Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 26 novembre 2019, n° 19/00619

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 26 nov. 2019, n° 19/00619
Juridiction : Cour d'appel de Chambéry
Numéro(s) : 19/00619
Décision précédente : Conseil de prud'hommes d'Annecy, 28 mars 2019, N° 19/00012
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2019

N° RG 19/00619 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GGIG ADR / CM

SA LA POSTE – […]

C/ A-B Y Z

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 29 Mars 2019, RG R 19/00012

APPELANTE :

SA LA POSTE – […] prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège.

[…]

[…]

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat au barreau de CHAMBERY et ayant pour avocat plaidant CDMF AVOCATS, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIME :

Monsieur A-B Y-Z

[…]

[…]

Représenté par Me Michèle BLANC, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 17 Octobre 2019, devant Madame Anne DE REGO, Conseiller désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargée du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Mme Catherine MASSONNAT, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Madame Françoise SIMOND, Conseiller,

Madame Anne DE REGO, Conseiller qui a rendu compte des plaidoiries,

********

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. A-B Y-Z a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée par La Poste le 1er septembre 2008 en qualité de technicien conseil en maintenance.

Il était également membre suppléant du comité technique de La Poste. Son salaire moyen est de 2 064,83 euros bruts.

En juillet 2017, M. Y-Z s’est renseigné auprès de son conseiller en évolution professionnelle sur les dispositions du temps partiel aménagé seniors (TPAS) et a reçu une simulation sur l’éventuel salaire dont il pourrait bénéficier à compter du 1er septembre 2018.

Le montant de sa rémunération était alors évalué à 1 790,48 euros bruts.

Le dispositif TPAS de La Poste est un dispositif spécifique en interne au Groupe La Poste reposant sur le volontariat et permettant au personnel d’accéder à un dispositif de temps partiel avantageux ouvert aux salariés âgés de 56 ans qui, à l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite réuniront la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

M. Y-Z a effectué sa demande écrite le 8 octobre 2018 pour une entrée dans le dispositif au 1er décembre 2018 au regard de ce qu’il réunissait les conditions d’accès.

Au mois de septembre 2018 le service Allo RH lui indique avoir fourni un montant de sa rémunération erronée qui est réévaluée à 1 581,81 euros bruts.

M. Y-Z conteste alors ce nouveau calcul en indiquant que les astreintes dont il bénéficie ne sont pas prises en compte dans celui-ci.

Le 18 février 2019 M. Y-Z a saisi la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Annecy en faisant valoir que son employeur refuse d’appliquer ses propres règles par l’application de son BRH CORP-DRGH- 2018-141 du 15 juin 2018, et que la seconde estimation de TPAS est basée sur 60 % d’un temps plein et non 70 % et qu’ainsi la poste ne prend pas en compte dans son calcul les astreintes effectuées sur son poste.

Par ordonnance de référé en date du 29 mars 2019, le conseil de prud’hommes d’Annecy :

— a ordonné à la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie d’appliquer l’accord de mise en 'uvre du TPAS de M. Y-Z à 1 790,48 euros bruts mensuels,

— a ordonné à la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie de fournir à M. Y-Z l’avenant de mise en 'uvre du TPAS avec une rémunération brute mensuelle de 1790,48 euros réévaluée des augmentations 2018 et 2019 sous 15 jours à compter de la notification de la décision sous peine d’astreinte de 1500 euros par jour,

— s’est réservé le pouvoir de liquider l’astreinte,

— a condamné la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie à payer à M. Y-Z la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La décision a été notifiée aux parties par envoi recommandé avec avis de réception en date du 8 avril 2019.

Le 15 avril 2019, la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie a interjeté appel de la décision.

Vu l’ordonnance en date du 18 avril 2019 fixant l’affaire à bref délai à l’audience du 17 octobre 2019,

Vu l’ordonnance de référé rendue le 25 avril 2019 par le premier président de la cour d’appel de Chambéry qui :

— déclare recevable le recours de La SA La Poste tendant à la suspension de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu par la section des référés du conseil de prud’hommes d’Annecy ;

— ordonne l’arrêt de l’exécution provisoire de droit de l’ordonnance du 29 mars 2019 de la section des référés du conseil de prud’hommes d’Annecy ;

— dit que les dépens suivront le sort de ceux de l’instance principale ;

— dit que copie de la présente ordonnance sera adressée au conseil de prud’hommes d’Annecy et à la chambre sociale de la cour d’appel de Chambéry.

