Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 8 février 2018, n° 16/05405

  • Voyage·
  • Consorts·
  • Air·
  • Inde·
  • Contrats de transport·
  • Sociétés·
  • Visa·
  • Formalité administrative·
  • Pays·
  • Passeport

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

[…]

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 08/02/2018

***

N° de MINUTE : 18/57

N° RG : 16/05405

Jugement (N° 14/01177) rendu le 05 Juillet 2016

par le tribunal de grande instance d’Avesnes sur Helpe

APPELANTE

SAS Marco Vasco anciennement dénommée Planetveo Prestige Voyages prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai

Assistée de Me Anne-Sophie Bardin Lahalle, avocat au barreau de Paris

INTIMÉS

Monsieur C X

né le […] à Haumont

de nationalité française

[…]

[…]

Madame D Y

née le […] à Douai

de nationalité française

[…]

[…]

Madame E X

née le […] à Lille

de nationalité française

[…]

[…]

Madame F X

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Madame G Z

née le […] à […]

de nationalité française

[…]

[…]

Représentés par Me J Guilleminot, avocat au barreau de Douai

Assistés de Me Nicolas Papiachvili, avocat au barreau de Lille

SA Air France prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Isabelle Carlier, avocat au barreau de Douai

Assistée de Me Boucton, avocat au barreau de Paris substituant Me Pierre Frühling, avocat au barreau de Paris

DÉBATS à l’audience publique du 21 Décembre 2017 tenue par Benoît Pety magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

Assistée de : Anne Sophie Moren, greffier stagiaire

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Benoît Pety, conseiller faisant fonction de président

H I, conseiller

J K, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 Février 2018 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Benoît Pety, conseiller faisant fonction de président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2017

***

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

M. L X, Mme E X, Mme F X (les consorts X), Mme Y et Mme Z ont réservé un voyage touristique en Inde du 3 au 12 août 2013, pour un montant total de 11 250 euros, auprès de la société Planetveo Prestige Voyages.

A leur arrivée à l’aéroport de New Delhi, l’accès au territoire indien leur a été refusé, faute pour eux d’avoir un visa.

Ils ont été contraints de quitter l’Inde le jour même par un vol retour.

Suivant acte du 27 mai 2014, les consorts X, Mme Y et Mme Z ont fait assigner la société Planetveo Prestige Voyages et la société Air France devant le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe aux fins de les voir condamner à réparer leur préjudice.

Selon jugement du 5 juillet 2016, le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe a notamment :

— condamné in solidum la société Air France et la société Planetveo Prestige Voyages à payer aux consorts X, Mme Y et Mme Z la somme de 13 750 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2014, jour de l’assignation,

— condamné in solidum la société Air France et la société Planetveo Prestige Voyages à payer aux consorts X, Mme Y et Mme Z la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum la société Air France et la société Planetveo Prestige Voyages aux entiers dépens.

Par déclaration du 30 août 2016, la société Marco Vasco, anciennement dénommée société Planetveo Prestige Voyages, a relevé appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 mars 2017, la société Marco Vasco demande à la cour, au visa des articles L. 211-8 et suivants du code du tourisme et 564 et suivants du code de procédure

civile, de :

— dire la société Air France irrecevable en toutes ses demandes dirigées contre elle,

— dire qu’elle a respecté son obligation précontractuelle d’information,

en conséquence,

— infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

— débouter les consorts X de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

— condamner les consorts X à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 699 du code de procédure civile,

— condamner les consorts X aux entiers dépens,

— débouter les consorts X de toutes leurs demandes.

A l’appui de ses prétentions, la société Marco Vasco fait valoir qu’elle a respecté son obligation précontractuelle d’information visée à l’article L. 211-8 du code du tourisme. Elle expose qu’elle a bien fourni préalablement à la conclusion du contrat, sur support écrit, les informations relatives notamment aux formalités administratives de franchissement des frontières. Elle explique que cette information était présente sur l’e-devis transmis le 7 mai 2013, le bulletin d’inscription du 20 mai 2013, lequel contenait une rubrique 'Formalités de voyage’ qui mentionne en caractères lisibles l’obligation d’obtenir un visa pour se rendre en Inde et le nom et le site internet de l’organisme chargé de délivrer les visas pour l’Inde. Elle ajoute que, pour valider le bulletin d’inscription, les consorts X avaient l’obligation de cocher deux onglets, le premier relatif aux conditions générales et aux conditions particulières, ces dernières renvoyant aux formalités administratives et sanitaires, et le second relatif aux formalités administratives et sanitaires à remplir pour transiter et/ou entrer dans le pays de séjour.

Elle fait ensuite valoir que l’article L. 211-16 du code du tourisme vise la responsabilité de l’agence de voyages ou de son prestataire quant à la bonne exécution des prestations payées, de sorte que ce texte ne vise pas l’obligation pour l’agence de voyages de vérifier que les clients ont entrepris les démarches nécessaires en vue de l’accomplissement des formalités de franchissement des frontières. Elle précise aussi que les formalités d’obtention de visa ne figurent pas comme une prestation faisant partie intégrante du contrat de voyage. Elle soutient donc qu’elle a respecté son obligation d’information à l’égard des voyageurs et qu’il leur appartenait d’effectuer les démarches nécessaires à l’obtention des formalités administratives de franchissement des frontières. Elle ajoute que si elle est tenue d’une obligation d’information sur les formalités à accomplir pour se rendre dans le pays de destination, elle n’a pas l’obligation de vérifier que le client a effectué les démarches nécessaires, ni de vérifier la validité des documents en possession des clients.

