Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 2 juin 2017, n° 15/03928

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

PB

MINUTE N° 382/2017

Copies exécutoires à

La SELARL WEMAERE-LEVEN

— LAISSUE

Maître TASSEL-BENCHABANE

Le 02 juin 2017

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 02 juin 2017 Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 15/03928

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 mai 2015 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE de STRASBOURG

APPELANT et défendeur :

Le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence LE PHENICIA

agissant par son syndic, la S.A.S. ASI (AGENCE STRASBOURG IMMOBILIERE), ayant son siège social Centre d’Affaires LE MATHIS, XXX à XXX

ayant son siège social 69 à XXX

XXX

représenté par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE, avocats à COLMAR

INTIMÉES :

— demanderesse :

XXX

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

représentée par Maître TASSEL-BENCHABANE, avocat à COLMAR

— défenderesse :

2 – La SARL CHEZ Y anciennement SARL MILLE

GRILLADES

caducité partielle du 26.01.2016

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 07 avril 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Madame Pascale BLIND, Conseiller

Monsieur Edgard PALLIERES, Vice Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SCI Erik est propriétaire d’un local commercial au sein de la copropriété Résidence « Le Phénicia » qu’elle a donné en location à la société Mille grillades, dirigée par M. X, selon contrat de bail commercial du 1er avril 2011. Les lieux ont été aménagés en restaurant de doner kebab.

À la suite de plaintes du voisinage, le cabinet Veritas a été mandaté par la mairie d’Oberhausbergen afin d’effectuer un contrôle de la capacité d’extraction d’air de l’installation de la cuisine.

Le cabinet Veritas a rendu son rapport le 20 septembre 2011, déclarant le dispositif de rejet d’air vicié non conforme, compte tenu du non-respect d’une distance minimale de 8 m entre la grille de rejet des hottes et les ouvrants ou prises d’air neuf.

Par courrier du 21 septembre 2011, M. X a été mis en demeure par la mairie de se mettre en conformité avec la réglementation.

Alertée par son locataire de cette difficulté, la SCI Erik a sollicité auprès de l’assemblée générale des copropriétaires l’autorisation d’effectuer les travaux de mise en conformité, sur le fondement des dispositions de l’article 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965, les travaux consistant en la pose d’une gaine d’aération sur la façade de l’immeuble.

Une assemblée générale extraordinaire s’est tenue le 27 octobre 2011 et a rejeté dans une résolution n° 4 cette demande.

Par acte d’huissier délivré le 11 mai 2012, la SCI Erik a fait assigner le syndicat de copropriétaires de la résidence « Le Phénicia » aux fins de voir annuler cette résolution, subsidiairement l’autoriser à réaliser les travaux de mise en conformité, et condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par assignation délivrée le 1er mars 2013, le syndicat des copropriétaires a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de voir prononcer la résiliation du bail commercial conclu entre la SCI Erik et la SARL Mille grillades, devenue SARL Chez Y, et ordonner l’évacuation sous astreinte du locataire.

Les deux procédures ont été jointes le 10 avril 2013.

Par jugement du 27 mai 2015, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

— annulé la résolution n° 4 de l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence « Le Phénicia » en date du 27 octobre 2011 ;

— débouté la SCI Erik de sa demande de dommages et intérêts ;

— débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande en résolution du bail commercial ;

— condamné le syndicat des copropriétaires aux dépens de la procédure principale et de la procédure mettant en cause la SARL Chez Y ;

— condamné le syndicat des copropriétaires à verser à la SCI Erik la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

— condamné le syndicat des copropriétaires à verser à la SARL chez Y la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le refus opposé par l’assemblée générale des copropriétaires est abusif, dès lors que l’exploitation d’un restaurant est autorisée par le règlement de copropriété, que les nuisances olfactives dont les copropriétaires se plaignent ne sont pas anormales et tiennent pour une large part à leur refus d’autoriser des travaux visant précisément à permettre à l’exploitant d’exercer son activité dans des conditions conformes à la réglementation en vigueur, susceptibles de mettre fin aux nuisances. Il a également relevé que le caractère éventuellement inesthétique de la gaine d’aération n’était que très peu invoqué et ne paraissait pas avoir fondé la décision de refus.

* Le syndicat de copropriétaires de la résidence « Le Phénicia », représenté par son syndic, la SAS Agence Strasbourg immobilière, a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 13 juillet 2015.