Vu la déclaration d’appel, l’avis de fixation à l’audience, l’ordonnance de référé du 25 avril 2019 et les conclusions signifiés par les parties,

Vu les conclusions notifiées le 16 octobre 2019 par la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie aux fins de voir :

A titre principal,

— dire et juger irrecevable le recours de M. Y-Z ,

A titre subsidiaire,

— réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné à La Poste d’appliquer l’accord TPAS, en fixant la rémunération de M. Y-Z à 1 790,48 euros bruts,

— réformer l’ordonnance de la section des référés du conseil de prud’hommes d’Annecy en date du 29 mars 2019 en ce qu’elle a ordonné à la SA La Poste une communication sous 15 jours à compter de la notification sous astreinte de 1500 euros par jour de retard, un avenant au contrat de travail de M. Y-Z fixant une rémunération à 1790,48 euros bruts,

— réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la SA La Poste au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

— constater que le dispositif TPAS n’est pas appliqué à M. Y-Z du fait que ce dernier conteste les modalités de calcul de la rémunération ;

— dire que la SA La Poste respecte en toutes ses dispositions le bulletin de ressources humaines internes à La Poste (références BRH CORP-DRGH- 2018-141 du 15 juin 2018), relatif aux 'Modalités de mise en 'uvre du TPAS pour les personnels exerçant ou ayant exercé des fonctions comportant des facteurs de pénibilité',

— débouter M. Y-Z de l’intégralité de ses demandes comme étant non fondées,

— condamner M. Y-Z au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Y-Z aux entiers dépens.

Elle fait valoir que la demande formée par M. Y-Z est irrecevable compte tenu de ce qu’il ne précise pas si sa demande est fondée sur la nécessité de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble illicite contrairement aux dispositions des articles R.1455-5 ou R.1455-6 du code du travail ; il en résulte que la demande en référé est sans fondement juridique ; il n’existe en l’espèce aucune situation d’urgence ; il existe une contestation sérieuse concernant les demandes du salarié puisque la SA- La Poste conteste le montant de la rémunération de M. Y-Z puisque les primes d’astreintes ne doivent pas être prises en compte pour cette estimation, et que le demandeur ne caractérise pas l’existence d’un trouble manifestement illicite et encore moins d’un dommage imminent.

Vu les conclusions notifiées le 22 mai 2019 par M. A-B Y-Z tendant à :

— déclarer mal fondé l’appel interjeté par la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie à l’encontre de l’ordonnance de référé rendu le 29 mars 2019 par le conseil de prud’hommes d’Annecy,

En conséquence, l’en débouter,

— voir confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 29 mars 2019,

— condamner la SA La Poste – DSCC Isère Pays de Savoie à lui verser une somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens éventuels d’exécution.

Il fait valoir que :

— sur la recevabilité de ses demandes : l’urgence est caractérisée dans la mesure où le dispositif TPAS auquel il a adhéré devait être mis en oeuvre le 1er décembre 2018 et qu’il n’est ouvert que jusqu’au 31 décembre 2019 ; ses demandes ne se heurtent à aucune contestation sérieuse puisqu’il ne demande que l’application des accords spécifiques mis en oeuvre au sein de la SA La Poste et qu’il remplit l’intégralité des conditions ; aucun trouble illicite n’est caractérisé ;

— il remplit l’intégralité des conditions d’accès ; sa demande d’adhésion a été transmise à la direction de la poste par sa hiérarchie avec une mention 'accord favorable’ ; la direction s’est cependant refusée à le faire bénéficier du TPAS en raison d’une divergence portant sur la rémunération à prendre en considération ; sa rémunération intégrant les primes d’astreintes était estimée à la somme de 1 790,48 euros bruts mensuels selon courriel du 4 août 2017 précisant que 'les primes d’astreintes étaient intégrées', puis il lui a été indiqué le 19 septembre 2018 que sa rémunération pour un TPAS à 70% serait d’un montant de 1 581,81 euros, la direction lui précisant que les montants annoncés n’ont pas de valeur contractuelle et que la simulation de juillet 2017 a été faite avec la prime TPAS, ce qui explique la différence de montant alors que selon lui elle résulte de l’exclusion des primes d’astreinte.

Vu la clôture des débats prononcée à l’audience du 17 octobre 2019, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré jusqu’au 26 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION:

Il sera rappelé en préliminaire que selon ordonnance de référé rendue le 25 avril 2019, le premier président de la cour d’appel de Chambéry a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire de droit de l’ordonnance du 29 mars 2019 de la section des référés du conseil de prud’hommes d’Annecy.

1) Sur la recevabilité de la requête :

S’agissant d’un référé, M. Y-Z qui a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy, fonde nécessairement sa demande sur l’urgence, l’absence de contestation sérieuse, ou sur la nécessité de mettre un terme à un trouble manifestement illicite.

Il y a donc lieu de déclarer sa demande recevable .

2) Sur l’urgence et l’absence de contestation sérieuse :

L’article R.1455-5 du code du travail dispose que : "Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud’hommes, ordonner toute les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différent."

Selon l’article R.1455-6 de ce même code dispose : 'La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.'

Selon l’article R.1455-7, ' Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.'

