers du prêt, les frais de tenue de compte),

en tout état de cause,

— constater que le Crédit Mutuel ne justifie pas de l’envoi par voie postale de l’offre de prêt,

en conséquence,

— ordonner la déchéance du droit aux intérêts contractuels et l’imputation des remboursements effectués sur le capital emprunté,

— dire que le TEG ne respecte pas les dispositions du code de la consommation, en conséquence,

— prononcer la nullité de la stipulation des intérêts contractuels,

— dire que toutes les sommes versées s’imputeront sur le capital emprunté,

— dire que la clause par laquelle le Crédit Mutuel se décharge d’une partie de ses obligations est une clause abusive,

en conséquence,

— déclarer cette clause non écrite,

— dire que le comportement fautif du Crédit Mutuel les a exposés à des frais de 30 000 euros,

— condamner le Crédit Mutuel à leur payer cette somme,

— dire que le comportement fautif du Crédit Mutuel leur a causé un préjudice moral,

— condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme de 35 000 euros,

— ordonner, aux frais de la banque, la publication in extenso du dispositif de l’arrêt à intervenir sur une moitié de page, pendant deux mois dans les revues suivantes : Les Echos, Le Figaro, Le Monde, Libération, Banque, Banque et Droit, 60 Millions de Consommateurs, UFC Que Choisir et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— dire que toutes les condamnations prononcées à l’encontre de la banque porteront intérêts au taux légal,

— ordonner la capitalisation des intérêts générés par ces condamnations,

— condamner le Crédit Mutuel à leur payer la somme de 13 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

L’opération de crédit étant purement interne, dans la mesure où les parties sont de nationalité française, résident en France et où l’immeuble financé est situé en France, la clause stipulant la somme prêtée et le remboursement en francs suisses serait nulle.

Le Crédit Mutuel n’aurait pas respecté son obligation d’envoi postal de l’offre de prêt, il n’aurait pas donné aux emprunteurs l’intégralité des informations prévues par les dispositions de l’article L 312-8 du code de la consommation.

Il n’aurait pas satisfait à son obligation de mise en garde en ne vérifiant pas les capacités financières des emprunteurs et en leur offrant un crédit totalement inadapté à leur situation, monsieur percevant un salaire mensuel de 4 987,60 CHF, soit 3 023 euros et madame de 1 066,46 euros alors que les mensualités du prêt sont de 2 334,24 CHF soit 1 469 euros et qu’ils supportaient un autre prêt à hauteur de 387 euros par mois et avaient deux enfants en bas âge.

Le libellé en CHF les exposait gravement en cas d’appréciation du Franc suisse par rapport à l’euro.

La clause déchargeant le Crédit Mutuel de son obligation de conseil quant à l’investissement financé serait abusive.

Le TEG n’a pas pris en compte les frais de domiciliation de leurs revenus auprès du prêteur, ni le coût de l’acquisition de parts sociales imposées par le prêt.

Par conclusions notifiées par voie électronique notifiées le 2 mars 2017, la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais demande à la Cour de :

— confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

— débouter les époux Daniel X… et Vanessa Y… de l’intégralité de leurs demandes,

— condamner, in solidum, les époux Daniel X… et Vanessa Y… à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le Crédit Mutuel souligne que les conditions générales stipulent que « la monnaie de paiement est l’euro, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement »

Monsieur Daniel X… était salarié en Suisse et payé en francs suisses.

La Caisse de Crédit Mutuel du Chablais conteste tous manquements à ses obligations.

Les époux X… ne démontreraient pas quelque préjudice que ce soit.

Le calcul du TEG serait parfaitement régulier.

La clôture de l’instruction est intervenue le 2mars 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du prêt souscrit en devise étrangère

L’article L 111-1 du code monétaire et financier dispose que la monnaie de la France est l’euro, ce dont il s’évince que la stipulation d’une obligation en monnaie étrangère est licite si cette monnaie est prévue, non comme un instrument de paiement, mais comme une unité de compte.

Aux termes de l’arrêt du 14 novembre 2013, qui fait débat entre les parties, la Cour de cassation sanctionne un prêt consenti par le Crédit Mutuel dont les stipulations induisaient que si l’emprunteur pouvait demander la conversion du prêt en francs français, le prêteur pouvait lui imposer, en cas de désaccord, de choisir entre la poursuite du prêt en devise ou le remboursement par anticipation.

