Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 novembre 2017, n° 16/05005

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/11/2017

***

N° de MINUTE : 17/523

N° RG : 16/05005

Jugement (N° 15/02184) rendu le 29 Mars 2016

par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTE

EPIC SNCF Mobilites prise en la personne de ses représentants légaux

9 rue E-Philippe Rameau

[…]

Représenté et assisté par Me Robert Lepoutre, avocat au barreau de Lille

INTIMÉ

Monsieur E-F X

né le […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représenté et assisté par Me Patrick Delbar, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 05 Octobre 2017 tenue Par A B magistrat chargé d’instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

A Mornet, président de chambre

A B, conseiller

C D, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2017 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par A Mornet, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2017

***

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

M. X a glissé le 10 octobre 2013 en montant dans une rame du TER. C’est en voulant attraper la rampe de maintien qu’il a ressenti un craquement dans le bras puis une vive douleur.

Par exploits des 20 février et 2 mars 2015, M. X a fait assigner la SNCF et la CPAM de Lille-Douai devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de statuer sur la responsabilité de l’exploitant du train et liquider son préjudice corporel. La SNCF a contesté toute responsabilité devant les premiers juges.

Par jugement du 29 mars 2016, le tribunal de grande instance de Lille a :

— dit que la SNCF Mobilités était tenue de réparer les conséquences dommageables de la chute de M. X survenue le 10 octobre 2013,

— en conséquence, condamné la SNCF Mobilités à payer à M. X les sommes de 4 558,90 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice corporel et de 1 500 euros à titre d’indemnité de procédure, les parties étant déboutées de leurs autres demandes.

L’EPIC SNCF Mobilités a interjeté appel de ce jugement. Il demande par voie de réformation à la cour de débouter M. X de toutes ses demandes. A titre subsidiaire, si sa responsabilité devait par extraordinaire être retenue, il sollicite de la juridiction du second degré qu’elle ramène à de plus justes proportions les sommes réclamées par le demandeur en réparation de ses préjudices. En tout état de cause, SNCF Mobilités demande à la cour de condamner M. X à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Au soutien de ses demandes, l’établissement appelant expose que seul le règlement européen n°1371/2007 du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, en particulier l’article 26, a vocation à s’appliquer en la cause, ce texte étant entré en vigueur le 3 décembre 2009.

Pour autant, il appartient au demandeur de justifier que la rupture du biceps qu’il invoque à titre de préjudice est en lien direct, certain et exclusif avec un accident survenu à l’occasion du transport ferroviaire du 10 octobre 2013, transport pour lequel il produit un titre de transport. A ce sujet, il faut constater que M. X n’a avisé aucun agent du service commercial chargé des opérations de contrôle, ces agents ayant pourtant pour mission de recueillir tous les faits, éléments et témoignages qu’ils consignent dans un « rapport d’accident de personnes ». Or, aucun constat n’a été établi dans un temps contemporain des faits relatés par le demandeur. M. X n’en a fait état que plusieurs jours après. Le témoignage imprécis de M. Y établi un mois après les faits est insuffisant pour étayer les dires de M. X. Cette attestation ne mentionne ni la date ni l’heure de l’accident allégué. Aucun détail n’est donné quant à la « glissade » de M. X ou sur les affections douloureuses en résultant. M. Y ne produit aucun titre de transport qui justifierait du fait qu’il était assurément présent dans la rame de TER en question. C’est donc à tort que les premiers juges ont cru pouvoir donner une quelconque valeur probante à ce document. En outre, le certificat médical versé par le demandeur, certificat qui mentionne un accident du 10 octobre 2013, ne contient aucune imputation à la chute alléguée. Par ailleurs, la circonstance que SNCF Mobilités reprenne dans un courrier de réponse à M. X l’événement accidentel du 10 octobre 2013 ne peut signifier que cet établissement en reconnaissait la matérialité.

A supposer que cette matérialité soit établie, ce que l’établissement appelant conteste, il importerait de l’exonérer de toute responsabilité pour cause de faute de la victime. A ce sujet, le règlement européen ne vise qu’une simple faute d’inattention ou de maladresse. M. X explique qu’il a glissé sur le seuil trempé par la pluie. Monter dans un train correspond à un mouvement actif du voyageur, lequel doit redoubler de vigilance si le temps est réellement pluvieux. Les barres de maintien sont en cela placées à l’entrée de chaque porte de voiture pour en faciliter l’accès à la montée comme à la descente. Manifestement, M. X a initialement pensé qu’il pouvait s’en passer. Aucun autre passager n’a du reste signalé la difficulté alléguée par l’intéressé. Le dommage trouve donc sa cause exclusive dans la maladresse et le manque d’attention de M. X, ce qui constitue une cause exonératoire de responsabilité pour l’exploitant.