Elle fait également valoir que l’agence de voyages peut s’exonérer de sa responsabilité si l’inexécution est imputable à l’acheteur selon l’alinéa 2 de l’article L. 211-16 du code de tourisme. Elle soutient donc qu’ayant accompli son obligation d’information, les consorts X ont commis une faute en n’effectuant pas les démarches nécessaires à l’obtention d’un visa.

Sur le préjudice allégué par les consorts X, elle fait valoir qu’ils n’en justifient pas.

Elle fait encore valoir que la société Air France a commis une faute sur le fondement de l’article L. 6241-2 du code des transports en laissant embarquer les consorts X sur le vol Paris-New Delhi sans vérifier qu’ils étaient en possession des visas requis.

Elle fait enfin valoir que la société Air France forme en appel des demandes nouvelles, puisqu’elle demande pour la première fois en cause d’appel sa condamnation in solidum avec les consorts X à l’indemniser à hauteur de 7 000 euros au titre de l’amende infligée à la compagnie par les autorités indiennes.

* * * *

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 avril 2017, la société Air France demande à la cour, au visa des articles 1104, 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, 564, 565, 566 et 567 du code de procédure civile, 13 de la convention de Chicago du 7 décembre 1994, et L. 6421-2 du code des transports, de :

à titre principal,

— infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, débouter les consorts X et la société Marco Vasco de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

à titre incident,

— condamner les parties perdantes solidairement à l’indemniser pour l’amende mise à sa charge par les autorités indiennes à hauteur de 7 000 euros,

— à titre subsidiaire, si elle devait être condamnée à une quelconque somme, ordonner la compensation de la somme de 7 000 euros correspondant à l’amende qu’elle a payée avec toute somme qu’elle serait condamnée à payer aux autres parties,

en tout état de cause,

— rejeter les demandes des consorts X et la société Marco Vasco tendant à la voir condamner à leur verser une certaine somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les parties perdantes solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, la société Air France fait valoir, sur le fondement de la convention de Chicago, qu’il appartient à chaque voyageur désirant se rendre en territoire étranger de s’informer sur les conditions d’entrée exigées par les autorités de ce pays, de sorte que l’obligation d’information du professionnel trouve sa limite dans celle de se renseigner du consommateur. Elle ajoute que cette obligation légale est rappelée aux conditions générales du contrat de transport au paragraphe relatif aux 'Formalités administratives'. Elle soutient donc que les consorts X devaient observer les formalités d’entrée sur le territoire indien. Elle explique ensuite que l’article L. 6421-2 du code des transports, conséquence de l’obligation légale incombant aux passagers, autorise un transporteur aérien à refuser d’embarquer un autre passager démuni des documents d’entrée sur le territoire de destination. Elle en conclut que les consorts X ont manqué à leur obligation légale et à leur obligation contractuelle. Elle soutient ainsi qu’elle ne saurait engager sa propre responsabilité envers les consorts X qui ont causé, par leur propre faute ou négligence, leur dommage. Elle ajoute que les conditions générales de transport étant applicables, plusieurs clauses l’exonèrent de sa responsabilité lorsque les passagers se sont vu refuser l’entrée sur un territoire étranger. Elle explique qu’elle ne saurait être tenue pour responsable des conséquences subies par les passagers qui ont méconnu leurs obligations relatives aux formalités administratives d’entrée sur le territoire de destination en application des conditions générales, ni être tenue de rembourser leurs billets aux consorts X, puisque les conditions générales excluent tout remboursement des billets dont le détenteur n’a pas été admis à entrer sur le territoire de destination.

Elle fait ensuite valoir qu’il n’existe aucun préjudice direct pour les consorts X découlant du contrat de transport. Elle expose que le séjour touristique n’est pas entré dans le champ du contrat de transport et précise qu’il relève d’un contrat de vente de voyage à forfait conclu entre les consorts X et la société Marco Vasco. Elle soutient également qu’il n’existe aucun lien de causalité entre l’inexécution du voyage à forfait et un manquement éventuel à ses obligations. Elle explique que le préjudice consistant en la perte du séjour touristique n’est pas un préjudice direct consécutif à une éventuelle faute de sa part. Elle ajoute qu’il n’existe aucune prévisibilité du dommage pour elle. Elle soutient que le dommage résultant de l’impossibilité pour les consorts X d’honorer leur séjour en Inde, indépendamment de la question de la vérification de leurs documents de voyage à l’embarquement, n’était pas prévisible pour elle, de sorte qu’elle ne pouvait présumer de l’existence d’un séjour touristique. Elle précise que cela s’applique tant pour le préjudice financier que pour le préjudice moral invoqué par les consorts X. Elle fait aussi valoir que les consorts X ne justifient pas de leur préjudice et que la réévaluation de celui-ci en cause d’appel est injustifiée.

Sur l’appel incident, elle rappelle qu’en raison du débarquement des consorts X sur le territoire indien alors qu’ils ne disposaient pas de visas d’entrée, elle s’est vu imposer une amende de 7 000 euros par les autorités indiennes et a dû rapatrier immédiatement les passagers. Elle ajoute que ce préjudice découle directement de l’absence d’obtention des visas requis par les consorts X et qu’elle est en droit de solliciter des consorts X le remboursement des frais engagés, en application du contrat de transport et de ses conditions générales. Elle précise que cette demande est recevable comme tendant aux mêmes fins que la demande formée par elle en première instance, à savoir réparer le préjudice qu’elle a subi du fait de l’amende qui lui a été infligée.