Or, si le prêt, objet du litige, contient la clause ainsi critiquée ne permettant pas à l’emprunteur de pouvoir imposer au préteur la conversion du prêt en euros, il stipule, en page 6 de l’acte notarié, que « Tous remboursements en capital, paiements des intérêts et des commissions et des cotisations d’assurance auront lieu dans la devise empruntée » mais que « la monnaie de paiement du prêt est l’euros, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement » permettant à l’emprunteur d’imposer à la banque de lui payer les échéances, les unes après les autres, en euros.

Le prêt consenti aux époux X… ne viole donc pas l’interdiction de conclure un prêt dont la monnaie de paiement serait une monnaie étrangère.

Les époux Daniel X… et Vanessa Y… seront, en conséquence, déboutés de leur demande d’annulation de l’acte de prêt de ce chef.

Sur le Taux Effectif Global

Il résulte des dispositions de l’article L313-1 du code de la consommation alors applicable, que dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

sur la souscription des parts sociales et la domiciliation des revenus

Les époux X… ont bien acquis, pour un montant de 30 euros, des parts sociales de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais, mais ils l’ont fait à l’occasion de l’ouverture de leur compte courant dans les livres de la banque, ce qui est établi par le fait, reconnu par les emprunteurs, que ni l’offre de prêt, ni l’acte authentique de prêt ne font état d’une obligation d’achat de parts sociales pour y souscrire.

Il en résulte que cette souscription ne constitue pas une condition d’octroi du prêt et que son coût n’a donc pas à être pris en compte au titre du taux effectif global.

Les époux X… soutiennent que les frais liés à la domiciliation de leurs revenus au Crédit Mutuel n’auraient pas été intégrés au taux effectif global, mais si le contrat stipule, en effet, en l’article 8 de ses conditions générales, que l’emprunteur s’oblige à cette domiciliation, il précise également que cet engagement constitue une contrepartie du taux favorable consenti par le prêteur aux emprunteurs et, qu’en cas d’inexécution de cette obligation, une majoration de 2 points du taux d’intérêt serait imposée à ces derniers.

Cette stipulation ne constitue donc pas une condition de l’octroi du prêt.

Au surplus, le Crédit Mutuel souligne avec pertinence que cette domiciliation ne génère pas en elle-même de frais particuliers, mais des frais divers de tenue de compte indéterminés et indéterminables lors de la souscription du prêt, qui n’ont, de ce fait, pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global.

Au demeurant les époux X…, alors que cette preuve leur incombe, n’établissent pas de frais de domiciliation qui aurait dû être intégrés aux taux effectif global, étant relevé que les frais mensuels de rapatriement des salaires frontaliers de monsieur Daniel X… de 3,24 CHF sont des frais afférents au compte courant des époux X… et surtout peuvent aisément être évités en faisant directement virer le salaire de monsieur Daniel X… sur son compte ouvert dans les livres du Crédit Mutuel.

sur le calcul du Taux Effectif Global

Il résulte des dispositions de l’article R 313-1 du code de la consommation que dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile et non sur la base de l’année bancaire de 360 jours.

Les époux X… ont fait procéder à une analyse du taux d’intérêt du prêt que leur a consenti le Crédit Mutuel dont il ressortirait que les intérêts ont été calculés non pas sur la base d’une année civile ainsi que l’exigent les dispositions précitées, mais sur celle d’une année bancaire de 360 jours, mais le tribunal a démontré qu’il n’en est rien.

Il résulte en effet des dispositions du c) de l’annexe de l’article R 313-1 du code de la consommation, alors applicable, que l’écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fraction d’année et qu’une année compte 365 jours, 52 semaines, ou 12 mois normalisés et qu’un mois normalisé compte 30,41666 jours (c’est à dire 365/12).

En l’espèce le coût du crédit est de 429 370 francs suisses et l’intérêt mensuel du crédit calculé conformément à ces règles s’établi à la somme de (429 370 x 4,6 % x 30,41666/365), soit 1 645,92 CHF, le calcul de la société Financière Mirebeau étant moins pertinent dans la mesure où il s’attache à « reconstituer le montant des intérêts intercalaires » alors que le prêt est assorti d’une période de 5 mois de franchise et qu’à l’inverse la somme de 1 645,92 CHF correspond très exactement, à la décimale près, conformément aux dispositions du c) de l’annexe l’article R 313-1, au montant des intérêts perçus au titre de la première année d’amortissement, ainsi que cela ressort du tableau prévisionnel d’amortissement en CHF produit.

Il convient, en conséquence, de retenir, à l’instar du premier juge, que le TEG du prêt litigieux a bien été calculé sur la base d’une année de 365 jours et non de 360 jours.

Il n’est donc pas établi d’irrégularité du taux effectif global.

