Cour d'appel de Douai, Troisième chambre, 21 juin 2012, n° 12/01033

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisième ch., 21 juin 2012, n° 12/01033
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 12/01033
Sur renvoi de : Cour de cassation, 8 novembre 2011, N° 1312

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 21/06/2012

***

XXX

N° MINUTE : 12/698

N° RG : 12/01033

Jugement rendu le 16 septembre 2008 par le tribunal paritaire des baux ruraux de

Montdidier

Arrêt (N° 08/4398)

rendu le 18 Mars 2010

par la Cour d’Appel d’AMIENS

Arrêt de la Cour de Cassation

N° 1312 du 9 Novembre 2011

REF : MLB/FB

DEMANDEUR à la déclaration de saisine

Monsieur F A

demeurant

XXX

XXX

assisté de Maître Grégoire FRISON, avocat au barreau d’AMIENS

DEFENDERESSE à la déclaration de saisine

Madame H O P Z épouse X

née le XXX à XXX

XXX

XXX

assistée de Maître Sonia HOUZE, avocat au barreau d’AMIENS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Martine DAGNEAUX, Président de chambre

O Laure BERTHELOT, Conseiller

Cécile ANDRE, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Cécile NOLIN-FAIT

DÉBATS à l’audience publique du 10 Mai 2012

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2012 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Martine DAGNEAUX, Président, et Fabienne DUFOSSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

De l’union de L Z et de Madeleigne Lengagne sont issus H Z et D Z.

XXX épouse Z est décédée le XXX à XXX

Aux termes d’un partage transactionnel établi le 17 février 1966, L Z s’est vu attribuer l’exploitation agricole sise à Rosières en Santerre, les deux enfants mineurs se sont vus attribuer, sous la jouissance divise de leur père à compter du XXX et jusqu’au décès de ce dernier, 6 parcelles de terres sises à Meharicourt et à Lihons en Santerre.

Les parcelles respectivement devenues, après remembrement XXX à Rosières en Santerre d’une contenance de 12 ha 49 a 30 ca et XXX sise à Meharicourt d’une contenance de 1 ha 80 a 35 ca, ont, suivant acte de Maître Dardenne du 9 avril 1981 publié à la conservation des hypothèques le 8 mai 1981, été attribuées à H Z.

L Z est décédé le XXX.

Constatant la culture de la parcelle sise à Rosières en Santerre par F A, H Z épouse X lui a fait délivrer une sommation interpellative le 15 novembre 2006 pour savoir:

— en vertu de quelle autorisation il serait entré dans la parcelle,

— à quel moment il pense quitter la parcelle puisqu’il est occupant sans droit ni titre.

F A a alors répondu: 'Je suis titulaire d’un bail verbal que m’a consenti mon beau-frère. Je n’ai aucune intention de quitter les parcelles'.

Saisi à la requête de F A aux fins de constater l’existence du bail verbal sur les parcelles susvisées, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montdidier, par jugement du 16 septembre 2008, a:

— constaté l’inexistence du bail rural revendiqué par F A,

en conséquence,

— ordonné l’expulsion de F A des parcelles susvisées, de ses biens et de tout occupant de son chef, dans les huit jours de la notification du jugement, avec l’aide le cas échéant de la force publique,

— ordonné à F A de restituer les droits attachés aux parcelles,

— débouté les parties 'de leurs autres demandes',

— condamné F A à payer à Madame Z la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné F A aux dépens.

F A a interjeté appel de la décision le 14 octobre 2008.

Par arrêt du 18 mars 2010, la cour d’appel d’Amiens a:

— infirmé le jugement,

et statuant à nouveau,

— dit que F A est titulaire d’un bail à ferme opposable à H Z épouse X d’une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2006 régi par les dispositions de l’article L411-4 alinéa 2 du code rural portant sur les parcelles sises dans la Somme à Rosières en Santerre et à Meharicourt,

— dit n’y avoir lieu à ordonner la rédaction d’un bail écrit,

— débouté H Z épouse X de sa demande relative aux droits à paiement unique,

— condamné H Z épouse X aux dépens de première instance et d’appel,

— condamné H Z épouse X à payer à F A la somme de

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant sur le pourvoi formé par H Z épouse X à l’encontre de l’arrêt du 18 mars 2010, la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 novembre 2011, a:

— cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 mars 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Douai, au motif – au visa des articles 631 du code civil et 1122 du même code – que pour déclarer Monsieur A titulaire d’un bail opposable à Madame Z, l’arrêt retient que celle-ci est tenue de garantir en application de l’article 1122 du code civil, la convention passée par son auteur; qu’en statuant ainsi, alors que Madame Z était recevable, quand bien même elle aurait accepté la succession de son père, à poursuivre, sans que les dispositions de l’article 1122 du code civil y fassent obstacle, la nullité d’un bail consenti par le titulaire d’un droit d’usage en dépassement de ses droits, la cour d’appel a violé les textes susvisés,

— condamné F A aux dépens,

— condamné F A à payer à H Z épouse X la somme de

2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée du 13 février 2012 avec accusé de réception du 15 février 2012, F A a adressé à la cour une déclaration de saisine.

