Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 25 juin 2020, n° 19/00970

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 2 sect. 1, 25 juin 2020, n° 19/00970
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 19/00970
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Dunkerque, 19 décembre 2016
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 9 juillet 2023
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Sur les parties

Texte intégral

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 25/06/2020

****

N° de MINUTE : 20/

N° RG 19/00970 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SFHF

Ordonnance rendue le 20 décembre 2016 par le tribunal de commerce de Dunkerque

Arrêt (RG 17/00545) rendu le 27 avril 2017 par la Cour d’appel de Douai

Arrêt (N° 1019 F-D) rendu le 19 décembre 2018 par la Cour de cassation

APPELANTE

Société Aramis Entreprises Company prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Henri Najjar, avocat au barreau de Marseille

INTIMÉES

Société Tranvast Shipping Co Limited prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social chez la société Destock Logistique – [Adresse 1]

[Adresse 1]

déclaration d’appel signifiée le 18 mars 2019 à personne habilitée

conclusions signifiées le 15 mai 2019 à personne habilitée

N’ayant pas constitué avocat

SAS Traxys France prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Christophe Nicolas, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Renard, présidente de chambre

Anne Molina, conseiller

Geneviève Créon, conseiller

— --------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Stéphanie Hurtrel

DÉBATS à l’audience publique du 19 décembre 2019 après rapport oral de l’affaire par Anne Molina

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 juin 2020 après prorogation du délibéré initialement prévu le 19 mars 2020 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Véronique Renard, présidente et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 novembre 2019

****

FAITS ET PROCÉDURE

La société Aramis Entreprises Company (ci-après la société Aramis), dont le siège social est situé [Adresse 3], est propriétaire armateur du navire Nikator.

Suivant une charte-partie à temps du 31 août 2016, la société Aramis a donné en affrètement le navire Nikator à la société Tranvast Shipping Co Limited, (Tranvast) dont le siège social est situé [Adresse 3], pour une période estimée à 55 jours.

Selon une charte-partie au voyage émise le 5 septembre 2016, la société Traxys France (ci-après la société Traxys) a affrété le navire Nikator auprès de la société Tranvast pour un voyage du port chinois de [Localité 5] au port français de [Localité 4].

La marchandise (9 897,84 tonnes métriques de bauxite), chargée par la société de droit chinois Henan Yongzheng Metals and Minerals and co (Henan), au port chinois de [Localité 5] a été transportée au port français de [Localité 4] pour le compte de la société Traxys en tant que destinataire de la marchandise sur la base d’un connaissement CONGENBILL du 9 septembre 2016, émis par l’agent du transporteur Aramis.

Par une ordonnance sur requête du 6 décembre 2016, le président du tribunal de commerce de Dunkerque a autorisé la société Aramis à faire pratiquer une saisie conservatoire au port de [Localité 4] de 1 500 tonnes de bauxite issues de la marchandise à bord du navire Nikator et à les consigner entre les mains de la société Kerneos, en tant que tiers séquestre, pour sûreté, garantie et conservation de la somme de 200 000 USD, à laquelle la créance de la société Aramis a été provisoirement fixée.

Par ordonnance sur requête du 9 décembre 2016, le président du tribunal de commerce de Dunkerque a autorisé la société Aramis à faire pratiquer une saisie conservatoire au port de [Localité 4] de 1 500 tonnes de bauxite issues de la marchandise à bord du navire Nikator et à les consigner entre les mains de la société Kerneos, en tant que tiers séquestre, pour sûreté, garantie et conservation de la somme de 218 450 USD, à laquelle la créance de la société Aramis a été provisoirement fixée.

Les saisies ont été réalisées suivant procès-verbal d’huissier respectivement des 8 et 9 décembre 2016.

Par acte du 14 décembre 2016, la société Traxys France a fait assigner la société Aramis en référé d’heure à heure devant le tribunal de commerce de Dunkerque.

Par acte du même jour, la société Aramis, a fait assigner la société Tranvast en référé d’heure à heure devant le même tribunal et a fait dénoncer cette assignation à la société Traxys France.

