Cour d'appel de Douai, 12 mai 2016, n° 14/03478

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 12 mai 2016, n° 14/03478
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/03478
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Béthune, 7 avril 2014, N° 12/00144

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 12/05/2016

***

N° MINUTE : 16/432

N° RG : 14/03478

Jugement (N° 12/00144) rendu le 08 Avril 2014

par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE

REF : SL/CL

APPELANTES

COMMUNE DE NOEUX LES MINES agissant poursuites et diligences de son Maire en exercice, élisant domicile en Mairie

ayant son siège XXX

XXX

XXX agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.

Ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jean-François LEPRETRE, avocat au barreau d’AMIENS

INTIMÉS

Monsieur B A

demeurant né le XXX à Roubaix

demeurant 169 B, rue Jean-Jaurès

XXX

Représenté et assisté par Me Patrick DELBAR, avocat au barreau de LILLE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE ROUBAIX-TOURCOING

ayant son siège XXX

XXX

Représentée et assistée par Me Olivia DRUART, avocat au barreau de DOUAI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Benoît MORNET, Président de chambre

Cécile ANDRE, Conseiller

Sara LAMOTTE, Conseiller


GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne DUFOSSE

DÉBATS à l’audience publique du 24 Mars 2016

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Benoît MORNET, Président, et Fabienne DUFOSSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 septembre 2015

***

Le dimanche 11 janvier 2009, M. E A, alors âgé de 15 ans pour être né le XXX, a été victime d’un accident de ski sur le complexe Loisinord exploité par la ville de Noeux les Mines lors duquel il a subi un traumatisme crânien.

Mme X, agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur, M. A, a agi en référé devant le tribunal administratif de Lille aux fins, de voir prononcer avant dire droit une expertise technique et une expertise médicale aux fins de déterminer les préjudices corporels subis par la victime.

Par ordonnance en date du 18 septembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à ces demandes et a désigné d’une part le docteur Y avec mission d’évaluer le préjudice corporel de la victime, et, d’autre part, M. D, expert montagne et sports de montagne inscrit près de la cour d’appel de Chambery avec la mission technique de déterminer les circonstances de l’accident, d’indiquer les mesures prises afin d’assurer la sécurité des utilisateurs de la piste de ski le jour de l’accident, et de dire si ces mesures étaient suffisantes pour assurer la sécurité des skieurs.

M. D et le docteur Y ont déposé leur rapports respectivement le 12 mars 2010 et le 11 avril 2011.

Par acte du 2 décembre 2011, Mme X a fait assigner la ville de Noeux Les Mines en sa qualité de gestionnaire du complexe Loisinord et la caisse primaire d’assurance maladie de Tourcoing (ci après dénommée la CPAM) devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins de voir reconnaître la responsabilité de la ville de Noeux les Mines suite à l’accident dont M. A a été victime le 11 janvier 2009.

La société d’assurances de la ville de Noeux les Mines, la SMACL Assurances, est intervenue volontairement à l’instance.

M. A, devenu majeur en cours de procédure, est également intervenu volontairement à la procédure en lieu et place de sa mère, Mme X. Celui-ci a sollicité du tribunal de grande instance de Béthune de :

— in limine litis annuler le rapport d’expertise de M. D ;

— déclarer la ville de Noeux Les Mines, en sa qualité de gestionnaire de Loisinord, entièrement responsable des conséquences de l’accident dont M. A a été victime le 11 janvier 2009 ;

— condamner au titre de son préjudice corporel la ville de Noeux Les Mines solidairement avec la SMACL Assurances à lui payer Ia somme de 109.654 euros à titre provisionnel en ce non compris le préjudice professionnel, le préjudice d’établissement, le préjudice sexuel et assistance d’une tierce personne ;

— à titre subsidiaire, appliquer la théorie de la perte de chance limitée à 10% et accorder 90 % du préjudice ;

— surseoir à statuer sur ces différents postes (préjudice professionnel, préjudice d’établissement, préjudice sexuel et nécessité d’une tierce personne) dans l’attente de ses 21 ans et lui accorder sur ces postes une provision de 80.000 euros ;

— et donc condamner la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances à lui payer une somme de 189.654 euros à titre de provision ;

— à titre subsidiaire, designer un nouvel expert judiciaire ;

— en tout état de cause condamner les défendeurs aux entiers dépens.

