Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 9 mars 2017, n° 16/05764
TCOM Lille 13 septembre 2016
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CA Douai
Infirmation partielle 9 mars 2017

Arguments

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  • Rejeté
    Omission de statuer sur la demande d'expertise

    La cour a confirmé que le juge des référés avait bien statué sur la demande d'expertise, rejetant ainsi l'argument de la société Viseo.

  • Accepté
    Défaut de qualité à agir des sociétés demanderesses

    La cour a jugé que les sociétés intimées avaient un intérêt légitime à agir, car elles étaient bénéficiaires du projet informatique.

  • Rejeté
    Créance certaine, liquide et exigible

    La cour a estimé que la créance de la société Viseo était sérieusement contestable, et a donc rejeté la demande de paiement.

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 1, 9 mars 2017, n° 16/05764
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 16/05764
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lille, 12 septembre 2016, N° 2016010467
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 09/03/2017

***

N° de MINUTE : 17/95

N° RG : 16/05764

Ordonnance (N° 2016010467) rendue le 13 septembre 2016

par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

XXX

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Stéphane Dhonte, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

SAS Holder , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Gilles Grardel, de la SELARL Espace Juridiques avocats, avocat au barreau de Lille

XXX , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Gilles Grardel, de la SELARL Espace Juridiques avocats, avocat au barreau de Lille

SAS Patisseries Ladurée, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Gilles Grardel, de la SELARL Espace Juridiques avocats, avocat au barreau de Lille

SAS A Y , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Gilles Grardel, de la SELARL Espace Juridiques avocats, avocat au barreau de Lille

SA Y Z , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Me Gwendoline Muselet, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Gilles Grardel, de la SELARL Espace Juridiques avocats, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 04 janvier 2017 tenue par Marie-Annick Prigent magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie Hainaut

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Annick Prigent, président de chambre

Elisabeth Vercruysse, conseiller

Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2017 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Clara Dutillieux, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ***

La société Holder a confié à la société Viseo des prestations informatiques portant sur un projet d’élaboration budgétaire et de « reporting » qui ont donné lieu à facturation à compter du mois d’avril 2014. Le 25 septembre 2015, la société Holder, alléguant d’une inexécution contractuelle de la prestataire de service, a mis fin unilatéralement au contrat.

Par acte en date du 6 novembre la société Holder, la SAS Patisserie Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z ont assigné en référé la société Viseo pour solliciter du juge des référés la désignation d’un expert.

Par ordonnance en date du 21 avril 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a, au principal, renvoyé les parties à mieux se pourvoir, et au provisoire :

— Désigné expert en la personne de M. X Petifrère avec la mission suivante :

' Convoquer les parties et leurs conseils.

' Se faire remettre tous documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission.

' Se rendre dans les locaux de la société Holder XXX à Y

' Se faire remettre contradictoirement une copie de la solution informatique du lot n°1 mis en production et du local à la date de la rupture de la relation contractuelle soit le 29 septembre 2015.

' Décrire et donner son avis sur l’environnement technique et fonctionnel de la solution.

' Décrire les différents intervenants au projet informatique et détailler les missions dans la conduite du projet de chacun d’entre eux.

' Prendre connaissance des différentes interventions et développements mis en 'uvre par la société Viseo dans le cadre du projet d’élaboration budgétaire et de reporting commandé par la société Holder.

' Donner au tribunal tous éléments permettant d’apprécier la responsabilité encourue par la société Viseo.

' Donner au tribunal tous éléments permettant d’apprécier les préjudices directs et indirects, matériels et immatériels subis par les sociétés requérantes.

' Donner au tribunal tous éléments permettant d’apprécier le coût, la nature et la durée des travaux nécessaires pour permettre à la société Holder de finaliser le projet d’élaboration budgétaire et de reporting initialement commandé à la société Viseo .

— Fixé à la somme de 2 000 euros le montant provisionnel que la société Holder doit consigner sous peine de caducité avant le 12 mai 2016.

— Réservé les indemnités, frais et dépens.

