Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 6 avril 2017, n° 16/00521

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, troisieme ch., 6 avr. 2017, n° 16/00521
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/00521
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, 18 janvier 2016, N° 15/03175
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/04/2017

***

N° de MINUTE :17/211

N° RG : 16/00521

Jugement (N° 15/03175) rendu le 19 Janvier 2016

par le tribunal de grande instance de Boulogne Sur Mer

APPELANTS

Monsieur A B, C X

de nationalité française

XXX

XXX

Madame D E, F G épouse X

de nationalité française

XXX

XXX

Représentés et assistés par Me C Marc Besson, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉE

SCP Y

place du Marché aux chevaux

XXX

A laquelle la déclaration d’appel a été signifiée le 14 avril 2016 à personne habilitée

DÉBATS à l’audience publique du 02 Mars 2017, tenue par Sara Lamotte magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Benoît Mornet, président de chambre

Cécile André, conseiller

Sara Lamotte, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé, publiquement, par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017, (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Benoît Mornet, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 21 octobre 2016

Communiquées aux parties le 21 octobre 2016

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 février 2017

***

Exposé du litige

Les consorts Z-G se sont mariés le XXX, sous le régime de la communauté universelle. Le contrat de mariage a été établi par Maître Y, notaire à Fruges.

Le 29 décembre 2012, Maître Y a établi un acte d’apport immobilier à régime de communauté universelle par lequel M. Z déclarait mettre en communauté un ensemble immobilier sis XXX, à XXX.

Le même jour, le notaire établissait un acte de cession dudit immeuble au bénéfice de la société Macha moyennant le prix net vendeur de 240 000 euros et comprenant une clause selon laquelle la vente bénéficiait de l’exonération des plus-values immobilières en vertu de l’article 150 U III du code général des impôts.

Le 14 février 2014, les époux Z étaient rendus destinataires d’une proposition de rectification, aux termes de laquelle l’administration fiscale informait les contribuables qu’ils ne pouvaient bénéficier du régime de l’exonération des plus-values et qu’ils se trouvaient de ce fait redevables des impôts et contribution afférents, soit la somme de 35 572,62 euros.

Malgré les contestations des époux Z, l’administration fiscale leur a adressé un avis de mise en recouvrement portant sur une somme, pénalités incluses, de 33 843 euros.

Les époux Z ont assigné la SCP Y devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer afin de voir sa responsabilité reconnue pour la faute commise à l’occasion de l’acte de vente et obtenir l’indemnisation de leur préjudice.

La SCP Y n’a pas constitué avocat.

Selon jugement du 19 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a débouté les époux Z de l’ensemble de leurs demandes et a condamné ces derniers aux dépens.

Par déclaration du 28 janvier 2016, les époux Z ont relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas critiquées.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2017, les époux Z demandent à la cour d’infirmer le jugement et de :

— condamner la SCP Y à leur verser les sommes de :

—  35 000 euros en indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de pouvoir vendre leur appartement à la somme de 280 000 euros ;

—  1 673 euros au titre des pénalités de retard acquittées ;

— condamner la SCP Y à leur verser la somme de 2 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de leurs prétentions, les époux Z soutiennent que le notaire a commis une faute en considérant que le vendeur, au sens de l’article 150 U III du code général des impôts était M. Z et non la communauté Z-G, dont les revenus cumulés sur l’exercice N-2 représentaient un revenu fiscal de référence supérieur à la limite de l’article 1417 du code général des impôts ouvrant droit au bénéfice de l’exonération.

La faute du notaire est d’autant mieux caractérisée selon eux en ce que ce dernier est à la fois le rédacteur de l’acte d’apport immobilier et celui de l’acte de cession d’immeuble.

Ils avancent que Maître Y leur a conseillé de diminuer le prix de vente de l’immeuble afin d’en faciliter la cession en leur indiquant qu’ils perdraient le bénéfice de l’exonération du régime de la plus-value, qui ne leur était finalement pas applicable, à la fin de l’année 2012.

Le préjudice subi par les époux Z est donc selon ces derniers d’avoir baissé de

40 000 euros le prix de vente de leur immeuble, à savoir 240 000 euros au lieu de

280 000 euros, pour obtenir une réduction fiscale qui leur a finalement été refusée. Ils estiment donc que leur préjudice est constitué par la perte de chance d’avoir pu vendre leur immeuble 40 000 euros de plus. Cette perte de chance peut selon eux être fixée à 87,5 % de la baisse de prix consentie, qui est de 40 000 euros, soit une somme de

35 000 euros.

Ils ajoutent que, s’ils n’avaient pas été prétendument bénéficiaires de l’exonération de plus-value, ils auraient attendu la saison suivante afin de vendre leur immeuble au juste prix, plutôt qu’accepter une offre à hauteur de 240 000 euros net vendeur de l’agence La Touquettoise Immobilier au mois de novembre 2012 et ce alors qu’un appartement au 1er étage, identique au leur mais avec une vue moins intéressante, s’était vendu 2 mois plus tôt pour la somme de 285 000 euros.

Malgré la signification de la déclaration d’appel et de ses conclusions par les appelants à la SCP Y le 14 février 2016 à personne habilitée, celle-ci n’a pas constitué avocat.

Motifs

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans le mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la faute du notaire

Aux termes de l’article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il s’ensuit que les notaires, tenus professionnellement d’éclairer les parties sur les conséquences des engagements qu’ils contractent, doivent, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité de ces actes.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la vente de l’immeuble sis XXX, à XXX a fait l’objet d’un acte de cession des époux Z au bénéfice de la SCI Macha par Maître Y, cette vente ayant été consentie au prix de 240 000 euros net vendeur. Cet acte stipulait au paragraphe « Déclarations sur les plus-values immobilieres » :

«  Exonération des plus-values immobilières en vertu de l’article 150 U III du code général des impôts.

