Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 2, 12 décembre 2019, n° 19/00739

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Chronologie de l’affaire

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Jérôme Lasserre Capdeville · Gazette du Palais · 28 avril 2020
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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 8 sect. 2, 12 déc. 2019, n° 19/00739
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/00739
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Arras, 19 mars 2018, N° 11-17-0743
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 2

ARRÊT DU 12/12/2019

N° de MINUTE : 19/1354

N° RG 19/00739 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SEOA

Jugement (N° 11-17-0743) rendu le 20 Mars 2018

par le Tribunal d’Instance d’Arras

APPELANTS

Monsieur Z X

né le […] à […]

[…]

Madame B C D

née le […] à […]

[…]

Représentés par Me G-Charlotte Piron avocat au barreau d’Arras

INTIMÉES

Madame G-A Y

de nationalité Française

[…]

Société Caisse Cofidis Chez Contentia

[…]

Société Crcam Nord de France Chez Mcs et Associes

[…]

Société Centre Finan Banque Postale Service Surendettement

[…]

Société […]

[…] a […]

Société Mutualia Nord

[…]

Société Noreade Centre de Pecquencourt Sud

[…]

Trésorerie de Marquion

[…]

Non comparants, ni représentés

Sarl L’orée F

[…]

Représentée par Mme E F

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience

DÉBATS à l’audience publique du 23 Octobre 2019 tenue par Catherine Convain magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul les plaidoiries, en application de l’article 945.1 du Code de Procédure Civile , les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Betty Moradi

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

A Collière, président de chambre

Hélène Billieres, conseiller

Maria Bimba Amaral, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2019 après prorogation du délibéré du 5 décembre 2019 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par A Collière, président et Betty Moradi, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement réputé contradictoire prononcé par le tribunal d’instance d’Arras, statuant en matière de surendettement des particuliers, le 20 mars 2018 ;

Vu l’appel interjeté le 30 mars 2018 ;

Vu l’arrêt de caducité du 9 janvier 2019 ;

Vu le relevé de caducité et la réinscription de l’affaire au rôle le 17 janvier

2019 ;

Vu le procès-verbal de l’audience du 23 octobre 2019 ;

***

Suivant déclaration enregistrée le 9 février 2017 au secrétariat de la Banque de France, M. Z X et Mme B C-D ont demandé le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers, ne parvenant pas à s’acquitter de leurs dettes en raison de l’absence de ressources mensuelles suffisantes et des dépenses nécessaires pour satisfaire aux besoins de la vie courante avec deux enfants à charge.

Le 23 mars 2017, la commission de surendettement des particuliers du Pas de Calais, après avoir constaté la situation de surendettement de M. X et Mme C-D, a déclaré leur demande recevable.

Le 18 mai 2017, après examen de la situation de M. X et Mme C-D dont les dettes ont été évaluées à 36 294,22 euros, les ressources à 1272 euros et les charges à 2093 euros, la commission qui a déterminé un minimum légal à laisser à la disposition des débiteurs de 1146,42 euros, une capacité de remboursement de -821 euros et un maximum légal de remboursement de 125,58 euros, a retenu une mensualité de remboursement de 0 euro, et relevant notamment que M. X, âgé de 30 ans, était saisonnier, que Mme C-D, âgée de 28 ans, était intérimaire, qu’ils étaient concubins et avaient deux enfants à leur charge âgés de 8 ans et de 3 ans et que leurs ressources étaient composées de l’allocation logement, de prestations familiales, du salaire de M. X et de la prime d’activité de Mme C-D, a considéré que leur situation était irrémédiablement compromise en raison de leur situation professionnelle et familiale et de l’absence d’éléments factuels permettant d’envisager une évolution favorable de leur situation, et, en l’absence d’actif réalisable, a décidé d’orienter le dossier vers un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, avec un effacement des dettes.

Cette recommandation de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire a été contestée par Mme A Y, indiquant que les débiteurs s’étaient mariés et avaient effectué un voyage aux Canaries début mai.