Estimant que le juge des référés avait omis de statuer sur plusieurs de ses demandes, la société Viseo l’a, par requête en date du 3 juin 2016 ( précision étant apportée qu’il s’agit de la date retenue par l’ordonnance déférée, la date du 6 juin 2016 alléguée par l’appelante n’étant pas justifiée) saisi d’une demande tendant à voir rectifier l’omission de statuer. Par ordonnance en date du 13 septembre 2016, le juge des référés a débouté la société Viseo de sa requête en omission de statuer et en interprétation et l’a condamnée à verser aux sociétés du groupe Holder la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code procédure civile.

La société Holder a interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 décembre 2016, l’appelante demande à la cour, au visa de l’article 463 du code procédure civile de :

— Dire bien appelé et mal jugé.

— Infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du 13 septembre 2016.

— Rétablir le véritable exposé des prétentions respectives des parties et constater que la société Viseo s’est opposée à la désignation d’un expert, a sollicité un complément d’expertise, a dénoncé le défaut de qualité à agir des sociétés du groupe Holder et a présenter une demande en paiement.

En conséquence

— Débouter les intimées de leur demande de désignation d’expert judiciaire.

— Constater que l’ordonnance du 21 avril 2016 ne statue pas sur la qualité à agir des sociétés Pâtisserie Ladurée, XXX, A Y et la SA Y Z.

— Débouter les sociétés Pâtisserie Ladurée, A Y, la SA Y Z et XXX de leurs demandes faute de qualité à agir.

— Constater que l’ordonnance du 21 avril 2016 n’a pas statué sur la demande reconventionnelle en paiement de la société Viseo à l’encontre de la société Holder pour un montant de 239 101,80 euros TTC.

— Dire et juger que la créance de 239 101,80 euros TTC est certaine liquide et exigible.

— Condamner la société Holder au paiement de la somme de 239 101,80 euros TTC.

— Constater que l’ordonnance du 21 avril 2016 ne s’est pas prononcée sur la demande subsidiaire tenant au défaut d’impartialité de la mission proposée par la société Holder et sur le complément de mission.

— Dire et juger que l’expert judiciaire ne peut se voir confier une mission partiale qui consiste à « apprécier la responsabilité encourue par la société Viseo ».

— Accueillir la société Viseo sur sa demande de complément de mission.

— Dire et juger que la mission de l’expert doit être complétée par la mission suivante :

' Se rendre dans les locaux de la société Holder 344 Avenue de la marne 59700 Y

' Se faire remettre contradictoirement une copie de la solution informatique des lots 1 et 2 à la date de la rupture de la relation contractuelle soit le 29 septembre 2015. En vérifier par les logs la date certaine et l’absence d’intervention sur la solution de tiers. En cas de difficulté saisir le juge de l’expertise sur la possibilité de poursuivre ou non les opérations d’expertise et sur la fiabilité et la pertinence des résultats attendus. ' Décrire et donner son avis sur l’environnement technique et fonctionnel de la solution.

' Décrire les différents intervenants au projet informatique et définir les responsabilités dans la conduite du projet de chacun d’entre eux.

' Donner son avis sur la qualité du pilotage du projet et sa maîtrise d''uvre.

' Donner son avis sur la qualité de la conception générale du projet.

' Dire si les performances de temps de réponse du lot 1 ont été recettées par le groupe Holder, dans l’affirmative dire si des réserves ont été posées par le groupe Holder, ou si elles ont été acceptées.

' Sur la base de la copie contradictoire de la solution informatique et de l’environnement technique et fonctionnel dire si la solution informatique est atteinte de problématique de performances empêchant sa mise en production ou constituant une simple gène à l’utilisation, au regard notamment de la nature et de l’objet de la solution cible.

' Dire si l’audit du système d’analyse financière du 7 juillet 2015 par la société 3WS porte sur le périmètre d’intervention de la société Holder, de la société Viseo, d’un tiers, ou encore sur celui du logiciel standard .

' Donner son avis sur la pertinence de la solution technique proposée par la société 3WS au regard notamment des règles de maintenance prévues avec l’éditeur SAP .

' Décrire et donner son avis sur le suivi et la qualité des incidents de maintenance notifiés par Holder aux éditeurs SAP et Microsoft jusqu’à la date de rupture du contrat.