* * * *

Dans leur s dernières conclusions notifiées le 28 avril 2017, les consorts X, Mme Y et Mme Z demandent à la cour, au visa des articles L. 141-5 du code de la consommation, L. 211-1 et suivants du code de tourisme, L. 6421-2 du code des transports et 1147 du code civil, de :

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Marco Vasco,

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Air France,

— confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné in solidum la société Marco Vasco et la société Air France à réparer leur préjudice,

— ce faisant, condamner in solidum la société Marco Vasco et la société Air France à leur payer la somme de 22 031,10 euros en réparation du préjudice subi,

— débouter la société Marco Vasco et la société Air France de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner in solidum la société Marco Vasco et la société Air France au paiement d’une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

A l’appui de leurs prétentions, les consorts X, Mme Y et Mme Z font valoir sur le fondement du code de tourisme que l’agent de voyages est responsable de plein droit. Ils expliquent qu’il doit informer, par écrit préalablement à la conclusion du contrat, des conditions de franchissement des frontières et que l’information préalable engage le vendeur. Ils précisent encore que l’agent de voyages est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat. Ils soutiennent que l’agence de voyages n’a pas respecté l’obligation d’information qui lui incombait et précisent que cette obligation d’information est d’autant plus forte que l’agence de voyages a pour interlocuteurs des particuliers. Ils soutiennent ensuite que la simple mention d’un visa obligatoire en petits caractères au bas du bulletin d’inscription et dans les

conditions particulières non annexées audit bulletin ne saurait suffire à caractériser une information J et précise d’un professionnel envers un consommateur. Ils ajoutent que le fait que la vente ait été conclue à distance et qu’elle ait porté sur un voyage établi sur mesure rendait accrue l’obligation légale d’information de l’agence de voyages, en particulier sur un point aussi important que la nécessité d’un visa. Ils en concluent que la seule mention d’un visa obligatoire dans les petits caractères du bulletin d’inscription et dans les conditions particulières ne saurait exonérer l’agence de voyage de son obligation d’information. Ils soutiennent qu’il appartenait à l’agence de voyages d’attirer leur attention sur la nécessité de cette démarche et de leur préciser que c’était à eux de la réaliser. Ils ajoutent encore que la seule mention de se conformer 'aux formalités administratives et sanitaires à remplir pour transiter et/ou entrer dans le pays de séjour’ reprise dans les conditions particulières de vente n’est pas non plus suffisante. Ils avancent aussi que l’agence de voyages aurait dû les informer spécifiquement de la nécessité d’obtenir un visa, mais que ce point n’a jamais été évoqué au cours des échanges réguliers avec la conseillère de l’agence de voyages. Ils soutiennent également que la simple mention d’un visa ne remplit pas les exigences légales prévues à l’article R. 211-4 du code du tourisme.

A titre subsidiaire, ils font valoir qu’il ne leur appartenait pas d’effectuer les démarches relatives à l’obtention d’un visa. Ils expliquent que , pour les voyages de groupe, c’est l’agence de voyages qui s’occupe de faire les visas nécessaires, comme cela résulte du site internet et des conditions particulières de vente. Ils avancent ensuite que rien n’est prévu dans le bulletin d’inscription et que la seule indication ressort des conditions particulières de vente, dont il s’évince que c’est à l’agence de voyages de réaliser les formalités. Ils soulignent qu’ils ont transmis leur passeport à l’agence de voyages à sa demande, aussitôt après la signature du bulletin d’inscription, de sorte qu’elle aurait dû effectuer les démarches nécessaires pour obtenir les visas. Ils soutiennent donc que l’absence de visa est imputable à l’agence de voyages.

Sur la faute de la société Air France, ils font valoir sur le fondement du code des transports que lors de l’enregistrement, l’employé de la compagnie aérienne n’a pas pris soin de vérifier que leurs passeports leur permettaient d’accéder au territoire de destination. Ils en concluent que la société Air France a commis une faute qui engage sa responsabilité. Ils précisent qu’ils ne savaient pas qu’il leur fallait un visa compte tenu du manquement de l’agence de voyages à son obligation d’information. Ils soutiennent ensuite que les conditions générales du contrat de transport aérien ne leur imposaient pas d’être titulaires d’un visa, mais stipulent qu’ils sont tenus de présenter tous documents d’entrée, de sortie et de transit. Ils en concluent que la société Air France a commis une faute en application de ses propres conditions générales puisqu’elle n’a pas respecté son obligation de vérification des passeports. Sur la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Air France, ils soutiennent qu’elle est mal fondée à invoquer cette clause alors qu’elle n’a pas respecté son obligation et qu’elle contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur.

Sur leur préjudice, ils font valoir qu’il est composé du prix du voyage (11 250 euros), de la location de la voiture pour se rendre à l’aéroport (281,10 euros), de l’achat de vêtements en prévision du voyage (500 euros) et d’un préjudice moral (2 000 euros par personne, soit 10 000 euros). Ils précisent que le manquement de la société Air France leur a causé la perte de l’entier voyage, car si elle avait accompli son obligation, ils auraient pu accomplir les formalités de visa en urgence. Ils ajoutent que le préjudice ne s’élève pas à la seule perte des billets d’avion mais à l’intégralité du voyage.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2017.