Par ordonnance de référé du 20 décembre 2016, le président du tribunal de commerce de Dunkerque a notamment :

— confirmé la jonction des instances intervenue de fait lors des débats,

— déclaré hors de cause le capitaine du navire Nikator,

— observé au surplus que le caractère opposable de la décision à la société Tranvast résulte de l’assignation délivrée à [Localité 4] le 14 décembre 2016 chez son consignataire,

— ordonné le cantonnement des deux saisies pratiquées à l’encontre de la société Traxys France pour se limiter à un total de 70 tonnes de bauxite provenant de la cargaison de ce navire, impliquant mainlevée pour le surplus, et réduit la sûreté correspondante à l’équivalent en euros à la date de l’ordonnance de la somme de 10 000 USD,

— autorisé d’office la substitution à cette garantie d’une caution qui serait fournie en faveur de la société Traxys France par tout établissement bancaire ayant siège en France et établissement dans le ressort,

— débouté en l’état la société Aramis de sa demande d’organisation de la vente des marchandises demeurant saisies,

— rejeté toutes les demandes d’indemnités procédurales,

— fait masse des dépens pour être supportée par moitié par la société Aramis Entreprises Company et par moitié par la société Tranvast Shipping Co Limited.

Par arrêt du 27 avril 2017, la cour d’appel de Douai a notamment :

— confirmé l’ordonnance du 20 décembre 2016 sauf en ce qu’elle a :

* ordonné le cantonnement des deux saisies pratiquées à l’encontre de la société Traxys France pour se limiter à un total de 70 tonnes de bauxite provenant de la cargaison de ce navire, impliquant mainlevée pour le surplus, et réduit la sûreté correspondante à l’équivalent en euros à la date de l’ordonnance de la somme de 10 000 USD,

* autorisé d’office la substitution à cette garantie d’une caution qui serait fournie en faveur de la société Traxys France par tout établissement bancaire ayant siège en France et établissement dans le ressort,

* débouté en l’état la société Aramis Entreprises Company de sa demande d’organisation de la vente des marchandises demeurant saisies,

Statuant à nouveau de ces chefs,

— ordonné la mainlevée des deux saisies pratiquées à l’encontre de la société Traxys France,

— débouté en conséquence la société Aramis Entreprises Company de ses demandes,

— donné acte à la société Traxys France de son engagement de régler à concurrence de 9 500 USD toute somme à laquelle la société Tranvast Shipping Co Limited serait condamnée à payer à la société Aramis Entreprises Company, sur présentation d’une sentence arbitrale définitive non susceptible d’appel,

— condamné la société Aramis Entreprises Company aux dépens d’appel et à payer à la société Traxys France la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Sur pourvoi formé par la société Aramis, la Cour de cassation, par arrêt du 19 décembre 2018, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Douai, autrement composée.

Au visa de l’article 16 du code de procédure civile, la Cour a dit que pour écarter le droit de rétention invoqué par la société Aramis, l’arrêt retient qu’il n’y a pas de lien de connexité entre sa créance de fret du fréteur à temps et la marchandise ; qu’en statuant ainsi, alors qu’à supposer que le 'lien on cargo’ invoqué par la société Aramis et stipulé dans une charte-partie d’affrètement à temps soumise au droit anglais pût être assimilé au droit de rétention du droit français et que, malgré son origine conventionnelle, la loi française lui fût applicable, en tant que loi du port d’exercice du droit de rétention, la cour d’appel, devant laquelle la société Traxys France n’opposait pas l’absence de lien de connexité, non nécessaire, au demeurant, en droit français, en présence d’un droit de rétention accordé conventionnellement, en relevant d’office cette absence de lien sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

La société Aramis a procédé à une déclaration de saisine de la cour d’appel de Douai le 13 février 2019.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le