Sur les modalités d’envoi et d’acceptation de l’offre de crédit

Il résulte de l’application combinée des articles L312–7 et L312-10 du code de la consommation que l’offre de crédit doit impérativement être adressée à l’emprunteur par voie postale et que ce dernier ne peut l’accepter qu’après un délai de réflexion de 10 jours courant à compter de sa réception, le cachet de la poste faisant foi.

L’acte notarié de prêt, régularisé le 5 septembre 2008, stipule au début de l’exposé, page 2 de l’acte, que l’emprunteur confirme avoir reçu l’offre de prêt par voie postale le 18 juillet 2008 et l’avoir acceptée par courrier envoyé au prêteur le 29 juillet 2008; cet élément étant corroboré par l’accusé réception et l’acceptation de l’emprunteur contenus dans l’offre de prêt dont il ressort que les époux X… ont indiqué, de manière manuscrite, avoir reçu l’offre de prêt le 18 juillet 2008 et l’avoir acceptée le 29 juillet 2008.

Le Crédit Mutuel produit enfin une copie de l’enveloppe par laquelle les époux X… lui ont retourné l’offre acceptée dont le cachet de la poste mentionne la date du 30 juillet 2008.

Il ne peut être demandé au Crédit Mutuel de produire le cachet de la poste figurant sur l’enveloppe d’envoi de l’offre, seuls les époux X… détenant cette pièce.

Or, les dispositions de l’article L 312-33 du code de la consommation définissant les sanctions alors applicables, notamment en cas de non-respect des dispositions des articles L312–7 et L312-10, d’une part ne visent que les hypothèses d’absence de date ou de fausse date, ce qui ne correspond pas aux faits de l’espèce et d’autre part disposent que le prêteur ou le bailleur pourra être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La sanction civile de déchéance du droit aux intérêts est donc facultative, or le manquement sanctionné ne correspondant pas exactement aux irrégularités invoquées et le Crédit Mutuel ayant produit tous les éléments dont il pouvait disposer qui tendent très fortement à établir que le délai de 10 jours a été respecté, la cour ne sanctionnera pas la banque de ce chef d’irrégularité.

Sur le non-respect des formes prévues par les dispositions de l’article L 312-8 du code de la consommation alors applicable.

Les manquements invoqués par les époux X… reposent sur le postulat selon lequel le prêt est libellé en CHF et ne pourra être remboursé qu’en CHF, ce qui, ainsi qu’il a précédemment été dit, est faux dans la mesure où tant l’offre de prêt que l’acte notarié de prêt stipulent que «la monnaie de paiement du prêt est l’euros, l’emprunteur ayant toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement» permettant bien à l’emprunteur d’imposer à la banque de payer les échéances, les unes après les autres, en euros, les époux X… n’établissant pas la fausseté de cette stipulation.

De manière plus précise, les époux X… font grief à la banque du fait que l’offre de prêt ne donne aucune information sur le taux de change appliqué, mais les dispositions qu’ils invoquent ne prévoient aucune obligation de ce chef.

Il doit donc être retenu que l’offre de prêt litigieuse respecte les dispositions de l’article L 312-8 du code de la consommation.

Sur la responsabilité du Crédit Mutuel au titre de ses obligations de conseil, d’information et de mise en garde

Force est de constater que le Crédit Mutuel s’est enquis des revenus des époux Daniel X… et Vanessa Y… lors de la souscription du prêt accepté par ces derniers le 29 juillet 2008.

Monsieur Daniel X… était employé en qualité de technicien de maintenance par une société suisse ISS FM Services, certes depuis 7 mois lors de la souscription de l’emprunt mais il bénéficiait d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Son contrat de travail stipule un salaire annuel brut de 70 000 CHF, de ses bulletins de salaires produits il ressort que son salaire mensuel net, c’est à dire impôts prélevés à la source non déduits, s’élevait à la somme de 5 651,22 CHF, étant souligné que des relevés de compte font apparaître le versement de boni évoqués par le contrat de travail qui ne sont pas ici retenus en l’absence d’indication sur la périodicité de ces versements.

Madame Vanessa Y… disposait, lors de l’acceptation du prêt, d’un salaire mensuel de 1 065,46 euros, représentant, en application du taux de change alors en cours, 1 734,14 CHF.

Le revenu net des époux Daniel X… et Vanessa Y… s’élevait donc, à la date de souscription de l’emprunt, à la somme de 7 385,36 CHF, tandis que les échéances du prêt, s’élevant à 1 779,20 CHF la première année et à 2 334,24 CHF les années suivantes, représentaient respectivement 24,09 % et 31,60 % des revenus du couple.

