Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 27 octobre 2011, n° 08/04350

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 27 oct. 2011, n° 08/04350
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 08/04350
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lille, 14 mai 2008, N° 02/3392

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 27/10/2011

***

N° MINUTE :

N° RG : 08/04350

Jugement (N° 02/3392)

rendu le 15 Mai 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : MD/FB

APPELANTES

S.C.I. X

agissant poursuites et diligences de son représentant légal dont le siège se situe

XXX

XXX

représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Me Patrick FEROT, avocat au barreau de LILLE

XXX

agissant poursuites et diligences de son représentant légal dont le siège se situe

XXX

XXX

représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Me Patrick FEROT, avocat au barreau de LILLE

S.A. FRANCE NORD LOGISTIQUE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal dont le siège se situe

H I

XXX

représentée par la SCP DELEFORGE ET FRANCHI, avoués à la Cour

assistée de Me Patrick FEROT, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

La Société SELVA,

prise en la personne de ses représentants légaux

108 Rue I

XXX

représentée par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE, avoués à la Cour

assistée de Me Eric DELFLY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Martine DAGNEAUX, Président de chambre

Stéphanie BARBOT, Conseiller

Cécile ANDRE, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : D E F

DÉBATS à l’audience publique du 15 Septembre 2011

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2011 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Martine DAGNEAUX, Président, et Cécile NOLIN-FAIT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 Septembre 2011

***

Attendu que la SCI X est propriétaire d’un terrain situé H I à Seclin sur lequel un entrepôt a été édifié et qu’elle a permis à la société CIEL et à la société FRANCE NORD LOGISTIQUE d’utiliser pour y exercer une activité de logistique dans l’agro-alimentaire ;

que se plaignant des troubles de voisinage provenant de l’activité exercée dans la propriété voisine par la société SELVA spécialisée dans la valorisation des déchets de bois , la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ont fait délivrer assignation à la première pour obtenir une indemnisation de leur préjudice ;

que par jugement avant dire droit du 19 septembre 2003 le tribunal de grande instance de Lille a ordonné une mesure d’expertise ;

qu’après dépôt du rapport , par jugement du 15 mai 2008 le tribunal de grande instance de Lille a :

' déclaré irrecevables les demandes de la SCI X et de la société CIEL ,

' débouté la société FRANCE NORD LOGISTIQUE de sa demande d’annulation du rapport d’expertise déposé le 26 octobre 2004 ,

' condamné in solidum la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE à payer à la société SELVA la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' débouté les parties de leurs autres demandes ,

' ordonné l’exécution provisoire ,

' condamné in solidum la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE aux dépens ;

Attendu que la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ont interjeté appel par acte du 20 juin 2008 ;

Attendu que dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 13 septembre 2011, elles demandent à la cour de :

— infirmer le jugement déféré ,

— à titre principal :

*vu les articles 56 et 648 du code de procédure civile , les déclarer recevables à agir contre la société SELVA ,

*vu les articles 544, 1383 et 1384 du code civil , déclarer la société SELVA responsable des troubles anormaux de voisinage subis par elles-mêmes ,

*dire que la société SELVA devra prendre toutes mesures leur permettant une exploitation normale et ce sous astreinte de 15 000 euros par infraction constatée dans le mois de la signification de la décision à intervenir ,

*condamner la société SELVA à régler la somme de 850 000 euros au titre du préjudice subi , soit 650 000 euros pour la société CIEL et 200 000 euros pour la société FRANCE NORD LOGISTIQUE,

— la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,

— à titre infiniment subsidiaire :

*condamner à titre provisionnel la société SELVA à leur payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice ,