XXX et la SMACL Assurances ont demandé au tribunal de débouter M. A de l’intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La CPAM a demandé au tribunal de déclarer la ville de Noeux les Mines responsable du préjudice subi par M. A, de condamner celle-ci au paiement de ses débours provisoires à hauteur de 121.299,21 euros, de dire que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jour où elle a été exposée, et de condamner également la commune de Noeux Les Mines au paiement d’une somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 avril 2014, le tribunal de grande instance de Béthune a :

— débouté M. A de sa demande de nullité de l’expertise judiciaire ordonnée par ordonnance en référé en date du 18 septembre 2009 du tribunal administratif de Lille ;

— dit que l’ absence de communication aux parties de la réponse faite par le docteur Y sur la portée des conclusions soumises par l’expert judiciaire D avant le dépôt du rapport d’expertise caractérise une violation du principe du contradictoire, les parties n’ayant pas été mises en état de débattre contradictoirement devant l’expert de la pertinence de la réponse du docteur Y et d’analyser ses implications sur les trois hypothèses de l’accident ;

— dit qu’en conséquence, et en l’absence de tout autre élément technique de nature à privilégier plus particulièrement l’une des hypothèses, le tribunal retiendra comme tout autant probables les trois hypothèses de déroulé de l’accident émises par l’expert judiciaire ;

— dit que la ville de Noeux Les Mines a commis plusieurs manquements à son obligation de sécurité de moyens qui sont à l’origine du dommage subi par le jeune E A et dit qu’en conséquence la ville de Noeux Les Mines engage sa responsabilité contractuelle pour l’accident dont a été victime M. A et lui doit réparation de son entier préjudice corporel ;

— condamne la ville de Noeux Les Mines à payer à M. A à titre de provision à valoir sur son préjudice corporel la somme de 10.000 euros ;

— avant-dire-droit sur l’ensemble du préjudice corporel, ordonné une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur Z et fixé à 2.000 euros la consignation à verser par M. A ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

— réservé les dépens et les demandes sur les frais irrépétibles.

XXX et la SMACL Assurances ont formé appel de ce jugement le 4 juin 2014.

Par conclusions signifiées le 29 décembre 2014, la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances sollicitent de la cour de :

— constater que le stade de glisse Loisinord, dans lequel est située la piste de ski artificiel mise en cause, constitue un service public administratif relevant des règles du droit public et de la compétence exclusive des juridictions administratives ;

— se déclarer d’office incompétent dans ces conditions afin de connaître des demandes de M. A au profit des juridictions administratives ;

— en tout état de cause, infirmer le jugement et, statuant à nouveau,

— dire qu’en sa qualité d’exploitant de la piste de ski artificiel mise en cause, la ville de Noeux Les Mines n’a pas commis de manquements à son obligation générale de sécurité de moyens à l’origine du dommage résultant de l’accident dont M. A a été victime le 11 janvier 2009 ;

— constater que le dommage résulte de la conjonction de faits fautifs de la victime et d’un tiers, et d’un fait de la nature, exonérant totalement la ville de Noeux Les Mines de sa responsabilité ;

— débouter en conséquence M. A de toutes ses demandes ;

A titre très subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour déclarerait la ville de Noeux Les Mines responsable, fut-ce partiellement, de l’accident dont M. A a été victime sur le complexe Loisinord le 11 janvier 2009,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a sursis à statuer sur la réparation du préjudice corporel de M. A, ordonné une nouvelle expertise médicale confiée au docteur Z et alloué à M. A une provision de 10.000 euros ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a également sursis à statuer sur les demandes de la CPAM et l’a invitée à communiquer à l’expert judiciaire ses débours définitifs suffisamment détaillés pour permettre de distinguer les dépenses de santé actuelles et les dépenses de santé futures ;

— dire mal fondé l’appel incident de la CPAM ;

