Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 21 juin 2019, n° 17/05252

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 2 a, 21 juin 2019, n° 17/05252
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 17/05252
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 6 décembre 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ER

MINUTE N° 290/2019

Copies exécutoires à

La SELARL WEMAERE-LEVEN

-LAISSUE-MERRIEN

La SCP CAHN & ASSOCIÉS

Maître HARNIST

Le 21 juin 2019

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 21 juin 2019

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 17/05252

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 décembre 2017 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG

APPELANT et défendeur :

Maître Y E

Notaire

demeurant […]

[…]

représenté par la SELARL WEMAERE-LEVEN-LAISSUE-MERRIEN, avocats à la Cour

INTIMÉS :

- défendeur :

1 – Monsieur Z A

demeurant […]

[…]

représenté par la SCP CAHN & ASSOCIÉS, avocats à la Cour

plaidant : Maître BOUL, avocat à STRASBOURG

- demandeur :

2 – Monsieur X A

demeurant […]

[…]

représenté par Maître HARNIST, avocat à la Cour

plaidant : Maître LAURENT, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 mai 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard POLLET, Président

Monsieur Emmanuel ROBIN, Conseiller

Madame Catherine GARCZYNSKI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

M. Z A et Mme C D se sont mariés le […], après avoir adopté le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, avec une convention matrimoniale prévoyant l’attribution de la totalité de la communauté au conjoint survivant, mais pour une moitié en usufruit seulement en cas de présence d’enfants issus du mariage ; de cette union, un enfant, prénommé X, est né le […]. Mme C D est décédée le […], laissant pour lui succéder son mari et son fils.

Au dos d’un tableau, Mme C D avait rédigé, le 3 décembre 2006, un testament olographe ainsi libellé :

« Je (') veux que ce tableau ainsi que tout ce que je possède (rue des Juifs-maison et son contenu) […] à Strasbourg-Belmont n°31 route du Champ du Feu et son contenu aillent en direct lègue à mon époux bien-aimé monsieur Z A le jour de ma mort.

À la mort de celui-ci tout reviendra à mon fils X A mais pas du vivant de son père.

Aucun autre héritier ne pourra justifier de quoi que ce soit. ».

Par acte du 28 avril 2010, reçu par Maître Y E, notaire à Strasbourg, M. Z A et M. X A ont accepté purement et simplement la succession de Mme C D ; le premier a opté pour l’usufruit de la succession et accepté le legs fait à son profit et le second a consenti à la délivrance de ce legs.

Le 5 novembre 2010, Maître Y E a établi un acte de partage de la succession, composée d’une moitié de l’actif net de communauté, estimé à 38 476,70 euros, et des deux biens immobiliers mentionnés dans le testament, estimés respectivement à 860 000 et 120 000 euros. Les biens de communauté ont été attribués en pleine propriété à M. Z A, à charge pour lui de

supporter le passif correspondant, et il a également reçu la maison de Belmont en pleine propriété ainsi que la pleine propriété de 25 % de l’immeuble de Strasbourg et l’usufruit de 47 % de ce même bien ; M. X A a reçu la pleine propriété de 28 % de ce bien immobilier et la nue-propriété de 47 %.

Par acte du même jour, M. Z A a fait donation à M. X A de la nue-propriété de 15 % de ce bien et de l’usufruit de 20 %.

M. Z A s’est remarié et, par acte du 3 septembre 2013, a vendu à son épouse la maison de Belmont.

Par acte d’huissier du 29 septembre 2015, M. X A a fait assigner M. Z A et Maître Y E devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin de faire annuler l’acte de partage et d’obtenir la condamnation de M. Z A à lui payer la somme de 9 811 euros et celle de Maître Y E à lui payer les sommes de 21 093,58, 10 000 et 120 000 euros. Il soutenait qu’avaient été intégrés à tort dans l’actif de communauté des fonds propres de Mme C D et des dettes propres à M. Z A, que n’avait pas été mentionnée la perte de l’usufruit de la moitié de la communauté en cas de remariage du conjoint survivant, que le testament avait été mal interprété, en ce que la libéralité prévue était graduelle et non résiduelle, et que son consentement avait été obtenu par erreur, faute d’explication sur la distinction entre ces deux types de donation.