*désigner expert pour décrire et évaluer le préjudice subi par la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE du fait du trouble anormal de voisinage résultant de l’activité de la société SELVA depuis 1998 et évaluer le coût des moyens nécessaires pour remédier à ces troubles ;

qu’elles contestent le moyen tiré de l’irrecevabilité de leurs demandes en faisant valoir qu’il appartient à la société SELVA , qui prétend que l’assignation viole les dispositions des articles 56 et 648 du code de procédure civile , de démontrer qu’elle a pu se méprendre sur leur identité et que l’irrégularité lui cause un préjudice ; que cette société ne précise pas en quoi elle subit un grief , alors qu’il ressort clairement de ses écritures qu’elle connaît parfaitement la SCI X et la société CIEL ; qu’elles précisent avoir respecté les dispositions de l’article 115 du code de procédure civile ; que le siège social de la SCI X n’a pas changé et que celui de la société CIEL correspond à ce qui est indiqué ;

qu’elles estiment que l’action intentée par la SCI X est parfaitement recevable , alors que le bailleur comme le locataire peuvent agir à l’encontre du tiers qui se rend coupable de trouble du voisinage ; que la société CIEL , qui occupait les lieux bien avant l’implantation de la société SELVA, a bien un intérêt à agir ;

qu’elles soutiennent que l’article L112-16 du code de la construction et de l’habitation n’est pas applicable en l’espèce puisque l’activité de la société SELVA n’a débuté que postérieurement à leur implantation ;

qu’elles contestent la nullité du rapport d’expertise invoquée par la société SELVA que ce soit sur le grief d’insuffisance de ce rapport ou sur une prétendue violation du principe du contradictoire ;

qu’elles soulignent que les attestations produites par la société SELVA sont de pure complaisance ;que l’existence du trouble anormal de voisinage est bien établi et qu’il n’y a de leur part aucune violation du POS ; qu’il résulte de l’ensemble des attestations versées aux débats , des différents constats d’huissier ainsi que des différentes photographies prises que la société SELVA n’a mis en oeuvre aucun moyen technique empêchant tant le dégagement de poussières liées à son activité de traitement des déchets que leur dissémination ;

qu’elles ajoutent qu’il ressort du rapport de l’expert que les nuisances subies sont certaines et préjudiciables à leur activité ; qu’elles subissent les nuisances depuis plus de 12 ans d’où l’importance du chiffrage de leur préjudice ; que le rapport de la société Socotec Industrie que produit la société SELVA , pour partie illisible, est partiel et imparfait ; que les problèmes rencontrés n’ont jamais cessé et n’ont fait que croître ; que la société SELVA devra donc prendre toutes mesures leur permettant une exploitation normale et ce sous astreinte ;

Attendu que dans ses conclusions récapitulatives signifiées le 8 novembre 2010, la société SELVA demande à la cour de :

— à titre principal confirmer le jugement déféré ,

— y ajoutant condamner in solidum les 'intimées’ (sic) à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ,

— subsidiairement réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’annulation de l’expertise ,

— statuant à nouveau annuler ce rapport et désigner un autre expert ,

— infiniment subsidiairement constater l’absence de trouble anormal du voisinage,

— encore plus subsidiairement constater l’absence de tout préjudice ,

— en toute hypothèse débouter les sociétés 'intimées’ (sic) de leurs prétentions ;

qu’elle fait valoir que depuis le 7 mai 2009 la production est totalement arrêtée à la suite d’un sinistre incendie sur sa chaîne de convoyage ;

qu’elle soutient que les conclusions de la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ne contiennent aucune critique du jugement , de sorte que les conditions posées à l’article 954 du code de procédure civile ne sont pas remplies et que la procédure d’appel est irrecevable ;

qu’elle invoque l’irrecevabilité des demandes de la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE en ce que l’assignation ne respecte pas les dispositions des articles 56 et 648 du code de procédure civile ; que l’adresse du siège social de la SCI X et de la société CIEL est en effet inconnue et contrairement à ce qui est soutenu il en résulte bien un grief pour elle lié à l’impossibilité d’exécuter l’ordonnance du juge de la mise en état qui a condamné ces sociétés à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au fait qu’elle doit se défendre dans un litige de trouble de voisinage prétendument subi par des sociétés qu’un huissier ne parvient pas à trouver ;