* * * *

Motifs de la décision :

1. Sur la responsabilité de l’agence de voyages, la société Marco Vasco

La cour rappelle qu’aux termes de l’article L. 211-16 du code du tourisme, toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l’article

L. 211-1 est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ce contrat ait été conclu à distance ou non et que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci et dans la limite des dédommagements prévus par les conventions internationales ; toutefois, elle peut s’exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l’acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

1.1. Sur le moyen principal des consorts X, de Mme A et de Mme Y tiré du manquement par la société Marco Vasco à son obligation d’information

En application des articles L. 211-8 et L. 211-9 du code du tourisme, le vendeur informe les intéressés, par écrit préalablement à la conclusion du contrat, du contenu des prestations proposées relatives au transport et au séjour, du prix et des modalités de paiement, des conditions d’annulation du contrat ainsi que des conditions de franchissement des frontières ; cette information préalable engage le vendeur, à moins que des modifications dans ces informations n’aient été portées par écrit à la connaissance des intéressés avant la conclusion du contrat ; il ne peut être apporté de modification à l’information préalable que si le vendeur s’en réserve expressément la faculté dans celle-ci.

En application de l’article R. 211-4 du code du tourisme, préalablement à la conclusion du contrat, le vendeur doit communiquer au consommateur les informations sur les prix, les dates et les autres éléments constitutifs des prestations fournies à l’occasion du voyage ou du séjour tels que (5 ) les formalités administratives et sanitaires à accomplir par les nationaux ou par les ressortissants d’un autre Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen en cas, notamment, de franchissement des frontières ainsi que leurs délais d’accomplissement.

Sur ce,

En premier lieu , la société Marco Vasco produit au débat un e-devis 'Indiaveo sur mesure’ établi au nom de M. X pour un séjour du 1er août 2013 au 10 août 2013 avec une date d’expiration au 14 mai 2013.

Ce devis comporte une page 'Inclus / non inclus', laquelle précise que le visa n’est pas inclus ; la cour constate que cette mention est écrite en caractères lisibles et qu’elle est espacée des autres éléments non inclus dans le prix de voyage. Ce devis comporte également une page 'Formalités’ sur laquelle est indiqué sur trois lignes espacées en caractères lisibles :

'- Pour les ressortissants français : passeport en cours de validité (valable au moins 6 mois après la date de retour)

— Visa obligatoire obtenu avant le départ auprès de VFS (www.vfs-in-fr.com) qui délivre l’ensemble des visas pour le Consulat de l’Inde à Paris

— Pour toute autre nationalité, veuillez-vous référer aux autorités compétentes'.

Il en résulte que dès l’émission du e-devis valable jusqu’au 14 mai 2013, la société Marco Vasco a indiqué, de manière J et apparente, aux consorts X, à Mme Z, et à Mme Y, la nécessité d’un visa obligatoire pour entrer en Inde et la possibilité de l’obtenir auprès de VFS.

En deuxième lieu , la société Marco Vasco produit au débat un mail du 20 mai 2013 envoyé à Mme Z comprenant un lien permettant d’accéder au bulletin d’inscription électonique.

La cour constate que ce mail comporte de manière apparente la mention suivante écrite en caractères gras et lisibles : 'N’oubliez pas de nous adresser aussitôt que possible une copie de vos passeports et de bien prendre connaissance des formalités nécessaires pour entreprendre votre voyage'.

En troisième lieu , est produit au débat par les consorts X, Mme Z, Mme Y et la société Marco Vasco le bulletin d’inscription au voyage qui indique une 'acceptation au 20 mai 2013'.

Ce document indique, au paragraphe 'Prix comprend / ne comprend pas', que le visa n’est pas compris dans le prix du voyage ; la cour relève que les mots 'Prix comprend/ ne comprend pas’ sont écrits en caractères gras et en majuscules et que la mention 'Ne comprend pas’ est écrite en caractères gras et souligné ; la cour relève également que les lignes sont espacées et que les éléments compris ou non dans le prix sont écrits en caractères lisibles.

Il est ensuite indiqué au paragraphe 'Formalités du voyage’ du bulletin d’inscription que :

'- Pour les ressortissants français : passeport en cours de validité (valable au moins 6 mois après la date de retour)

— Visa obligatoire obtenu avant le départ auprès de VFS (www.vfs-in-fr.com) qui délivre l’ensemble des visas pour le Consulat de l’Inde à Paris

— Pour toute autre nationalité, veuillez vous référer aux autorités compétentes'.

La cour relève que le paragraphe 'Formalités du voyage’ est écrit en caractère gras et en majuscule et que les indications sur les formalités de voyage sont indiquées sur trois lignes espacées en caractères lisibles.

Il s’en évince à nouveau que la société Marco Vasco a indiqué, dans le bulletin d’inscription, de manière J et apparente, aux consorts X, à Mme Z, et à Mme Y, la nécessité d’un visa obligatoire pour entrer en Inde et la possibilité de l’obtenir auprès de VFS.

La cour constate encore que le bulletin d’inscription au voyage comprend trois cases libellées comme suit :

— 'En cochant cette case, je reconnais avoir pris connaissance des Conditions générales et Conditions particulières de vente du site PlanetVeo.com et les accepter.

J’ai bien noté que toute inscription ferme à ce voyage est soumise au versement effectif de mon acompte.

J’accepte le contrat de voyage dans toutes ses dispositions.

Acceptation du contrat le 20 mai 2013'

— 'Je confirme avoir vérifié que la nationalité et les informations présentes sur le bulletin d’inscription sont conformes aux passeports des voyageurs et avoir été informé des formalités administratives et sanitaires à remplir pour transiter et/ou entrer dans le(s) pays du séjour (informations vérifiables en temps réel sur le site : www.diplomatie.fr, Rubrique Conseil aux voyageurs). Attention, il appartient aux ressortissants des pays hors Espace Economique Européen (Pays membres de l’UE, ou parts à l’EEE – Islande, B et Norvège -) de se renseigner avant leur voyage sur les formalités administratives et sanitaires requises auprès de leurs autorités consulaires'.