Ainsi en mai 2008, le prêt à taux fixe consenti par le Crédit Mutuel, destiné à financer la construction de la résidence principale des époux X…, était tout à fait proportionné aux revenus du couple et, compte tenu des charges mensuelles avancées dont toutes ne sont d’ailleurs pas justifiées, il ne les exposait pas à un risque de surendettement.

Force est d’ailleurs de constater que le Crédit Mutuel expose que le prêt est remboursé sans difficulté depuis sa souscription, qu’il ne forme aucune demande en paiement au titre d’un arriéré, qu’il ne se prévaut pas de l’exigibilité anticipée du prêt et qu’il ressort des pièces produites par les époux X… que les difficultés qu’ils ont rencontrées ont été causées par des problèmes de santé de madame Vanessa Y… suffisamment graves pour qu’elle soit placée en congé longue durée, qu’elle perde son emploi et que le couple bénéficie d’une suspension de l’exigibilité de ses crédits accordés par une ordonnance du juge d’instance de Thonon-les-Bains rendue le 16 septembre 2016, circonstances qui ne pouvaient pas être anticipées par la banque lors de l’octroi du prêt.

Il n’est pas plus démontré que le Crédit Mutuel a manqué à ses obligations de mise en garde et de conseil quant à la souscription du prêt en Francs suisses dans la mesure où tant l’offre de prêt que l’acte de prêt stipulent :

«Il est expressément convenu que l’emprunteur assume les conséquences du changement de parité entre la devise empruntée et l’euro, qui pourrait intervenir jusqu’au complet remboursement du prêt.

L’emprunteur déclare connaître parfaitement les caractéristiques de l’investissement financé ainsi que les risques inhérents à ce type d’investissement, avoir consulté ses conseillers juridiques et fiscaux habituels et décharge expressément le prêteur de toute obligation de conseil ou de renseignement à cet égard.»

Ces stipulations ne constituent pas une clause abusive contrairement à ce que soutiennent les époux X… sur le fondement des dispositions de l’article R 132-1 du code de la consommation qui, dans ses termes actuels résultent d’un décret du 18 mars 2009 donc postérieur au prêt litigieux et qui dans sa rédaction antérieure ne visait que les contrats de ventes, ainsi que cela ressort de la pièce 7-1 produite par les époux X… eux même, sans que l’article L 132-1 du code de la consommation permette d’élargir le champ d’application des dispositions de l’article R 132-1.

En outre ces clauses ne sont pas retenues ici en ce qu’elles déchargent le Crédit Mutuel de sa responsabilité, mais, ainsi que l’a retenu le premier juge, en ce qu’elles manifestent que les époux X… ont été informés du possible changement de la parité entre le Franc suisse et l’euro.

Il ressort, en outre, des historiques de la parité entre ces devises, produits par les deux parties, qu’entre les années 1999 et 2009 comprise la parité a été stable, sans que rien ne démontre qu’il était prévisible, au printemps 2008, que le Franc suisse se renchérirait comme il l’a fait par la suite et il faut tenir compte de ce que le salaire de monsieur Daniel X… a subi, comme les échéances du prêt, ce renchérissement.

Il convient, par ailleurs, de rappeler que le contrat stipule que «L’emprunteur a toujours la faculté de rembourser en euros les échéances au moment de leur prélèvement», les époux X… gardant ainsi la possibilité de convertir leur prêt en euros.

Le prêt souscrit par les époux X… n’entraînait donc pas de risque d’endettement excessif.

Le tribunal a, en outre, souligné fort à propos que les époux X… ne démontraient pas avoir subi de préjudice puisqu’il n’est pas possible de déterminer jusqu’au remboursement total du prêt devant intervenir en 2039, si les fluctuations à venir du taux de change seront, ou non, favorables aux époux X….

Les époux Daniel X… et Vanessa Y… seront, en conséquence, déboutés de leurs demandes de ce chef.

Sur les demandes de réparation des époux X…

En l’absence d’irrégularité sanctionnée du contrat de prêt souscrit par les époux Daniel X… et Vanessa Y… auprès de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais par acte authentique du 5 septembre 2008, dont il convient de rappeler que le remboursement est toujours en cours sans incident déploré par la banque, les emprunteurs seront déboutés de l’intégralité de leurs demandes indemnitaires, de publication et au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais

Les époux Daniel X… et Vanessa Y… seront condamnés à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la Loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne les époux Daniel X… et Vanessa Y… à payer à la Caisse de Crédit Mutuel du Chablais la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne les époux Daniel X… et Vanessa Y… à supporter les dépens exposés en appel et autorise maître Corine Bigre, avocate, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Ainsi prononcé publiquement le 04 mai 2017 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.

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