19 novembre 2019, la société Aramis Entreprises Company, sur le fondement des dispositions de l’article L. 5423-1 et de l’article L.5422-8 du code des transports, de l’article L.111-10 du code des procédures civiles d’exécution, de l’article 3 du décret n°66 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes, de l’article 48 du même décret, repris à l’article R. 5422-15 du code des transports et de l’article 53 du même décret repris à l’article R. 5422-20 du code des transports demande à la cour d’appel, de :

— infirmer l’ordonnance rendue le 20 décembre 2016 par le président du tribunal de commerce de Dunkerque ;

— dire qu’elle est créancière de la somme de 153 128,79 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fret impayé et de la somme de 218 450 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fournitures de soutes,

— dire qu’elle a un droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse, sur la base de la clause 18 de la Charte-partie à temps du 31 août 2016, expressément visée dans les ordonnances du 6 et du 8 décembre 2016,

— dire qu’elle a un droit de rétention légal sur la marchandise litigieuse,

— dire qu’elle a un droit de rétention conventionnel sur la marchandise litigieuse, sur la base du connaissement en date du 9 septembre 2016,

— dire qu’elle bénéficie d’un privilège légal sur la marchandise litigieuse, en tant que transporteur maritime,

— dire que la société Traxys France S.A.S. ne démontre pas avoir effectué le paiement de sommes quelconques à la société Tranvast Shipping CO Limited et en conséquence qu’elle bénéficie également du privilège consacré aux articles L. 5423-3 et suivants du code des transports, sur l’intégralité de la marchandise litigieuse,

En conséquence,

— juger que les saisies pratiquées sur la marchandise litigieuse et leur consignation entre les mains de la société Kerneos S.A., en tant que tiers séquestre, sont bien fondées,

— infirmer l’ordonnance du 20 décembre 2016,

— ordonner à la société Traxys France S.A.S. de restituer les 2930 tonnes de bauxite, saisies, et les consigner, ou consigner une marchandise équivalente, en nature, qualité et quantité, entre les mains de la société Kerneos S.A., en tant que séquestre, pour son compte aux fins de son exercice du droit de rétention sur l’intégralité de la marchandise, en garantie du paiement de la somme de 153 128,79 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fret impayé et de la somme de 218 450 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fournitures de soutes ; sinon lui fournir une garantie équivalente,

— condamner la société Traxys France S.A.S. et la société Tranvast Shipping CO Limited à lui payer la somme de 25 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Aramis soutient que :

— elle est créancière au titre du fret relatif à l’affrètement à temps du navire et au transport de la marchandise litigieuse ainsi qu’au titre de soutes fournies au navire,

— elle disposait, en application de l’article 18 de la charte-partie, d’un droit de rétention sur la marchandise litigieuse en sa qualité de fréteur pour le paiement des sommes qui lui sont dues au titre de la charte-partie à temps et du connaissement, ce droit de rétention est opposable à tout tiers, y compris au sous-affréteur,

— le droit de rétention résulte séparément et indifféremment d’une connexité juridique et/ou d’une connexité matérielle et/ou d’une connexité conventionnelle,

— en l’espèce la nature contractuelle du droit de rétention induit une volonté des parties de suppléer l’absence éventuelle d’une connexité matérielle ou juridique,

— il existe un lien de connexité juridique entre ses créances et la détention de la marchandise litigieuse résultant de la juxtaposition des contrats d’affrètement à temps et d’affrètement au voyage qui forment alors un même groupe de contrats et sont à l’origine de la marchandise litigieuse,

— il existe un lien de connexité matériel entre ses créances et la détention de la marchandise litigieuse, la créance de fret étant née de manière simultanée à la détention de la marchandise litigieuse puisqu’elle est devenue exigible à partir du début du transport de celle-ci et que la créance relative aux frais de fourniture de soutes est née durant la détention de la marchandise litigieuse pour son transport de la Chine vers la France,

— les dispositions des articles L. 5423-3 et L. 5423-7 du code des transports ne font pas obstacle à l’exercice de son droit de rétention conventionnel,

