Infirmation partielle 21 juin 2016
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Sur la décision
| Référence : | CA Dijon, 21 juin 2016, n° 15/01168 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel de Dijon |
| Numéro(s) : | 15/01168 |
| Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Dijon, 28 juin 2015, N° 15/340 |
Sur les parties
| Avocat(s) : | |
|---|---|
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | SAS DOMAINE DU CHÂTEAU DE CARAGUILHES c/ SA LOUIS MAX |
Texte intégral
XXX
SAS DOMAINE DU CHÂTEAU DE CARAGUILHES
C/
SA E F
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
1re Chambre Civile
ARRÊT DU 21 JUIN 2016
RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N°15/01168
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 29 juin 2015, rendue par
le tribunal de grande instance de Dijon
RG N°15/340
APPELANTE :
SAS DOMAINE DU CHÂTEAU DE CARAGUILHES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège
XXX
XXX
assistée de Me Eric DEUBEL – Me Agnès KANAYAN, avocat au barreau de PARIS, plaidant et
représentée par Me Florent SOULARD, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 127
INTIMÉE :
SA E F, pris en la personne de son Président domicilié de droit audit siège
XXX
XXX
représentée par Me Simon LAMBERT, membre de la SCP LANCELIN & LAMBERT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 62
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Mars 2016 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Françoise BOURY, Présidente de Chambre, Président, ayant fait le rapport,
Michel WACHTER, Conseiller,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Brigitte THIOURT,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 31 Mai 2016 pour être prorogée au 21 Juin 2016,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Françoise BOURY, Présidente de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Domaine du château de Caraguilhes, exploitant un domaine viticole dans l’Aude, a conclu avec la société E F un contrat de distribution et d’assistance administrative le 1er février 1999 à une époque où les sociétés appartenaient au même groupe.
A la suite d’un différend, la cour d’appel de Paris, saisie d’un recours contre un jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 février 2013, a, par arrêt du 13 novembre 2014, notamment condamné la société E F à payer à la société Domaine du château de Caraguilhes les sommes de 1 330 000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive de la convention de distribution et d’assistance administrative et comptable et de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il doit être précisé que cette décision comportait également des condamnations au bénéfice de la société E F.
Après une multitude de mesures d’exécution pratiquées à l’encontre de la société E F, cette dernière, par acte d’huissier du 27 janvier 2015, a fait assigner la société Domaine du château de Caraguilhes devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dijon, à son audience du 26 mai 2015 renvoyée au 9 juin 2015, aux fins d’obtenir des délais de paiement.
Cependant, sans attendre la décision du juge de l’exécution, la société Domaine du château de Caraguilhes, agissant en vertu de l’arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d’appel de Paris, a fait délivrer le 19 mars 2015 un commandement de payer aux fins de saisie-vente à la société E F et c’est ainsi qu’un procès-verbal de saisie-vente de l’intégralité du stock de vins de la société E F a été dressé par Me Abel, huissier de justice à Beaune, le 29 mai 2015.
S’étant fait autoriser, par une ordonnance du juge de l’exécution du 4 juin 2015, la société E F a, par acte d’huissier du 5 juin 2015, fait assigner à jour fixe la société Domaine du château de Caraguilhes à l’audience du 9 juin 2015, aux fins d’obtenir l’autorisation de se libérer de sa dette en 23 mensualités de 41 700 € et une 24e mensualité du solde de la dette à compter du 1er juillet 2015, la mainlevée de la procédure de saisie-vente et la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts, outre 5 000 € au titre des frais irrépétibles. Elle a sollicité, à titre subsidiaire, le cantonnement des effets de la saisie à un stock d’une valeur de 1 000 000 €, avec la possibilité de fournir à l’huissier instrumentaire pendant 24 mois à compter du 1er juillet 2015 un état de stock affecté à la saisie et diminué chaque mois du montant des sommes perçues en paiement. Elle a demandé à titre infiniment subsidiaire la limitation de la saisie-vente à un stock dont la valeur comptable a été évaluée à la somme de 1 370 245,26 €.