— 'Je refuse les assurances proposées'.

Dans la capture d’écran du bulletin d’inscription versé au débat par la société Marco Vasco, la cour constate qu’ont été cochées :

— la case relative à la prise de connaissance et à l’acceptation par l’acheteur des conditions générales et des conditions particulières de vente,

— la case relative à la vérification de la conformité des informations présentes sur le bulletin d’inscription aux passeports et à la circonstance que l’acheteur a été informé des formalités administratives et sanitaires à remplir pour le franchissement des frontières.

Il en résulte que les consorts X, Mme Z, et Mme Y ont nécessairement admis, dans le bulletin d’inscription accepté au 20 mai 2013, avoir reçu les informations relatives aux formalités administratives de franchissement des frontières pour séjourner dans le pays de voyage, de sorte qu’ils ont eu connaissance de la nécessité d’un visa obligatoire pour entrer en Inde et la possibilité de l’obtenir auprès de VFS.

Les consorts X, Mme Z, et Mme Y soutiennent que si la mention d’un visa obligatoire était reprise dans les conditions particulières de vente, ces dernières n’étaient pas annexées audit bulletin d’inscription.

Pour autant, la cour constate qu’un lien hypertexte renvoie aux conditions générales et aux conditions particulières tant dans le bulletin d’inscription produit au débat par les consorts X, Mme Z, Mme Y et la société Marco Vasco que dans la capture d’écran dudit bulletin versée par la société Marco Vasco.

De surcroît, l’obligation pour le vendeur de voyages de fournir des renseignements sur les formalités administratives, notamment d’entrée sur le territoire du pays de destination, ne lui impose pas de faire figurer ceux-ci en leur entier sur le bulletin d’inscription, et ne dispense pas le consommateur de se reporter de lui-même à la page consacrée à cette information, qu’il s’agisse sur un site internet de cliquer sur un lien hypertexte mis en évidence sur la case réservée à la prise de connaissance des conditions générales et particulières.

En dernier lieu , la société Marco Vasco produit au débat les conditions particulières du contrat, dont il n’est pas contesté qu’elles sont applicables et étant rappelé que les consorts X, Mme Z, Mme Y ont déclaré avoir pris connaissance et accepté lesdites conditions particulières dans le bulletin d’inscription accepté au 20 mai 2013.

Le paragraphe '3.1 Formalités administratives’ des conditions particulières stipule en caractères lisibles sur des lignes espacées :

' Vous devez vérifier avant votre inscription que chacun des voyageurs, en fonction de sa situation personnelle, est bien en possession d’un passeport et/ou autre document (carte nationale d’identité, visa, livret de famille, autorisation de sortie de territoire…) en cours de validité et conforme aux exigences requises pour transiter et/ou entrer dans le(s) pays de séjour.

Planetveo/Prestige Voyages délivre ces informations pour tous les ressortissants de nationalité française. Il appartient aux ressortissants des autres pays de se renseigner avant leur voyage sur les formalités administratives et sanitaires requises auprès des autorités compétentes.

Les clients de nationalité française doivent vérifier que les documents, notamment administratifs et sanitaires, exigés en vue de l’accomplissement de leur voyage, sont en conformité avec les informations fournies par nos soins. C’est pourquoi nous recommandons vivement à nos clients de

vérifier toutes ces informations auprès des autorités concernées. Planetveo/Prestige Voyages ne pourra d’aucune manière être tenu pour responsable des conséquences de l’inobservation par le client des règlements policiers, douaniers ou sanitaires, avant ou pendant leur voyage.

Un client qui ne pourrait pas embarquer sur un vol, faute de présenter les documents exigés ne pourrait prétendre à quelconque remboursement que ce soit.

Frais d’obtention de visas (ressortissants français uniquement) : les passeports sont à remettre à Planetveo/Prestige Voyages au minimum 40 jours avant la date du départ pour nous permettre d’effectuer les démarches d’obtention. Les frais d’obtention par visa seront facturés par Planetveo (selon la destination), auxquels s’ajoutent, le cas échéant, les frais d’acheminent à votre domicile et/ou les frais consulaires (prix du visa) et/ou les frais de traduction du passeport. Toute demande de visa en urgence (dans les 15 jours avant le départ) sera facturée par Planetveo/Prestige Voyages de 50 à 200 euros (selon le degré d’urgence de la demande fixé par les autorités consulaires et le pays de destination) en dehors des frais éventuels d’expédition et/ou les frais consulaires (prix du visa) et/ou les frais éventuels de traduction du passeport.'

Il en résulte que, contrairement à ce qu’ont décidé les premiers juges, l’information donnée par la société Marco Vasco est complète en ce qu’elle précise les modalités et délais d’accomplissement des formalités administratives relatives au franchissement des frontières, à l’obtention d’un visa et à son coût, notamment lorsque les acheteurs du voyage remettent à la société Marco Vasco leur passeport 40 jours avant la date du départ pour lui permettre d’effectuer les démarches d’obtention.