' Donner son avis sur les responsabilités encourues au titre du pilotage projet et des problématiques de performances.

' Donner son avis sur les préjudices allégués par les parties et leur lien de causalité avec les griefs allégués et les responsabilités respectives au sein du projet.

' Faire le compte entre les parties.

' Dire et juger que l’expert devra déposer un pré-rapport, et laisser un délai raisonnable aux parties pour y répondre avant dépôt de son rapport définitif .

— Condamner le groupe Holder, Pâtisserie Ladurée, XXX, SAS

A Y et la SA Y Z chacune au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’rticle 700 du code procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 3 janvier 2017, la société Holder, la SAS Patisseries Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z demandent à la cour, au visa de l’article 463 du code procédure civile, de :

— Constater, dire et juger que l’ordonnance de référé prononcée le 21 avril 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué sur les demandes principales des sociétés requérantes en procédant à la désignation d’un expert avec la mission précisée dans l’ordonnance du 21 avril 2016.

— En conséquence, débouter la société Viseo de sa demande en omission de statuer sur ce point.

— Constater, dire et juger que l’ordonnance de référé du 21 avril 2016 a, au moins, implicitement statué sur la demande reconventionnelle formulée par la société Viseo au titre de sa prétendue créance à hauteur de 239 101,80 euros TTC.

— En conséquence, débouter la société Viseo de sa demande en omission de statuer sur ce point.

— A titre subsidiaire, et en toute hypothèse, débouter la société Viseo de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de sa demande reconventionnelle en paiement.

— Dire l’appel mal fondé et débouter la société Viseo de toutes ses demandes, fins et conclusions.

— Condamner la société Viseo à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code procédure civile.

— Condamner la société Viseo aux entiers frais et dépens de la cause.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que l’appelante soutient qu’elle avait saisi le juge des référés de quatre demandes sur lesquelles il a omis de statuer à savoir :

— le débouté des sociétés XXX, A Y et Y de leurs demandes pour défaut à agir ,

— le débouté des demanderesses de leur demande d’expertise,

— à titre subsidiaire, en cas de prononcé d’une expertise, de ne pas retenir la mission d’expertise proposée par les demanderesse mais de la compléter selon sa proposition,

— de condamner la société Holder à lui payer la somme de 239 101,80 euros TTC.

L’appelante estime donc que c’est à tort que le juge des référés l’a déboutée de sa requête en omission de statuer et demande à la cour d’infirmer cette ordonnance et de statuer sur les chefs omis, faisant essentiellement valoir que :

— les sociétés XXX, A Y sont dépourvues de qualité à agir et d’intérêt légitime même sur le fondement de l’article 145 du code procédure civile dans la mesure où le contrat de prestation informatique n’a été passé qu’avec la société Holder, que ces filiales échouent à démontrer le moindre lien contractuel avec elle ou a tout du moins un préjudice personnel non issu du contrat ;

— les demanderesses ne prouvent pas leur intérêt légitime au sens de l’article 145 du code procédure civile à voir ordonner une mesure d’expertise, laquelle ne peut être que dénuée de toute utilité dès lors que la société Holder n’a pas sauvegardé la solution informatique au moment de la rupture du contrat ;

— la mission d’expertise proposée par les demanderesses et retenue par le juge des référés est non conforme aux usages de l’expertise informatique, incomplète et en toute hypothèse partielle et partiale ;

— elle a exécuté ses prestations et sa créance est certaine liquide et exigible, ni son principe ni son quantum n’étant contesté ni contestable ; qu’en effet elle a bien exécuté les missions confiées mensuellement par la société Holder, et préalablement définies par sa cocontractante, en sa qualité d’intégrateur en régie dans le cadre de laquelle elle n’était tenue que d’une obligation de moyens sans délai contractuels ; qu’elle facture des prestations exécutées sur la base de relevés de présence, mode usuel en matière informatique en mode de régie qui a été mis en place au lieu du mode initialement prévu en mars 2004 de facturation sur bons de commandes par la société Holder elle-même dès août 2004, laquelle s’est d’ailleurs acquittée sans difficultés des factures de mars 2014 à mars 2015 ; que le coût des consultants mis à disposition avait été avalisé et confirmé dès août 2014 tandis qu’un forfait avait été convenu pour les frais ; qu’en tout hypothèse il conviendrait de compléter la mission d’expertise par un examen des comptes entre les parties.