que subsidiairement elle met en avant le défaut d’intérêt à agir de la société CIEL et de la SCI X au sens de l’article 31 du code de procédure civile en ce que ni l’une ni l’autre n’ont de droit à faire valoir et consécutivement de préjudice ; qu’elle précise que s’agissant d’une fin de non recevoir prévue par l’article 123 du même code, cette irrecevabilité peut être soulevée à n’importe quel moment de la procédure ;

qu’elle ajoute que la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ne dispose pas d’un droit antérieur au sien au sens de l’article L112-6 du code de la construction et de l’habitation ;

qu’elle invoque la nullité du rapport d’expertise en ce que l’expert n’a pas répondu complètement à sa mission et en ce qu’il n’a pas respecté le principe du contradictoire, car le rapport d’expertise s’appuie sur des documents qui n’ont pas été communiqués contradictoirement ;

qu’elle dénie l’existence d’un trouble de voisinage en relevant que sa propre activité est conforme à la réglementation administrative tandis que la SCI X et ses ayants droit ont modifié l’affectation de leur site , de sorte qu’elles sont mal venues de soutenir éprouver un trouble lié à une exploitation réglementairement illégale sur cette zone ; qu’elle a fait procéder à des mesures par la société Socotec Industrie qui ont démontré qu’elle est respectueuse de la réglementation et d’ailleurs elle a obtenu un label européen en matière d’environnement ; que toutes les autres sociétés exploitant sur la zone de Seclin ont une activité industrielle et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE est la seule société à se plaindre d’un trouble anormal de voisinage ;

que plus subsidiairement elle conteste le chiffrage du préjudice et fait observer que la demande de condamnation à prendre des mesures permettant l’exploitation normale est irrecevable car elle n’est ni déterminée ni déterminable , alors que le rapport d’expertise est inexploitable ; qu’au surplus l’unité de production est aujourd’hui arrêtée ;

DISCUSSION

Sur l’irrecevabilité de la 'procédure d’appel'

Attendu que contrairement à ce que soutient la société SELVA, la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ont bien conclu en émettant un certain nombre de critiques à l’encontre du jugement déféré , de sorte que tant les dispositions de l’article 915 ancien du code de procédure civile , qui imposaient de conclure dans les 4 mois de la déclaration d’appel , que de l’article 954 du même code quant à l’énonciation des griefs formulés contre la décision de première instance sont bien respectées ; qu’il n’y a donc pas de cause d’irrecevabilité de l’appel ;

Sur l’irrecevabilité des demandes formulées par la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE

Sur les mentions imposées par les articles 56 et 648 du code de procédure civile

Attendu que dans leur assignation du 12 avril 2002 la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ont indiqué que leur siège social se situait rue de la cheminée à Attiches ; que ces sociétés ne sauraient , à supposer que ces mentions ne soient pas exactes, se retrancher derrière l’absence de grief qui en découlerait pour la société SELVA , alors que l’inexactitude de ces mentions empêcherait de faire exécuter tant l’ordonnance du juge de la mise en état du 13 janvier 2006 , qui lui a accordé une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile , que le présent arrêt et qu’il en résulte incontestablement un grief ;