Suivant jugement en date du 7 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

1) annulé l’acte de partage reçu par Maître Y E le 5 novembre 2010,

2) condamné Maître Y E à payer à M. X A les sommes de 102 000 et 5 000 euros, la première en réparation d’une perte de chance et la seconde en réparation d’un préjudice moral,

3) condamné Maître Y E aux dépens,

4) condamné M. Z A et Maître Y E à payer à M. X A une indemnité de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré en premier lieu que l’action de M. X A n’était pas prescrite, pour avoir été engagée moins de cinq ans après l’acte de partage ; il a ensuite relevé que le notaire, qui n’avait pas été informé de l’origine des fonds détenus sur les comptes personnels de la défunte, n’avait pas commis de faute sur ce point, mais qu’il connaissait en revanche le caractère personnel des prêts consentis à l’époux et qu’il avait donc commis une faute en les intégrant au passif de communauté ; en ce qui concerne le partage, le tribunal a relevé que l’acte rappelait expressément la perte de l’avantage matrimonial en cas de remariage du conjoint survivant et que Maître Y E n’avait commis

aucune erreur en ne tenant pas compte du remariage de M. Z A, puisque celui-ci était intervenu postérieurement à l’acte ; en ce qui concerne l’interprétation du testament, le tribunal a considéré que les termes employés par son auteur impliquaient une intention de libéralité graduelle, à charge pour le légataire de conserver les biens pour les transmettre au fils de la défunte, que Maître Y E avait commis une erreur dans l’interprétation du testament et que cette faute était à l’origine de la vente de la maison de Belmont à la seconde épouse de M. Z A et du préjudice résultant pour M. X A de la perte de sa vocation à hériter de cette maison.

Pour annuler le partage, le tribunal a relevé qu’il existait une erreur sur l’existence ou la quotité des droits des copartageants et qu’il n’existait pas d’autre moyen de réparer les conséquences de ces erreurs. Pour évaluer le droit à indemnisation des copartageants, le tribunal a considéré que M. X A avait perdu 85 % de chance d’hériter de la maison de Belmont, d’une valeur de 120 000 euros, et que le préjudice moral subi par cet héritier devait être réparé par une somme de 5 000 euros. En revanche, la demande en paiement de la somme de 21 093,58 euros au titre de frais de traitement du dossier a été considérée comme insuffisamment étayée.

Le 18 décembre 2017, Maître Y E a interjeté appel de cette décision.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 2 avril 2019 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 10 mai 2019, à l’issue de laquelle elle a été mise en délibéré.

*

Par conclusions déposées le 26 mars 2019, Maître Y E demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, de débouter M. X A de ses demandes et de le condamner aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ; subsidiairement, en cas de confirmation du jugement, il demande à la cour de prononcer la nullité de la donation du 5 novembre 2010 et de la vente du 3 septembre 2013, d’ordonner une expertise afin de chiffrer les droits des parties dans la succession, et de dire que la faute commise par M. Z A F le notaire de toute responsabilité ; plus subsidiairement, il demande à la cour de surseoir à statuer sur l’indemnisation du préjudice jusqu’à la production de l’acte de partage à intervenir ; en tout état de cause, il demande que M. Z A soit condamné à le garantir à concurrence de 80 % des condamnations qui pourraient être prononcées, et qu’il soit condamné aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Maître Y E conteste en premier lieu avoir commis des fautes lors de l’établissement de l’acte de partage. En ce qui concerne l’actif de communauté, M. X A ne rapporterait pas la preuve que certaines sommes placées sur les comptes de la défunte étaient des biens propres et, en tout état de cause, jamais le notaire n’en aurait été informé ; au surplus, dans l’hypothèse où une partie des fonds serait considérée comme un bien propre il y aurait seulement lieu

à récompense au profit de la communauté. En ce qui concerne le passif de communauté, la notion bancaire de prêt personnel ne permettrait pas d’en déduire que la dette est un propre de l’époux ayant contracté ; aucune preuve ne serait rapportée de ce que les emprunts souscrits par M. Z A avaient été contractés dans son intérêt personnel, et, en tout état de cause, le notaire n’en aurait jamais eu connaissance. En ce qui concerne le partage, les immeubles litigieux auraient été des biens personnels et n’auraient donc pas été concernés par l’avantage matrimonial concernant les biens communs ; le notaire serait intervenu dans l’intérêt commun du père et du fils, en fonction de leurs désirs et de leurs revendications.