Par jugement du 29 juin 2015, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dijon a :
— ordonné la jonction des dossiers n°RG 15/340 et RG 15/1912 ;
— dit que la procédure serait poursuivie sous le numéro RG 15/340 ;
— ordonné la mainlevée du procès-verbal de saisie-vente dressé par Me Abel, huissier de justice associé à Beaune, le 29 mai 2015,
(et ce, en considérant d’une part que la saisie ne pouvait porter sur la totalité du stock dont la valeur était près de quatre fois supérieure au montant de la créance et qu’une telle saisie rendait impossible le maintien de l’activité du saisi et d’autre part que le cantonnement à un stock d’une valeur de 2 000 000 € était matériellement impossible en raison des incohérences intrinsèques du procès-verbal de saisie et de la liste proposée à titre de cantonnement remettant en cause leur crédibilité) ;
— accordé à la société E F des délais de paiement pour se libérer des sommes dues en application de l’arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d’appel de Paris,
(et ce, en relevant que, malgré la situation économique saine de la demanderesse, le montant de la condamnation n’était pas de nature à lui permettre de désintéresser la créancière en un seul paiement, les délais de paiement accordés devant lui permettre de trouver le financement nécessaire au respect de la condamnation) ;
— autorisé la société E F à se libérer en 6 mensualités de 41 700 €, puis en 18 mensualités de 60 000 €, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;
— dit que les mensualités seraient exigibles le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision ;
— dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme exact, l’intégralité des sommes restant dues serait immédiatement exigible ;
— rappelé que, conformément à l’article 1244-2 du code civil, la présente décision suspendrait les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créanciers et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cesseraient d’être dues pendant le délai fixé par la présente décision ;
— condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société E F la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la saisie-vente,
(et ce, en relevant d’une part que la saisie-vente litigieuse a fait suite à de nombreuses saisies-attribution engagées par la créancière depuis le 30 décembre 2014 et d’autre part que ladite saisie-vente a provoqué l’immobilisation de l’intégralité du stock de la débitrice pour une valeur près de quatre fois supérieure au montant de la créance sans justification de la part de la créancière empêchant la demanderesse de poursuivre son activité sous peine de se rendre coupable de délit de détournement de biens saisis) ;
— condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société E F la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
— rappelé que la présente décision bénéficierait de l’exécution provisoire de droit.
Par déclaration formée le 3 juillet 2015, la SAS Domaine du château de Caraguilhes a régulièrement interjeté appel du dit jugement.
Par ses dernières écritures en date du 25 février 2016, la SAS Domaine du château de Caraguilhes demande à la cour de :
Vu les articles 1244-1 du code civil, 510, 511 et 512 du code de procédure civile,
— dire recevable et bien fondé l’appel interjeté à l’encontre du jugement rendu le 29 juin 2015 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Dijon ;
— l’infirmer en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
— prendre acte de la fourniture par la société E F de l’engagement pris par son actionnaire principal, M. C Y, lors du conseil d’administration du 19 mai 2015 de la société E F de 'soutenir financière [cette dernière] sur ses deniers personnels à concurrence de la somme de 700 000 € dans le cadre de condamnations prononcées par la cour d’appel de Paris par arrêts en date des 13 novembre 2014 et 9 avril 2015" ;
— prendre acte de ce que le versement par la société E F de la somme de 300 000 € aurait été permis par le soutien de son actionnaire principal, M. C Y, à hauteur de 200 000 € ;
— prendre acte de ce que la société E F a encore le moyen, de son propre aveu, de lui régler une somme de 500 000 € grâce au soutien de son actionnaire principal, M. C Y ;
— débouter la société E F de sa demande de délai de grâce ;
— débouter la société E F de sa demande de mainlevée de la saisie-vente réalisée le 29 mai 2015 ;
— constater qu’elle ne s’oppose pas, en l’état, au cantonnement des effets de la saisie-vente réalisée le 29 mai 2015 à un stock d’une valeur de 2 millions d’euros ;
— débouter la société E F de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;
— condamner la société E F à lui régler la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
— la condamner aux entiers dépens.