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 avril 2016, il demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de rejeter la demande d’annulation de la résolution précitée, de rejeter l’appel incident, dire que les travaux soumis à autorisation des copropriétaires ne peuvent faire l’objet d’une autorisation judiciaire, de condamner la SCI Erik aux dépens ainsi qu’au versement d’une somme de 4 000 euros, pour chacune des procédures de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, le syndicat des copropriétaires fait valoir que M. X s’est placé sciemment dans une situation d’illégalité en débutant l’exploitation du restaurant alors même qu’il était informé par le syndic, dès le 2 mai 2011, de

difficultés liées à l’absence d’aération et d’évacuation des odeurs et qu’il avait refusé que la société Socotec intervienne pour donner un avis technique sur la conformité de l’installation d’extraction d’air de la cuisine. Il invoque l’inertie de la SCI Erik quant à la réalisation des travaux de mise en conformité préalables à l’ouverture du restaurant et rappelle l’ampleur des nuisances olfactives et autres subies par les copropriétaires. Il ajoute que la mise en place d’une gaine d’extraction courant le long de la façade modifierait de façon très apparente l’aspect de l’immeuble.

Il déduit de ces éléments que le refus de l’assemblée générale d’autoriser les travaux ne constitue pas un abus de droit.

En outre, l’appelant affirme que l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965 ne permettrait pas en l’espèce à la juridiction de se substituer à l’assemblée générale, dans la mesure où les travaux envisagés ne peuvent être assimilés à des travaux d’amélioration effectués dans l’intérêt de la copropriété.

*

La SCI Erik a conclu le 8 décembre 2015 au rejet de l’appel principal et a formé appel incident aux fins de voir condamner le syndicat des copropriétaires « Le Phénicia » à lui verser une somme de 6 000 euros en réparation du préjudice subi, outre 4 600 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel. Subsidiairement, elle demande à être autorisée à faire réaliser les travaux de mise en conformité du système d’aération, conformément aux prescriptions du cabinet Veritas en date du 20 septembre 2011.

L’intimée assure que les copropriétaires n’ont jamais pu se résoudre à l’idée que le local pouvait servir à une activité de restauration, précisant que les anciens locataires ont quasiment tous eu à subir des plaintes ou menaces des voisins, alors qu’une telle activité est parfaitement autorisée par le règlement de copropriété et ne cause pas en l’espèce des troubles anormaux de voisinage.

Elle conteste par ailleurs avoir eu conscience, préalablement à l’ouverture de l’exploitation du doner kebab, du non-respect des distances réglementaires relevé par le bureau Veritas, rappelant que le matériel utilisé est conforme aux normes en vigueur et que la SARL Mille grillades n’a fait que réutiliser une grille de rejet de l’air vicié qui se trouvait déjà en façade et avait déjà été utilisée aux mêmes fins par un précédent locataire. Elle souligne que, dès qu’elle a eu connaissance de la non-conformité en septembre 2011, elle a immédiatement sollicité l’autorisation de travaux à l’assemblée générale. Elle fait sienne, pour le surplus, la motivation du jugement déféré, soulignant que la copropriété ne peut s’opposer à des travaux de mise en conformité imposée par la réglementation. Elle ajoute que la pose d’un conduit extérieur de 25 cm de diamètre dans l’angle de l’immeuble et de la même teinte que la façade n’aura pas d’impact sur l’esthétique des lieux.

À titre subsidiaire, elle soutient que la juridiction est à même d’accorder l’autorisation nécessaire sur le fondement de l’article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965.

*

La déclaration d’appel à l’égard de la SARL Chez Y a été déclarée caduque par ordonnance du conseiller de la mise en état du 26 janvier 2016.

Pour l’exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions respectives susvisées.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 janvier 2017.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de la résolution n° 4 de l’assemblée générale du 27 octobre 2011

En l’espèce, la résolution litigieuse a été rejetée par 5 023 voix sur 10 000.

Ainsi que l’a relevé le premier juge, le lot 202 appartenant à la SCI Erik est défini dans le règlement de copropriété comme constituant un local commercial, sans restriction d’aucune sorte quant au type de commerce autorisé. Mais il ne suffit pas à la SCI Erik de prouver que l’activité de restauration est autorisée par le règlement de copropriété et conforme à la destination des lieux pour établir le caractère abusif de la décision de l’assemblée générale.

En effet, une décision d’assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité qu’à la condition de démontrer qu’elle est contraire aux intérêts collectifs de la copropriété ou qu’elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment de copropriétaires minoritaires.