Le legs fait à M. Z A par son épouse serait manifestement une libéralité résiduelle et non graduelle, faute pour la défunte d’avoir voulu grever le legs de la charge de conserver les biens ; les éléments intrinsèques au testament comme les éléments extrinsèques, notamment la rupture entre la défunte et son fils ainsi que le comportement de celui-ci, le démontreraient. M. X A lui-même aurait privilégié une libéralité résiduelle lui permettant de percevoir immédiatement des revenus de l’immeuble strasbourgeois, et il aurait finalement trouvé un accord avec son père pour ne pas remettre en cause le partage et la vente de la maison de Belmont. M. Z A aurait également agi en considération d’une libéralité résiduelle, avant de se contredire pour la première fois en cause d’appel.

Maître Y E soutient également que le préjudice invoqué par M. X A est purement hypothétique, dans la mesure où le bénéfice d’un legs graduel ne lui serait acquis que dans l’hypothèse du pré-décès de son père, ce qui ne serait pas certain ; par ailleurs, il conviendrait d’annuler la donation en même temps que le partage et de recalculer les droits de chacune des parties.

Maître Y E reproche à M. Z A d’avoir agi en parfaite connaissance de la violation des droits de son fils et d’avoir ainsi manipulé le notaire chargé du règlement de la succession ; cette faute dolosive exonérerait le notaire de sa responsabilité, ou justifierait à tout le moins une garantie à concurrence de 80 %.

*

Par conclusions déposées le 21 janvier 2019, M. Z A demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de Maître Y E, de confirmer le jugement entrepris, de déclarer nulle la donation consentie le 5 novembre 2010, de condamner M. X A à restituer à la succession de Mme C D la somme de 167 661,54 euros, et de condamner Maître Y E au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. Z A conteste avoir commis quelque faute que ce soit et affirme avoir fait confiance au notaire pour l’évaluation des droits de chaque héritier. Il aurait découvert par la suite que le legs consenti par son épouse s’analysait en une libéralité graduelle et que le notaire avait commis une erreur. De même, le

premier juge aurait considéré à juste titre que les deux emprunts contractés par le seul époux, alors que la communauté de vie avec l’épouse avait cessé depuis 2003, étaient des dettes propres du mari. Ces erreurs justifieraient l’annulation de l’acte de partage.

Il conviendrait d’annuler, par voie de conséquence, la donation consentie le même jour entre les deux cohéritiers ; cette demande, quoique nouvelle, serait néanmoins recevable en cause d’appel, en ce qu’elle est le complément des demandes initiales. L’annulation subséquente de la donation serait justifiée en raison de l’interdépendance entre les deux actes reçus le même jour et concernant les mêmes parties, dans la mesure où la donation avait pour but d’augmenter les droits de M. X A tels qu’ils résultaient du partage. Compte tenu de

l’annulation de la donation, M. X A serait tenu de restituer à la succession l’ensemble des loyers perçus depuis le décès de sa mère, soit la somme de 167 661,54 euros.

*

Par conclusions déposées le 1er avril 2019, M. X A demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté pour partie sa demande de dommages et intérêts, de l’infirmer de ce chef et de condamner Maître Y E à lui payer la somme supplémentaire de 21 093,58 euros, de déclarer irrecevables les demandes d’annulation de l’acte de donation et de restitution ou, en tout état de cause, de débouter les autres parties de leurs demandes, et de condamner Maître Y E aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X A soutient que l’acte de partage contient des erreurs en ce qui concerne tant la masse active que la masse passive de la communauté. Il reproche également au notaire de n’avoir pas prévu un mécanisme garantissant la cessation de l’usufruit du conjoint survivant en cas de remariage de celui-ci. Enfin, le testament olographe de Mme C D aurait été mal interprété, alors qu’il instituait une libéralité graduelle puisqu’il prévoyait expressément que tous les biens légués en premier lieu à M. Z A devaient, au décès de celui-ci, revenir à l’enfant commun. Il reprend, pour le surplus, les motifs du jugement concernant la nullité du partage et la responsabilité du notaire, en soutenant que celui-ci a toujours agi, de concert avec M. Z A, pour que la succession se règle au seul profit de celui-ci.

