Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 11 février 2010, n° 09/02190

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 11/02/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/02190

Arrêt (N° 06/01250)

rendu le 18 Novembre 2008

par la Cour d’Appel de DOUAI

REF : VNDM/CD

APPELANTE

XXX

Ayant son siège social XXX

XXX

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Maître SCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Madame A D veuve X

XXX

XXX

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me MARCHADIER (SCP LAFARGE & ASS), avocat au barreau de PARIS

Monsieur C, E, Auguste, F Joseph X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me MARCHADIER (SCP LAFARGE & ASS), avocat au barreau de PARIS

Monsieur G Y

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assisté de Me MARCHADIER (SCP LAFARGE & ASS), avocat au barreau de PARIS

Madame B X épouse Y

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me MARCHADIER (SCP LAFARGE & ASS), avocat au barreau de PARIS

Société VH HOLDING SCA

prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social HYDREQUENT

XXX

Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour

Assistée de Me Philippe JOOS, avocat au barreau de SAINT-OMER

S.A. FINANCIERE VH ANCIENNEMENT CARRIERES DE LA VALLEE HEUREUSE ET DU HAUT BANC prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social HYDREQUENT

XXX

Représentée par Me QUIGNON, avoué à la Cour

Assistée de Me Philippe JOOS, avocat au barreau de SAINT-OMER

Monsieur E X

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représenté par Me QUIGNON, avoué à la Cour

Assisté de Me Philippe JOOS, avocat au barreau de DUNKERQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

N O, Président de chambre

Dominique CAGNARD, Conseiller

H I J, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : K-L M

DÉBATS à l’audience publique du 17 Décembre 2009 après rapport oral de l’affaire par H I J

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 11 Février 2010 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par N O, Président, et K-L M, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Selon un protocole d’accord du 2 mai 1991, la famille X a organisé ou réorganisé une SCA, dénommée « VH HOLDING', dont l’objet était de détenir et contrôler, à travers deux tiers du capital, une société industrielle sous forme de SA dite »CARRIÈRE DE LA VALLÉE HEUREUSE ET DU HAUT BANC" (le tiers restant appartenant à une société tierce étrangère au présent litige) :

— une partie de cette famille, autour de Z et F X, a acquis 30 % des parts de la holding,

— une autre partie, autour de A, B, C et E ainsi que Monsieur G Y époux de B a acquis les 70 % restants.

F et E X ont été nommés tous deux gérants de la SCA VH HOLDING pour la durée de la vie sociale, et représentant cette dernière au sein de la société industrielle.

Au cours d’une assemblée générale extraordinaire du 28 décembre 2001 et par l’effet de divers actes et décisions ultérieurs, la société industrielle « SA CARRIÈRE DE LA VALLÉE HEUREUSE ET DU HAUT BANC », devenue SA FINANCIÈRE VH, a conservé la propriété des terrains, mais a apporté à une filiale à 99,9 %, dénommée STARDOUZE et qui est devenue alors « SAS CARRIÈRE DE LA VALLÉE HEUREUSE » -CVH-, la totalité de son activité d’exploitation de carrières (mécanisme de sous filialisation).

Puis, courant 2007, le groupe de travaux publics LAFARGE sous la dénomination « SASU COTE D’OPALE GRANULATS » -COG- a acquis 46 % des parts de la nouvelle société industrielle SAS CARRIÈRE DE LA VALLÉE HEUREUSE -CVH-, ainsi que la moitié des pouvoirs sociaux.

Le groupe familial X constitué autour de A, s’est considéré comme lésé par le résultat économique de l’ensemble de cette opération. Ce groupe familial, à l’exception de E X, a alors assigné la SCA VH HOLDING principalement en nullité de l’assemblée générale du 28 décembre 2001 et en révocation de Monsieur E X de son mandat de gérant. Ils en ont été déboutés par jugement du Tribunal de Commerce de CALAIS du 6 décembre 2005 dont ils ont relevé appel.

Par arrêt du 18 novembre 2008, la présente Cour a :

infirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf celle sur la compétence et, notamment :

* prononcé la nullité des délibérations adoptées à l’Assemblée Générale Extraordinaire de la société FINANCIÈRE VH réunie le 28 décembre 2001 et de toutes les décisions qui en sont la conséquence ou la résultante,

* prononcé la révocation de M. E X de son mandat de gérant commandité de la société VH HOLDING.

