Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 1, 29 septembre 2017, n° 16/03407

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, soc. d salle 1, 29 sept. 2017, n° 16/03407
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/03407
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Valenciennes, 10 juillet 2016, N° 14/00039
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

29 Septembre 2017

1972/17

RG 16/03407

BS/AL

RO

AJT

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

11 Juillet 2016

(RG 14/00039 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le

29/09/17

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

— Prud’Hommes-

APPELANT :

M. Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/16/09945 du 02/11/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

SAS REFRACOL

[…]

[…]

Représentée par Me Christophe DOUTRIAUX, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l’audience publique du 08 Juin 2017

Tenue par B C

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : D E

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

B C : PRÉSIDENT DE CHAMBRE

F G

: CONSEILLER

[…]

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2017, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par B C, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 08 Juin 2017

Par contrat à durée déterminée du 25 juillet 1984 suivi d’un contrat à durée indéterminée du 27

septembre 1984, M. Z X a été engagé en qualité d’ouvrier de fabrication par la société

anonyme Refracol, Dupont et Compagnie (ci-après la société Refracol).

Envisageant le licenciement de M. X en raison de la désorganisation de l’entreprise et de la nécessité d’un remplacement définitif en raison de son absence prolongée qui avait débuté le 7 février 2012 sans discontinuer, la société Refracol a convoqué son salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement par un courrier du 6 novembre 2013, la procédure ayant été annulée lorsque le salarié a annoncé qu’il reprendrait le travail le 6 décembre 2013.

A l’occasion d’une visite de pré-reprise organisée le 18 novembre 2013, le médecin du travail a préconisé des aménagements du poste de travail de M. X. Le 5 décembre 2013, ce dernier a bénéficié d’une prolongation de son arrêt de travail jusqu’au 5 janvier 2014. M. X a ensuite été licencié pour absence prolongée entraînant la désorganisation de l’entreprise et la nécessité d’un remplacement définitif le 20 décembre 2013, en se voyant dispenser de l’accomplissement de son préavis.

Le 20 janvier 2014, il a saisi le Conseil de Prud’hommes de Valenciennes afin de contester cette mesure et obtenir le paiement de diverses sommes à titre d’indemnités.

Par jugement du 11 juillet 2016, le Conseil de Prud’hommes a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes.

Mr X, a régulièrement interjeté ré appel de cette décision.

Pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier les 3 avril et 8 juin 2017 et développées oralement à l’audience.

M. X demande à la Cour de :

— dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société Refracol à lui verser les sommes de :

-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-2 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— ordonner, à hauteur de six mois, le remboursement des allocations de chômage.

Il fait valoir que :

— il a été licencié pour absence prolongée alors que la procédure applicable en matière d’inaptitude aurait dû être mise en 'uvre et qu’il avait sollicité un aménagement de poste à son employeur ;

— la société ne démontre pas que son absence a entraîné une perturbation de son activité dès lors, d’une part, qu’il n’a pas été remplacé systématiquement au cours de ses absences et, d’autre part, qu’il a été remplacé sur son poste par des salariés de l’entreprise Refracol.

La société Refracol demande à la Cour de dire le licenciement de M. X fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le condamner à verser une somme de 1 200 euros au titre de la procédure d’appel, en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient que :

— M. X n’aurait pas dû faire l’objet d’une procédure d’inaptitude dès lors qu’il n’a pas fait l’objet d’un avis d’inaptitude ;

— l’absence de M. X avait rendu son remplacement indispensable, les spécificités de ses fonctions rendant indispensable un recrutement pérenne.

MOTIFS :

Sur la cause réelle du licenciement :

Sur l’absence de mise en 'uvre de la procédure d’inaptitude

Aux termes de l’article L. 1226-2 du Code du travail en sa rédaction applicable au litige, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

En outre, selon l’article R. 4624-31 du Code du travail en sa rédaction applicable au litige, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s’il a réalisé :

1° Une étude de ce poste ;

2° Une étude des conditions de travail dans l’entreprise ;

3° Deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires.

Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l’avis d’inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen.

En l’espèce, le 18 novembre 2013, alors qu’il bénéficiait encore d’un arrêt de travail pour cause de maladie, M. X s’est vu délivrer un avis médical rédigé dans les termes suivants :

« Je vois ce jour Mr X Z en visite de préreprise. Son état actuel nécessite des aménagements pour la reprise = diminution du port des charges max 15 kg, limitation de la flexion répétée du tronc, marche avec possibilité de s’asseoir.

Je vous remercie de me tenir informée par écrit de la faisabilité ou non de ces aménagements »

Au vu du contenu de l’avis rendu par le médecin du travail, il n’est pas établi que M. X a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail, ce dernier s’étant borné à faire état des aménagements de postes nécessaires à une reprise du travail. Dès lors qu’un tel avis n’est pas de nature à constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail, M. X ne saurait faire valoir que la visite dont il a bénéficié a mis fin à la période de suspension de son contrat de travail et que son employeur était tenu de respecter la procédure de licenciement applicable en matière d’inaptitude au travail.

De même, alors qu’il résulte du courrier envoyé le 6 novembre 2013 par la société Refracol à M. X que celle-ci a informé son salarié de ce qu’elle envisageait de procéder à son licenciement, compte tenu de son absence prolongée et qu’elle l’a convoqué à un entretien organisé le 19 novembre 2013 à cet effet, il n’est pas contesté que le salarié a informé son employeur lors de cet entretien de ce qu’il entendait reprendre le travail le 6 décembre 2013, avant de lui transmettre une prolongation de son arrêt de travail jusqu’au 5 janvier 2014, de sorte que la visite de reprise qui avait été organisée par la société Refracol le 9 décembre 2013 n’a pu être organisée. Dès lors, il est constant que M. Y n’a pas été déclaré inapte à son poste de travail dans les trente jours suivant l’organisation de sa visite de préreprise le 18 novembre 2013, de sorte qu’il ne saurait faire grief à son employeur de ne pas avoir mis en 'uvre la procédure de licenciement applicable en matière d’inaptitude.

Il est ainsi démontré que la société Refracol n’était pas tenue de mettre en 'uvre la procédure applicable en matière d’inaptitude avant de procéder au licenciement de son salarié.

Sur la désorganisation de l’entreprise consécutive à l’absence du salarié

Si l’article L. 1132-2 du Code du travail qui fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ne s’oppose pas à son licenciement motivé non par l’état de santé du salarié mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif

Par ailleurs, la cause réelle et sérieuse de licenciement s’apprécie à la date du licenciement ; il en résulte que le caractère raisonnable du délai de remplacement du salarié licencié en raison de son absence pour maladie et de la nécessité de son remplacement définitif doit s’apprécier au regard de la date du licenciement.

En l’espèce, par courrier du 20 décembre 2013, M. X s’est vu notifier son licenciement dans les termes suivants :

« Nous vous avons rappelé que déjà le 06 novembre 2013, nous vous avions convoqué le mardi 19 novembre 2013, pour un entretien préalable à un licenciement éventuel, notre société envisageant déjà votre licenciement pour le même motif d’absence prolongée (').

Au cours de cet entretien, vous nous aviez laissé entendre que cette situation d’absence prolongée allait prendre fin dans la mesure où vous aviez l’intention de reprendre le travail le 06 décembre 2013.

Dans cet objectif, vous aviez passé une visite de pré-reprise la veille 18 novembre 2013 auprès de notre Médecin du travail.

De notre côté, nous avions donc convenu d’abandonner notre procédure et avions sollicité notre Médecin du travail, pour (') une visite de reprise qui avait été fixée le 09 décembre 2013, et attendions votre retour au travail le 06 décembre 2013.

Le 05 décembre 2013, nous recevions, sans grande surprise, votre avis de prolongation d’arrêt de travail jusqu’au 05 janvier 2014.

Le 05 décembre 2013, nous avons donc annulé votre visite de reprise (') et vous avons reconvoqué pour un second entretien préalable le mardi 17 décembre 2013 (').