Par ses dernières écritures du 3 février 2016, la SA E F demande à la cour de :
Vu les articles 1244-1 du code civil, L 111-7 et L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution,
— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il lui a accordé 24 mois de délai pour s’acquitter des sommes dues en exécution de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 13 novembre 2014 ;
— réformer la décision dont appel et juger que les mensualités à venir seront de la somme de 43 000 €, la 24e mensualité étant du solde de la créance en principal outre intérêts ;
— dire que la société Domaine du château de Caraguilhes a mis en oeuvre le 29 mai 2015 une saisie excessive et donc abusive ;
— en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à lui verser une somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêt et ordonné la mainlevée de la saisie-vente du 29 mai 2015 ;
— confirmer le jugement dont appel en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
— juger que le montant des frais pour 14 818,39 € n’est pas justifié ;
— condamner la société Domaine du château de Caraguilhes à lui verser une somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2016.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
SUR QUOI
Sur la demande de délais de grâce
attendu que la société Domaine du château de Caraguilhes critique le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de la société E F d’un délai de grâce de deux ans pour régler sa dette alors que cette dernière ne démontrait pas ne pas être en mesure d’exécuter immédiatement l’arrêt du 13 novembre 2014 et était au surplus défaillante dans l’administration de la preuve de sa bonne foi ;
que pour soutenir que la situation financière de la société E F lui permet d’exécuter l’arrêt de la cour d’appel de Paris sans avoir à bénéficier d’un délai de grâce de deux ans, l’appelante excipe :
— d’abord, de ses bilans des exercices 2013 et 2014 prouvant une situation favorable,
— ensuite, du soutien financier apporté à hauteur de 700 000 € par l’actionnaire principal de la société débitrice, M. C Y, grâce auquel la société E F a pu lui régler le 3 juin 2015 la somme de 200 000 € et pourra encore lui verser une somme de 500000 €, soit au total un montant représentant la moitié de la créance,
— encore, de l’importance d’actifs négociables, comme l’opération de crédit-bail réalisé sur le bâtiment de la rue Eiffel à XXX pour une somme de 1 700 000 €, lors de son exercice 2013, ou les créances très élevées qu’elle détient sur ses deux filiales et les diverses marques qu’elle possède ;
que la société appelante, qui ajoute que sa propre situation favorable est sans emport sur la demande de délai, estime que son adversaire n’est pas un débiteur de bonne foi, dès lors que, contrairement à la définition habituellement admise, la société E F ne justifie pas avoir mis tous les moyens en oeuvre pour payer sa dette et n’a fait aucune proposition sérieuse d’échéancier, ne pouvant se prévaloir des deux courriels qu’elle a adressés dans le seul but de discuter 'des suites de la procédure’ et non de proposer un quelconque règlement ; que la débitrice n’a spontanément réglé aucune somme et s’est à tort prévalue de sa demande d’interprétation de l’arrêt de condamnation alors que cette demande ne concernait pas la société créancière et qu’elle ne s’est résolue à s’exécuter partiellement que sous la contrainte d’une procédure d’exécution, démontrant d’ailleurs, par les paiements à hauteur de 300 000 € qu’elle a faits, qu’elle était en capacité de régler la créance ;
attendu que de son côté, la société E F réplique qu’elle avait bien conscience de son obligation d’avoir à régler le montant de la condamnation qui lui a été infligée par la cour d’appel de Paris, raison pour laquelle elle a pris contact avec le dirigeant de la société Domaine du château de Caraguilhes, lequel ne lui a cependant jamais apporté de réponse ; qu’elle excipe de son interprétation erronée de cet arrêt qui, parallèlement à la condamnation prononcée à son encontre au profit du domaine de Caraguilhes, a condamné M. Z et Mme X à lui verser les sommes respectives de 555 288 000 € et 495 7896,26 €, sans préciser si cette deuxième somme était intégrée ou non dans la première ; qu’ayant donc saisi la Cour de Paris d’une demande d’interprétation de son arrêt, elle considérait nécessaire d’attendre de déterminer le montant exact de la créance dont elle pouvait elle-même se prévaloir à l’égard de ses propres débiteurs, afin de coordonner les différents règlements ;