A titre surabondant , la cour remarque qu’il résulte du courrier du 23 septembre 2013 du conseil des consorts X, de Mme Z et de Mme Y, que lorsqu’ils ont parcouru le site internet de la société Marco Vasco, il était prévu pour les circuits en groupe que :

'Le Visa Indien est obligatoire pour se rendre en Inde (en gras). Ce dernier n’est pas inclus dans le prix de votre package, cependant 2 possibilités s’offrent à vous :

— Obtention par vos soins par un organisme agrée : (en gras) vous devez impérativement nous en informer le jour de votre inscription. Nous dégageons ainsi toute responsabilité en cas de non obtention le jour du départ. Vous pouvez contacter un organisme tel que : www.action-visas.com

— Obtention par nos soins : (en gras) dans ce cas de figure, nous vous demanderons obligatoirement de nous envoyer une copie des 4 premières pages de votre passeport pour valider votre dossier d’inscription au voyage. Par la suite, nous vous ferons parvenir un document à compléter et à nous renvoyer avec 3 photos d’identité. Ce dernier sera inclus dans votre carnet de voyage et vous devrez le présenter à votre guide le jour du départ. Les ressortissants étrangers devront être en conformité avec les différentes réglementations en vigueur selon leur nationalité.

Ils ont procédé à leur enregistrement sur ce vol et ont mis leurs bagages en soute au comptoir de votre compagnie aérienne'.

En l’état de l’ensemble de ces énonciations et constatations , la société Marco Vasco a manifestement donné aux consorts X, à Mme Z et à Mme Y une information complète, J, précise et apparente sur :

— la nécessité pour eux de disposer impérativement d’un visa pour entrer en Inde, pays de séjour,

— les modalités d’obtention de ce visa obligatoire, soit en effectuant directement les démarches auprès de VFS, via le site www.vfs-in-fr.com, qui délivre l’ensemble des visas pour le Consulat de l’Inde à Paris, soit en lui remettant au minimum 40 jours avant la date du départ les passeports pour lui permettre d’effectuer les démarches d’obtention du visa.

En conséquence, la société Marco Vasco, en délivrant ces informations, a rempli son obligation d’information sur les formalités à accomplir pour l’entrée et le séjour sur le territoire de destination. Il s’ensuit que les consorts X, Mme Z et Mme Y ne sauraient lui faire le reproche de ne pas les avoir informés des formalités relatives à l’obtention d’un visa obligatoire pour entrer en Inde ; ils seront en conséquence déboutés de leur moyen principal dirigé contre la société prestataire.

1.2. Sur le moyen subsidiaire des consorts X, Mme Z, Mme Y tiré du manquement par la société Marco Vasco à son obligation d’effectuer les démarches d’obtention des visas

Les consorts X, Mme Z et Mme Y s’appuient sur les conditions particulières du contrat de vente du voyage pour faire valoir qu’il appartenait à la société Marco Vasco d’accomplir les formalités d’obtention du visa ; ils indiquent qu’ils lui ont transmis leurs passeports à sa demande.

Sur ce ,

D’une part , il résulte des mails des 23 et 24 mai 2013 de la société Marco Vasco envoyés à M. X, ainsi que du courrier du 23 septembre 2013 du conseil des consorts X, de Mme Z et de Mme Y et du courrier du 16 octobre 2013 de la société Marco Vasco que si des photocopies des passeports des consorts X, de Mme Z et de Mme Y ont été envoyés à l’agence de voyages, pour autant, force est de constater qu’il ne ressort d’aucune autre pièce versée au débat que ce sont les passeports qui ont été transmis à la société Marco Vasco, ni que cette dernière s’est obligée à effectuer les démarches d’obtention des visas.

D’autre part , il résulte de ce qui a été précédemment énoncé que les démarches afin d’obtenir le visa obligatoire pour entrer en Inde sont effectuées, soit directement par les acheteurs auprès d’un organisme, soit par l’intermédiaire de la société Marco Vasco en cas de remise des passeports au minimum 40 jours avant la date du départ.

Or, il ne ressort d’aucune pièce versée au débat par les consorts X, Mme Z et Mme Y, que ces derniers ont demandé à la société Marco Vasco d’effectuer les démarches d’obtention du visa obligatoire, ni qu’ils ont remis à l’agence de voyages leurs passeports 40 jours minimum avant la date de départ pour l’accomplissement de cette formalité.

La cour rappelle aussi, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, qu’il n’appartenait pas nécessairement à l’agence de voyages de se charger d’obtenir les visas. Surabondamment, les consorts X, Mme Z et Mme Y ne démontrent pas non plus que la société Marco Vasco leur a envoyé un document à compléter et à lui renvoyer avec 3 photos d’identité pour la réalisation des démarches d’obtention du visa comme indiqué, à la lecture du courrier de leur conseil du 23 septembre 2013, sur son site internet.

Il s’ensuit que la société Marco Vasco, à défaut de remise par les consorts X, Mme Y et Mme Z de leurs passeports au minimum 40 jours avant la date de leur départ, pouvait légitimement supposer que ces derniers solliciteraient eux-mêmes la délivrance d’un visa avant leur départ en voyage pour séjourner en Inde.

En l’état de ces constatations et énonciations , faute pour les consorts X, Mme Y et Mme Z de démontrer, conformément aux articles 1315 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, et 9 du code de procédure civile, que la société Marco Vasco avait l’obligation de réaliser les formalités d’obtention des visas, ils ne sauraient lui reprocher un manquement contractuel de ce chef.

En conséquence, ils seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la société Marco Vasco et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Marco Vasco.

2. Sur la responsabilité du transporteur, la société Air France

2.1. Sur la faute alléguée par les consorts X, Mme Y et Mme Z à l’encontre de la société Air France

En application de l’article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues, de sorte que cette disposition contient l’obligation, à la charge du transporteur, de vérifier que les passagers, parties au contrat de transport, sont munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire du pays de destination.