Nous vous avons rappelé que vous êtes absent pour maladie non-professionnelle, et cela sans discontinuer depuis le 07 février 2012, c’est-à-dire depuis plus de 22 mois.

Nous vous avons rappelé les difficultés d’organisation et les désordres que cela provoquait au sein de notre atelier de production, notamment lorsqu’il s’agit de constituer des équipes de travail, avec les compétences requises, ou de planifier les équipes postées.

Nous avons du entre autre, avoir recours massivement à l’intérim pour faire face à votre absence et avons connu les pires difficultés pour respecter les délais dans la mesure du possible, au risque d’altérer gravement notre image de marque (').

Nous vous avons demandé qu’elles étaient vos intentions quant à la reprise éventuelle de votre travail, et en avons déduit de vos quelques mots que cela ne semblait pas être d’actualité (').

Compte tenu de la désorganisation engendrée par votre absence prolongée et la nécessité de vous remplacer de façon définitive, il ne nous est malheureusement plus possible d’attendre votre retour au sein de notre entreprise. C’est pourquoi, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison de la désorganisation du service du fait de votre absence et de la nécessité de vous remplacer définitivement ».

M. X fait grief à la société Refracol de ne produire, pour seul élément visant à justifier de la perturbation consécutive à son absence, que les contrats des travailleurs temporaires auxquels elle a recouru pour pourvoir à son absence, sans apporter d’élément de nature comptable démontrant qu’elle aurait rencontré des perturbations dans le traitement des commandes ou dans son activité en tant que telle.

Ainsi, bien qu’il ne soit pas contesté que M. X, en sa qualité de salarié expérimenté, exerçait des fonctions spécifiques empêchant son remplacement par un intérimaire non qualifié et alors qu’il ne saurait être fait grief à son employeur d’avoir recruté un salarié en contrat à durée indéterminée pour pourvoir au remplacement du salarié expérimenté affecté au poste de M. X, consécutivement au licenciement de ce dernier, il convient de relever que la société n’apporte pas d’élément probant de nature à démontrer l’existence des « difficultés pour respecter les délais dans la mesure du possible » et le risque d’altération de son image de marque dont elle faisait état dans la lettre de licenciement notifiée à son salarié.

A cet égard, bien que les contrats de mise à disposition versés aux débats par la société Refracol démontrent que M. X a fait l’objet d’un remplacement par des travailleurs temporaires à compter du 29 février 2012, dans les semaines suivant le début de son arrêt de travail, le 7 février 2012, ces éléments ne sauraient suffire à démontrer l’étendue des perturbations, au regard des activités de la société, que cette dernière prétend avoir rencontrées consécutivement à l’absence de M. X.

Ainsi, dès lors qu’elle se borne à justifier de ce qu’elle a été contraint de recruter des travailleurs temporaires pour pourvoir au remplacement de son salarié tout au long de son absence, sans produire d’éléments probants permettant de justifier de la perturbations de son organisation, la société Refracol ne démontre pas que l’absence de M. X perturbait son fonctionnement normal de sorte qu’il était nécessaire de procéder à son remplacement définitif.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il dit le licenciement de M. X fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Compte tenu des circonstances de la rupture, des difficultés de réinsertion professionnelle du salarié, de son ancienneté de 30 ans au service de l’entreprise et de son statut de travailleur handicapé, M. X sera justement indemnisé par le versement de 37 000 euros à titre de dommages et intérêts, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail, la base d’un salaire de référence de 1 512 euros.

En outre, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4, la société Refracol sera condamnée au remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. X, à hauteur de trois mois d’indemnités.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens :

La société Refracol, partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

Infirme le jugement ;

Et statuant à nouveau :

Condamne société anonyme Refracol, Dupont et Compagnie à payer à M. Z X :

-37 000 euros à titre de dommages et intérêts

-1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M. Z X à hauteur de trois mois d’indemnités,

Condamne la société anonyme Refracol, Dupont et Compagnie aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

N. BERLY B. C

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Textes cités dans la décision

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