En ce qui concerne l’indemnisation de son préjudice, M. X A reprend la motivation du premier juge en ce qui concerne le préjudice moral et la perte de la maison de Belmont ; en ce qui concerne la rémunération du notaire, il soutient avoir versé à Maître Y E la somme totale de 21 093,58 euros alors que le partage devra être renouvelé ; il conviendrait en conséquence de condamner le notaire au remboursement de cette somme.

Par ailleurs, M. X A s’oppose à l’annulation de la donation du 5 novembre 2010, en soutenant que Maître Y E n’est pas recevable à la solliciter et qu’il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel. Quant au fond, il conteste que cette donation ait été consentie en considération du partage, en soutenant qu’elle a seulement été effectuée à la suite de celui-ci. Il n’y aurait pas lieu de restituer des loyers perçus.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

Attendu que, selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ; que, néanmoins, conformément aux articles 566 et 567 du même code, d’une part les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, et, d’autre part les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel ;

Attendu que M. Z A est donc recevable à soumettre à la cour des demandes qui tendent à opposer à M. X A une compensation ou qui tendent à tirer les conséquences de la nullité de l’acte de partage ;

Attendu que les demandes nouvelles en cause d’appel de M. Z A sont donc recevables ;

Attendu que Maître Y E, qui n’était pas partie à l’acte de vente reçu par ses soins le 3 septembre 2013 et qui ne se prévaut d’aucun droit sur le bien vendu, n’a pas qualité pour agir en nullité de cet acte ;

Attendu que la demande d’annulation de cette vente formée par Maître Y E sera donc déclarée irrecevable ;

Sur l’annulation du partage

Attendu que, conformément aux anciens articles 1108 et 1110 du code civil, le consentement de la partie qui s’oblige est une condition essentielle pour la validité d’une convention et il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ; que, selon l’article 887, alinéa 2, du même code, le partage peut être annulé pour cause d’erreur, si celle-ci a porté sur l’existence ou la quotité des droits des copartageants ou sur la propriété des biens compris dans la masse partageable ;

Attendu que, comme l’a relevé à juste titre le tribunal, la phrase du testament de Mme C D ainsi libellée : « À la mort de celui-ci [M. Z A] tout reviendra à mon fils X A mais pas du vivant de son père » manifeste l’intention de la testatrice de transférer à son fils tous les biens légués, après le décès du légataire désigné dans la phrase précédente ; que le sens littéral de cette phrase ne souffre pas d’autre interprétation et qu’aucun élément extrinsèque ne permet de douter de la volonté de la testatrice d’accorder une priorité à son époux sans cependant priver son fils de l’héritage ;

Attendu que le legs consenti à M. Z A était ainsi grevé d’une charge comportant l’obligation pour le légataire de conserver les biens qui en étaient l’objet et, à son décès, de les transmettre au second gratifié désigné dans l’acte, conformément aux dispositions de l’article 1040 du code civil ;

Attendu que l’acte de partage reçu par Maître Y E le 5 novembre 2010 n’a pas pris en compte l’existence de cette charge grevant les biens légués à M. Z A, alors qu’il porte notamment sur lesdits biens ; que la valeur des biens légués a ainsi été estimée à 465 500 euros, sans tenir compte de l’existence d’une charge ; qu’ont été attribués à M. Z A, sans aucune restriction, la pleine propriété de la maison de Belmont, pour une valeur estimée à 120 000 euros, ainsi qu’un quart indivis en pleine propriété et l’usufruit de 47 % indivis de l’immeuble situé à Strasbourg, pour une valeur totale estimée à 336 260 euros ; que la seule charge incombant à M. Z A mentionnée dans l’acte de partage est celle de prendre à sa charge le passif de communauté ;

Attendu que le consentement des copartageants a dès lors été vicié en raison de l’erreur commise sur la nature du legs et sur l’existence d’une charge grevant celui-ci, ce qui caractérise une erreur sur l’existence et sur la quotité des droits des copartageants au sens de l’article 887 du code civil ;

Attendu qu’il importe peu, sur ce point, que Maître Y E ait recherché à concilier les intérêts en présence en se conformant aux attentes des copartageants, alors que ceux-ci n’avaient pas été exactement informés sur l’étendue de leurs droits respectifs ;

Attendu qu’il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé l’acte de partage reçu par Maître Y E le 5 novembre 2010 ;