— en tout état de cause elle disposait d’un droit de rétention légal sur la marchandise litigieuse, la loi applicable aux droits réels est la loi du lieu de situation du bien, en l’espèce la loi française,

— ses créances ont un lien de connexité juridique et matérielle avec la détention de la marchandise litigieuse et correspondent respectivement à une créance impayée résultant du contrat qui l’oblige à la livrer et à une créance impayée née à l’occasion de la détention de la chose, de sorte qu’elle est bien autorisée à se prévaloir d’un droit de rétention sur le fondement de l’article 2286 du code civil,

— le droit de rétention est opposable à tous tiers, y compris aux tiers non tenus à la dette et peut être exercé même si le propriétaire du bien retenu n’est pas débiteur de la créance,

— elle a agi en tant que transporteur maritime de la marchandise litigieuse à l’égard de la société Traxys,

— le connaissement du 9 septembre 2016 la désigne en tant que transporteur,

— la relation contractuelle entre elle et la société Traxys résulte de l’émission du connaissement dans le cadre du contrat de transport,

— le connaissement qu’elle a émis aux fins du transport maritime de la marchandise litigieuse renvoie aux termes de la charte-partie au voyage conclue entre la société Tranvast et la société Traxys qui s’y trouvent dès lors automatiquement incorporés en tant que termes du contrat de transport la liant à la société Traxys,

— elle bénéficie du privilège consacré aux articles L. 5423-3 et suivants du code des transports dès lors que la société Traxys ne démontre pas avoir effectué le paiement de sommes quelconques à la société Tranvast,

— en tant que transporteur maritime, elle n’a pas été payée de son fret,

— elle a un privilège sur la marchandise litigieuse qui lui accorde un droit de préférence sur le produit de la vente de la marchandise aux fins de paiement intégral de son fret, étant précisé que le paiement du fret par la société Traxys à la société Tranvast est indifférent puisqu’il se situe en dehors du cadre du contrat de transport et qu’au titre du contrat de transport, constaté par le connaissement émis le 9 septembre 2016, il a été établi que le fret d’un montant de 153 128,79 USD ne lui a toujours pas été payé,

— les saisies conservatoires ordonnées les 6 et 8 décembre 2016 se sont substituées au droit de rétention, à la date du prononcé des ordonnances, elle avait la garde de la marchandise litigieuse, de sorte qu’elle était parfaitement fondée à exercer son droit de rétention sur ladite marchandise,

— l’emprise matérielle de la chose qui caractérise la rétention n’est pas nécessairement directe, elle peut être réalisée par l’intermédiaire d’un préposé ou d’un tiers convenu, ce qui est le cas d’un séquestre, notamment dans le cadre, comme en l’espèce, de l’exécution de l’article R. 5422-15 du code des transports qui interdit la rétention de la marchandise à bord du navire,

— elle était parfaitement autorisée à procéder à la saisie conservatoire de la marchandise litigieuse, aux fins de garantir l’exercice de son droit de rétention et de son privilège, ne pouvant les retenir dans son navire en application de l’article 3 du décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritime et de l’article R. 5422-15 du code des transports.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le

4 novembre 2019, la société Traxys France, sur le fondement des articles L. 5422-8, L. 5423-1 et suivants du code des transports, des articles 2286, 1199 du code civil (anciennement article 1165), et de l’article L.111-10 du code des procédures civiles d’exécution, demande à la cour d’appel, de :

— confirmer l’ordonnance de référé du 20 décembre 2016 ayant ordonné la mainlevée de la saisie pour 2930 tonnes de bauxite,

— infirmer cette ordonnance en ce qu’elle a maintenu la saisie pour 70 tonnes de bauxite dans l’attente de l’établissement du compte final d’affrètement,

Et statuant à nouveau,

— juger que la société Traxys France a valablement repris possession des 2930 tonnes de bauxite suite au jugement du 20 décembre 2016 et a pu en disposer comme elle le souhaitait,

— juger que les 2930 tonnes de bauxite n’existent plus et ne peuvent plus faire l’objet d’une saisie,