Dans ses dernières conclusions du 4 avril 2012 développées oralement lors de l’audience, F A demande à la cour:

— d’infirmer le jugement en date du 16 septembre 2008,

en conséquence,

— de constater l’existence d’un bail verbal valablement accordé par L Z, usufruitier avant son décès et qui s’impose à H Z épouse X aujourd’hui propriétaire des terres,

— d’ordonner la rédaction d’un bail écrit conformément aux dispositions de l’article L411-4 alinéa 1 du code rural,

— à titre subsidiaire si le bail est annulé, de condamner H Z épouse X en qualité d’ayant droit de son père à lui payer la somme de 77 712,57 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice causé par l’éviction, portée à la somme de 141 514,19 euros lors de l’audience,

— de constater que H Z épouse X n’est pas pleine propriétaire des terres et n’a donc pas qualité à agir pour solliciter l’expulsion de F A, même si celui-ci ne se voit pas reconnaître l’existence d’un bail rural,

— de débouter H Z épouse X de sa demande de transfert de droits,

— de condamner H Z épouse X à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

F A expose que la parcelle sise à Rosières de 12 ha 49 a 39 ca et la parcelle sise à Meharicourt de 1 ha 80 a 35 ca lui ont été louées par L Z usufruitier, à la suite d’une exploitation réalisée par B C et que les formalités administratives auprès de la mutualité sociale agricole et la cession des droits à paiement unique ont été réalisées.

F A soutient en premier lieu que H Z épouse X n’est que co-indivisaire des parcelles objets du litige dès lors qu’elle ne justifie pas avoir racheté les terres de son frère, et qu’elle n’est donc pas recevable à solliciter une quelconque mesure ou de résiliation ou d’expulsion d’un occupant sans droit ni titre dès lors qu’elle ne remplit pas seule la qualité de propriétaire.

F A invoque à son profit l’existence d’un bail verbal au vu d’un document intitulé 'droit à paiement unique-attestation de bail verbal’ rédigé de la main de L Z, signé, lu et approuvé par lui, par lequel il reconnaît lui avoir donné à bail verbal des terres.

Il fait valoir que H Z épouse X est irrecevable en sa demande de nullité du bail comme étant nouvelle en cause d’appel, et au surplus forclose comme engagée 'plus de 5 ans après l’existence du bail'.

En toute hypothèse F A demande à la cour de faire application de l’article 1122 du code civil. Il entend également faire échec à la demande en nullité au regard de la qualité de propriétaire apparent du bailleur, cette théorie devant recevoir application qu’il soit considéré que H Z épouse X a la qualité de nue-propriétaire des parcelles ou de propriétaire desdites parcelles.

A titre subsidiaire, si le bail est annulé, F A réclame une indemnité d’éviction dès lors que L Z a commis une faute en se faisant passer pour le propriétaire, et que H Z épouse X en sa qualité d’ayant droit de son père et dans la mesure où elle a accepté sa succession, doit supporter ladite indemnité, calculée sur la base du barème applicable en matière d’expropriation.

F A s’oppose enfin à la restitution des droits à paiement unique qui ne sont pas attachés aux parcelles et qu’il a reçus par transfert conventionnel de droits entre agriculteurs, cette cession ne pouvant plus être contestée.

Dans ses dernières écritures développées oralement lors de l’audience, H Z épouse X demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner F A à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

H Z épouse X réplique qu’elle a qualité à agir dès lors qu’elle est propriétaire des parcelles en cause depuis l’acte de partage du 9 avril 1981.

Elle prétend que F A ne pouvait recevoir 'un quelconque bénéfice d’un bail verbal’ dès lors que L Z n’avait aucun pouvoir ni aucun droit pour lui conférer celui-ci.

Elle soutient que sa demande d’annulation du bail est recevable dès lors que la prétention n’est pas nouvelle, qu’elle tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges par le même fondement.

Elle constate que F A reprend la discussion qui a donné lieu à cassation.

Elle s’oppose à la demande de dommages-intérêts, nullement explicitée, aucun droit ne pouvant avoir été transmis à F A. A titre subsidiaire sur ce point, elle sollicite une expertise.

Elle rappelle les liens de famille existant entre Monsieur A et Monsieur Z et la connaissance parfaite qu’avait Monsieur A de son existence.

Elle demande enfin la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la restitution des droits à paiement unique.

MOTIFS

Aux termes de l’acte de partage en date du 17 février 1966, L Z s’est vu concéder un droit d’usage notamment sur les parcelles devenues après remembrement XXX à Rosières en Santerre d’une contenance de 12 ha 49 a 30 ca et XXX sise à Meharicourt d’une contenance de 1 ha 80 a 35 ca, devenues propriétés de sa fille par l’effet d’un nouveau partage intervenu le 9 avril 1981, de sorte que cette dernière a qualité à agir.