Quant aux intimées, elles soutiennent essentiellement que :

— l’appelante tente sous couvert de sa requête en omission de statuer d’obtenir la réformation de l’ordonnance de référé en date du 21 avril 2016 qui est pourtant devenue définitive pour avoir été signifiée le 18 mai 2016 sans introduction d’un appel en temps utiles,

— les différentes enseignes du groupe Holder ont bien qualité et intérêt à agir dès lors qu’elles étaient bénéficiaires du projet d’élaboration budgétaire transversal et qu’elles figuraient dans les documents contractuels, de sorte que la prestataire de service informatique est susceptible d’engager sa responsabilité quasi délictuelle à leur égard ;

— le juge des référés a statué sur la demande en désignation d’expert, et les critiques formulées à l’égard de la motivation d’une décision ne peuvent en aucun cas justifier une requête en omission de statuer mais relèvent de l’appel ;

— en tout état de cause, elles ont un intérêt légitime à voir ordonner une expertise au sens de l’article 145 du code procédure civile alors qu’en dépit de prestations facturées pour 440 000 euros les interventions de la société Viseo n’ont pas permis un développement informatique opérationnel, que contrairement à ce qu’il est soutenu le juge des référés a bien demandé à la société Holder de communiquer une copie de la solution informatique du lot n°1 mis en production et du logiciel à la date de la rupture de la relation contractuelle, ce qu’elle a fait dans le cadre des opérations d’expertise qui ont débuté ;

— le juge des référés a statué sur la demande en paiement en réservant les indemnités, frais et dépens,

— subsidiairement, cette demande provisionnelle en paiement n’est pas fondée alors même que la société Viso a déjà été payée à hauteur de 440 000 euros ; que dans la mesure où elle soutient avoir été missionnée exclusivement dans le cadre de travaux en régie, il lui appartient de justifier à tout le moins d’une commande émanant de son client formalisant un accord sur la chose et sur le prix pour les 5 factures litigieuses ce qu’elle ne fait pas ; qu’au surplus certaines interventions correspondent à des interventions nécessitées par des problème d’exécution de sorte que les simples relevés de temps passé sur site ne peuvent constituer une « commande » du client.

MOTIVATION

Sur les demandes en omission de statuer

En application de l’article 463 du code procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci. Il importe de distinguer l’omission de statuer rectifiable sur le fondement de l’article précité du défaut de motifs sanctionnable par la voie de l’appel sur le fondement de l’article 455 du code procédure civile.

Il y a omission de statuer lorsque le juge ne répond pas, dans sa décision, à l’une ou à plusieurs des demandes de l’une des parties dont il a été régulièrement saisi. Il y a défaut de motif lorsque le juge se prononce sur un chef de demande soit pour l’admettre, soit pour le rejeter, sans s’expliquer sur l’un des moyens qui était articulé au soutien de cette demande ou, au contraire, en défense à cette demande.

L’emploi dans le dispositif d’une formule de style ' telles « rejette toutes autres conclusions, fins et demandes » ou « déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires » ou « du surplus de leurs prétentions » ' ne suffit pas à établir que le juge a répondu à tous les chefs de demande dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision qu’il les a examinés.

Sur ce

En l’espèce, il résulte de l’exposé du litige de l’ordonnance en date du 21 avril 2016 que la société Viseo avait bien demandé au juge des référés de :

— débouter des sociétés XXX, A Y et Y de leurs demandes pour défaut à agir,

— débouter des demanderesses de leur demande d’expertise,

— à titre subsidiaire, en cas de prononcé d’une expertise, de ne pas retenir la mission d’expertise proposée par les demanderesses mais de la compléter selon sa proposition,

— de condamner la société Holder à lui payer la somme de 239 101,80 euros TTC.

Aux termes de son dispositif tel que rappelé par la cour lors de son exposé du litige, le juge des référés a ordonné une expertise, définit une mission d’expertise, fixé une consignation et réservé les indemnités, frais et dépens.

