Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 3, 20 septembre 2018, n° 16/07403
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Douai, ch. 8 sect. 3, 20 sept. 2018, n° 16/07403 |
---|---|
Juridiction : | Cour d'appel de Douai |
Numéro(s) : | 16/07403 |
Décision précédente : | Tribunal de grande instance de Béthune, 29 septembre 2016 |
Dispositif : | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours |
Sur les parties
- Président : Hélène TAPSOBA-CHATEAU, président
- Avocat(s) :
Texte intégral
[…]
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 20/09/2018
N° de MINUTE :
N° RG 16/07403 – N° Portalis DBVT-V-B7A-QJYH
Ordonnance rendu le 30 Septembre 2016 par le président du Tgi de Béthune
APPELANTE
Madame Y X
née le […] à […]
[…]
Représentée par Me Eric Devaux, avocat au barreau de Béthune
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 59178002/16/12704 du 03/01/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉ
Monsieur Z X
né le […] à Djebala-Tlemcen (Algérie) – de nationalité algérienne
[…]
Représenté par Me Jean-Louis Capelle, avocat au barreau de Béthune
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Hélène Tapsoba-Château, première présidente de chambre
C D, conseillère
Emilie Pecqueur, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS : A B
DÉBATS à l’audience publique du 03 Juillet 2018 après rapport oral de l’affaire par C D
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Hélène Tapsoba-Château, présidente, et Ismérie Capiez, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 15 mars 2018
Mme Y X et M. Z X ont contracté mariage le 8 octobre 1996 par devant l’officier d’état civil de la commune de Montigny en Gohelle, sans contrat de mariage préalable.
A la demande de M. X et par jugement en date du 19 mars 2015, le divorce de M et Mme X a été prononcé par le tribunal de Maghnia en Algérie. Ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Tlemcen le 28 décembre 2015.
La décision frappée d’appel
Par ordonnance en date du 30 septembre 2016, le président de tribunal de grande instance de Béthune a fait droit à la demande en exequatur de M. X de ces deux décisions des juridictions algériennes. Cette ordonnance a été signifiée le 30 novembre 2016 à Mme X.
La procédure d’appel
Par déclaration en date du 9 décembre 2016, Mme X a interjeté appel de cette ordonnance.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 juillet 2017, Mme X demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et de débouter M. X de sa demande en exequatur des deux décisions des juridictions algériennes. Elle sollicite également que M. X soit condamné aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le jugement de première instance du tribunal de Maghnia, confirmé par la cour d’appel de Tlemcen, a été rendu sur le fondement de l’article 48 du code de la famille algérien, qui prévoit la répudiation de la femme par le mari. Elle soutient que la répudiation unilatérale ne peut être reconnue en France dès lors qu’elle contraire à l’ordre public français et ce peu importe qu’elle ait sollicité la confirmation du jugement de divorce devant la cour d’appel de Tlemcen, le jugement du divorce ayant été prononcé par le tribunal de Maghnia en dernier ressort pour son prononcé.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 29 mai 2017, M. X demande à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise et de condamner Mme X aux entiers frais et dépens de l’instance d’appel.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que compte tenu de la demande de confirmation du divorce de Mme X devant la cour d’appel de Tlemcen, celui-ci n’a donc pas été prononcé sur la seule volonté, il ne s’agit donc pas d’une répudiation.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2018 et l’affaire plaidée le 3 juillet 2018 a été mise en délibéré au 20 septembre 2018 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
L’article 48 du code de la famille algérien prévoit que le divorce est la dissolution du mariage, sous réserve des dispositions de l’article 49. Il intervient par la volonté de l’époux, par consentement
mutuel des deux époux ou à la demande de l’épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54 de ce code.
Par jugement du 19 mars 2015, après plaidoiries des avocats de l’une et l’autre des parties, le tribunal de Maghnia en Algérie a prononcé le divorce des époux à la demande exclusive de l’époux, ordonné la transcription du présent divorce sur l’acte de mariage et de naissance des parties et a statué sur les conséquences pécuniaires de ce divorce, étant observé que cette demande a été qualifiée d’abusive par ledit tribunal, raison pour laquelle le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de M. X
Sur appel de Mme X portant sur le montant des dédommagements, la cour d’appel de Tlemcen a confirmé le jugement de divorce rendu par le tribunal de Maghnia sur le principe du prononcé du divorce mais l’a modifié en augmentant la somme de dédommagement allouée à Mme X à la somme de 120 000 DA.
La procédure de divorce algérienne est donc définitive et elle a bien été loyale et contradictoire puisque l’épouse a été convoquée et a pu faire valoir ses arguments en première instance et en appel.
Toutefois, il est incontestable que le jugement algérien du tribunal Maghnia confirmé par la cour d’appel de Tlemsem a prononcé le divorce des époux X malgré l’opposition de l’épouse au seul motif admis par la loi algérienne que le pouvoir conjugal reste entre les mains du mari et que le divorce doit être prononcé sur la seule volonté de celui-ci, et ce conformément aux articles 48 et 49 du code de la famille algérien.
Ainsi, ces décisions qui constatent, en réalité, une répudiation unilatérale du mari sans donner d’effet juridique à l’opposition éventuelle de la femme et qui privent l’autorité compétente de tout pouvoir autre que celui d’aménager les conséquences financières de cette rupture du lien matrimonial, sont contraires au principe d’égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l’article 5 du protocole du 22 novembre 1984 n°7 additionnel à la convention européenne des droits de l’homme par lequel la France est engagée à garantir à toute personne relevant de sa juridiction, et donc à l’ordre public international réservé par l’article 1er D de la convention franco-algérienne du 27 août 1964 dès lors que, comme en l’espèce, les deux époux étaient domiciliés sur le territoire français lors de la requête en divorce.
En conséquence et au regard de ces éléments, il convient de rejeter la demande en exequatur formée par M. X concernant le jugement du tribunal de Maghnia du 19 mars 2015 et l’arrêt de la cour d’appel de Tlemcen du 28 décembre 2015 et d’infirmer l’ordonnance entreprise.
Il convient également de condamner M. X aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l’ordonnance d’exequatur rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance de Béthune en date du 30 septembre 2016,
Statuant à nouveau :
Rejette les demandes en exequatur formée par M. Z X concernant le jugement du tribunal de Maghnia du 19 mars 2015 et l’arrêt de la cour d’appel de Tlemsen du 28 décembre 2015,
Condamne M. Z X aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière, La présidente,
I. Capiez Hélène Tapsoba-Château