que pour autant il appartient à la société SELVA, qui invoque la nullité de l’assignation , de démontrer que cette adresse ne correspondait effectivement pas à ce moment là à celle du siège social de la SCI X et de la société CIEL ; que pour ce faire elle produit des documents établis 4 ans plus tard , à savoir l’acte de signification de l’ordonnance précitée du juge de la mise en état effectuée le 28 janvier 2006 ; qu’un procès verbal de recherches infructueuses a alors été dressé ; mais attendu que d’une part si l’huissier dit que ces sociétés n’ont plus leurs sièges au XXX à Attiches et que les services municipaux ont refusé l’acte en disant que le gérant de la SCI X et de la société CIEL avait quitté les lieux , il dit aussi qu’il a vérifié 'en infogreffe’ et que ces sociétés ont bien leurs sièges au XXX à Attiches ; que d’ailleurs la lettre recommandée que cet huissier a adressée conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 659 du code de procédure civile a bien été reçue par la SCI X qui a signé l’accusé de réception le 31 janvier 2006 ; qu’au surplus le nouveau propriétaire du XXX , qui a acheté l’immeuble à B C en 2004, atteste avoir donné l’autorisation à ce dernier de laisser le siège social de la SCI X dans la maison et que cette société est toujours domiciliée chez lui , ce que ne pouvaient évidemment pas savoir les employés des services de la mairie qui ont déclaré que B C avait quitté les lieux ; que le nouveau propriétaire précise qu’il transmet tous les courriers qui sont adressés à la SCI, à preuve la lettre recommandée précitée ; que les déclarations des sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés sont d’ailleurs adressés au XXX à Attiches ; que la preuve de ce que l’indication du siège social dans l’assignation ne correspond pas à la réalité de 2002 ou même de 2006 n’est donc pas rapportée , quand bien même au lieu de ce siège la SCI X n’exploite rien , mais elle n’exploite pas davantage dans un autre lieu et elle peut parfaitement être jointe ;

qu’il n’y a donc pas lieu d’annuler l’assignation délivrée à la requête de la SCI X ;

Attendu qu’en ce qui concerne la société CIEL le siège social initialement fixé au XXX à Attiches, ainsi que cela ressort de l’extrait du registre des sociétés que la société SELVA a levé en octobre 2005 , a été transféré au 1 allée du Page à Attiches en 2006, comme le prouve l’extrait que cette société elle-même produit en date du 9 janvier 2006 ; qu’il en résulte que lorsque l’assignation a été délivrée en 2002 l’indication de l’adresse correspondait bien à celle du siège social ; que la société SELVA ne peut arguer d’acte de procédure délivré 4 ans plus tard et dont il résulterait que le siège social ne serait plus fixé au XXX pour soutenir que l’assignation serait irrégulière ; qu’il sera à cet égard ajouté que lorsque l’huissier de justice a délivré son acte le 28 janvier 2006 le changement de siège social avait bien été effectué et celui-ci n’indique pas la date à laquelle il a fait sa vérification de domiciliation dans le registre des sociétés ; qu’il n’y a donc pas davantage prise à nullité de l’assignation délivrée à la requête de la société CIEL ;

que le même grief n’est pas formulé à l’encontre de la société FRANCE NORD LOGISTIQUE dont la domiciliation n’est pas discutée ;

Sur le défaut d’intérêt à agir de la SCI X et de la société CIEL

Attendu que le propriétaire qu’est la SCI X a toujours intérêt à agir pour faire cesser l’atteinte à sa propriété que constitue un trouble du voisinage ; que se pose ensuite la question de savoir pour le cas où l’existence de ce trouble est établie , s’il subit un préjudice , mais là on ne se situe plus sur le terrain de la qualité à agir ; que toute la discussion menée dans ses écritures à ce sujet par la société SELVA concerne d’ailleurs l’absence de préjudice subi par la SCI X et non de son absence d’intérêt à agir ;