— juger que la demande de restitution d’une marchandise équivalente est mal fondée,

— juger en conséquence, que la société Aramis n’est plus en droit d’exercer un droit de rétention légal ou conventionnel sur la marchandise,

— constater qu’elle a consigné le solde du fret de 9 500 USD sur le compte CARPA de son conseil,

— constater que le solde du fret d’un montant de 9 500 USD a été payé à la société Aramis par compensation, en exécution de la sentence arbitrale en date du 15 mai 2017 condamnant la société Tranvast,

— juger que la saisie portant sur 70 tonnes n’est plus justifiée compte tenu de son paiement du solde du fret à la société Aramis,

— ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie des 70 tonnes de bauxite,

— débouter la société Aramis de toutes ses demandes, fins et prétentions,

— condamner Aramis à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’instance, comprenant notamment l’intégralité des frais d’huissier.

La société Traxys France fait valoir que :

— la société Aramis n’est titulaire d’aucune créance à son encontre, l’intégralité des créances dont l’armateur tente de se prévaloir relevant de l’exécution de la charte-partie à temps conclue avec Tranvast,

— la sentence arbitrale du 15 mai 2017 condamne seulement la société Tranvast au paiement de sa créance en vertu de la charte-partie à temps, elle est donc étrangère à la créance invoquée par l’appelante,

— la société Aramis ne dispose d’aucun droit de rétention, lequel ne bénéficie qu’à celui qui a la garde de la marchandise, la société Aramis n’a plus la garde de la marchandise,

— l’absence de connexité, en l’espèce tant juridique que matérielle, entre la créance garantie et le bien retenu, interdit également la saisie,

— en l’espèce, l’existence de deux contrats distincts, l’un faisant naître la créance, l’autre la détention, exclut toute connexité juridique, par ailleurs, la créance de fret de l’armateur contre l’affréteur à temps naît antérieurement à la détention de la chose puisqu’elle naît du contrat d’affrètement souscrit préalablement au transport, ainsi la créance ne naissant pas de la détention de la chose, toute connexité matérielle est exclue,

— la charte-partie à temps conclue entre la société Aramis et la société Tranvast ne lui est pas opposable,

— la société Aramis ne bénéficie pas des termes de la charte-partie au voyage,

— les dispositions du code des transports sont bien applicables,

— la référence au droit civil général (article 2286 du code civil) est inopérante étant donné que ce sont les dispositions spéciales du code des transports qui trouvent application en l’espèce, en tout état de cause, ce n’est pas la société Aramis qui avait l’obligation de livrer la marchandise mais la société Tranvast au titre de ses obligations dans le cadre de la charte-partie au voyage,

— la société Aramis n’a pas la qualité de transporteur maritime, seules les règles de l’affrètement et non celles relatives au transport maritime ont vocation à s’appliquer en l’espèce, l’émission d’un connaissement, lequel est un simple reçu de la marchandise à l’égard de l’affréteur au voyage, n’entraîne pas ipso facto l’application des règles relatives au transport maritime, dès lors que tant que le connaissement reste entre les mains de l’affréteur, la situation entre toutes les parties est soumise aux règles de l’affrètement,

— la société Aramis ne peut exercer le privilège du fréteur sur sa marchandise, celui-ci ne pouvant être exercé à l’égard du sous-affréteur que dans la mesure où celui-ci est encore redevable envers le fréteur intermédiaire, en l’espèce elle a intégralement réglé le prix de la marchandise le 4 octobre 2016,

— la preuve de paiement du fret est rapportée : elle a réglé 97,5 % du fret au courtier lequel a reversé le fret à Tranvast, elle a consigné le solde du fret de 9 500 USD sur le compte CARPA de son conseil,

— c’est à tort que la société Aramis se qualifie de transporteur maritime, seules les règles de l’affrètement ont vocation à s’appliquer, l’émission d’un connaissement n’entraîne pas ipso facto l’application des règles relatives au transport maritime, seules les règles de l’affrètement s’appliquent entre le fréteur et l’affréteur au voyage, le connaissement émis par le capitaine est un simple reçu de la marchandise à l’égard de l’affréteur au voyage,