Par ailleurs, les seuls motifs développés par le juge des référés sont les suivants :

«Attendu que les sociétés demanderesses sollicitent la nomination d’un expert ;

Attendu que la société Viseo ne s’oppose pas à la demande ;

Nous ferons droit à la demande d’expertise formulée par les sociétés Holder, la SAS Patisseries Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z aux frais avancés par celle-ci ;

Nous réservons les indemnités, frais et dépens. »

La formule générale afférente au sort des « indemnités, frais et dépens » ne saurait s’interpréter, comme l’a indiqué à tort le juge des référés, en un débouté du surplus des demandes des parties alors même qu’il ne résulte pas des motifs de sa décision que le juge des référés a examiné les demandes présentées par la défenderesse relativement au défaut de qualité à agir des enseignes du groupe Holder et à son action en paiement.

Il s’en évince sans conteste que le juge des référés, contrairement à ce qu’il a jugé aux termes de son ordonnance en date du 13 septembre 2016 , a omis de statuer sur ces deux demandes présentées par la société Viseo.

En revanche, concernant la demande d’expertise formulée par la demanderesse et la demande en défense tendant à voir rejeter cette expertise, le juge des référés l’a tranchée aux termes de son dispositif. Le défaut de motivation, ou le caractère erroné de la motivation quant à un prétendu accord de la défenderesse ne peut relever que de la voie de l’appel.

De manière similaire, en confiant une mission à l’expert judiciaire définie précisément, le juge des référés a nécessairement tranché le débat sur le contenu de cette mission, et donc la demande de complément de mission d’expertise formulée par la société Viseo, de sorte que la cour ne saurait sous couvert d’une omission de statuer compléter ou modifier cette mission, modifications qui n’auraient pu être apportées que par la voie de l’appel.

En conséquence, il y a lieu, d’une part, de confirmer l’ordonnance déférée en date du 13 septembre 2016 en ce qu’elle a rejeté la demande d’omission de statuer relativement au principe d’une expertise et à son contenu, et, d’autre part, de l’infirmer en ce qu’elle a rejeté la demande d’omission de statuer relativement au défaut de qualité à agir d’une partie des demanderesses et la demande reconventionnelle en paiement, demandes sur lesquelles la cour doit statuer aux fins de réparer les omissions.

Sur le défaut allégué de qualité à agir des sociétés SAS Patisseries Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z

L’article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Conformément à l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

De jurisprudence constante, le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Sur ce

En l’espèce, s’il est constant que la société Viseo a contracté directement avec la société Holder et non pas avec ses filiales avec qui elle n’entretient pas de lien contractuel, il ressort des pièces contractuelles que le projet informatique ne concernait pas la seule société Holder mais bien l’ensemble des sociétés la SAS Patisseries Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z. Ceci résulte sans conteste du projet élaboré par la société Viso, lequel s’intitule « projet d’élaboration pour le groupe Holder ». En effet, celui-ci reproduit en première page les logos des différentes enseignes du groupe et il fait expressément référence à plusieurs reprises aux enseignes du groupe comme bénéficiaires du projet d’une application budgétaire élaborée sur une plate-forme informatique « SAP BPC for MS ».

Dès lors, ces sociétés qui en tant que tiers ont qualité à se prévaloir sur le fondement délictuel d’un éventuel manquement contractuel de la société Viseo à l’égard de la société Holder, ont un intérêt légitime à voir ordonner une expertise judiciaire sur le fondement de l’article 145 du code procédure civile. En conséquence, il y a lieu de les déclarer recevables en leur action.

Sur la demande en paiement

En application des articles 145 et 873 du code procédure civile, le président du tribunal de commerce statuant en référé peut ordonner s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles, et, peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Sur ce

A titre liminaire, il sera relevé que la demande en paiement formulée par la société Viseo s’analyse nécessairement en une demande provisionnelle, ce qu’a d’ailleurs estimé la partie adverse qui soutient à titre subsidiaire qu’ « aucune provision ne pourra être accordée en l’absence de commande claire et explicite de la part de son client. »

En l’espèce, il ressort de la lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 septembre 2015 que la société Holder a mis fin unilatéralement au contrat alléguant d’un non respect de la part de la société Viseo de ses obligations contractuelles, en particulier d’une non-réalisation des prestations dans les délais, et a réclamé l’indemnisation de son préjudice constitué, selon elle, du montant des prestations facturées à hauteur de 496 825 euros dont elle sollicite le remboursement et des coûts supplémentaires générés par l’inexécution contractuelle qu’elle estime à hauteur de 208 000 euros.

