Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 16 juin 2020, n° 19/01153
Chronologie de l’affaire
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Sur la décision
Référence : | CA Chambéry, 1re ch., 16 juin 2020, n° 19/01153 |
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Juridiction : | Cour d'appel de Chambéry |
Numéro(s) : | 19/01153 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Bonneville, 22 mai 2019, N° 19/00111 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Michel FICAGNA, président
- Avocat(s) :
- Cabinet(s) :
- Parties :
Texte intégral
PG/SL
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 16 Juin 2020
N° RG 19/01153 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GIAD
Décision attaquée : Ordonnance du Président du TGI de BONNEVILLE en date du 23 Mai 2019, RG 19/00111
Appelante
SARL B BERCK EXPLOITATION (B FRANCE) agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant es qualité audit siège, […]
Représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SCP BAULAC & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS
Intimée
SA CIFD – CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE, poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, […]
Représentée par la SELARL JULIETTE COCHET-BARBUAT LEXAVOUE CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par Me Eric SPAETH, avocat plaidant au barreau de PARIS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Suivant l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, l’affaire a été retenue sans audience avec l’accord des représentants des parties, et l’affaire a été délibérée avec :
— Monsieur Michel FICAGNA, Président
- Monsieur Philippe GREINER, Conseiller HH
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseiller
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La résidence de tourisme Le Refuge du Golf à Flaine, commune d’Araches la Frasse (74) est
composée de 15 chalets contenant 55 appartements, la plupart donnés à bail commercial.
L’appartement G2 de 40 m² a été acquis par M. X Y auprès de la société ImmoConcepts le 28/04/2008.
Celui-ci l’a donné à bail commercial le même jour à la société ENDEAVOUR CHALETS, ce bail prenant effet à l’issue de la construction, moyennant un loyer annuel de 14.310 euros HT.
Le fonds de commerce de la société ENDEAVOUR CHALETS a été cédé par la suite à la société Z A, le 07/01/2012.
L’appartement a fait l’objet d’une saisie immobilière à l’initiative de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE, venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN et lui a été adjugé par jugement de désertion d’enchères du 21/02/2013.
A compter du 15/06/2015, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) vient aux droits de la société adjudicataire.
Le 04/05/2016, la société Z A a écrit à l’ensemble des propriétaires de la résidence Le Refuge du Golf la lettre suivante : « dans le cadre d’une cession de fonds de commerce entre Z A et B France (ou toute société substituée par cette dernière), nous vous avons l’honneur de vous informer que la société B FRANCE (ou toute autre société substituée par cette dernière) deviendra votre locataire à compter du 16/05/2016 ».
La société CIFD a alors délivré une attestation aux termes de laquelle :
— elle a connaissance de la cession entre Z A et B FRANCE ;
— elle dispense ces sociétés de concourir à l’acte de cession ;
— elle agrée la cession ;
— elle accepte la société B FRANCE ou toute société substituée par elle en qualité de nouveau preneur aux lieu et place de Z A à compter du 16/05/2016 ;
— elle dispense le cessionnaire d’une notification par huissier et considère la cession comme régulièrement signifiée.
Le 06/11/2017, la société B C a fait diligenter une expertise amiable par le cabinet Berthier, qui a évalué la valeur locative d’un appartement de 40 m² dans la résidence à 4.535 euros/an.
Le 07/11/2018, la société B C a adressé un mail à la société CLVPROPERTIES indiquant que la TVA n’était pas due, le propriétaire du bien loué ne résidant pas en France et faisant un compte, compensant la TVA payée avec les loyers, ceux-ci étant fixés à la somme de 430,46 euros par mois.
Le 07/11//2018, la société C’est La Vie Properties a répondu à la société B FRANCE :« Effectivement, la TVA ne peut plus être payée aux propriétaires non résidents en France. Vous me dîtes que la régularisation porte sur 2016 et 2017. Le CIF étant propriétaire du lot de Araches depuis 2013 (..) la TVA devait bien être versée au CIF. Pour moi, la régularisation n’a pas lieu d’être. Par ailleurs, les loyers que nous avions sur 2017 étaient beaucoup plus élevés que ceux présentés dans votre tableau. Sur Araches, nous avions un loyer mensuel de 1311,75 euros.
Merci à vous de bien vouloir nous expliquer cette baisse et nous transmettre les documents qui ont dû être signés ».
Le 18/01/2019, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) a fait délivrer à la «Sarl B BERCK EXPLOITATION/B FRANCE » un commandement de payer visant la clause résolutoire en matière commerciale, portant sur la somme de 14.293,80 euros en principal, au titre de l’arriéré sur la période de juillet 2017 à novembre 2018.
Ce commandement étant resté infructueux, la société CIFD, aux droits de la société CIFRAA, a assigné devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bonneville la société B BERCK EXPLOITATION/B France en paiement de l’arriéré, en constatation de la résiliation du bail en expulsion des lieux loués, en fixation de l’indemnité d’occupation et en paiement de ses frais irrépétibles.