Par requête déposée le 25 mars 2009, la SASU COTE D’OPALE GRANULATS -COG- demande à la présente Cour d’interpréter cet arrêt en application des dispositions de l’article 461 du Code de Procédure Civile en disant si, par l’expression « toutes les décisions qui en sont la conséquence ou la résultante », la Cour a entendu viser la nullité de l’ensemble du mécanisme de filialisation ou de sous filialisation, par conséquent, dire si, par cette expression, la Cour a entendu prononcer la nullité :

— du traité d’apport en nature à titre pur et simple entre la SA FINANCIÈRE VH et sa filiale SAS CVH en date du 7 décembre 2001,

— des délibérations de l’Assemblée Générale Extraordinaire des Associés de la société CVH en date du 28 décembre 2001 ayant approuvé cet apport en nature et l’augmentation de capital,

— du bail emphytéotique consenti par la société FINANCIÈRE VH à la société CVH le 25 mars 2002,

— enfin de la cession des actions de la SAS CVH par la SA FINANCIÈRE VH à la SASU COG le 12 janvier 2007.

Madame A D veuve X, Monsieur C X, Monsieur G Y et son épouse B née X dans leurs dernières conclusions en date du 15 décembre 2009, demandent qu’il soit dit qu’il n’existe aucune ambiguïté quant au sens et à la portée des nullités prononcées, et que les actes énoncés par la société COG dans sa requête en interprétation sont des conséquences ou des résultantes de l’apport en nature dont la nullité a été prononcée, dire en conséquence qu’il n’y a pas matière à interprétation.

Ils demandent encore condamnation de la SASU COG à leur payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La SCA VH HOLDING, la SA FINANCIÈRE VH et Monsieur E X, dans leurs dernières conclusions déposées le 16 décembre 2009, demandent au principal le sursis à statuer dans l’attente de l’arrêt de la Cour de Cassation sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt dont l’interprétation est demandée ; à titre subsidiaire, ils concluent au rejet de la requête et demandent qu’en tout état de cause, il soit dit que l’interprétation de l’arrêt ne peut avoir ni pour effet ni pour conséquence d’aboutir à une éventuelle annulation de :

* l’Assemblée Générale Extraordinaire des associés de la société CVH du 28 décembre 2001 approuvant l’apport en nature entre la société FVH et sa filiale la société CVH,

* les actes suivants :

— traité d’apport du 7 décembre 2001 et augmentation du capital en résultant,

— bail emphytéotique de FVH à CVH du 25 mars 2002,

— acte de cession d’actions du 12 janvier 2007

Ils demandent encore que la décision à intervenir soit déclarée commune et opposable à Madame X, Monsieur C X et aux époux Y.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le sursis

La simple circonstance que la Cour de Cassation doit statuer dans un délai proche sur le pourvoi formé contre l’arrêt dont l’interprétation est demandée ne commande pas de surseoir à cette interprétation, aucun risque d’insécurité juridique n’existant dès lors que, si l’arrêt était cassé, la présente décision statuant sur son interprétation perdrait, par là même, tout objet et toute portée. Les parties ne risquent

donc pas de se trouver dans une situation de contrariété de décisions. Il n’y a donc pas lieu de faire droit au sursis à statuer.

Sur le principe de l’interprétation

Aux termes de l’article 461 du Code de Procédure Civile «il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel». Ainsi, dans la mesure où une décision de justice donne lieu à des lectures différentes, il appartient au juge qui a pris la décision d’en fixer le sens et les limites ; il est néanmoins de principe constant

qu’une telle demande ne peut conduire le juge à modifier les dispositions prises dans une décision de justice.

En application de ces principes dans le cas présent, il ne peut qu’être constaté que les parties à l’instance ayant donné lieu à l’arrêt du 18 novembre 2008 discutent aujourd’hui la portée de la disposition ainsi libellée, particulièrement en sa partie ci-après soulignée : «prononce la nullité des délibérations adoptées à l’assemblée générale extraordinaire de la société FINANCIÈRE VH réunie le 28 décembre 2001 et de toutes les décisions qui en sont la conséquence de la résultante» ; ainsi, si les consorts X demandent qu’il soit dit qu’il n’y a pas matière à interprétation, ils demandent néanmoins tout autant qu’il soit «dit et jugé que les actes énoncés par la Société COTE D’OPALE GRANULATS dans sa requête en interprétation sont des conséquences ou des résultantes de l’apport en nature dont la nullité a été prononcée».

Les autres défendeurs à la requête, autour de la SCA VH HOLDING, demandent, quant à eux, que la requête soit rejetée, mais qu’il soit néanmoins dit que 'en tout état de cause, l’interprétation de l’arrêt rendu (…) ne peut avoir ni pour effet, ni pour conséquence d’aboutir à une éventuelle annulation des actes suivants… (suit l’énumération exacte des actes et décisions visés dans la requête en interprétation).»

Il en résulte la nécessité d’une fixation de la portée de la décision entre les parties à l’instance.