— rejeter les réclamations de la CPAM au titre des frais de transports et des frais futurs, faute de justifications quant à leur imputabilité à l’accident dont M. A a été victime sur le complexe Loisinord le 11 janvier 2009 ;

En tout état de cause,

— condamner M. A à payer à la ville de Noeux Les Mines et à la SMACL Assurances ensemble une indemnité d’un montant de 5.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. A en tous les frais et dépens de première instance et d’appel, et pour ceux d’appel en prononcer la distraction au profit de Maître Deleforge conformément aux dispositions des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Elles soutiennent en premier lieu que la juridiction judiciaire est incompétente pour connaître des demandes de M. A puisque seule la juridiction administrative est compétente en l’espèce en ce que le stade de Loisinord doit être considéré comme administratif en raison de l’objet du service public en cause, de l’origine de ses ressources et de ses modalités de fonctionnement. Il appartient selon elles à la cour se soulever cette incompétence d’office.

Elles énoncent en outre qu’aucun manquement à son obligation de sécurité, de prudence et de diligence, qui est de moyen et non de résultat, n’est caractérisé à l’encontre de la ville de Noeux Les Mines alors même qu’elle a mis à disposition des casques dont elle conseillait l’usage, lequel ne saurait être imposé aux usagers, que ses infrastructures de sécurité, notamment les filets de protection, étaient adaptées et qu’il s’agissait comme l’a relevé l’expert D de conditions hivernales normales.

Elles ajoutent que l’hypothèse la plus plausible du déroulé de l’accident à la lecture du rapport d’expertise de M. D et du courrier du Docteur Y est que la chute violente de M. A sur la tête s’est produite avant de passer sous le filet de protection et que les blessures ne sont dès lors pas dues à un choc avec les attaches du filet de protection ou lors de son passage forcé entre la jupe caoutchoutée qui protège le filet au sol ou à un choc avec le petit muret en béton qui borde le passage sur le quel il a été secouru.

Elles soutiennent enfin que M. A a manifestement commis des fautes d’imprudence à l’origine de son dommage du fait de sa vitesse excessive, que seul le beau-père qui accompagnait l’enfant, est responsable du non port du casque et enfin que la présence éventuelle d’une plaque de verglas sur la piste constitue un fait de la nature qui exonère l’exploitant de toute responsabilité.

Par conclusions signifiées le 5 mars 2015, M. A sollicite de la cour de :

— confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— dire l’exception de compétence irrecevable et à titre subsidiaire la rejeter ;

A titre subsidiaire,

— appliquer la théorie de la perte de chance limitée à 10% et accorder 90% du préjudice ;

— au cas où la cour considérerait ne pas devoir ordonner une nouvelle expertise, en l’état, surseoir à statuer sur les postes de préjudice professionnel, d’établissement, préjudice sexuel et nécessité d’une tierce personne dans l’attente que la victime ait 21 ans et lui accorder, alors, sur ces postes, une provision de 80.000 euros et condamner solidairement la ville de Noeux Les Mines et la SMACL à payer la somme de 109.650 euros à titre provisionnel sur les autres préjudices ;

— condamner en tout état de cause la ville de Noeux Les Mines en sa qualité de gestionnaire de Loisinord et la SMACL solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il énonce que l’exception d’incompétence soulevée par les appelants est irrecevable car relevant de la seule compétence du juge de la mise en état ; la cour ne peut en outre relever d’office son incompétence au profit de la juridiction administrative qu’en cas de trouble à l’ordre public. Enfin, elle avance que la cour est en tout état de cause compétente pour statuer sur ses demandes, la base de loisir Loisinord étant un établissement public industriel et commercial.

Il soutient que l’exploitant de la piste de ski engage sa responsabilité contractuelle pour avoir manqué à son obligation de sécurité de moyen en raison de son matériel insuffisamment sécurisé (en particulier le filet de protection non tendu et avec des maillons d’attaches en métal non protégés), pour ne pas avoir imposé ou au moins recommandé spécifiquement le port du casque, et pour ne pas l’avoir informé ainsi que son accompagnant des risques particuliers liés à la présence de verglas et des raisons pour lesquelles le port du casque était conseillé.