Par ordonnance du 23/05/2019, le juge des référés a :
— constaté la résiliation du bail du 14/01/2008 par l’acquisition de la clause résolutoire au 18/02/2019 e t l a q u a l i t é d ' o c c u p a n t e s a n s d r o i t n i t i t r e d e l a s o c i é t é D O R M I O B E R C K EXPLOITATION/B France depuis lors ;
— ordonné l’expulsion de la société B BERCK EXPLOITATION/B France et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
— débouté la société CIFD de sa demande d’autorisation d’enlèvement immédiat des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux aux frais, risques et périls de la défenderesse ;
— condamné par provision la société B BERCK EXPLOITATION/B France à payer à la société CIFD la somme de 18.229,05 euros, ainsi qu’une indemnité d’occupation correspondant au montant des loyers, soit la somme de 1.311,75 euros par mois à compter du 01/03/2019 ;
— condamné la société B BERCK EXPLOITATION/B France au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration du 20/06/2019, la société B BERCK EXPLOITATION/B France a relevé appel de cette décision.
Par conclusions d’appelant n° 3 du 08/01/2020, pour conclure à l’infirmation de la décision déférée, au débouté de la société CIFD de ses demandes et réclamer paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, elle fait valoir en substance que :
— elle-même n’a jamais été locataire du bien litigieux ;
— la société B C, de droit néerlandais, avec qui les échanges du bailleur ont eu lieu, est indépendante de la société B BERCK ;
— en réalité, le fonds de commerce de la société Z a été repris par la société LES PORTES DU GRAND MASSIF le 18/05/2016 ;
— une correspondance adressée par la société Z ne peut engager une société tierce ;
— l’existence d’aucune relation contractuelle n’est démontrée entre l’intimée et elle-même ;
elle ne s’est jamais comporté en qualité de locataire.
Dans ses conclusions d’intimé n° 2 du 03/01/2020, la société CIFD conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise, au débouté de la société B BERCK EXPLOITATION/B France de son appel et réclame paiement de la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que :
— une cession de bail est intervenue au profit de la société B FRANCE ;
— le nouveau preneur a tenté de renégocier à la baisse le montant du loyer ;
— les pourparlers n’ont pu aboutir, et la société B, cessionnaire du bail, est demeurée titulaire de celui-ci ;
— c’est bien la société B qui a été son interlocuteur, en adressant un récapitulatif du paiement des loyers et en sollicitant la récupération de la TVA des années 2016 et 2017 ;
— elle s’est présentée aux yeux du syndic comme le locataire ;
— la société B a ainsi créé une apparence de titulaire du bail ;
— elle cherche à créer une confusion entre les différentes sociétés constituant le groupe B, qui ont la même adresse française.
MOTIFS DE LA DECISION
La société CIFD a donné son accord à la société Z pour que la cession du bail se fasse au profit de la société B FRANCE ou à une autre société substituée par cette dernière.
C’est ainsi qu’au BODACC du 22/06/2016, a été publié l’avis de cession du bail concernant la résidence par la société Z A au profit de la société LES PORTES DU GRAND MASSIF, dont le siège à Berck, est situé à la même adresse que la société B FRANCE, au 41 chemin des Anglais et qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire simplifiée le 26/09/2019, la Selas MJS Partners (Me SOINNE) étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Toutefois, il s’agit d’une personne morale distincte de celle de l’appelante.
Certes, il est fait état de ce que l’appelante se soit présentée comme le locataire apparent du bien donné à bail. Toutefois, seul le juge du fond peut déterminer si la société B FRANCE est un preneur apparent ou est la véritable locataire, ou si elle doit garantir les engagements pris par la société substituée.
Le juge des référés, juge de l’évidence, ne peut lui que s’en tenir aux seuls actes signés, étant relevé en outre que :
— la désignation de la société B FRANCE comme nouveau locataire n’émane que de la seule société Z A ;
— ce n’est pas la société intimée qui a été l’interlocuteur de la société CIFP, mais la société B C, aucun courrier ou mail n’émanant de B FRANCE ;
— si la société CIFD fait état d’une réunion du 21/10/2016 entre elle et la société B, le compte-rendu établi à cette occasion, qui fait état d’une reprise du bail par B, n’a pas été signé par cette dernière ; en outre, il semble que la société B en question soit la société mère néerlandaise et non la société française de Berck ;
— ce compte-rendu indique bien que la société B est néerlandaise et qu’elle a trois filiales, une société de promotion, une société de vente d’habitations de vacances et une société d’exploitation commerciale, B C, sans qu’il soit fait état d’une branche française ; il en résulte que B C a bien une personnalité morale distincte de celle de l’appelante.
Dans ces conditions, la demande formée par la société CIFD se heurte à une contestation sérieuse, comme ayant été dirigée contre une personne dont il n’est pas suffisamment établi qu’elle est bien la locataire du bien immobilier en cause.
Il n’y a donc pas lieu à référé concernant les demandes formées par l’intimée, l’ordonnance de référé entreprise étant réformée.
En revanche, à ce stade de la procédure, l’équité ne commande pas l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par arrêt contradictoire,
REFORME l’ordonnance déférée,
STATUANT A NOUVEAU,
DIT n’y avoir lieu à référé concernant les demandes formées par la société CIFD,
DIT n’y avoir lieu à paiement des frais visés à l’article 700 du code de procédure civile exposés en cause d’appel par l’appelante,
CONDAMNE la société CIFD aux dépens,
AUTORISE la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avocats, à recouvrer directement les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.
Ainsi prononcé publiquement le 16 juin 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, Le Président,
Textes cités dans la décision