Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 15 octobre 2019, n° 18/00326

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, 1re ch., 15 oct. 2019, n° 18/00326
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 18/00326
Décision précédente : Tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, 6 décembre 2017, N° 2016003282
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AF/SL

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 15 Octobre 2019

N° RG 18/00326 – N° Portalis DBVY-V-B7C-F4WG

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 07 Décembre 2017, RG 2016003282

Appelante

SARL ATM FRANCE, dont le siège social est situé […]

Représentée par la SELARL COCHET FRANCOIS, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL ROBERT & MORDEFROY, avocats plaidants au barreau de BESANCON

Intimée

SARL EXCLUSIF IMPORT, dont le siège social est situé […]

Représentée par la SELAS BILLET AVOCAT CONSEIL, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

— =-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en rapporteur, sans opposition des avocats, le 18 juin 2019 par Mme Alyette FOUCHARD, en qualité de rapporteur, avec l’assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

—  Monsieur Philippe GREINER, Président

—  Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller

— =-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL ATM France exerce une activité de commissionnaire en douanes. A ce titre elle a procédé aux formalités de dédouanement de marchandises importées, en l’occurrence de la bière provenant de Suisse, pour le compte de la SARL Exclusif Import de 2013 à 2015.

A la suite d’une erreur commise par l’un des salariés de la société ATM France dans les déclarations en douanes, reproduite pendant toute la période considérée, un droit d’accises spécifique, dû sur ces marchandises, n’a pas été payé au moment de l’importation.

Un contrôle du service des douanes a ainsi abouti à une rectification de 7.713 euros pour les droits d’accises et de 1.502 euros pour la TVA, outre une pénalité de 600 euros. Ces sommes ont été payées par la société ATM France au service des douanes, en exécution d’un règlement transactionnel convenu avec l’administration le 17 novembre 2015.

A la suite de ce contrôle et du redressement de droits qui s’en est suivi, la société ATM France a refacturé aux deux clients concernés les droits correspondants aux marchandises importées pour leur compte. C’est ainsi que la société ATM France a émis le 28 septembre 2015 une facture au nom de la société Exclusif Import pour un montant de 8.613 euros au titre des droits d’accises et de TVA erronés.

La société Exclusif Import a contesté devoir cette somme et a refusé de payer la facture émise.

C’est dans ces conditions que la société ATM France a saisi le président du tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains, lequel, le 6 septembre 2016, a rendu à l’encontre de la société Exclusif Import une ordonnance d’injonction de payer la somme de 8.613 euros en principal.

La société Exclusif Import a formé opposition à cette ordonnance.

Statuant sur cette opposition, par jugement contradictoire rendu le 7 décembre 2017, le tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains a:

• condamné la société Exclusif Import à payer à la société ATM France la somme de 8.613 euros, montant des droits d’accises,

• condamné la société ATM France à payer à la société Exclusif Import une somme de 8.613 euros à titre de dommages et intérêts,

• ordonné que le paiement de ces sommes soit effectué par compensation de créances,

• débouté les deux parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions,

• condamné les deux parties au paiement des dépens, chacune pour moitié.

Par déclaration du 9 décembre 2018, la société ATM France a interjeté appel de ce jugement.

L’affaire a été clôturée à la date du 3 juin 2019 et renvoyée à l’audience du 18 juin 2019, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 15 octobre 2019.

Il y a lieu de préciser que la cour s’en tient aux seules conclusions régulièrement notifiées par les parties. Ainsi, les «conclusions récapitulatives» figurant dans le dossier de plaidoirie de la société ATM France, qui n’ont jamais été notifiées à la société Exclusif Import, sont purement et simplement écartées des débats.