— elle est à la fois le porteur du connaissement et l’affréteur au voyage, le connaissement est resté entre ses mains,

— seules les règles de l’affrètement s’appliquent entre les parties,

— compte tenu du paiement du solde du fret, la saisie des 70 tonnes de bauxite n’a plus lieu d’être, d’autant plus que la marchandise étant redevenue disponible après l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 27 avril 2017, celle-ci a été vendue et n’est donc plus entre les mains du séquestre,

— il ne lui appartient pas de supporter les conséquences financières du défaut de la société Transvat au titre du contrat d’affrètement à temps auquel elle est étrangère,

— compte-tenu de la mainlevée de la saisie, la marchandise est redevenue disponible,

— la saisie conservatoire ayant été levée par le président du tribunal de commerce statuant en référé, la société Aramis ne pouvait pas procéder à une mesure d’exécution forcée,

— la demande de restitution de la société Aramis n’est fondée sur aucun texte qui obligerait le propriétaire d’une marchandise saisie dont la mainlevée a été ordonnée à restituer cette garantie,

— il n’existe plus aucun lien entre elle et la société Tranvast et donc aucune raison de fournir une garantie bancaire au titre d’une marchandise et un fret qui ont été intégralement payés.

Par acte d’huissier du 18 mars 2019, une assignation devant la cour avec notification de déclaration de saisine et de l’avis de fixation a été signifiée à la société Tranvast Shipping Co Limited, laquelle n’a pas constitué avocat. Par acte d’huissier du 15 mai 2019, la société Aramis a fait signifier ses conclusions du 15 avril 2019 à la société Tranvast Shipping Co Limited.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 novembre 2019.

Le 25 novembre 2019, la société Traxys a notifié des conclusions par voie électronique tendant à déclarer irrecevables les conclusions notifiées par la société Aramis le

19 novembre 2019.

Le 13 décembre 2019, la société Aramis a notifié des conclusions par voie électronique tendant au débouté de la société Traxys de sa demande de rejet de ses écritures du

19 novembre 2019, pour absence de fondement.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Sur la demande tendant à l’irrecevabilité des conclusions de la société Aramis :

La société Traxys soutient que :

— la société Aramis a fait notifier de nouvelles écritures le 19 novembre 2020 en fin d’après-midi, ne lui permettant pas d’y répondre avant le prononcé de l’ordonnance de clôture,

— le RPVA/RPVJ a connu des dysfonctionnements ne permettant pas par intermittence d’accéder à la plate-forme E-Barreau,

— la Cour de cassation a indiqué que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions ou des pièces ont été déposées en temps utile, au sens de l’article 15 du code de procédure civile, ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, que ces dernières soient déposées avant ou après le prononcé de l’ordonnance de clôture,

— le juge doit observer et faire observer le respect du contradictoire.

Les conclusions notifiées par Aramis le 19 novembre 2019 sont antérieures à l’ordonnance de clôture. Elles sont donc recevables au sens du code de procédure civile.

Selon l’article 15 du code de procédure civile, 'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense'.

Selon l’article 16 du code de procédure civile, ' Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations'.

En l’espèce, il convient de constater que la société Aramis n’a pas présenté de nouvelles demandes ni de nouveaux moyens dans ses conclusions du 19 novembre 2019, qui n’ont été prises qu’en réplique à celles de la société Traxys. La société Aramis ne présente pas non plus de nouvelles pièces à l’appui des conclusions précitées.

Par conséquent, la société Traxys, qui au demeurant n’a pas, avant le prononcé de l’ordonnance de clôture sollicité son report et ne justifie pas des dysfonctionnements du RPVA qu’elle allègue, ne démontre pas une violation du principe de la contradiction.

Dès lors il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’irrecevabilité des conclusions de la société Aramis du 19 novembre 2019, ni de rejeter celles-ci.