A titre encore plus subsidiaire, l’établissement SNCF Mobilités entend voir ramener à de plus justes proportions les indemnités fixées par les premiers juges en faveur du demandeur. Ainsi, le déficit fonctionnel temporaire devra être liquidé sur la base de 23 euros maximum par jour, soit une indemnité qui ne saurait excéder 558,90 euros. Le déficit fonctionnel permanent ne pourra pas dépasser 1 500 euros. Pour les souffrances endurées, SNCF Mobilités offrait en première instance une somme de 2 250 euros.

* * * *

M. X pour sa part demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qui concerne le principe de responsabilité mais de le réformer en ce qui concerne le montant des sommes accordées. Il sollicite la condamnation de SNCF Mobilités à lui payer la somme de 10 983,20 euros à titre de dommages et intérêts, outre 2 000 euros d’indemnité de procédure.

Le demandeur maintient qu’il s’est sérieusement blessé au bras droit le 10 octobre 2013 alors qu’il montait vers 18 heures 35 dans le TER. Il a chuté sur le côté alors qu’il cherchait à attraper la rampe de maintien. Cela est repris par M. Y dans une attestation que ce dernier a rédigée. Si SNCF Mobilités entend lui reprocher une faute, il lui faut l’établir et cela ne peut simplement se déduire des circonstances factuelles de sa chute. En effet, aucun usager n’est astreint à monter dans une voiture en utilisant obligatoirement la rampe de maintien. Il appartenait à l’établissement exploitant de prévoir des antidérapants afin que les marches ne soient pas glissantes en cas de pluie.

Pour ce qui a trait à la liquidation de son préjudice corporel, M. X sollicite les indemnités suivantes :

— déficit fonctionnel temporaire (classe 3) : 348 euros,

— déficit fonctionnel temporaire (classe 1) : 235,20 euros,

— AIPP de 2 % : 2 400 euros,

— souffrances endurées (2/7) : 8 000 euros.

Motifs de la décision :

— Sur la responsabilité recherchée de SNCF Mobilités :

Attendu que l’application au présent litige du règlement CE n°1371/2007 du 23 octobre 2007 ne faisant pas débat entre les parties, il sera précisé que l’annexe I à ce règlement énonce à l’article 26 (Fondement de la responsabilité) en ses deux premiers alinéas que :

1. « Le transporteur est responsable du dommage résultant de la mort, des blessures ou de toute autre atteinte à l’intégrité physique ou psychique du voyageur causé par un accident en relation avec l’exploitation ferroviaire survenu pendant que le voyageur séjourne dans les véhicules ferroviaires, qu’il y entre ou qu’il en sorte et quelle que soit l’infrastructure ferroviaire utilisée.

2. Le transporteur est déchargé de cette responsabilité :

a) [---] ;

b) dans la mesure où l’accident est dû à une faute du voyageur ;

c) [---] » ;

Attendu que M. X verse aux débats le rapport d’expertise amiable rédigé par le docteur Z mandaté par la MAIF suite à l’examen médical du 24 juillet 2014, divers courriers échangés entre cette compagnie d’assurances et le service Sinistres de la SNCF ainsi qu’une attestation rédigée le 13 novembre 2013 par M. Y ;

Que la lecture du rapport d’expertise amiable dont la teneur n’a pas été spécifiquement contestée par l’établissement défendeur établit que M. X a consulté dès le 10 octobre 2013 son médecin traitant qui a rédigé un certificat mentionnant une probable rupture du biceps droit, des examens complémentaires étant prévus, ce qui sera réalisé dès le 11 octobre sous forme d’échographie musculaire ne retrouvant aucune rupture de tendon mais un 'dème musculaire localisé à la partie distale du long biceps sans hématome frais ;

Qu’en cela, la matérialité d’une lésion musculaire au bras droit est clairement établie dès le soir du 10 octobre 2013, M. X produisant en outre une attestation rédigée le 13 novembre 2013 par M. Y, lequel s’exprime ainsi : « J’atteste avoir assisté à la chute de M. X E-F lors de sa montée dans le TER en gare de Lille-Flandres. M. X a glissé sur la partie métallique (mouillée par la pluie) qui sert de rebord à la porte d’entrée de la rame. J’étais assis alors à proximité immédiate de ladite entrée » ;

Que la circonstance que M. Y exerce la même profession (infirmier) que M. X ne caractérise pas en soi une quelconque collusion présumée entre la victime et le témoin, l’absence de date dans la relation faite par ce témoin étant indifférente dès lors qu’il s’exprime en déclarant qu’il a assisté à la chute de M. X en gare de Lille-Flandres lors de sa montée dans le TER, ce qui s’entend par définition de la chute du 10 octobre 2013 ;