Sur l’interprétation

* sur la demande tendant à voir dire si la Cour a entendu viser la nullité de l’ensemble du mécanisme de filialisation ou de sous filialisation

La Cour a, dans l’arrêt en question, prononcé la nullité de délibérations adoptées au cours d’une assemblée générale de la société FINANCIERE VH et de 'toutes les décisions qui en sont la conséquence ou la résultante.' Le terme de 'mécanisme’ employé par la SASU COG dans cette partie de sa requête recouvre un ensemble complexe de décisions et de conventions qui sont censées aboutir à un résultat donné. L’indétermination, en l’état, du contenu ainsi visé fait obstacle à ce qu’il soit fait droit à la requête telle qu’elle est formulée sur ce point.

* sur la demande tendant à voir dire si la Cour a entendu viser la nullité des délibérations de l’assemblée générale extraordinaire des associés de la société CVH

En application des dispositions de l’article 5 du Code de procédure civile, selon lesquelles «le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé», la nullité prononcée par l’arrêt en question ne peut s’étendre qu’à ce qui était dans la cause au moment où la Cour a rendu le dit arrêt. Or, il ne ressort pas des termes de l’arrêt que la nullité de l’assemblée générale des associés de la société CVH ait été poursuivie devant la présente Cour par l’une ou l’autre des parties à l’instance ayant donné lieu à l’arrêt en question, aucune des parties à la présente instance ne le soutenant ni a fortiori ne le démontrant ; cette circonstance relève d’une logique certaine puisque ni la SAS CVH ni ses associés en cette qualité, n’étaient partie à l’instance ayant donné lieu à cet arrêt.

Il en résulte que la nullité prononcée par la Cour dans l’arrêt du 18 novembre 2008 ne peut pas porter sur la délibération de l’assemblée générale extraordinaire des associés de la SAS CVH du 28 décembre 2001.

* sur la demande tendant à voir dire si la Cour a entendu viser la nullité du traité d’apport, du bail emphytéotique et de la cession d’actions

Pour interpréter l’arrêt en question sans modifier la décision rendue, il convient de s’en tenir aux termes du dispositif de cet arrêt. La disposition soumise à interprétation est ainsi libellée 'prononce la nullité (…) de toutes les décisions…'. La 'décision’ est définie par le Petit Larousse comme 'l’action de décider', et 'décider’ par 'déterminer ce qu’il faut faire'. La décision est ainsi le fruit de l’action d’une personne, ou d’un groupe de personnes pour lesquelles des règles fixent les modalités d’une décision commune (tels les associés d’une société). Or, le traité d’apport, le bail emphytéotique et la cession d’actions visés par la requête ne répondent pas à une telle définition puisqu’ils constituent, chacun, une convention ou un contrat, qui se définit, d’après l’article 1101 du Code Civil et la jurisprudence qui s’en est dégagée, comme un accord de volontés en vue de créer un rapport de droit ou de modifier ou d’éteindre un rapport préexistant. Le contrat ou la convention n’est donc pas une décision, mais un acte juridique caractérisé par le rapprochement des volontés de personnes dont les intérêts peuvent être divergents mais qui trouvent par cet acte un accord créant ou modifiant leur rapport de droit.

Il s’en déduit que le traité d’apport, le bail emphytéotique et la cession d’actions visés dans la requête ne peuvent être concernés par la nullité des 'décisions’ prononcée par l’arrêt en question.

Sur les demandes accessoires

La demande tendant à voir déclarer la décision à intervenir commune et opposable à Madame X, Monsieur C X et les époux Y est sans objet, cet effet résultant de plein droit de la présence de ces personnes comme parties à la présente instance en interprétation.

L’équité ne conduit pas à accorder à l’une ou l’autre des parties une indemnité pour les frais exposés et non compris dans les dépens en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La présente décision formant un tout avec l’arrêt soumis à interprétation, les dépens de la présente seront liquidés comme il est dit dans cet arrêt.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la demande de la SAS COG tendant à voir dire si la Cour a entendu viser la nullité de l’ensemble du mécanisme de filialisation ou de sous filialisation.

DIT que la nullité prononcée par l’arrêt du 18 novembre 2008 ne peut avoir porté sur les délibérations de l’assemblée générale extraordinaire des associés de la SAS CVH en date du 28 décembre 2001, ni sur le traité d’apport du 7 décembre 2001, le bail emphytéotique conclu le 25 mars 2002 enfin la cession d’actions du 12 janvier 2007.

DIT qu’il n’y a pas lieu à allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

REJETTE toutes les autres demandes.

DIT que les dépens seront supportés comme il est dit dans l’arrêt du 18 novembre 2008, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués qui en ont fait la demande en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Le Greffier Le Président

K L M N O

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