Il ajoute que, s’il n’est pas démontré avec certitude si son traumatisme crânien subi est du à un choc sur la glace, sur le maillon d’attache du filet, lors de son passage sous le filet ou sur le muret, la ville de Noeux Les Mines a manqué à son obligation de sécurité du fait d’un matériel de sécurité défaillant.

Il partage en outre l’opinion des premiers juges d’avoir ordonné une nouvelle expertise en ce que la première avait été réalisée alors qu’il était âgé de 15 ans et ajoute avoir déjà été examiné par le docteur Z dans le cadre de cette nouvelle expertise.

Par conclusions signifiées le 5 mars 2015, la CPAM, formant appel incident, sollicite de la cour de :

— dire l’exception d’incompétence irrecevable, et en tout cas mal fondée ;

— confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a constaté la violation du principe du contradictoire en ce qui concerne la réponse faite par le docteur sur la portée des conclusions soumises par l’expert D avant le dépôt du rapport d’expertise, mais également en ce qu’il a constaté que, quelle que soit l’hypothèse de déroulé de l’accident retenu, la responsabilité de la ville de Noeux Les Mines est engagée, au visa de l’article 1147 du code civil, caractérisant la responsabilité contractuelle liée à l’obligation de sécurité de moyen de la commune de Noeux Les Mines envers les usagers de la base Loisinord, utilisateurs dans ce cadre d’un service public industriel et commercial caractérisant la nature de droit privé des liens entre la commune de Noeux Les Mines et M. A ;

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

— dit que la CPAM est recevable et bien fondée en son recours subrogatoire, es qualité de tiers payeur ;

— dit que la responsabilité de la ville de Noeux les Mines est engagée au regard des préjudices subi par M. A, en leur entièreté ;

— ordonné une expertise médicale avant dire droit sur le préjudice corporel, et sans attendre,

— infirmer ledit jugement, et statuant à nouveau,

— condamner la ville de Noeux les Mines, solidairement avec son assureur, la SMACL Assurances, au paiement de la somme de 73.165,29 euros, à titre de provision sur les dépenses de santé actuelles provisoirement établies, ainsi qu’à la somme de 48.133,92 euros à titre de provision sur les frais futurs provisoirement établis, soit la somme totale de 121.299,21 euros ;

— dire que l’ensemble des sommes, définitives ou provisionnelles, auxquelles seront condamnées la ville de Noeux les Mines et la SMACL Assurances, solidairement ou séparément, emporteront intérêts au taux légal à compter du jour de leur dépense, ou à défaut, à compter de l’arrêt à intervenir, assorti de l’exécution provisoire, ou infiniment subsidiairement, dans les conditions de droit ;

A titre subsidiaire, et si la Cour venait à considérer que les demandes de la CPAM sont prématurées concernant les dépenses de santé futures, condamner solidairement la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances au versement des débours d’ores et déjà exposés, à savoir la somme de 73.l65,29 euros (avec intérêt au taux légal à compter du jour de leur dépense), et surseoir à statuer pour le surplus, dans l’attente de la consolidation de M. A ;

— constater le droit de la CPAM au paiement de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, et par arrêté ministériel en date du 19 Décembre 2014, d’un montant de 1.037 euros, et en tant que de besoin condamner la ville de Noeux Les Mines, solidairement avec la SMACL Assurances, au paiement de ladite indemnité forfaitaire ;

— condamner la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens exposés en première instance et en appel, dont distraction des dépens d’appel au profit de Maître Druart ;

— confirme le jugement pour le surplus, y compris en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire des mesures et condamnations fixées.

Elle considère comme surprenant que les premiers juges aient sursis à statuer sur les demandes de la CPAM en condamnation de la ville de Noeux Les Mines au paiement de ses débours provisoires, à titre provisionnel, au seul motif que les justificatifs des débours définitifs auraient été insuffisamment détaillés pour distinguer les dépenses actuelles et futures alors qu’il était déjà versé aux débats de première instance un document permettant d’élucider le calcul de ces frais futurs et que les dépenses actuelles n’étaient contestées par aucune des parties et étaient déjà détaillées par la notification des débours versés aux débats.