Or, la cour relève que la mesure d’expertise qui a été ordonnée a justement pour objet de permettre d’éclairer une juridiction au fond sur l’existence ou non des inexécutions contractuelles alléguées, sans pour autant pallier à la carence du groupe Holder qui verse aux débats des pièces, en particulier un audit de performance réalisé par la société 3WS et des mails susceptibles d’étayer ses dires relativement à des manquements de la part de la prestataire de service dans l’exécution des prestations contractuelles.

Par ailleurs, aucune pièce versée aux débats ne permet d’évidence d’établir l’obligation en paiement de la société Holder dans la mesure où la société Viseo produit seulement des factures qu’elle a émises à l’exclusion de tout bon de commande où pièce démontrant l’accord de son ex-cocontractant. Sur ce point, il ressort de l’attestation de Mme B C, comptable de la société Holder, que la mention manuscrite inscrite sur les factures n°92016668 et 92016666 correspond seulement à une note de suivi interne pour le service de comptabilité, et non pas à un accord pour le paiement de la facture.

La cour ne saurait donc accorder une provision sans trancher les questions de la preuve de l’exécution des prestations facturées et de la responsabilité contractuelle de la société Viseo lesquelles constituent des contestations sérieuses ne relevant pas du pouvoir du juge des référés.

Dans ces conditions, la demande de paiement complémentaire formulée par la société Viseo à hauteur de 239 101,80 euros, est sérieusement contestable, et elle en sera déboutée.

Au surplus, la question du contenu de la mission d’expertise ayant déjà été tranchée par le juge des référés, la demande de l’appelante tendant à voir ordonner un complément d’expertise sur les comptes entre les parties ne peut qu’être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité et la situation respective des parties commandent qu’elles conservent leurs frais irrépétibles afférents à l’instance en rectification de l’omission de statuer en premier et en second degré.

Quand aux dépens, dès lors qu’une omission de statuer a été commise, ils seront mis à la charge du Trésor Public conformément aux dispositions de l’article R 93 3° du code pénal selon lesquelles constituent des frais assimilés à ceux énumérés à l’article R. 92 ( frais de justice criminelle, correctionnelle et de police) et restant à la charge de l’Etat « les frais et dépens mis à la charge de l’Etat (') en cas de décision juridictionnelle rectifiant ou interprétant une précédente décision, soit en cas de décision juridictionnelle annulant une précédente décision », dispositions qui s’appliquent en procédure civile.

L’ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné la société Viseo aux dépens et à payer une indemnité au titre de l’ article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole le 13 septembre 2016 en ce qu’il a été jugé qu’aux termes de son ordonnance rendu le 21 avril 2016, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole n’avait pas omis de statuer sur les demandes formulées par la société Viseo tendant à voir débouter la société Holder de sa demande d’expertise et à voir modifier où compléter la mission proposée par les demanderesses ;

L’infirme pour le surplus, et statuant à nouveau :

Dit qu’aux termes de son ordonnance en date du 21 avril 2016 le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a omis de statuer sur les demandes présentées par la société Viseo tendant à voir déclarer la SAS Patisseries Ladurée, la XXX, la SAS A Y et la SA Y Z irrecevables en leur action pour défaut de qualité à agir et à obtenir la condamnation de la société Holder à lui payer la somme de 239 101,80 euros ;

Statuant sur ces demandes omises :

Dit que les sociétés ont qualité à agir en référé et rejette la fin de non recevoir soulevée par la société Viseo ;

Déboute la société Viseo de sa demande en paiement à hauteur de 239 101,80 euros ;

Dit que les dépens de l’instance en rectification d’omission de statuer en premier et second degré sont à la charge du Trésor Public ;

Laisse aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.

Le Greffier Le Président

C. Dutillieux M. A. Prigent

Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. CODE PENAL
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Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 9 mars 2017, n° 16/05764