À l’audience du 17 octobre 2017, Mme Y qui a comparu en personne, a réitéré les termes de son recours en exposant ne pas comprendre que sa créance puisse être effacée alors que les débiteurs avaient été en mesure de financer leur mariage et leur voyage de noces.

Les débiteurs étant représentés par leur conseil, le dossier a été renvoyé afin de permettre leur comparution et le recueil de leurs explications.

À l’audience du 23 janvier 2018, Mme C-D et M. X, respectivement assistée et représenté par avocat, ont indiqué avoir été beaucoup aidés par le père de Mme C-D qui avait acheté la robe et payé le traiteur. Mme C-D a précisé que c’était la famille qui avait offert le voyage aux Canaries. Au questionnement du juge, elle a indiqué que sa mère vivait avec eux et que c’était cette dernière qui avait joué en ligne à la Française des jeux et que sa carte ne pouvant servir au paiement sur Internet, la débitrice lui avait permis d’utiliser la sienne mais qu’elle avait été remboursée. Elle a reconnu avoir gagné 500 euros au loto en décembre dernier, utilisés pour le Noël des enfants.

Mme Y a déclaré qu’elle aurait pu être réglée avec le gain du loto

Par jugement en date du 20 mars 2018, le tribunal d’instance d’Arras, statuant en matière de surendettement des particuliers, a déclaré M. X et Mme C-D irrecevables au bénéfice de la procédure de traitement du surendettement des particuliers, a rappelé que la mauvaise foi acquise dans un premier temps pouvait être écartée et la bonne foi, de nouveau, retenue lorsqu’il apparaissait, au moment auquel la juridiction statuait, que le débiteur avait réduit significativement son endettement et adapté son train de vie à ses possibilités financières, et a laissé les éventuels dépens à la charge du trésor public.

M. X et Mme C-D ont relevé appel de ce jugement le 30 mars 2018.

Par arrêt en date du 9 janvier 2019, la cour de céans a déclaré caduque la déclaration d’appel.

Après relevé de caducité, l’affaire a été réinscrite au rôle le 17 janvier 2019.

À l’audience de la cour du 23 octobre 2019, M. X et Mme C-D, représentés par avocat, sollicitent l’infirmation du jugement entrepris, faisant valoir à l’appui de leur appel que leur voyage de noces aux Canaries a été financé par la famille dont la mère de Mme C-D qui les aide. Ils indiquent que M. X est ouvrier agricole et a un salaire de 1100 à 1200 euros ; que Mme C-D qui est intérimaire, travaille ponctuellement ; qu’ils ont trois enfants à charge âgés de dix et cinq ans et de trois mois, ce dernier ayant de gros problèmes de santé ; qu’ils doivent régler un loyer de 590 euros ; qu’ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont .

La SARL l’Orée F, représentée par Mme E F, sollicite la confirmation du jugement au motif de la mauvaise foi des débiteurs qui n’ont fait aucun effort pour payer le loyer. Elle précise que dès l’entrée dans les lieux, aucun loyer n’a été payé par les débiteurs ; que la mère de Mme C-D qui a toujours habité dans les locaux, les aide mais n’a pas participé au paiement du loyer ; que le gain au loto n’a pas servi pour rembourser les dettes

Les autres intimés, régulièrement convoqués par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, n’ont pas comparu ni personne pour les représenter

SUR CE

Attendu que selon l’article L 711-1 du code de la consommation, « le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi » ;

Que selon l’article L 741-5 du même code, lorsqu’une partie conteste le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission, le juge du tribunal d’instance peut, même d’office, s’assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation définie à l’article L 711-1 du code de la consommation ; qu’en vertu de ce texte, le juge du surendettement a le pouvoir d’apprécier, même d’office, le caractère irrémédiablement compromis de la situation du débiteur ainsi que sa bonne foi avant de se prononcer sur un rétablissement personnel et qu’il peut donc relever d’office la mauvaise foi du débiteur en matière de rétablissement personnel ;

Qu’il résulte de ces textes que la bonne foi du débiteur constitue une condition de recevabilité pour bénéficier de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers ; que le prononcé d’un rétablissement personnel suppose donc une situation irrémédiablement compromise mais également la bonne foi du débiteur ;