SUR CE,

Sur l’exception d’incompétence

Il résulte de l’article 74 du code de procédure civile que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

Cependant, en application de l’article 92 du même code, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.

Devant la cour d’appel et devant la cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.

En l’espèce, la ville de Noeux les Mines et la SMACL Assurances n’ayant pas soulevé cette incompétence de la cour d’appel de Douai au profit de la juridiction administrative en première instance et devant le conseiller de la mise en état, il s’ensuit que l’exception d’incompétence soulevée doit être déclarée irrecevable.

Cette incompétence alléguée ne peut dès lors être soulevée d’office par la cour que si la règle en cause est d’ordre public.

Or, force est de constater qu’il n’est nullement sollicité de la cour de prendre position sur la légalité de textes administratifs ou sur des statuts et responsabilités de fonctionnaires, lesquels sont indiscutablement réservés aux juridictions administratives.

En l’absence de caractère flagrant d’incompétence de la cour en l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application des textes précités et d’envisager une incompétence relevée d’office.

Sur la responsabilité de la ville de Noeux Les Mines

Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation ;

Il convient seulement de souligner et d’ajouter les points suivants :

En application des dispositions de l’article 1147 du code civil, M. A est fondé à rechercher la responsabilité de la ville de Noeux les Mines, cette dernière étant débitrice d’une obligation contractuelle de sécurité envers les usagers de la base de Loisinord, cette obligation de sécurité étant de moyens en ce que les usagers ont un rôle actif.

Il est acquis en l’espèce que M. A, alors âgé de 15 ans, a chuté sur une piste de ski artificiel de la base de Loisinord le 11 janvier 2009, et a été victime d’un traumatisme crânien.

S’agissant du déroulé de l’accident, les trois hypothèses proposées par M. D dans son rapport d’expertise sont que M. A a pu:

— soit simplement heurter violemment la piste dans sa chute avant de passer sous le filet de protection ;

— soit heurter également, après sa chute et une glissade au sol très rapide, une attache de ce filet constitué par un maillon de chaîne d’un diamètre assez important ;

— soit subir ce traumatisme lors de son passage forcé entre la jupe caoutchoutée qui protège le filet et le sol, avec en sus, hypothèse secondaire d’un léger rebond vers l’arrière lui faisant heurter le petit muret en béton qui borde le passage sur lequel il a été secouru.

L’expert ajoute que la réponse du docteur Y relativement à ces trois hypothèses, bien que n’éliminant aucune solution, l’incline à formuler comme la plus plausible l’hypothèse d’une violente chute sur le plat avant les filets.

Cependant, comme l’ont à juste titre relevé les premiers juges, les parties n’ayant pas été en mesure de débattre contradictoirement devant l’expert D de la pertinence de la réponse du docteur Y et d’analyser ses conséquences sur les trois hypothèses de l’accident, et en l’absence de tout autre élément technique de nature à privilégier une des trois hypothèses, la cour retient également comme tout autant probables les trois hypothèses, et ce d’autant plus que le docteur Y estime elle-même que les constatations cliniques ne permettent d’éliminer aucune hypothèse.

Il n’est pas contesté par les parties que M. A a subi une fracture osseuse crânienne et un hématome sanguin intra-crânien ; M. A était en outre marqué par un impact occipital et fronto droit, ce dont il résulte que le traumatisme crânien a été provoqué par un impact violent avec une double localisation crânienne.

Il importe de rappeler que l’avis de l’expert D sur l’existence d’une faute de la ville de Noeux Les Mines dans le respect de son obligation de sécurité ne lie pas la cour qui reste seule compétente pour apprécier l’existence d’une éventuelle faute.

C’est à juste titre que les premiers juge ont considéré, qu’au vu du contexte spécifique (l’absence de connaissance générales de M. A de la pratique du ski, et le caractère exceptionnel de la présence de neige dans cette région, relativement à l’usage d’une piste synthétique, généralement pratiquée comme telle), M. A n’a pas présenté de comportement imprudent ou négligeant, susceptible de le considérer responsable de son propre dommage, même partiellement.