qu’elle se déclare de bonne foi et estime qu’on ne peut lui reprocher d’avoir cherché une solution pérenne pour la poursuite de son activité, alors qu’elle s’est heurtée au refus de la créancière d’examiner toute proposition d’apurement ; qu’elle excipe des règlements qu’elle a effectués pour la somme de 100 000 € le 20 mai 2015 entre les mains de l’huissier instrumentaire et pour la somme de 200 000 € le 3 juin suivant et précise que le bénéfice d’un délai de 24 mois pour régler le solde restant dû a pour but de lui permettre de poursuivre son exploitation et de faire face à ses obligations dans un délai acceptable pour la créancière ;
que s’agissant du soutien de son actionnaire principal, l’intimée approuve le tribunal d’avoir écarté la demande de 'prendre acte’ de l’engagement de monsieur Y dès lors que le simple constat d’une juridiction dans une procédure à laquelle il n’est pas partie, ne peut l’engager ;
que s’agissant des divers actifs invoqués par l’appelante, elle fait observer que les marques dont elle dispose ne peuvent être vendues qu’à la condition de trouver un acheteur et que les créances de ses filiales ne sont pas en l’état recouvrables en raison d’une trésorerie insuffisante ;
que la société E F ajoute que sa bonne foi est encore démontrée par le respect de l’échéancier qui lui a été accordé et lui a permis de régler à ce jour une somme totale de 661 700 € à la société Domaine du château de Caraguilhes et que les délais de paiement sollicités lui permettraient d’éviter un dépôt de bilan ;
que sollicitant ainsi la confirmation de la décision dans son principe de l’octroi d’un délai de grâce de deux ans, la société E F sollicite la réformation du jugement sur le montant des échéances dès lors que le premier juge n’a pas tenu compte, pour fixer l’échéancier, de la somme de 300 000 € versée entre le 29 mai et le 3 juin 2015, réduisant la créance restant due à 1 031 142,77 €, et les mensualités sur 24 mois à 42 964,28 € ;
qu’enfin, le société E F demande que l’appelante justifie le montant des frais à hauteur de 14 818,39 €, qu’elle réclame ;
et attendu qu’après avoir justement rappelé les dispositions de l’article R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution donnant compétence au juge de l’exécution, après délivrance d’un commandement ou d’un acte de saisie, pour accorder un délai de grâce, et celles de l’article 1244-1 du code civil relatives aux conditions et modalités d’octroi des délais, c’est par une motivation pertinente que la Cour fait sienne, que le juge de l’exécution a, à bon droit, accordé un délai de grâce de deux ans à la société E F ;
que d’abord, le premier juge a justement écarté les demandes, de nouveau formulées à hauteur d’appel, tendant à ce qu’il soit pris acte de la fourniture par la société E F d’un engagement de son actionnaire principal à hauteur de 700 000 €, de sa déclaration selon laquelle le versement de la somme de 300 000 € aurait été rendu possible par le concours de Monsieur Y à hauteur de 200 000 €, en sorte que la société serait en mesure de régler une somme complémentaire de 500 000 € ;
qu’en effet, quoi qu’en dise la société Domaine du château de Caraguilhes , le jugement n’est nullement critiquable en ce qu’il a, fort justement, rappelé qu’il n’avait pas à statuer sur une demande de 'prendre acte', dépourvue d’effets juridiques, dès lors qu’il ne peut en résulter aucun engagement de monsieur Y, qui n’est pas en la cause, à l’égard de la société Domaine du château de Caraguilhes ; qu’il ne s’agit donc pas là d’une demande mais d’un simple moyen avancé pour s’opposer à l’octroi d’un délai à la société débitrice, lequel n’a pas à figurer au dispositif ;
que par ailleurs, se livrant à une analyse, certes sommaire, mais néanmoins pertinente des comptes annuels de la société E F, laquelle analyse ne fait pas l’objet d’une critique documentée de la part de la société appelante, le premier juge a justement tiré des documents comptables produits la preuve de ce que la société débitrice n’était pas en capacité de régler la dette, d’un montant particulièrement important, sans bénéficier d’un délai de grâce, sauf à mettre en péril sa pérennité ;
qu’en effet, si les chiffres des derniers comptes annuels de 2014 ont confirmé une situation économique saine puisque bénéficiaire, le premier juge a cependant justement noté une baisse importante du résultat bénéficiaire de 192 928 € en 2013 à 35 809 € en 2014, en rapport avec une augmentation significative des redevances de crédit-bail, mais également un fort taux d’endettement ( 249%) et une augmentation du délai de rotation des stocks ;