Que cette condition légale de recevabilité de la procédure de surendettement constitue une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile puisque le débiteur qui ne réunit pas les conditions légales requises pour bénéficier de la procédure de surendettement est sans qualité

pour agir ;

Attendu que la bonne foi du débiteur étant présumée, il incombe au créancier qui invoque la fin de non recevoir tirée de la mauvaise foi du débiteur d’apporter la preuve que l’intéressé s’est rendu coupable de mauvaise foi ;

Que la bonne foi porte sur le comportement du débiteur tant à l’égard de ses créanciers lors de la souscription de ses engagements qu’à l’égard de la commission lors du dépôt du dossier et du traitement de sa situation de surendettement et il appartient au juge d’apprécier la bonne foi au jour où il statue au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis ;

Attendu qu’en l’espèce, M. X et Mme C-D ont saisi le 9 février 2017 la Banque de France d’une demande de bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers qui a été déclarée recevable le 23 mars

2017 ;

Qu’il ressort de l’état des créances au 4 mai 2017 dressé par la commission de surendettement que le passif de M. X et Mme C-D s’élève à 36 294,22 euros dont une dette de loyer d’un montant de 25 988,63 euros qui représente plus de

70 % (71,60 %) de leur endettement ;

Que lors de leur déclaration de surendettement signée le 9 février 2017, M. X et Mme C-D ont indiqué avoir des ressources mensuelles de 1768,05 euros (soit 1206,42 euros au titre du salaire perçu par M. X, 329 euros au titre de l’allocation logement, 129,47 euros au titre des prestations familiales et 103,16 euros au titre du revenu minimum d’insertion ou d’activité perçu par Mme C-D) ;

Qu’il ressort de l’historique de la dette locative établi pour la période du 1er mai 2016 au 1er avril 2017 inclus que les débiteurs n’ont pas réglé le loyer résiduel variant de 172 euros à 267 euros au cours de la période de novembre 2016 à février 2017 et qu’au cours de la période du 1er mai 2016 au 1er avril 2017, ils n’ont versé qu’une somme de 580 euros, alors que leurs ressources leur permettaient de régler leur loyer et à tout le moins le loyer résiduel ;

Que s’il ne peut être reproché à M. X et Mme C-D de s’être mariés au cours de la procédure de surendettement, en revanche ils ne pouvaient alors qu’ils étaient surendettés et ne payaient pas leur loyer qui est une créance prioritaire, engager des dépenses somptuaires pour leur mariage (location d’une salle, traiteur, voyage de noces aux Canaries, étant relevé qu’ils ne produisent aucune pièce établissant que ces dépenses auraient été prises en charge par leur famille) ;

Que par ailleurs, ainsi que l’a justement relevé le premier juge, la somme de 500 euros que Mme C-D a gagnée au loto au cours de la procédure de surendettement n’a pas été utilisée au paiement des dettes et rien ne démontre que les paiements effectués à la Française des jeux avec la carte bancaire de la débitrice ont été effectués par la mère de cette dernière et qu’ils ont été remboursés ;

Qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, c’est par une exacte appréciation des faits que le premier juge a considéré que le couple avait fait, en toute conscience, des choix de vie incompatibles avec ses ressources alors que les débiteurs entendaient bénéficier d’un effacement de leur dette à hauteur d’environ 35 000 euros, et que cette attitude était incompatible avec l’exigence de bonne foi posée par la loi pour bénéficier des mesures de traitement du surendettement ;

Que M. X et Mme C-D qui ne rentrent pas dans la définition du débiteur de bonne

foi au sens de l’article L 711-1 du code de la consommation, condition légale requise pour pouvoir bénéficier des procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers instituées par le code de la consommation, doivent dès lors être déclarés irrecevables à la procédure de surendettement des particuliers, les conditions légales requises pour en bénéficier n’étant pas remplies ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré M. X et Mme C-D irrecevables au bénéfice de la procédure de traitement du surendettement des particuliers ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement entrepris ;

Laisse les dépens d’appel à la charge du trésor public .

Le greffier, Le président,

B. Moradi S. Collière



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