C’est également à bon droit que les premiers juges ont considéré que la présence d’un filet de protection peu tendu, à 15 ou 20 centimètre de hauteur du sol, en l’absence de boudins matelassés de nature à amortir toute chute et stopper toute glissade, créait un risque particulier, qui sans constituer un défaut de sécurité, constitue un manquement à l’obligation de vigilance et de prudence de l’exploitant, d’autant qu’il avait une parfaite connaissance de la distance restreinte entre la fin de la piste et le filet de protection, et du fait que les chaînes cadenassées maintenant ce filet de protection n’était pas elles-mêmes protégées.

La ville de Noeux les Mines, en qualité d’exploitante du site de Loisinord, a en outre commis un manquement à l’obligation de sécurité de moyen qui s’imposait à elle, par le défaut d’avertissement suffisant du public, et donc précisément de M. A, relativement aux risques spécifiques liés aux conditions météorologique particulières du jour des faits, et à la plus grande opportunité du port d’un casque ce jour.

Enfin, la disposition du matériel a permis le passage sous la jupe de protection du filet, contribuant ainsi à l’aggravation d’un préjudice corporel initialement causé par l’absence de port du casque, dont l’exploitant est responsable du fait de l’absence d’avertissements suffisants de la grande opportunité de son port eu égard aux conditions météorologiques et à l’état de la piste.

La ville de Noeux les Mines ne peut dès lors pas se prévaloir d’une quelconque faute de la victime, du fait de l’accompagnant majeur de M. A, lequel n’a lui-même pas été averti de l’état particulier de la piste en raison des conditions météorologiques exceptionnelles, ou d’un fait de la nature, à savoir l’existence de plaques de verglas dont elle aurait du informer les utilisateurs des pistes et plus particulièrement M. A.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité contractuelle de la ville de Noeux Les Mines pour l’accident dont M. A a été victime et dit que celle-ci lui doit réparation de son entier préjudice corporel.

****

Il y a lieu de constater que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a ordonné une nouvelle expertise médicale de M. A confiée au docteur Z et condamné la commune de Noeux Les Mines, seule, à verser à M. A une provision d’un montant de 10.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.

Sur la demande de provision de la CPAM

Les premiers juges ont sursis à statuer sur la demande de provision de la CPAM, laquelle a été invitée à communiquer au nouvel expert judiciaire ses débours définitifs suffisamment détaillés pour permettre de distinguer les dépenses de santé actuelles et les dépenses de santé futures.

La CPAM produit une notification en date du 30 mai 2013 de ses débours avancés suite à l’accident dont M. A a été victime le 11 janvier 2009. Suite à la demande des premiers juges, elle produit également un état détaillé de ses débours détaillant les dépenses de santé actuelles et les dépenses de santé futures.

Eu égard à la discussion opposant XXX et son assureur à la CPAM sur les frais de transports et les frais futurs rendant opportune l’attente du nouveau rapport d’expertise, il y a lieu de limiter la provision accordée à la CPAM aux dépenses d’ores et déjà opérées et justifiées par la CPAM au titre des frais d’hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, séances de soins, massages et rééducation, actes d’imagerie, soins infirmiers, pour un montant total de 67.753 euros, et ce avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu de renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins de liquidation du préjudice après dépôt du rapport d’expertise.

La CPAM sera également renvoyée à formuler sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion devant le même tribunal dans le cadre de la liquidation du préjudice.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement sur les dépens de première instance et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

XXX et la SMACL Assurances, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel et à payer à M. A la somme de 2.000 euros et à la CPAM la somme de 1.000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la CPAM de sa demande de provision ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne solidairement la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances à verser à la CPAM une provision d’un montant de 67.753 euros, et ce avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Y ajoutant,

Renvoie les parties devant le tribunal de grande instance de Béthune aux fins de liquidation du préjudice après dépôt du rapport d’expertise ;

Renvoie la CPAM à formuler sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion devant le même tribunal dans le cadre de la liquidation du préjudice ;

Condamne la ville de Noeux Les Mines et la SMACL Assurances in solidum aux dépens d’appel et à payer à M. A la somme de 2.000 euros et à la CPAM la somme de 1.000 euros titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

F. DUFOSSE B. MORNET

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