Si F A fonde sa prétention à la reconnaissance à son profit d’un bail verbal sur lesdites parcelles sur une attestation de bail verbal établie par L Z le 12 mars 2006, à effet du 1er janvier 2006, ledit bail a toutefois été consenti par L Z à F A en dépassement de ses droits, puisqu’en application de l’article 631 du code civil, l’usager ne peut louer son droit à un autre.

F A n’est pas fondé à solliciter l’application de la théorie de la propriété apparente en faisant valoir que L Z se serait comporté en propriétaire apparent à son endroit alors que H Z épouse X lui oppose à juste titre les liens de famille – ils étaient beau-frère – l’unissant à L Z, veuf en premières noces de XXX et la connaissance par F A de son existence, de sorte qu’il ne pouvait dans ces conditions légitimement croire que L Z était de façon certaine seul propriétaire des parcelles en cause.

A la demande d’annulation du bail formulée par H Z épouse X en page 7 de ses conclusions, F A oppose en premier lieu l’irrecevabilité de la demande au motif qu’elle serait nouvelle en cause d’appel.

Or, la demande de H Z épouse X, défenderesse en première instance, est une demande reconventionnelle, recevable en appel.

F A soutient ensuite que H Z épouse X serait prescrite en son action au motif qu’elle sollicite la nullité du bail 'plus de 5 ans après l’existence du bail'.

Le moyen tiré de la prescription doit être écarté puisque F A indique dans ses écritures qu’une telle demande a été formulée devant la cour d’appel d’Amiens, que dans ces conditions la prescription qui a commencé à courir au plus tôt le 12 mars 2006 a en toute hypothèse été interrompue lors de l’audience qui s’est tenue devant la cour d’appel d’Amiens le 9 février 2010.

F A soutient ensuite à tort que H Z épouse X ne serait pas recevable à agir en nullité du bail dès lors qu’elle serait tenue de garantir la convention passée par son auteur. En effet, H Z épouse X est recevable, quand bien même elle aurait accepté la succession de son père, à poursuivre sans que les dispositions de l’article 1122 du code civil y fassent obstacle, la nullité du bail consenti par L Z.

Dans ces conditions dès lors que le bail a été consenti par L Z, titulaire d’un droit d’usage, en dépassement de ses droits, H Z épouse X est bien-fondée en sa demande d’annulation du bail.

L’expulsion de F A des parcelles litigieuses doit par voie de conséquence être ordonnée, passé le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt, avec l’aide le cas échéant de la force publique.

F A doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de H Z épouse X dès lors qu’elle est attraite en la cause en son nom personnel et qu’elle n’a commis aucune faute.

H Z épouse X demande la confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la restitution des droits à paiement unique, au motif que 'Monsieur A

(sic ) ne pouvait céder les droits à paiement unique, aucun droit ne pouvant lui avoir été transmis, étant précisé que si Monsieur A fait état de ce que Monsieur L Z avait la liberté contractuelle la plus étendue pour céder ses droits, il ne disposait d’aucun droit sur les parcelles, il ne pouvait donc agir en ce sens'.

Or, H Z épouse X n’est pas fondée en sa demande de restitution dès lors que les droits en cause ont été cédés à F A non pas par L Z mais par B C et par Marguerite Z, par contrat de cession définitive en date du 16 janvier 2006 et du 9 mai 2006 et qu’en toute hypothèse les droits à paiement unique ne sont pas attachés aux parcelles en cause.

**********

Au vu de ces éléments, le jugement doit être infirmé sauf du chef de l’indemnité procédurale, justement appréciée et du chef des dépens.

**********

Partie succombante, F A doit être condamné aux dépens d’appel, débouté de sa demande d’indemnité procédurale et condamné en équité à payer à H Z épouse X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Montdidier en date du 16 septembre 2008 sauf en ce qu’il a condamné F A à payer à H Z épouse X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamné aux dépens.

Statuant à nouveau,

Dit que H Z épouse X a qualité à agir.

Déclare recevable l’action en nullité du bail présentée par H Z épouse X à l’encontre de F A.

Annule le bail entre L Z et F A sur les parcelles XXX d’une contenance de 12 ha 49 a 30 ca sise à XXX et XXX d’une contenance d'1 ha 80 a 35 ca sise à XXX

Ordonne l’expulsion de F A desdites parcelles, de ses biens et de tout occupant de son chef, passé le délai d’un mois après la signification de l’arrêt, le cas échéant avec le concours de la force publique.

Déboute H Z épouse X de sa demande de restitution des droits à paiement unique.

Déboute F A de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande d’indemnité procédurale.

Condamne F A à payer à H Z épouse X la somme de

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne F A aux dépens d’appel, en ce compris les frais de la procédure d’appel ayant abouti à l’arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 18 mars 2010.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. DUFOSSE M. DAGNEAUX

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  2. Code civil
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