Que le fait que M. X n’ait pas fait part de sa chute au contrôleur du train ne peut lui être reproché dans la mesure où il se déduit de la lecture de la pièce n°8, soit de la lettre en réponse que la SNCF adresse le 5 novembre 2013 à M. X, que ce dernier a bien tenté de faire part de l’accident au personnel de la SNCF en gare de Lille-Flandres mais qu’il n’a alors reçu aucune écoute ;

Qu’en l’état de la réglementation en vigueur et telle que rappelée ci-dessus et des éléments réunis tant sur le fait dommageable que les lésions qui en sont la conséquence directe, c’est à bon droit que les premiers juges ont conclu à la responsabilité de l’établissement exploitant ;

Qu’en effet, la faute de la victime que SNCF Mobilités entend reprocher à M. X pour s’exonérer de sa responsabilité n’est pas sérieusement caractérisée dès lors que celle-ci ne peut se déduire de la seule réalisation du dommage dans les circonstances décrites ;

Que c’est à l’expérience du glissement éprouvé par la victime et de la sensation de chuter latéralement que M. X a bien tenté d’attraper la rampe, la lésion musculaire s’étant alors produite, aucune imprudence ou inattention n’étant en cela démontrée ;

Que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a retenu le principe de la responsabilité de l’EPIC SNCF Mobilités ;

— Sur la liquidation du préjudice corporel de M. X :

Attendu dans un premier temps qu’il sera constaté que l’établissement défendeur ne remet nullement en cause les diligences du docteur Z et ne conteste pas ses conclusions rédigés dans le rapport communiqué aux débats de sorte que ce document servira de base à la discussion afférente aux divers postes de préjudice corporel dont la victime sollicite l’indemnisation ;

Attendu, sur le déficit fonctionnel temporaire, que l’expert amiable retient une gêne partielle dans toutes les activités personnelles, de classe 3 du 10 octobre au 7 novembre 2013, et de classe 1 du 10 octobre 2013 ['] au 13 février 2014 ;

Que M. X est ainsi recevable et fondé à obtenir l’indemnisation de cette gêne éprouvée au cours de sa maladie traumatique selon les taux et durées de déficit retenus par l’expert en son rapport et sur la base d’une somme de 24 euros comme il le réclame, ce qui conduit aux développements suivants :

— déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 3 du 10 octobre au 7 novembre 2013 : 29 jours x 24 euros x 0,50 = 348 euros,

— déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 du 8 novembre [et non du 10 octobre '] 2013 au 13 février 2014 : 98 jours x 24 euros x 0,10 = 235,20 euros,

soit une indemnité totale de 583,20 euros revenant à la victime pour ce poste de préjudice ;

Attendu, sur les souffrances endurées, que le docteur Z retient l’échelon 2/7, ce qui rend très excessives les prétentions de M. X mais justifie néanmoins une indemnité de 3 000 euros ;

Attendu, sur le déficit fonctionnel permanent, que l’expert amiable a retenu un taux de 2%, de sorte que, M. X étant âgé de 56 ans au jour de la consolidation de son état, soit le 13 février 2014, le point de déficit peut parfaitement être arrêté à 1 200 euros, la créance indemnitaire de l’intéressé pour ce poste de préjudice devant être arrêtée à la somme de 2 400 euros ;

Attendu que la liquidation du préjudice corporel s’entendant d’une réparation du dommage poste par poste, il importe de condamner l’EPIC SNCF Mobilités à payer ces trois précédentes sommes à M. X sans qu’il soit opportun de les additionner ;

Que le jugement dont appel sera ainsi infirmé en sa disposition relative à l’indemnisation du préjudice corporel du demandeur ;

— Sur les frais irrépétibles :

Attendu que l’équité justifie l’indemnité de procédure arrêtée par les premiers juges en faveur de M. X, la décision entreprise étant en cela confirmée ;

Que cette même considération commande en cause d’appel d’arrêter à la somme de 1 500 euros l’indemnité pour frais irrépétibles revenant au demandeur, l’établissement débiteur de cette somme étant débouté de sa propre prétention indemnitaire à cette fin ;

* * * *

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

— Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celle relative à la créance de dommages et intérêts de M. X du chef de la réparation de son préjudice corporel ;

Infirmant et prononçant à nouveau de ce seul chef,

— Condamne l’EPIC SNCF Mobilités à payer à titre de dommages et intérêts à M. X, au titre de la réparation de son préjudice corporel suite à l’accident du 10 octobre 2013, les sommes de :

— déficit fonctionnel temporaire : 583,20 euros,

— souffrances endurées : 3 000 euros,

— déficit fonctionnel permanent : 2 400 euros ;

Y ajoutant,

— Condamne l’EPIC SNCF Mobilités aux entiers dépens d’appel ainsi qu’à verser à M. X une indemnité de procédure de 1 500 euros, l’établissement débiteur de cette somme étant débouté de sa propre prétention indemnitaire à cette fin ;

— Accorde à la SCP d’avocats Delbar-Bondue-Fischer, conseils de M. X, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

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