En l’espèce, il résulte du courrier recommandé du 28 juin 2011 adressé à M. X que les copropriétaires se sont plaints dès cette date de nuisances olfactives importantes dans la copropriété, aussi bien côté rue que côté cour de l’immeuble. Cette attitude n’est pas liée à une animosité particulière envers M. X puisque que, selon les propres explications de l’intimée, les anciens locataires ayant également exercé une activité de restauration de type pizzeria, restauration marocaine, ont eux aussi rencontré des difficultés avec les copropriétaires, en raison des nuisances engendrées par leur activité de restauration.

Par ailleurs, rien n’indique que la mise en conformité du système d’aération au règlement sanitaire départemental, telle qu’exigée par la mairie, soit de nature à mettre totalement fin aux nuisances dénoncées.

De plus, cette mise en conformité implique que soit posée une gaine d’extraction d’air courant le long de la façade jusqu’à son sommet, ce qui est de nature à modifier l’aspect extérieur de l’immeuble, même s’il est prévu de recouvrir la gaine d’un enduit de même couleur que la façade. Il ne saurait être imposé à la copropriété de subir les désagréments résultant de l’affectation du local de la SCI Erik à la restauration, alors qu’il pourrait être destiné à un commerce d’une autre nature, aux inconvénients moindres pour le voisinage.

En refusant d’autoriser les travaux, l’assemblée générale a été animée du seul souci légitime d’éviter des nuisances atteignant l’ensemble de la copropriété.

Ainsi, le but poursuivi par l’assemblée générale n’apparaît pas non conforme à l’intérêt collectif de la copropriété, ni favorisant les intérêts de copropriétaires majoritaires au détriment de copropriétaires minoritaires.

Par conséquent, il n’y a pas lieu d’annuler la résolution n° 4 de l’assemblée générale du 27 octobre 2011.

Sur la demande d’autorisation judiciaire de travaux

La SCI Erik sollicite cette autorisation en invoquant les dispositions de l’article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965, permettant à la juridiction saisie d’autoriser, en lieu et place de l’assemblée générale, tous travaux d’amélioration affectant les parties communes, conformes à la destination de l’immeuble.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de se substituer à l’assemblée générale pour autoriser des travaux ayant pour seul but de permettre aux locataires de la SCI Erik de continuer à exercer une activité de restauration, susceptible d’engendrer des nuisances pour l’ensemble de la copropriété, alors qu’il a été jugé ci-dessus qu’elle pouvait légitimement s’y opposer.

Sur la demande de dommages et intérêts de la SCI Erik

En l’absence de faute du syndicat des copropriétaires, cette demande ne peut être que rejetée.

Sur les frais et dépens

La SCI Erik, qui a succombé en ses prétentions, doit être condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, ce qui entraîne nécessairement le rejet de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable d’accorder au syndicat de copropriétaires « Le Phénicia » un montant de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés en première instance, ainsi qu’un montant identique au titre des mêmes frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

— annulé la résolution n° 4 de l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence « Le Phénicia », en date du 27 octobre 2011 ;

— condamné le syndicat des copropriétaires de la résidence « Le Phénicia » aux dépens de la procédure principale ;

— condamné le syndicat des copropriétaires à verser à la SCI Erik la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre de ses frais irrépétibles ; Statuant à nouveau,

REJETTE la demande d’annulation de la résolution n° 4 de l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence « Le Phénicia », en date du 27 octobre 2011 ;

REJETTE les prétentions de la SCI Erik formées à l’encontre du syndicat de copropriétaires, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

CONDAMNE la SCI Erik à verser au syndicat de copropriétaires de la résidence « Le Phénicia », représenté par son syndic, la SAS Agence Strasbourg immobilière, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros), au titre des frais irrépétibles exposés par lui en première instance ;

CONDAMNE la SCI Erik aux dépens de la procédure principale de première instance l’ayant opposée au syndicat de copropriétaires de la résidence « Le Phénicia » ;

CONFIRME, pour le surplus, les dispositions du jugement déféré ;

Ajoutant audit jugement,

REJETTE la demande d’autorisation judiciaire de travaux formée par la SCI Erik ;

REJETTE les prétentions de la SCI Erik au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d’appel ;

CONDAMNE la SCI Erik à verser au syndicat de copropriétaires de la résidence « Le Phénicia », représenté par son syndic, la SAS Agence Strasbourg immobilière, la somme de 1 500 € (mille cinq cents euros), au titre des frais irrépétibles exposés par lui en appel ;

CONDAMNE la SCI Erik aux entiers dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE



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