Attendu que les extraits du registre des sociétés d’octobre 2005 et du 9 janvier 2006 précités ne font effectivement mention pour la société CIEL ni d’un siège social ni d’un établissement secondaire situés H I à Seclin ; que la société CIEL ne produit pas de bail ou d’autre convention lui donnant droit d’occuper les lieux en cause ; que pour autant la rédaction d’un écrit n’étant pas prescrite à peine de nullité, la preuve d’une convention d’occupation peut être rapportée par tous moyens ; que la SCI X montre que lorsqu’elle était locataire du bâtiment situé H I à Seclin (bail de dérogation du 24 octobre 1995 et du 4 décembre 1996) elle bénéficiait du droit de sous louer librement les locaux au profit du groupe que gère la société Néo Business dont B C et ses sociétés sont actionnaires majoritaires ; que la SCI X est ensuite devenue propriétaire de l’immeuble selon acte authentique du 8 janvier 1999 ; que c’est ainsi que le 1er janvier 1996 la société Néo Business, qui avait obtenu un bail le même jour de la SCI X, a autorisé la société CIEL à utiliser pour les besoins de son exploitation les locaux loués en précisant qu’un bail sera régularisé ultérieurement ; que certes ce document n’a pas date certaine à l’égard des tiers ; que cependant les sociétés dénommées tantôt société CIEL tantôt société B C ne forment qu’une seule et même société , ainsi que cela ressort des extraits du registre du commerce et des sociétés des mois d’octobre 2005 et 9 janvier 2006 sur lesquels ces deux entités ont le même numéro de RCS 340 176 940 ; or attendu qu’il est établi par la production de factures que la société B C ou la société Ciel exploitent effectivement une activité commerciale dans les locaux de l’H I à Seclin depuis 2005 : avis d’imposition à la taxe professionnelle 2008 , 2009, facture de France Telecom de novembre 2005 , d’octobre 2006, facture d’EDF de novembre 2005, décembre 2006, factures de livraison de juin 2005, septembre 2005, décembre 2005, janvier 2006, novembre 2006, décembre 2006, janvier 2007 ; que la société CIEL a donc bien un intérêt à agir sur le fondement d’un trouble de voisinage qu’elle indique subir à l’occasion de l’exploitation des locaux de Seclin ;

Attendu que la société Brasserie B C , d’abord dénommée Néo Business Management, immatriculée sous le numéro de RCS 378 116 917 , qui est donc une société différente de la société B C, a changé de dénomination, devenant la société FRANCE NORD LOGISTIQUE, et de siège social transféré du XXX à Attiches à Seclin H I selon décision de l’assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 1997 , publiée le 16 septembre 1998 ; que si la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ne produit pas de bail , encore une fois il convient de relever qu’un écrit n’est pas exigé à peine de nullité et là encore les pièces produites montrent suffisamment que la société FRANCE NORD LOGISTIQUE exploite une activité dans les locaux situés H I à Seclin : factures de location des locaux du mois de mars 1996 , avis d’imposition sur les sociétés pour les années 2004 , 2005 , 2006 , 2007 , avis d’imposition à la taxe professionnelle 2003,2004,2005, 2006, 2007, 2008 , factures correspondant à des livraisons ou des prestations en 1996, 1997, 2005, 2006, factures EdF d’octobre 1996, de France Telecom d’octobre 1996 (le contrat d’abonnement ayant été souscrit le 29 novembre 1995 ), contrat d’assurance multigarantie informatique de novembre 1995, contrat d’abonnement de télésurveillance d’octobre 1995, contrat d’assurance professionnelle d’avril 2005, d’assurance de véhicule utilitaire de 1996 ; que d’ailleurs la société SELVA , tout en consacrant plusieurs paragraphes à la situation de la société FRANCE NORD LOGISTIQUE , ne lui conteste pas réellement son intérêt à agir ;

Attendu que le troisième moyen d’irrecevabilité invoqué par la société SELVA cette fois ci à l’encontre de la société FRANCE NORD LOGISTIQUE aborde en réalité le fond du litige puisqu’il oppose l’absence de droit antérieur au sien et qu’il s’agit là de vérifier si les conditions de la réparation d’un trouble de voisinage sont bien remplies ;

que le jugement étant réformé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI X et de la société CIEL , il convient d’examiner si les trois sociétés qui ont intenté l’action subissent ou non un trouble anormal du voisinage ;

Sur le trouble anormal du voisinage

Attendu que pour soutenir qu’elles sont gênées dans leur activité , la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE s’appuient sur la rapport d’expertise effectuée par Monsieur Z ;

que le fait que ce rapport soit éventuellement incomplet ne le rend pas pour autant nul , mais il appartient à la juridiction qui statue au vu du rapport soit de demander des explications complémentaires à l’expert si elle s’estime insuffisamment informée , soit d’ordonner une nouvelle mesure d’expertise , soit de compléter les informations ainsi obtenues par tout document produit par les parties dans le cadre du débat contradictoire ;