Sur le droit de rétention conventionnel d’Aramis en application de la charte-partie à temps :

Selon son article 17, la charte-partie à temps est soumise à la loi anglaise.

L’article 18 de la charte-partie à temps stipule 'Owners shall have a lien upon all cargoes and all sub-freights, demurrages, hires, sub-hires, for any amounts due under this Charterparty'. La société Aramis, sans être contestée sur ce point, en propose la traduction suivante 'Les armateurs peuvent exercer un droit de rétention sur toutes marchandises et tous sous-frets, surestaries, loyers, sous-loyers, pour toutes sommes dues au titre de la présente charte-partie'.

La validité de cette clause n’est pas contestée, la société Traxys remettant seulement en cause le fait qu’elle lui soit opposable dès lors qu’elle est un tiers à la charte-partie à temps la contenant.

Il ressort de la clause précitée que le 'lien upon all cargoes', en tant que droit réel sur les marchandises invoqué en garantie d’une créance impayée peut être assimilé au droit de rétention français. S’agissant d’un droit de rétention conventionnel prévu entre les parties à la charte-partie à temps, il convient de s’interroger sur sa mise en oeuvre en France, lieu de situation des marchandises.

Le droit français reconnaît l’existence d’un droit de rétention conventionnel, sans que la démonstration de l’existence d’un lien de connexité entre la créance et les marchandises ne soit nécessaire, contrairement à ce que soutient la société Traxys, et ce, par application de l’article 2286 du code civil qui dispose ' Peut se prévaloir d’un droit de rétention sur la chose :

1° Celui à qui la chose a été remise jusqu’au paiement de sa créance ;

[…]'.

En outre, en tant que loi du port de son exercice, le droit français est applicable à la mise en oeuvre du droit de rétention prévu conventionnellement. Or, il est acquis que le droit de rétention est considéré comme un droit réel et que par nature un droit réel est opposable à tous. Par conséquent, le fréteur à temps peut opposer au sous-affréteur au voyage la clause 18 de la charte-partie à temps.

Ainsi, l’ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions. Dès lors que le droit de rétention conventionnel est opposable en l’espèce, il n’y a pas lieu d’examiner les autres chefs de garantie.

Par ailleurs, c’est en application des décisions du 20 décembre 2016 du tribunal de commerce de Dunkerque et du 27 avril 2017 de la cour d’appel de Douai ayant pour la première cantonné les deux saisies pratiquées à l’encontre de la société Traxys et pour la seconde ordonné la mainlevée des deux saisies, qu’il a été mis fin aux saisies préalablement ordonnées, sans que la société Aramis ait choisi de mettre fin aux saisies des marchandises. Par conséquent, son droit de rétention est préservé et il sera fait droit à sa demande de restitution dans les termes indiqués au dispositif du présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par conséquent, il y a lieu d’infirmer la décision déférée du chef des dépens et des frais irrépétibles.

La société Traxys sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

La société Traxys sera condamnée à payer à la société Aramis la somme de 10 000 euros aux titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de la société Traxys tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la société Aramis du 19 novembre 2019 et dit n’y avoir lieu à rejeter celles-ci ;

Infirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Traxys France SAS à restituer les 2930 tonnes de bauxite, saisies, et les consigner, ou consigner une marchandise équivalente, en nature, qualité et quantité, entre les mains de la société Kerneos SA, en tant que séquestre, pour son compte aux fins de son exercice du droit de rétention sur l’intégralité de la marchandise, en garantie du paiement de la somme de 153 128,79 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fret impayé et de la somme de 218 450 USD, à parfaire des intérêts capitalisables tous les 3 mois au taux de 5% à compter du 14 janvier 2017, au titre de fournitures de

soutes ; à défaut, lui fournir une garantie équivalente ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Condamne la société Traxys aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne la société Traxys à payer à la société Aramis une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.

Condamne la société Traxys aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffierLa présidente

Stéphanie HurtrelVéronique Renard

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Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 25 juin 2020, n° 19/00970