attendu que les multiples mesures d’exécution réalisées à partir du 23 décembre 2014, soit un mois après le prononcé de la décision, entre les mains de différentes banques, qui n’ont permis d’appréhender qu’une somme représentant environ 4% de la créance, ont suffisamment mis en évidence que la trésorerie de la société ne lui permettait pas de s’acquitter en une seule fois de la dette, le premier juge ayant justement relevé que le règlement ne pouvait intervenir sans qu’il soit procédé à des cessions d’actifs ne pouvant se réaliser du jour au lendemain ;
que par ailleurs, le premier juge a relevé que la société Domaine du château de Caraguilhes ne justifiait pas de sa propre situation et la Cour ne peut que constater, à travers les écritures de cette partie, qu’elle ne conteste pas être dans une situation plutôt favorable, ce qui, contrairement à ce que prétend cette société, n’est nullement indifférent au regard des conditions posées par l’article 1244-1 du code civil, puisque les délais sont accordés en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier ;
qu’or, il ne fait aucun doute que l’intérêt bien compris des deux sociétés respectivement créancière et débitrice est de maintenir l’activité de la société E F, la première pour espérer un règlement intégral de sa créance que la déconfiture de son adversaire ne lui permettrait pas de percevoir, la seconde, pour assurer le règlement d’une très importante somme, sans mettre en péril sa pérennité, étant rappelé qu’elle emploie une quarantaine de personnes et qu’il s’agit là d’une donnée à prendre en considération ;
attendu encore que s’il est vrai que l’octroi d’un délai de grâce ne peut être concédé qu’à un débiteur de bonne foi, en l’espèce, la bonne ou mauvaise foi de la débitrice ne peut s’apprécier qu’à l’aune de la cause du litige qui s’inscrit dans le cadre de la séparation de deux sociétés qui appartenaient autrefois au même groupe et concerne manifestement les relations entre anciens dirigeants ;
que dès lors, le fait que la société E F ne se soit pas exécutée immédiatement après la signification de la décision, ne la constitue pas d’une mauvaise foi de nature à la priver d’un délai de grâce, alors qu’elle ne pouvait manifestement pas régler une telle somme sans un minimum de temps, qu’elle avait adressé dès le 20 novembre 2014, soit une semaine après l’intervention de la décision, une offre de pourparlers sur les suites de la procédure, auxquelles elle n’a pas reçues de réponse et que, dès le 23 décembre 2014, en pleine période de fin d’année particulièrement génératrice de travail, elle a vu pratiquer à l’initiative de la société adverse une batterie de mesures d’exécution ne témoignant pas d’un esprit de conciliation de la part de la société créancière quand bien même elle était en droit de le faire ;
qu’à l’inverse, dès le mois de janvier 2015, alors qu’il s’était écoulé seulement deux mois depuis l’intervention de la décision, la société E F a saisi le juge de l’exécution pour obtenir un délai de grâce ; que par ailleurs, la Cour relève que la société E F a parfaitement respecté l’échéancier qui lui a été accordé par le juge de l’exécution ;
qu’ainsi, même si le premier juge a relevé justement que la société E F ne pouvait se prévaloir de sa demande d’interprétation de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris pour justifier le non-paiement de sa dette puisque la demande d’interprétation qui intéressait la créance de la société E F à l’encontre des consorts Z X, était sans effet sur la créance de la société Domaine du château de Caraguilhes à son encontre, il a cependant à bon droit, accordé un délai de grâce de deux ans à la société E F pour s’acquitter de sa dette ;
que l’argumentation de la société Domaine du château de Caraguilhes n’étant pas de nature à remettre en cause le bien fondé de cette mesure, il y a lieu de confirmer le jugement sur l’octroi de ce délai à la société débitrice ;
attendu sur le montant des mensualités, qu’il résulte du dossier la preuve que le premier juge n’a pas pris en compte dans sa décision le versement de la somme de 300 000 € intervenu peu avant l’audience ;
que par ailleurs, la société Domaine du château de Caraguilhes a justifié le montant des frais mentionné sur le décompte actualisé de sa créance à hauteur de la somme de 14818,39 € en expliquant que ces frais correspondent à la moitié des frais d’expertise et des dépens, ainsi qu’aux frais occasionnés par les mesures d’exécution forcée et fait observer que le décompte adressé par la SCP Brisse-Bouvet-Llopis, huissier de justice, à la société E F le 16 avril 2015 n’a d’ailleurs pas été contesté ;