Attendu que l’expert indique que le 15 juin 2004 les parties et lui-même ont visité le site de Seclin et qu’ils ont regardé un film tourné par B C un jour de grand vent ; qu’il a ensuite demandé aux parties de lui fournir un certain nombre de documents, au nombre desquels il a reçu le 6 octobre 2004 une cassette vidéo et un C.D. correspondant, disait le conseil des sociétés X, CIEL et FRANCE NORD LOGISTIQUE , dans sa lettre d’envoi , à ce qui a été visionné de manière contradictoire lors de l’expertise ; que la société SELVA ne prouve pas que l’expert aurait pris en compte d’autre document que celui qui a fait l’objet de ce visionnage contradictoire ; que dans ces conditions il n’y a pas de motif d’annulation de l’expertise ;

Attendu que de cette expertise et des nombreux constats d’huissiers que la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ont fait dresser, il ressort que les nuisances que subissent ces sociétés ou à tout le moins certaines d’entre elles sont certaines : dégagement de poussière importante (cf notamment constats de Maître Crametz du 29 août 2001, du 26 octobre 2001, du 31 octobre 2001, du 13 décembre 2001, de Maître A-Dekerle du 27 mai 2005) ou résiduelle (constat de Maître Y du 29 septembre 2009) ; que l’expert précise que ces poussières de bois se déposent, lorsque souffle un vent d’est, sur les palettes de stockage de produits destinés à la restauration et sur le matériel de bureau ; que le dispositif mis en place par la société SELVA pour réduire les nuisances: clôture et rampe d’arrosage se révèle insuffisant ; que le fait que les poussières soient fonction de la direction du vent explique que la société SELVA ait pu de son côté faire constater (cf notamment le rapport de la société Socotec du 18 octobre 2006) que son activité ne dégageait pas de poussières puisque ce dépôt n’est pas quotidien ; que la société SELVA ne saurait tirer argument des attestations qu’elle produit, émanant de responsables d’autres sociétés installées dans la zone industrielle de Seclin, qui disent ne pas subir de nuisances, d’une part parce que la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE produisent des attestations en sens contraires d’autres utilisateurs de la zone industrielle , d’autre part parce qu’ainsi qu’il a été dit tout est fonction de la façon dont le vent souffle et que les autres entreprises ne sont pas nécessairement exposées de la même façon ;

Attendu que la SCI X ne montre pas exercer la moindre activité à Seclin , se contentant de louer les locaux dont elle propriétaire à la société CIEL et à la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ; que le type de nuisance subie sur place, due à la poussière, ne l’atteint donc pas , de sorte qu’en l’absence de préjudice elle ne saurait prétendre à la moindre indemnisation ;

Attendu que s’il est établi , comme il a été dit plus haut , que la société CIEL exploite bien une activité dans les locaux de Seclin , en revanche aucun élément ne permet d’affirmer que cette exploitation ait démarré avant juin 2005 , les factures entre 1996 et 2005 concernant la société Brasserie B C , aux droits de laquelle se trouve la société FRANCE NORD LOGISTIQUE et non la société CIEL , qui est aux droits de la société B C ; or attendu que l’article L112-16 du code de la construction et de l’habitation prévoit que 'Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.' ; que la société SELVA a obtenu son permis de construire le 20 février 1997, c’est à dire avant que la société CIEL n’exploite une activité dans les locaux de Seclin ; que par ailleurs l’activité exploitée par la société SELVA s’exerce en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires , ainsi que cela ressort de l’audit que cette société a fait effectuer par la société Ecopass les 24 et 25 juin 2005, sans que les sociétés X, CIEL et FRANCE NORD LOGISTIQUE , qui critiquent ce rapport , n’apportent d’élément contraire;