Par conclusions notifiées le 2 mai 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société ATM France demande en dernier lieu à la cour de:

' vu l’article 1999 du code civil,

' infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société ATM France à payer à la société Exclusif Import une somme de 8.613 euros, ordonné la compensation, débouté la société ATM France de ses autres demandes et l’a condamnée au paiement de la moitié des dépens,

' statuant à nouveau,

' débouter la société Exclusif Import de ses demandes dirigées à l’encontre de la société ATM France,

' en conséquence, dire n’y avoir lieu à compensation,

' condamner la société Exclusif Import au paiement des intérêts de retard au taux de trois fois le taux légal sur la somme de 8.613 euros, à compter du 6 octobre 2015, ainsi qu’à une indemnité forfaitaire de 40 euros,

' condamner la société Exclusif Import au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de la résistance abusive dont elle a fait preuve,

' condamner la société Exclusif Import au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, outre ceux de la procédure d’injonction de payer.

Par conclusions notifiées le 21 août 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Exclusif Import demande en dernier lieu à la cour de:

' vu l’article 293 A du code général des impôts, les articles 1991 et suivants du code civil,

à titre principal,

' infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Exclusif Import à payer les accises à la société ATM France pour 8.613 euros,

' statuant à nouveau, débouter la société ATM France de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Exclusif Import,

' condamner la société ATM France à payer à la société Exclusif Import la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' condamner la société ATM France aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me Michel Billet, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire, si la cour devait entrer en condamnation à l’égard de la société Exclusif Import,

' condamner la société ATM France à payer à la société Exclusif Import des dommages et intérêts équivalents au préjudice subi, à savoir 8.613 euros, majoré, éventuellement, des condamnations ordonnées par la cour.

MOTIFS ET DÉCISION

1/Sur la demande principale

En application de l’article 1999 du code civil, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exécution du mandat. S’il n’y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements et paiements, lors même que l’affaire n’aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu’il pouvaient être moindres.

Il est constant que la société ATM France a agi comme mandataire de la société Exclusif Import pour procéder aux déclarations en douane des produits importés ayant fait l’objet d’une rectification de taxation comme rappelé ci-dessus.

La société Exclusif Import soutient que le montant des droits d’accises et de la TVA rectifiés devraient rester à la charge de la société ATM France en raison de la faute commise par elle dans l’exécution de son mandat, puisque l’erreur de déclaration lui est entièrement imputable, et ce sur le fondement de la solidarité instituée par l’article 293 A du code général des impôts.

Le droit spécifique qui a fait l’objet du contrôle et de la rectification du service des douanes est prévu par l’article 520 A du code général des impôts. Il s’applique à la bière en fonction du taux d’alcool qu’elle présente.

L’article 293 A du code général des impôts dispose que, à l’importation, la taxe doit être acquittée par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration d’importation. Toutefois, cette taxe est solidairement due par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, tel que défini par l’article 5 des douanes communautaires.

La solidarité instituée par ce texte est destinée à garantir le recouvrement effectif des taxes à l’importation. Elle ne bénéficie donc qu’à l’administration des douanes qui peut réclamer le paiement tant à l’importateur qu’au commissionnaire en douane, mandataire du premier.

Cette solidarité n’a pas pour effet de permettre au destinataire réel des biens de se décharger de cette taxe sur son mandataire, celui-ci, lorsqu’il en a fait l’avance, devant être remboursé conformément aux dispositions de l’article 1999 du code civil précité.

Or ici la société Exclusif Import ne prétend pas que la marchandise importée ne lui aurait pas été livrée, ni qu’elle n’aurait pas pu la revendre, de sorte que, comme destinataire réel des biens, elle est bien tenue de rembourser les droits payés pour son compte par la société ATM France.

La société Exclusif Import soutient qu’elle n’a pas eu la possibilité de discuter auprès de l’administration des douanes les montants taxés, la transaction ayant été conclue par la société ATM France sans son aval.

Toutefois, elle n’explique pas quels moyens elle aurait pu opposer à l’administration des douanes pour voir réduire le montant des taxes qui répond à un calcul purement mathématique en fonction du degré d’alcool des bières importées.