Le montant de la provision allouée n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée ; et cette disposition n’exige pas la contestation de l’urgence mais seulement celle de

l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.

Les mesures susceptibles d’être prises au sens de l’article susdit, sont des dispositions provisoires de nature à remédier à un état de crise conflictuelle sans pour autant trancher le fond du litige ni fixer les droits des parties.

M. Y-Z s’est renseigné auprès de La Poste sur le cadre du dispositif TPAS.

La 4 août 2018 La Poste lui a répondu que sa rémunération brute est 'estimée' à 1 790,48 euros bruts et rappelait que 'Ces données sont communiquées à titre estimatif et n’ont pas de valeur contractuelle'.

La Poste lui a par la suite adressé un courriel du 19 septembre 2018 fixant 'une estimation de son salaire fixée à 1 581,81 euros', et précisant en gras qu’il s’agit d’une estimation, et que 'Ces données sont communiquées à titre estimatif et n’ont pas de valeur contractuelle'.

Il a rempli le 8 octobre 2018 une demande d’admission au TPAS qu’il a signée, ainsi que son supérieur hiérarchique, M. X, qui a émis un avis favorable.

Le 26 octobre 2018, la directrice des ressources humaines a écrit à M. Y-Z pour lui indiquer qu’il remplissait bien les conditions requises définies dans le texte référencé : 'CORP-DRHG-2018-142 du 15 juin 2018" mais que sa demande d’admission n’était pas conforme au cadre réglementaire et légal puisqu’aucune annotation ne doit être apposée.

Elle l’a en conséquence invité à lui transmettre une nouvelle demande en bonne et due forme.

M. Y-Z a répondu que le montant de sa rémunération avait été fixée à 1 790,48 euros bruts et qu’il passait à 1 581,81 euros bruts, ce dont il s’étonnait notamment au regard des heures supplémentaires effectuées, et demandait en conséquence un rendez-vous le 12 novembre 2018.

Le 15 novembre 2018, le salarié expliquait par mail à la DRH mais également à son supérieur hiérarchique qu’il ne comptait pas renseigner une nouvelle demande de TPAS, et qu’il ne voulait pas que son salaire mensuel brut soit inférieur à celui formulé dans le courriel du 4 août 2018.

* Sur l’urgence :

Il est habituellement estimé qu’il y a urgence toutes les fois que le retard apporté à une solution provisoire et ne préjugeant en rien le fond met en péril les intérêts d’une partie.

En l’espèce l’urgence est démontrée par le fait qu’au 31 décembre 2019 M. Y-Z ne relèvera plus du dispositif TPAS au regard de son âge.

* Sur la contestation sérieuse :

Il y a lieu à contestation sérieuse dès lors que l’un des moyens de défense opposés à la prétention de celui qui s’appuie sur un droit n’est pas manifestement vain, dès lors autrement dit qu’il existe une incertitude, si faible soit elle, sur le sens dans lequel tranchera le juge du fond, s’il venait à être saisi.

En l’espèce il existe une contestation sérieuse sur les demandes formulées par M. Y-Z au titre du montant de la rémunération fixée qu’il percevra dans le cadre du dispositif TPAS, compte tenu de ce que les pièces versées par les parties ne permettent pas de retenir avec certitude l’intégration des primes dans la rémunération.

Dès lors, le juge des référés est incompétent pour en connaître et il n’y a donc pas lieu à référé.

* Sur les frais irrépétibles :

L’équité ne commande pas, en cause d’appel, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, et M. A B Y-Z qui succombe sera condamné aux entiers dépens de référé de première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :

— Ordonné à la SA La Poste-DSCC Isère Pays de Savoie d’appliquer l’accord de mise en oeuvre du TPAS tel que défini dans son CORP-DRHG-2018-142 du 15 juin 2018,

— Ordonné à la SA La Poste-DSCC Isère Pays de Savoie de fixer la rémunération TPAS de M. A B Y-Z à 1 790,48 euros brut mensuels,

— Ordonné à la SA La Poste-DSCC Isère Pays de Savoie de remettre à de M. A B Y-Z l’avenant de mise en oeuvre du TPAS portant la mention brut mensuelle de 1 790,48 euros bruts ré-évaluée des augmentations 2018 et 2019 sous quinze jours et sous peine d’astreinte de 1 500 euros par jour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

— Déclare la requête formée par M. A B Y-Z recevable,

— Dit n’y avoir lieu à référé,

— Déboute la SA-La Poste du surplus de ses demandes,

— Déboute M. A B Y-Z de ses autres demandes

— Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne M. A B Y-Z qui succombe, aux entiers dépens de référé de première instance et en cause d’appel.

Ainsi prononcé publiquement le 26 Novembre 2019 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Mme Catherine MASSONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Chambéry, Chbre sociale prud'hommes, 26 novembre 2019, n° 19/00619