L’obligation qui est faite au passager, par la Convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 et reprise dans les conditions générales du contrat de transport de la société Air France, de se conformer aux prescriptions gouvernementales concernant les documents d’entrée et de sortie des territoires où il se rend, ne saurait exonérer le transporteur aérien de son obligation de vérification de l’accomplissement des formalités requises pour la complète efficacité du contrat de transport. Engage donc sa responsabilité le transporteur aérien qui ne sollicite pas de ses passagers, parties au contrat de transport, la justification de ce qu’ils étaient régulièrement autorisés à débarquer sur le territoire du pays de destination.

En l’espèce, il est établi par les pièces versées au débat que les consorts X, Mme Y et Mme Z ont embarqué, à Paris, à bord d’un avion de la société Air France, qu’ils ont atterri à New Delhi, mais qu’il n’ont pas pu entrer sur le territoire indien, faute de détenir un visa obligatoire.

Il s’ensuit nécessairement que la société Air France n’a pas sollicité des consorts X, de Mme Y et de Mme Z, parties au contrat de transport, la justification de ce qu’ils étaient régulièrement autorisés à entrer sur le territoire de l’Inde, pays de destination.

La société Air France a donc manqué à son obligation de vérifier que ces cinq passagers étaient munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire du pays de destination.

Les circonstances alléguées par la société Air France selon lesquelles il appartenait aux consorts X, à Mme Y et à Mme Z de s’informer des conditions d’entrée dans un territoire étranger, exigées par les autorités de ce pays, en application de la Convention de Chicago, ou qu’il leur appartenait de se procurer de se munir des documents et visas nécessaires pour entrer sur le territoire indien conformément aux articles 18.1 et 18.2 des conditions générales du contrat de transport, n’exonèrent pas le transporteur aérien de son propres obligation mises à sa charge par la loi. La société Air France ne saurait pas davantage se prévaloir des clauses limitatives ou exonératrices de responsabilité prévues aux articles 18.1 (b), 18.2 (c), 19.1.3 (b), 19.1.3 (c) et 19.1.3 (g) des conditions générales du contrat de transport pour faire échec à toute responsabilité de sa part, sauf encore à contredire la portée de l’obligation, qui est mise à sa charge par la loi, de vérification des documents nécessaires à l’entrée des passagers, parties au contrat de transport, sur le territoire du pays de destination.

En conséquence, la société Air France, en ne vérifiant pas que les consorts X, Mme Y et Mme Z étaient munis des documents et visas nécessaires à leur entrée sur le territoire indien, a bien commis une faute engageant sa responsabilité en raison de l’inexécution du contrat de transport.

2.2. Sur le lien de causalité et le préjudice allégué par les consorts X, Mme Y et Mme Z

Les consorts X, Mme Y et Mme Z sollicitent la somme de 22 031,10 euros se décomposant comme suit:

— prix du voyage : 11 250 euros,

— location d’une voiture pour se rendre à l’aéroport : 281,10 euros,

— achat de vêtement en prévision du voyage : 500 euros,

— préjudice moral : 2 000 euros par personne, soit 10 000 euros.

S’agissant de l’indemnisation demandée au titre des frais de location d’une voiture et des frais d’achat de vêtement en prévision du voyage , la cour constate que les consorts X, Mme Y et Mme Z ne versent au débat aucune pièce justifiant la réalité de leur préjudice ; ils seront donc déboutés de leurs demandes, le jugement attaqué étant à ce titre confirmé.

S’agissant de l’indemnisation demandée au titre du prix du voyage , la cour rappelle que seul est réparable le préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute retenue.

Les consorts X, Mme Y et Mme Z soutiennent que le manquement de la société Air France a causé la perte de l’entier voyage. Pour autant, cette perte ne résulte pas de l’inexécution par la société Air France de son obligation de vérifier que les passagers, parties au contrat de transport, sont bien munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire de l’Inde, pays de destination. En effet, un contrôle efficace par Air France, c’est-à-dire dès l’embarquement à Paris, des titres d’entrée en Inde des voyageurs aurait fait apparaître la difficulté et, de fait, l’impossibilité pour ces derniers de se rendre en Inde.

A titre surabondant, la cour retient que cette perte du séjour touristique en Inde est bien la conséquence immédiate et directe de l’absence d’obtention des visas par les consorts X, Mme Y et Mme Z afin d’entrer sur le territoire du pays de destination.

Ensuite, aux termes de l’article 1150 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’il a pu prévoir lors de la conclusion du contrat ; il s’ensuit que seul le dommage prévisible, lors de la conclusion du contrat, est réparable.

Les consorts X, Mme Y et Mme Z soutiennent que la société Air France avait connaissance qu’ils entendaient passer un séjour touristique de 9 jours en Inde, arguant que les billets d’avion n’ont pas été pris isolément par eux, mais par une agence de voyages spécialisée dans les voyages touristiques de prestige en Inde ; ils avancent donc que le préjudice subi s’élève à la perte de l’intégralité du voyage et non à la seule perte des billets d’avion.

Pour autant, il ne résulte d’aucun des éléments versés au débat par les consorts X, Mme Y et Mme Z, que la société Air France, lors de la réservation des billets et de la conclusion du contrat de transport, avait connu l’objet du voyage de ses passagers et pu prévoir les conséquences d’un manquement à son obligation de vérifier qu’ils étaient munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire du pays de destination.

Il ne ressort également d’aucune des autres productions devant la cour que la société Air France ait pu prévoir, lors de la réservation des billets et de la conclusion du contrat de transport, que l’objet du vol était un séjour touristique de prestige en Inde.

A titre surabondant, la cour fait observer que pour la société Air France seul est prévisible, lors de la conclusion du contrat de transport, et constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution de son obligation, le dommage caractérisé par le coût du voyage rendu inutile par l’effet de son manquement à son obligation de vérifier que les passagers, parties au contrat de transport, étaient munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire du pays de destination ; or, les consorts X,

Mme Y et Mme Z ne demandent nullement l’indemnisation de ce préjudice.