attendu que le décompte actualisé, produit en pièce 18, établit, qu’au 22 janvier 2016, le solde restant dû, incluant les frais mentionnés ci-dessus, s’élevait, compte tenu des versements justifiés en exécution du jugement (soit 41 700 € x 6 + 1 x 60 000 €), jusqu’au 5 janvier 2016, à la somme de 726 776,85 € ;
qu’il y a lieu, tenant compte de la réduction de la dette telle qu’arrêtée au 22 janvier 2016, d’autoriser la société E F à s’acquitter du solde, à compter du mois de février 2016, et pendant seize mois, de la somme mensuelle de 43 000 € et d’une dernière mensualité au mois de juin 2017 qui comprendra le solde de la dette en principal, intérêts et frais ;
sur la demande de mainlevée ou subsidiairement de cantonnement de la saisie-vente
attendu que la société appelante fait valoir que la demande de mainlevée de la saisie-vente du stock de vin n’est manifestement pas fondée dès lors, en premier lieu, que ladite saisie-vente était parfaitement utile et nécessaire au recouvrement de sa créance puisque les diverses saisies-attribution opérées antérieurement n’avaient permis de récupérer qu’une somme de 48 000 €, soit moins de 4% du montant de ladite créance, en deuxième lieu, que la saisie-vente n’a pas rendu impossible le maintien de l’activité de la société débitrice et en troisième lieu, que le registre de cave annexé au procès-verbal répondait à l’exigence posée par l’article R 221-16 du code des procédures civiles d’exécution, en ce qu’il comportait la liste précise de toutes les bouteilles, le cru, l’année et le nombre qui suffisent à juger régulière en la forme une saisie de vins, étant observé que les imprécisions relevées par le premier juge ne sont pas imputables à l’huissier instrumentaire ;
que la société Domaine du château de Caraguilhes ne s’oppose pas en revanche au cantonnement de la saisie-vente litigieuse, sans que celle-ci ne soit limitée à la somme de 1 000 000 € ou à celle de 1 370 246 €, au motif avancé par la partie adverse que la valeur de vente du stock serait supérieure à sa valeur comptable résultant du registre, alors que si les vins devaient être vendus dans le cadre de la saisie-vente, ils partiraient nécessairement à un prix moindre ;
attendu que la société intimée réplique que la mainlevée de la saisie-vente litigieuse doit être confirmée en raison des caractères abusif, excessif et inutile de ladite saisie, portant sur l’intégralité du stock, représentant une valeur de 5 200 000 €, alors que la société créancière a initialement refusé le cantonnement de ladite saisie à un montant de stock suffisant pour couvrir le montant de la créance et alors même qu’elle avait fait valoir qu’une telle saisie intégrale aurait pour effet de l’empêcher de poursuivre son activité et par conséquent de dégager les ressources nécessaires au paiement des sommes dues ;
qu’elle indique avoir vainement offert à l’huissier instrumentaire de saisir un stock d’une valeur limitée à 1 370 245,26 € qui, compte tenu des années concernées, était à faible rotation et dont la saisie aurait eu pour effet à court terme de moins paralyser son activité que la saisie de l’intégralité du stock ;
et attendu que le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie en relevant qu’en application de l’article R 221-13 du code des procédures civiles d’exécution, les biens saisis sont indisponibles et qu’en conséquence, la saisie portant sur la totalité du stock de la société E F d’une valeur de 5 206 043,57 €, très supérieure au montant de la créance, avait pour effet, sauf à mettre la société E F en situation d’infraction par détournement d’objets saisis, de la placer dans l’impossibilité de poursuivre son activité ;
que par ailleurs, constatant que l’huissier s’était contenté de joindre à son procès-verbal une liste des vins fournie par la débitrice qui ne répondait pas aux exigences de l’article R 221-16 du code de procédure civile, faute d’un inventaire comportant la désignation détaillée de ceux-ci, le premier juge s’est déclaré dans l’impossibilité matérielle de procéder à un cantonnement ;
et attendu que la Cour, qui constate le respect par la société E F de l’échéancier fixé par le jugement, ayant permis la réduction de la créance de moitié, qui confirme l’octroi d’un délai prenant fin au mois de juin 2017, et qui, en considération de la motivation du juge de l’exécution qu’elle approuve, constate le vice de l’acte de saisie au regard des conditions prescrites par l’article R 221-16 du code des procédures civiles d’exécution, et la difficulté à pratiquer un cantonnement et à en gérer l’évolution, confirmera le jugement en ce qu’il a ordonné la mainlevée de la saisie ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie-abusive