Sur l’annulation de la donation

Attendu que, par un second acte reçu par Maître Y E le 5 novembre 2010, M. Z A a fait donation à M. X A de la nue-propriété de 15 centièmes et de l’usufruit de 20 centièmes de l’immeuble de Strasbourg, dont il était devenu propriétaire pour une quote-part de 25 centièmes en pleine propriété, outre 47 centièmes en usufruit, aux termes de l’acte de partage reçu le même jour ;

Attendu que, du fait de la nullité de l’acte de partage reçu le même jour, la donation portant sur des droits attribués par cet acte de partage se trouve rétroactivement privée de l’objet ainsi déterminé ; que cette donation est donc nulle par application des anciens articles 1226 et suivants du code civil, dont les dispositions sont désormais reprises par l’article 1163 de ce code ;

Attendu, en outre, que M. Z A fait valoir à juste titre que son consentement à cette donation portant sur des biens compris dans la succession de Mme C D a été vicié par l’erreur commise sur les droits respectifs du donateur et du donataire dans cette succession, à l’origine de la nullité de l’acte de partage avec lequel elle forme un ensemble indivisible ;

Attendu qu’il convient en conséquence de déclarer nulle la donation du 5 novembre 2010 ;

Sur la restitution des loyers

Attendu que, conformément à l’article 815-10, alinéa 2, du code civil, les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l’indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise ;

Attendu que, du fait de la nullité du partage et de la donation intervenus le 5 novembre 2010, et en l’absence de tout autre accord établissant une jouissance divise entre M. Z A et M. X A, les revenus perçus par ce dernier reviennent à l’indivision ;

Attendu, en revanche, qu’une demande de condamnation au profit d’une indivision, qui n’a pas la personnalité juridique, est irrecevable et qu’au surplus il n’y a pas lieu de prononcer une condamnation de M. X A au paiement avant l’établissement des comptes de l’indivision ;

Sur la responsabilité du notaire

Attendu que le notaire est tenu d’assurer l’information des parties sur leurs droits, de les conseiller et d’assurer l’efficacité des actes qu’il reçoit ;

Attendu, en l’espèce, que, si le testament de Mme C D était susceptible de donner lieu à interprétation, Maître Y E n’a pas attiré l’attention de M. Z A et de M. X A sur l’existence d’une telle difficulté et ne les a pas informés de la différence entre un legs graduel et un legs résiduel ;

Attendu que, faute d’avoir pris en compte l’existence d’une charge grevant le legs fait à M. Z A, le partage opéré par l’acte du 5 novembre 2010 a été atteint d’une cause de nullité, de même que la donation consentie entre copartageants par acte du même jour ;

Attendu que Maître Y E, qui avait entièrement connaissance du testament de Mme C D, n’invoque aucun fait étranger susceptible de l’exonérer de sa responsabilité ; que, notamment, il ne rapporte la preuve

d’aucun fait commis par M. Z A, antérieurement ou concomitamment à l’acte de partage, susceptible d’avoir provoqué les manquements du notaire à ses obligations ;

Attendu que Maître Y E est donc mal fondé à se prétendre F de sa responsabilité en raison d’une faute de M. Z A ;

Attendu, en conséquence, que le tribunal a considéré à juste titre que la responsabilité de Maître Y E était totalement engagée au titre des manquements commis lors du règlement de la succession de Mme C D ;

Sur l’indemnisation du préjudice

Attendu que M. X A est fondé à demander réparation du préjudice certain qui lui a été directement causé par les manquements de Maître Y E à ses obligations ;

Attendu que M. X A est ainsi fondé à réclamer l’indemnisation du préjudice financier résultant des sommes payées en pure perte à Maître Y E, pour des actes désormais annulés ;

Attendu que Maître Y E sera donc condamné à payer à M. X A la somme de 21 093,58 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que M. X A est également fondé à invoquer l’existence du préjudice moral causé notamment par la méconnaissance de la volonté de sa mère de le gratifier, en grevant le legs fait à M. Z A de la charge de conserver les biens légués pour les transmettre à leur fils après son décès ;

Attendu que le tribunal a fait une juste évaluation de l’indemnisation de ce chef de préjudice et qu’il convient donc de confirmer le jugement ayant alloué à M. X A la somme de 5 000 euros ;