Si la faute commise par le mandataire, au demeurant non contestée, ne l’avait pas été, la société Exclusif Import aurait ainsi nécessairement dû s’acquitter des mêmes taxes, mais le paiement en aurait simplement été au fil de l’eau, au lieu d’être rappelé en une seule fois.

En conséquence, il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que le tribunal a condamné la société Exclusif Import à rembourser à la société ATM France le montant des droits d’accises et de la TVA, hors pénalités dont la société ATM France ne demande pas le remboursement, l’erreur de déclaration et le retard de paiement lui étant imputables.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Exclusif Import à payer à la société ATM France la somme globale de 8.613 euros, sauf à y ajouter que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance de la facture, soit le 6 octobre 2015.

En effet, il n’y a pas lieu d’appliquer la majoration d’intérêts, ni l’indemnité forfaitaire de 40 euros comme stipulé sur la facture émise le 28 septembre 2015 (pièces n° 11 de l’appelante), dès lors qu’il ne s’agit pas de prestations réalisées par la société ATM France, mais de rappels de taxes.

2/ Sur la demande reconventionnelle

En application des articles 1991 et 1992 du code civil, le mandataire est tenu d’accomplir le mandat

tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Il répond des fautes qu’il commet dans sa gestion.

En l’espèce la société ATM France n’a jamais contesté avoir commis une faute consistant en une erreur dans la déclaration en douane. Elle a ainsi conservé à sa charge les pénalités réclamées par l’administration des douanes.

La société Exclusif Import soutient qu’elle a subi un préjudice du fait de la faute commise tenant à ce qu’elle n’a pu répercuter sur ses propres clients le montant des taxes litigieuses. Elle évalue son préjudice au montant de celles-ci.

La société ATM France fait grief à la décision déférée d’avoir fait droit à cette demande et d’avoir ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties.

Si le mandataire doit répondre des fautes commises dans l’exécution de son mandat, il appartient au mandant de rapporter la preuve du préjudice qu’il prétend avoir subi de ce fait.

Or en l’espèce, force est de constater que la société Exclusif Import affirme, sans aucunement en rapporter la preuve, n’avoir pu répercuter les taxes litigieuses sur ses propres clients. En effet, elle ne produit aucun élément comptable justifiant de ce fait, alors qu’il est certain que les droits d’accises et la TVA étaient incontestablement dus sur les importations auxquelles elle a procédé. L’absence de paiement de ces droits au moment même de l’importation lui a fait réaliser une économie à la date de celle-ci, dont elle ne justifie pas qu’elle aurait entraîné une baisse de ses propres prix de revente.

Aussi, c’est à tort que le tribunal a accordé à la société Exclusif Import des dommages et intérêts, celle-ci ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de la réalité du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait du paiement tardif de taxes auxquelles elle ne pouvait se soustraire.

Le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef.

3/ Sur les autres demandes

La société ATM France réclame des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Toutefois, elle ne rapporte pas la preuve d’avoir subi un préjudice indépendant du seul retard dans le paiement de sa créance, conformément aux dispositions de l’article 1153 ancien du code civil. Elle sera donc déboutée de cette demande.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ATM France la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, la société Exclusif Import, qui succombe, supportera les entiers dépens, de première instance et d’appel, comprenant les frais de la procédure d’injonction de payer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ecarte des débats les «conclusions récapitulatives» de la société ATM France, qui n’ont jamais été notifiées,

Confirme partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Thonon-Les-Bains le 7 décembre 2017,

Statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension de la décision,

Condamne la société Exclusif Import à payer à la société ATM France la somme de 8.613,00 euros, outre intérêts aux taux légal à compter du 6 octobre 2015,

Déboute la société ATM France du surplus de ses demandes,

Déboute la société Exclusif Import de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Condamne la société Exclusif Import à payer à la société ATM France la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Exclusif Import aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de la procédure d’injonction de payer.

Ainsi prononcé publiquement le 15 octobre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Philippe GREINER, Conseiller HH et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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