Attendu que la société Néo Business aux droits de laquelle se trouve la société FRANCE NORD LOGISTIQUE, qui s’est entre temps appelée société Brasserie B C, a occupé les lieux au moins depuis mars 1996 au vu des factures produites ; qu’il convient d’observer à cet égard que le bail consenti par acte authentique le 24 octobre 1995 par la société Sofiforce à la SCI X prévoyait que cette société pouvait sous louer les locaux 'au profit du groupe que gère la SA Néo Bussiness’ ; que peu importe que le siège social de la société Brasserie B C n’ait été transféré qu’en septembre 1997 en vertu de l’assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 1997, avec dépôt au registre du commerce le 16 septembre 1998, dès lors que cela n’empêchait pas cette société d’exploiter son activité dans d’autres lieux que celui de son siège social ; que la société SELVA ne s’est implantée à Seclin , ainsi qu’elle le reconnaît qu’au début de l’année 1997 ; qu’elle ne peut donc opposer à la société FRANCE NORD LOGISTIQUE l’absence d’antériorité de celle-ci ;

Attendu qu’en tout état de cause , même à supposer que la SCI X et la société CIEL exploitent réellement une activité dans les locaux de l’H I à Seclin et bénéficient d’une antériorité , ces deux sociétés comme la société FRANCE NORD LOGISTIQUE se sont installées dans une zone industrielle dans laquelle les activités des entreprises peuvent être plus ou moins polluantes ; que même si le dégagement de poussière est incontestable, cela n’excède pas les inconvénients normaux du voisinage en zone industrielle ; qu’il sera au surplus ajouté que si des particules de bois ont pu se déposer sur les palettes de boissons entreposées dans les locaux de la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ou sur le matériel de bureau entre 1999 et 2009 , il n’a plus été fait de telles constatations depuis 2009 ; qu’en effet depuis l’incendie survenu le 7 mai 2009 la société SELVA ne procède plus au traitement du bois mais a souhaité se reconvertir dans la seule activité de stockage et transfert du bois (cf audit de la société Kaliès) ; que d’ailleurs le procès verbal de constat dressé le 9 septembre 2009 par Maître Y , Huissier de Justice à Lille , parle de poussière résiduelle ;

Attendu que dans ces conditions , faute de prouver soit la réalité d’une exploitation dans les locaux de Seclin , soit l’anormalité du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ne peuvent qu’être déboutées de leur demande tant de dommages et intérêts que de mise en oeuvre d’un dispositif destiné à mettre fin aux nuisances ;

Attendu qu’il parait inéquitable de laisser à la charge de la société SELVA les frais irrépétibles non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de lui allouer tant pour les frais exposés en première instance que pour ceux exposés en appel la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

qu’en revanche la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE qui seront condamnées aux dépens ne sauraient obtenir une telle indemnité ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement rendu le 15 mai 2008 par le tribunal de grande instance de Lille dans toutes ses dispositions ,

Statuant à nouveau ,

Déboute la société SELVA de ses fins de non recevoir tirées de l’irrégularité des conclusions d’appel, de la nullité de l’assignation , du défaut d’intérêt à agir de la SCI X et de la société CIEL, du défaut d’antériorité de la société FRANCE NORD LOGISTIQUE ;

Déboute la société SELVA de sa demande d’annulation du rapport d’expertise ;

Déboute la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE de leurs demande de dommages et intérêts et de condamnation de la société SELVA à mettre en oeuvre un dispositif destiné à mettre fin aux nuisances ;

Déboute la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE de leur demande d’indemnité pour frais irrépétibles ;

Condamne in solidum la SCI X, la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE à payer à la société SELVA la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SCI X , la société CIEL et la société FRANCE NORD LOGISTIQUE aux dépens de première instance et d’appel .Autorise la SCP COCHEME, LABADIE , COQUERELLE , Avoués , à recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu de provision .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

C. NOLIN-FAIT M. DAGNEAUX

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Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 27 octobre 2011, n° 08/04350