Attendu, par ailleurs, que, du fait des fautes commises par Maître Y E, la maison située à Belmont dépendant de la succession de Mme C D a été attribuée à M. Z A sans que soit prise en considération la charge dont le legs était grevé ; que, de ce fait, et faute notamment de toute inscription en ce sens au Livre foncier, M. Z A a pu disposer de ce bien en le cédant à un tiers ; que, de surcroît, Maître Y E a lui-même reçu cet acte de vente, le 3 septembre 2013, alors qu’il était informé depuis décembre 2012 de l’existence de contestations concernant le règlement de la succession de Mme C D ;

Attendu que les fautes commises par Maître Y E sont donc directement à l’origine de la perte par M. X A de toute chance d’hériter de la maison située à Belmont au décès de son père ;

Attendu que cette perte est d’ores et déjà définitive et que l’issue du recours entre copartageants et les conditions d’un éventuel accord ou d’un partage judiciaire importent donc peu ; qu’il est également sans intérêt, en ce qui concerne l’étendue de la responsabilité du notaire, d’ordonner une expertise pour estimer la valeur des droits de M. X A en considération de l’existence de la charge grevant le legs fait à M. Z A ;

Attendu que le tribunal a fait une juste évaluation de l’indemnité due à ce titre, et que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a alloué à M. X A la somme de 102 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur l’appel en garantie

Attendu que le fait pour M. Z A de reconnaître le bien fondé du jugement entrepris, en ce qui concerne l’interprétation du testament de Mme C D, n’a pas de caractère fautif et n’est pas à l’origine des actes litigieux ni des fautes commises par Maître Y E à ces occasions ; qu’il ne peut en être déduit que M. Z A a dissimulé quoi que ce soit au notaire, ni qu’il était animé d’une intention dolosive ;

Attendu, en outre, que Maître Y E, qui était tenu d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de M. Z A lors du règlement de la succession de Mme C D, qui l’a également conseillé à la suite de l’apparition d’un différend avec son fils à la fin de l’année 2012, et qui a reçu en toute connaissance de cause, le 3 septembre 2013, l’acte de vente de la maison de Belmont, ne dispose d’aucun recours contre M. Z A en raison des actes auxquels lui-même a sciemment apporté son concours ;

Attendu que Maître Y E sera donc débouté de ses demandes à l’encontre de M. Z A ;

Sur les dépens et autres frais de procédure

Attendu que Maître Y E, qui succombe, a été condamné à bon droit aux dépens de première instance ; qu’il sera également condamné aux dépens d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile ;

Attendu que, selon l’article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée ;

Attendu que le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions ; que les circonstances de l’espèce justifient de condamner Maître Y E à payer à M. X A une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d’appel ; qu’il sera lui-même débouté de sa demande à ce titre, ainsi que M. Z A ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

DIT n’y avoir lieu de surseoir à statuer ;

DIT n’y avoir lieu à mesure d’instruction ;

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu’il a débouté M. X A de sa demande en paiement de la somme de 21 093,58 € (vingt et un mille quatre-vingt treize euros et cinquante huit centimes) ;

L’INFIRME de ce chef ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNE Maître Y E à payer à M. X A la somme de 21 093,58 € (vingt et un mille quatre-vingt treize euros et cinquante huit centimes) à titre de dommages et intérêts ;

Ajoutant au jugement déféré,

DÉCLARE recevables les demandes nouvelles de M. Z A ;

DÉCLARE irrecevable la demande de Maître Y E tendant à l’annulation de la vente constatée par acte du 3 septembre 2013 ;

DÉCLARE nulle la donation consentie par M. Z A à M. X A selon acte reçu le 5 novembre 2010 par Maître Y E ;

DIT que les revenus des biens indivis reviennent à l’indivision, mais déboute M. Z A de sa demande tendant à la condamnation de M. X A au paiement de la somme de 167 661,54 € (cent soixante sept mille six cent soixante et un euros et cinquante quatre centimes) ;

DÉBOUTE Maître Y E de son appel en garantie à l’encontre de M. Z A ;

CONDAMNE Maître Y E aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. X A une indemnité de 3 000 € (trois mille euros) par application de l’article 700 du code de procédure civile, et DÉBOUTE Maître Y E et M. Z A de leur demande à ce titre.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 21 juin 2019, n° 17/05252