Les présentes entrent dans le cadre de l’exonération des plus-values, conformément à l’article 150 U III du code général des impôts, le Vendeur déclarant être :

— titulaire d’une pension de vieillesse ;

— non passible de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’avant dernière année précédent celle de la cession ;

— bénéficiaire d’un revenu fiscal lors de l’avant dernière année précédent celle de la cession non supérieur à la limite légale de l’article 1417 du code général des impôts ;

Par suite le notaire est dispensé de déposer l’imprimé 2048 IMM ".

Or, par courrier en date du 14 février 2014, l’administration fiscale a indiqué à M. et Mme Z les élément suivants :

« M. Z a apporté à la communauté universelle le bien immobilier situé au XXX. Lors de la vente de ce bien à la SCI Macha, l’immeuble appartenait donc à la communauté, c’est à dire à M. et Mme Z, comme indiqué dans l’acte de vente.

Dès lors, le revenu fiscal à prendre en compte pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 150 U III du CGI est celui de M. Z additionné à celui de Mme Z.

L’acte de vente a été signé le 29 décembre 2012, les revenus fiscaux de référence à prendre en compte pour bénéficier de l’exonération sont ceux figurant sur les avis 2011 relatifs au revenus de 2010.

Soit pour M. Z : 2 990 euros et pour Mme Z : 35 735 euros.

Votre revenu fiscal de référence d’un montant total de 38 725 euros pour 2 parts dépasse la limite prévue au I de l’article 1417 du CGI fixé à 10 024 euros, pour la première part de quotient familial, majorée de 2 676 euros pour chaque demi-part supplémentaire (15 376 euros pour 2 parts). En conséquence, vous ne pouvez pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 150 U III du code des impôts."

Il résulte de ce qui précède que Maître Y a commis une erreur constitutive d’une faute en indiquant à tort que la vente de l’immeuble serait exonérée des plus-values immobilières en vertu de l’article 150 U III du code général des impôts.

Sur le lien de causalité et le préjudice

Sur les intérêts et pénalités de retard

Il ressort de l’avis de recouvrement de l’administration fiscale produit par les époux Z que ces derniers ont du verser la somme de 1 673 euros au titre des intérêts de retard.

La rectification fiscale ayant eu lieu du fait d’une erreur fautive de la SCP Y, comme indiqué ci-dessus, celle-ci devra être condamnée à verser la somme de 1 673 euros à M. et Mme Z au titre des intérêts de retard.

Sur la perte de chance de vendre l’immeuble au prix souhaité

Les époux Z produisent aux débats, d’une part, deux mandats de vente de l’immeuble en cause auprès des agences immobilières Somaprim et Espace patrimoine datées respectivement du 17 juin et du 2 août 2012 estimant le bien à la somme de

280 000 euros net vendeur et, d’autre part, un rapport d’expertise vénale du cabinet Martel, expert foncier et immobilier, en date du 1er décembre 2016 évaluant le bien au jour de la vente le 29 décembre 2012 à la somme de 275 000 euros.

L’expert foncier relève que l’appartement en cause « se situe au 4e étage de la Résidence Alexandra, il offre une vue dégagée, il est en très bon état et de bonne configuration. En effet, le choix opéré par M. et Mme Z de privilégier une cuisine équipée et fermée à la place d’une seconde chambre est parfaitement cohérent et n’a, à notre avis, pas de conséquence négative sur la valeur du bien car la surface habitable reste inchangée et ce choix n’a pas d’impact sur ladite configuration de l’appartement. De plus, cet appartement se situe dans le secteur du Triangle d’Or, secteur très prisé faisant l’objet d’une forte demande d’achat pour peu de biens disponibles. Toutefois, cet appartement n’a pas de balcon ni de terrasse, ce qui représente un inconvénient réel sur le marché du Touquet-Paris-Plage. »

Ceux-ci rapportent la preuve d’importants travaux de rénovation de l’immeuble courant 2011 et 2012, à savoir notamment le revêtement des sols de l’appartement et la pose d’une nouvelle cuisine et d’une nouvelle salle de bain.

Enfin, les appelants justifient de la vente, en septembre 2012, d’un appartement dans la même résidence, au premier étage, pour la somme de 257 000 euros, sans pour autant que les caractéristiques de cet appartement soient précisées.

M. et Mme Z ne produisent en revanche aucun justificatif relativement à la cession d’un immeuble identique au leur qui se serait vendu au sein du même immeuble au prix de 285 000 euros selon leurs écritures. Ils ne démontrent en outre pas plus que Maître Y leur aurait donné le conseil de baisser le prix de leur immeuble, force étant en outre de constater que les mandats de vente pour un montant de 280 000 euros n’ont pas été suivis d’effet du mois de juillet au mois de décembre 2012.

Dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont énoncé que les époux Z ne rapportent pas la preuve de l’existence d’une perte de chance de voir vendre l’immeuble en cause au prix souhaité et les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La SCP Y, succombant à l’instance, sera condamnée aux dépens de première d’instance et d’appel et à payer aux époux Z une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SCP Y à payer à M. et Mme Z la somme de 1 673 euros au titre des intérêts de retard, et ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute M. et Mme Z de leur demande de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de vendre leur immeuble au prix souhaité ;

Condamne la SCP Y aux dépens de première instance et d’appel et à payer à

M. et Mme Z la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

F. Dufossé B. Mornet

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Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 6 avril 2017, n° 16/00521