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef et les consorts X, Mme Y et Mme Z seront déboutés de ce chef de préjudice.

Sur l’indemnisation du préjudice moral , les consorts X, Mme Y et Mme Z font valoir qu’au-delà du sentiment de déception, ils ont très mal vécu leur blocage en zone de transit dans un aéroport étranger et les accusations d’entrée illégale sur le territoire indien portées contre eux.

En l’espèce, il n’est pas contestable que le manquement de la société Air France à son obligation de vérifier que les consorts X, Mme Y et Mme Z, parties au contrat de transport, étaient munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire indien, est directement et immédiatement à l’origine pour ces derniers, outre l’évidente déception, de tracas et d’une angoisse non discutables suite de leur arrivée en Inde, lesquels ont engendré pour les intéressés un préjudice moral. Les premiers juges ont en cela à bon droit retenu un principe indemnitaire en faveur des demandeurs mais toutefois à concurrence d’une somme insuffisante par partie, l’indemnité arrêtée en faveur de chaque voyageur étant portée à 800 euros. Le jugement sera en cela infirmé.

3. Sur la demande reconventionnelle de la société Air France

Il ressort de l’article 565 du code de procédure civile que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Il ressort de l’article 566 du code de procédure civile que les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.

Sur ce, il résulte de l’exposé du litige du jugement attaqué que la société Air France a demandé la condamnation des consorts X, de Mme Y et de Mme Z à lui payer la somme de 19 531,10 euros, ou à tout le moins 7 000 euros en dédommagement du caractère abusif de la procédure.

Il résulte ensuite des motifs du jugement attaqué que les premiers juges ont statué sur la demande reconventionnelle de la société Air France en réparation du préjudice subi, soit une amende de 7000 euros et l’obligation immédiate de rapatrier les 5 passagers en France.

Si la société Marco Vasco soutient dans ses écritures que la société Air France conclut pour la première fois en cause d’appel à sa condamnation in solidum avec les consorts X, Mme Y et Mme Z à l’indemniser à hauteur de 7 000 euros, la cour constate que cette demande de condamnation in solidum tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et qu’elle constitue le complément de celle formée en première instance.

En conséquence, la demande de la société Air France est recevable à l’égard de la société Marco Vasco.

Pour autant, la demande de la société Air France tendant à la condamnation solidaire des parties perdantes à lui payer l’amende de 7 000 euros mise à sa charge par les autorités indiennes n’est que la conséquence directe et immédiate de son manquement à l’obligation mise à sa charge par la loi de vérifier que les passagers, parties au contrat de transport, sont munis des documents nécessaires à leur entrée sur le territoire du pays de destination et ne constitue que la sanction de la violation de celle-ci. Il s’ensuit que la société Air France ne peut pas manquer à son obligation de solliciter de ses passagers, parties au contrat de transport, la justification de ce qu’ils étaient régulièrement autorisés à débarquer sur le territoire du pays de destination et en faire supporter le coût à ces derniers, sauf à contredire la portée de cette obligation imposée par la loi.

La société Air France ne peut pas davantage se prévaloir des articles 18.3 et 18.4 des conditions générales du contrat de transport pour solliciter le remboursement des frais engagés et amendes par suite du refus d’admission sur le territoire par les autorités indiennes des consorts X, de Mme Z et de Mme Y, en raison de l’absence de visa, dès lors que ces clauses privent de sa substance l’obligation essentielle imposée par la loi au transporteur aérien.

Cette demande reconventionnelle de la société Air France sera ainsi écartée, les premiers juges assurément saisis de cette prétention ne s’étant pas prononcés sur cette demande dans le dispositif de leur décision de sorte qu’il y sera ajouté.

4. Sur les demandes annexes

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de partager les dépens de première instance et d’appel par moitié entre d’une part les consorts X, Mme Y et Mme Z, et, d’autre part, la société Air France.

L’équité ne commande pas d’arrêter en faveur de la société Marco Vasco une quelconque indemnité de procédure. La société Air France sera toutefois condamnée à payer aux consort X, Mme Y et Mme Z la somme de 2 500 euros au titre de la procédure de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

* * * *

Par ces motifs ,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

— Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf celle relative à la fin de non-recevoir soulevée par la société Ait France ;

Prononçant à nouveau ,

— Condamne la société Air France à payer à M. L X, à Mme E X, à Mme F X, à Mme Y et à Mme Z la somme de 800 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;

— Déboute M. L X, Mme E X, Mme F X, Mme Y et Mme Z de leurs autres demandes dirigées contre la société Air France ainsi que de toutes leurs prétentions dirigées contre la société Marco Vasco ;

— Déboute la société Air France de sa demande reconventionnelle aux fins d’indemnisation de l’amende mise à sa charge par les Autorités indiennes ;

— Partage par moitié les dépens de première instance et d’appel entre d’une part, M. L X, Mme E X, Mme F X, Mme Y et Mme Z, et d’autre part, la société Air France ;

— Condamne la société Air France à payer à M. L X, à Mme E X, à Mme F X, à Mme Y et à Mme Z la somme globale de 2 500 euros au titre de la procédure de première instance et de celle en cause d’appel conformément à l’article 700 du code de procédure civile ;

— Déboute la société Marco Vasco de sa demande d’indemnité de procédure.

Le Greffier Le Conseiller faisant fonction de Président

[…]



Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 8 février 2018, n° 16/05405