attendu que le premier juge a octroyé à la société E F la somme de 25 000 € au regard du caractère abusif de la saisie, au visa de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution permettant de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie ;
attendu que la société Domaine du château de Caraguilhes qui conclut à l’infirmation du jugement, fait valoir qu’au regard de la jurisprudence, la saisie-vente litigieuse n’apparaît ni disproportionnée ni inutile en raison de l’absence de règlement spontané pendant six mois par la débitrice et du caractère infructueux des précédentes saisies-attribution pratiquées, ajoutant que la société E F ne justifie pas que son fonctionnement a été paralysé entre le 29 mai et le 28 juin 2015, que la demande faite le 28 juin 2015 à l’intimée de produire une copie de son registre des caves est restée vaine et que l’huissier instrumentaire a bien, contrairement à ce qu’allègue l’intimée, accepté les règlements par chèques effectués par la débitrice postérieurement à la saisie-vente ;
que, pour sa part, la société E F qui conclut à la confirmation du jugement de ce chef, considère que l’abus de saisie est caractérisé et se trouve confirmé par l’accord tardif que la société E F a donné seulement devant le juge de l’exécution puis devant la cour sur un cantonnement de la saisie litigieuse, soutenant que cette saisie lui a causé un préjudice important en paralysant son activité alors même qu’elle réalisait un chiffre d’affaires de l’ordre de 38 000 € par jour ouvrable ;
mais attendu que si la saisie a porté sur la totalité du stock de vins, dont la valeur comptable représentait près de quatre fois le montant de la créance, force est de constater que le procès-verbal de saisie-vente ayant été dressé le 29 mai 2015, la société Domaine du château de Caraguilhes, a, dès le jour de l’audience du 9 juin, soit onze jours plus tard, consenti au cantonnement de la saisie à hauteur de 2 000 000 € ;
que dans ces conditions, contrairement à ce qui a été jugé, il n’est pas démontré que la société Domaine du château de Caraguilhes a commis un abus de saisie ; qu’au surplus, la société E F qui n’a pas cru devoir produire une attestation de son expert-comptable, ou toute autre pièce, ne justifie pas du préjudice qu’elle prétend avoir subi dans son activité à raison de la saisie qui s’est trouvée libérée par le jugement au bout d’un mois ;
qu’en ce qu’il a octroyé une somme de 25 000 € sans autre explication relative au préjudice réellement subi, le jugement doit être infirmé et la demande de la société E F rejetée ;
sur les demandes accessoires
attendu que la société Domaine du château de Caraguilhes qui succombe pour l’essentiel en son appel du jugement puisque la Cour confirme l’octroi du délai de grâce et la mainlevée de la saisie, la société créancière supportera les dépens de première instance omis au dispositif du jugement, et d’appel ;
qu’en revanche, dans le contexte de l’affaire, compte tenu des sommes importantes qui restent dues par la société E F, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre partie, que ce soit en première instance ou à hauteur d’appel, étant observé que la Cour a remis en cause l’allocation de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement en ce qu’il a
— ordonné la jonction des procédures,
— ordonné la mainlevée du procès-verbal de saisie dressé par Me Abel, huissier de justice associé à Beaune, le 29 mai 2015,
— accordé à la société E F des délais de paiement pour se libérer des sommes dues en application de l’arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la Cour d’appel de Paris,
— rappelé les dispositions de l’article 1244-2 du code civil,
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau, et ajoutant
Constate que compte tenu de l’échéancier autorisé par le juge de l’exécution, à la date du 22 janvier 2015, la créance s’élevait à 726 776,85 €,
Autorise en conséquence, la société E F à se libérer de la dette arrêtée à ce montant, à compter du 5 février 2016, en 17 mensualités : 16 mensualités d’un montant de 43 000 € et une mensualité à intervenir au 5 juin 2017 soldant l’intégralité de la dette en principal, intérêts et frais,
Dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à son terme du 5 de chaque mois, la totalité de la créance deviendra exigible immédiatement,
Déboute la société E F de sa demande de dommages-intérêts,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,
Réparant l’omission du dispositif,
Condamne la société Domaine du château de Caraguilhes aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Greffière, La Présidente,
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